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Isabelle Delord-Philippe (Traducteur)
EAN : 9782267015447
204 pages
Christian Bourgois Editeur (01/04/2000)
3.25/5   10 notes
Résumé :
Les textes qui constituent Vénus noire renvoient le lecteur au versant critique de l'oeuvre d'Angela Carter (1940-1992), celui de La Femme sadienne. Ce recueil de nouvelles forme une sorte de prisme kaléidoscopique qui met en lumière différentes facettes du thème de la femme nouvelle.

Qu'elle s'inspire de Shakespeare, d'Edgar Allan Poe, de Baudelaire, des contes populaires ou des chroniques américaines, Angela Carter garde la même façon oblique et ini... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Avis aux amateurs, aux curieux, qui oseraient jeter un oeil dans la chambre (mortuaire) d'un auteur (im)mortel.
Dellamorte Dellamore

La biographie fantasmée de la muse baudelairienne, Jeanne Duval, nous invite dans l'alcôve d'une chambre noire. Les négatifs déroulent la noirceur d'une relation malsaine, toxique, celle des Fleurs du Mal, tellement intense, qu'elle en est devenue (im)mortelle. le poète, cet artiste amateur de la Beauté, ce “connoisseur”, entretient sa muse, et considère cette femme comme son idole. Elle, elle se demande s'il ne fait pas d'elle un être ambivalent mi- profane mi- sacré : une prostituée, mais elle se laisse faire et réclame l'argent qui lui est dû ; elle se fait complice au coeur de la nuit, passive, léthargique, comme un chat au coin du feu, et les deux amants s'adonnent à la boisson et autres substances illicites qui invitent au voyage ces deux âmes en incandescence, comme en transe. Ils sont transportés dans ces paradis artificiels, ces terres exotiques, d'où vient Jeanne Duval. Nul ne sait d'où elle vient exactement, comme si sa vie ne commençait qu'à partir du moment où l'albatros la prend sous son aile. Cette femme, sublimée par la poésie de Baudelaire, immortalisée par lui, gagne encore en puissance sous la plume d'Angela Carter. Jeanne Duval, mystifiée par Baudelaire, est tout à tour dans la nouvelle : le fruit défendu, la Reine des Amazones, une princesse des Mille et une Nuits, une Courtisane des Borgias, La Reine de Saba, une Grande prêtresse vaudou, une Sorcière, la Déesse de Cythère, une Chatte , une Fille perdue, l'Incarnation de la Nudité Nue, un mythe moderne, un Sex-Symbol, mais le voile de la nuit la recouvre de sa dignité retrouvée. Carter reprend dans sa prose les poèmes de Baudelaire, “the veritable, the authentic, the true Baudelairien syphilis”. On redécouvre dans “Vénus Noire” : Sed non Satiata, Les Bijoux, La Chevelure, le Serpent qui danse, Parfum exotique, le Chat, etc. le cycle de la Vénus Noire.

Encore une biographie d'auteur fictive dans “The Cabinet of Edgar Allan Poe” où le spectateur assiste aux morts prématurées, sans cesse renouvelées, d'une actrice de tragédie, la mère d'Edgar Allan Poe. L'illusion théâtrale n'est que désillusion dans les coulisses du théâtre et le manoir gothique de Poe n'est qu'un décor en papier mâché. Alors que sa mère interprète Ophélie ou Juliette sur scène, Poe se trouve dans les coulisses de Berenice, de Ligeia, les revenantes de ses nouvelles macabres. La Vénus Noire, ici, c'est cette “star” de théâtre, l'étoile noire de la tragédie, de la vie d'E.A.P.
Et dans “Overture and Incidental Music for Midsummer Night's Dream”, A.C. prend quelques libertés avec Shakespeare, transporte le lieu de l'action en Angleterre, le pays de l'auteur. Exit le personnel Athénien, Carter ne s'intéresse qu'au personnel féérique, qui apparait comme au théâtre, selon quelques “ tricks of the light”. Elle s'intéresse pour recréer la magie shakespearienne au “green world”, convoquant pour agrémenter sa nouvelle, l'herbier du songe d'une nuit d'été. Mais qui est la Vénus Noire de cette nouvelle ? L'enfant adopté par Tit-tit-titania, qui se prénomme Golden Herm, parce qu'il est hermaphrodite, et recouvert d'or, comme une idole, il n'est plus seulement le “boy” de Shakespeare, il est bien plus que ça, il est Herm-Vénus et il raconte son “midnigt's nightmare”, de manière coquine comme seule un petit être ambigu, doublement sexué, peut le faire, de manière licencieuse, irrévérencieuse.

Angela Carter, l'auteur féministe de la femme Sadienne, n'est-elle pas l'irrévérencieuse, la licencieuse, par excellence ? Je ne dirai rien des autres nouvelles du recueil, parce que je n'ai rien à dire ( mon cerveau ayant été bien assez sollicité par la traduction, la langue de Carter étant soutenue et pleine de sous-entendus) mais je ne peux m'empêcher de laisser le passage le plus osé du recueil pour terminer ma critique :
Extrait du "Cabinet of Edgar Allan Poe" :
"It was the evening of the eighteenth century.
At this hour, this very hour, far away in Paris, France, in the appalling dungeons of the Bastille, old Sade is jerking off. Grunt, groan, grunt, on the to the prison floor ... aaagh ! He seeds dragons' teeth. Out of each ejaculation spring up a swarm of fully-armed, mad-eyed homunculi. Everything is about to succumb to delirium."
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Comme un plat amoureusement préparé par l'héroïne d'une des nouvelles, ce recueil se savoure avec délice. Angela Carter jongle sans effort apparent entre la biographie fantaisiste, la réécriture de contes et autres joyeusetés affranchies des genres. Seule constante : un humour décalé, qui baigne de façon lumineuse le portrait en clair-obscur de ses héroïnes, ses "Vénus noires" à la destinée parfois tragique. La nouvelle éponyme nous entraîne d'abord sous la lune de Paris au XIXème siècle à une heure du matin, dans l'appartement où une Jeanne Duval alanguie se prêtait aux fantasmes de Charles Baudelaire. C'est avec une ironie non dénuée de tendresse que Carter décrit ce qui sépare et unit malgré tout ces deux personnages : le regard illuminé de Baudelaire, plein de chimères et d'illusions qui amusent une Duval plus désabusée, oiseau exotique perdu dans la ville moderne.

L'albatros Carter gagne ensuite des forêts qui n'appartiennent qu'au rêve et au cauchemar, tantôt bercées par le songe d'un hermaphrodite lors d'une nuit d'été, ou par les hurlements des loups recueillant une jeune fille. Et là encore, ces récits mettent à jour une singulière tension entre l'identité des héroïnes et le regard masculin porté sur elles. Un regard qui devient celui d'un enfant sur sa mère, lors d'un retour à la biographie romancée. Celle d'un très jeune Edgar Allan Poe, pouponné dans les coulisses de théâtres, où les décors hétéroclites construisent le monde de l'enfant.

Dotée d'une imagination comparable à celle d'Edgar, Angela s'envole là où il lui plaît, jusque chez les indiens d'Amérique et dans les palais d'orient. Et elle parachève son oeuvre d'une ultime prouesse littéraire : la simple description d'une maisonnée endormie lui suffit pour exposer la machinerie infernale poussant une jeune femme sans histoire vers un crime atroce. Sa plume aérienne pare ses héroïnes les plus sordides des plus beaux atours métaphoriques, non pas pour les idéaliser mais pour reconnaître en elles des semblables, des possibilités qui ne se sont pas réalisées. Une magnifique célébration de la femme, sans complaisance, dont la poésie caustique s'avère enivrante.
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Un monument de la littérature ! Une femme incroyable ! Une plume magistrale !Cela vous suffit-il pour plonger dans ses livres ?
Ça devrait, mais cela ne suffira pas à remplir ma critique. Je vais donc vous présenter la Grande Angela Carter !
Margaret Atwood la décrivait ainsi : « Elle était tout sauf sectaire. Rien, pour elle, n'avait de couleur tranchée : elle voulait savoir tout sur tout le monde, chaque endroit et chaque mot. Elle savourait la vie et le langage passionnément, et se délectait de la diversité. »
Six portraits de femmes hors du commun inspirés par la réalité ou la mythologie. Angela Carter leur donne vie, dans un érotisme sombre et nous conte leur dangereuse ambiguïté. L'autrice se réapproprie les oeuvres d'écrivains masculins célèbres et nous propose un kaléidoscope mettant en lumière toutes les facettes qui forment « la femme nouvelle »
Ces héroïnes sorties de l'ombre sont toutes déchues et magnifiques. Ce sont toutes des Vénus noires.
Jeanne Duval, muse de Charles Baudelaire qu'il a mystifié dans les fleurs du mal, est ici portée aux nues. Angela Carter la libère de son sacré et lui donne corps, identité et parole ! de prostituée, entretenue par le poète, elle devient Reine, Prêtresse, Sex-Symbole puissant et menaçant !
Edgar Alan Poe n'aurait pu voir le jour sans une mère. Cette mère, Angela Carter la rend tragique, et tragédienne. Les morts incalculables de cette femme sont théâtrales et lunaires !
Vous retenez votre souffle ou soupirez de bonheur littéraire à chaque envolée d'Angela. Sa plume est terrible, caustique, engagée et d'une poésie profonde. Les Venus Noires d'Angela Carter sont sordides, puissantes, éternelles !
Je suis tombée éperdument amoureuse de ce recueil et de son autrice !
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La Femme illustrée à sa façon par Angela Carter sous le nom de " Vénus noire" ne ressemble pas aux héroïnes habituelles de romans. Elle est tour à tour prostituée ou femme fidèle, criminelle ou cuisinière, mère d'écrivain ou fille de loups... Ces récits hétéroclites, desquels émane une sensualité équivoque, ont un parfum étrange, qui ne manque pas d'interpeller le lecteur.
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Je crois que je suis passé à coté de ce livre!
J'apprécie habituellement les regroupements de nouvelles. Mais là j'ai été décontenancé par l'alternance de thèmes diablement différents.
Le coup de grâce a été Pierre et le loup, et la reprise du thème de l'enfant loup: quel apport de cette nouvelle version?
Influence de cette incompréhension?: le style, la narration, ne m'ont guère réconcilié avec le livre.
Peut être à relire avec de meilleures dispositions? (mais peu probable!)
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
They are not great nest builders. A slight depression in the ground will do. Or, they might hollow out a little mound of mud. They will make only the most squalid concessions to the earth. He envisaged their bed, the albatross’s nest, as just such a fleeting kind of residence in which Destiny, the greatest madame of all, had closeted these two strange birds together. In this transitory exile, anything is possible.

‘Jeanne, get it up for me.’

Nothing is simple for this fellow! He makes a performance worthy of the Comedie Franqaise out of a fuck, bringing him off is a five-act drama with farcical interludes and other passages that could make you cry and, afterwards, cry he does, he is ashamed, he talks about his mother, but Jeanne can’t remember her mother and her granny swapped her with a ship’s mate for a couple of bottles, a bargain with which her granny said she was well satisfied because Jeanne was already getting into trouble and growing out of her clothes and ate so much.

While they had been untangling together the history of transgression, the fire went out; also, the small, white, shining, winter moon in the top left-hand corner of the top left-hand pane of the few sheets of clear glass in the window had, accompanied by its satellite star, completed the final section of its slow arc over the black sky. While Jeanne stoically laboured over her lover’s pleasure, as if he were her vineyard, she laying up treasure in heaven from her thankless toil, moon and star arrived together at the lower right-hand windowpane.

If you could see her, if it were not so dark, she would look like the victim of a robbery; her bereft eyes are like abysses but she will hold him to her bosom and comfort him for betraying to her in his self-disgust those trace elements of common humanity he has left inside her body, for which he blames her bitterly, for which he will glorify her, awarding her the eternity promised by the poet.

The moon and star vanish.
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Ses lèvres s’entrebaillaient quand elle hurlait, si bien que, sans y penser et sans le vouloir, elle offrait à ses regards un jeu de boites chinoises de chair convolutée, qui semblaient donner, l'une après l'autre, sur son tréfonds, attirant Pierre en un lieu intérieur, secret, où la destination reculait perpétuellement devant lui. Sa première intuition de l'infini, dévastatrice, vertigineuse.
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And, besides, isn't an undemanding, economic, decorative corpse the perfect wife for a gentleman in reduced circumstances, upon whom the four walls of paranoia are always about to converge?
("The Cabinet of Edgar Allan Poe", Black Venus)
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Elle était comme un piano dans un pays dont tous les habitants auraient eu les mains coupées.
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Le langage tomba en poussière sous le poids de son mutisme.
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