"Je me dépars ainsi de ce pays peuplé de couleurs immobiles".
Nicole Caligaris cite, d'entrée de jeu, cette phrase de l'
Equipée de
V. Segalen pour narrer le douloureux voyage de migrants en quête d'Eldorado avec "pépètes et vie de château", des "affaires qui tournent", des "fiancés avec de l'esprit et des mains douces". Ils fuient "les lois sombres", l'être "rien", "leur vie en série",leur manque de "grandeur". Mais pour aller vers où? du plus sombre? Vers la mort? Ou la victoire dont le titre
Les Samothraces indique un combat quotidien à mener contre des géants?
Dans le car surpeuplé des "avec tampon" ou des sans papiers, puis dans le train de la dernière chance, puis la soute du bateau aux marins corrompus et à quai où "les vrais emmerdements commencent", Nicole Caligari s'engage en faveur de tous ces migrants de l'impossible et dénonce leurs cruelles conditions de voyage. Trois femmes en particulier, émergent quelque peu des corps et angoisses entremêlés: Madame Pépite (la plus âgée), Sambre (la jeune femme de chambre), Sissi la tsarine (l'"étincelle").
En espérant du mieux, elles abandonnent toutes "un petit quelqu'un" et ce chagrin là s'ajoute à leurs épreuves.
Ecrit dans une douloureuse prose poétique, d'où surnagent de manière incantatoire les mots "nous partirons" comme un chant funèbre de boat-people sur un Radeau de la Méduse pour surmonter les multiples épreuves, ce roman fort s'élève contre l'absurdité de la vie et des lois et clame les droits de l'homme.
Comment ne pas être bouleversé par le surcroit d'émotions qui accompagne ce convoi maudit?
Les Samothraces évoque les fils partis de
Celles qui attendent de
Fatou Diome et le désespoir des boat people parqués dans le bateau du Ru de
Kim Thuy en fuite vers le Canada et la liberté.
Nicole Caligari, auteur de livres aux thèmes douloureux, a également écrit (entre autres):
La scie patriotique.