Publié dans la prestige collection Poésie de Gallimard, dans la traduction de
Jean Pavans, au-delà du Corsaire qui donne son titre au volume, c'est un recueil qui comprend quatre texte : Oraison vénitienne, le Giaour, Mazeppa,
le Corsaire. Au sens strict, seul le Giaour et
le Corsaire peuvent être qualifiés « d'orientaux ». Et d'autres textes de Byron pourraient entrer dans cette catégorie, par exemple
Lara. C'est donc un choix, effectué par le traducteur. le Giaour et
le Corsaire, écrits tous les deux avant le départ définitif du poète de la Grande-Bretagne (1816). Les deux autres textes, un peu plus tardifs, sont composés pendant l'exil.
L'oraison vénitienne dépeint la ville sous l'angle de la mort et disparition prochaine. A la fois une mort matérielle, la guerre sourde et lente livrée par la mer, le délabrement des bâtiments, mais surtout une mort symbolique, d'une ville souveraine réduite à l'impuissance politique, à la servitude, dont les habitants n'ont plus la force de se battre pour leurs libertés et leur gloire.
Le Giaour nous amène vraiment en Orient. Ce qui est vraiment intéressant et très moderne, c'est la manière dont Byron mène son récit. Par bribes, avec des sauts temporels, sans raconter de manière linéaire, plutôt entrevoir une intrigue. Une femme jetée à la mer, un homme qui mène un autre à la mort pour se venger, un pénitent qui refuse la pénitence, le récit se laisse deviner, inventer par le lecteur. Nous sommes dans une image fantasmée de l'Orient, avec ses femmes enfermées dans les sérails, avec ses fiers pachas jaloux, et une sorte de choc de civilisations, qui s'affrontent sur les valeurs et représentations du monde.
Mazeppa est un récit dans le récit. Un vieil hetman conte au roi de Suède Charles XII, défait à la bataille de Poltava une histoire qui lui est arrivé lorsqu'il était jeune page à la cour du roi de Pologne Jan Kazimierz. le mari de sa maîtresse se vengea, en le faisant attaché nu sur un cheval non dompté. le jeune homme échappera miraculeusement à la mort, après avoir parcouru la steppe, puis perdu connaissance sur son cheval mort. La folle chevauchée qui occupe la plus grande partie du poème est un morceau de bravoure incroyable. le cavalier prisonnier est poursuivi par des loups, accompagné par un troupeau de chevaux sauvages ; s'ensauvage d'une certaine manière, devient animal parmi les animaux, uniquement sensible à ce que ressent son corps, entre liberté et privation de liberté.
Enfin,
le Corsaire, qui donne son titre au recueil, et qui est le texte le plus long, chante une sorte d'épopée, où, pour une fois, les femmes tiennent des rôles plus importants.
le Corsaire du titre, Conrad, dont on ne saura rien de précis, sauf qu'il pratique la piraterie, qu'il est incroyablement courageux, que tout lui réussit, qu'il domine sa troupe, qu'il commet des actes d'une folle audace. Et qu'il aime une femme, Medora, qui elle aussi est très amoureuse. Apprenant que le pacha Seyr veut attaquer son repaire, il décide de le devancer et envahir son fief. Les choses tournent mal, et il est capturé et condamné à mort. Mais la favorite du pacha, Gulnare, qu'il a sauvé, est tombée amoureuse de lui et elle est prête à tout pour qu'il échappe à son destin fatal. Mais s'il échappe au pacha, il n'échappera pas à un destin terrible.
La très belle traduction de
Jean Pavans permet aux textes de Byron de briller de tous ses feux. C'est vraiment somptueux, romantique, avec toutes les exagérations et excès de ce type de littérature, les héros maudits, marqués par le destin. Mais Byron semble y mettre malgré tout une forme d'ironie de second degré. Il crée des images somptueuse, hallucinées, avec une forme de retenue aussi, des non-dits, des suggestions. Les récits, sauf
le Corsaire, ne sont pas linéaires, il faut reconstruire, imaginer.
A découvrir.