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EAN : 9782072962141
704 pages
Gallimard (11/05/2023)
4.18/5   141 notes
Résumé :
1922.
Une année folle à Célestopol !
Une année à la découverte des mirages et des merveilles de la cité sélène, joyau de l'âme slave arraché à la Terre, entre les mains d'un duc au destin défiant le cours du temps.
Une année où croiser dans ses rues Marie Curie, l'archiduc François-Ferdinand ou Howard Carter, mais aussi humbles ouvriers, voleur volubile ou automates au cœur de cuivre. Entre ruines lunaires à explorer, un championnat du monde ... >Voir plus
Que lire après Célestopol – 1922Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (96) Voir plus Ajouter une critique
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Et nous voilà de retour à Celestopol ! Chez un nouvel éditeur, mais avec le même talent et la même force d'évocation, Emmanuel Chastellière nous invite à nouveau dans sa ville à l'histoire riche et aux habitants humains, si humains. À travers 13 nouvelles, nous allons explorer une fois encore les ruelles et les tréfonds de ce miracle lunaire, nous imprégner de son ambiance si particulière.
Vous avez lu Celestopol, recueil de nouvelles paru en 2017 ? Tant mieux pour vous ! Vous connaissez déjà cette cité, son caractère bien affirmé, ses personnages aux caractères bien trempés, ses relents fantastiques. Vous ne l'avez pas lu et donc, vous découvrez la ville lunaire ? Tant mieux pour vous ! Vous allez faire connaissance d'une ville monde, où l'amour le dispute à la haine, l'ambition au fatalisme. Vous allez découvrir des habitants tantôt forts et braves, tantôt au bout du rouleau et prêts à laisser filer leur existence. Vous l'aurez compris, 1922 Celestopol est à mettre entre toutes les mains. Pourquoi ?

Parce que les personnages sont profonds et éminemment attachants
Cela a été une grande joie de retrouver un duo pour le moins étonnant, croisé plusieurs fois dans le premier recueil, mais davantage mis en valeur dans ce deuxième opus : l'aventurière islandaise Arnrún et son compagnon à l'esprit greffé dans le corps de l'ours qui l'a tué, Wojtek. Je ne sais pas où Emmanuel Chastellière a trouvé l'idée d'un tel binôme, mais elle est savoureuse et fonctionne parfaitement. La femme tourmentée par son passé, impulsive, sportive et l'homme-ours plus réfléchi, pataud et peu discret, du fait de sa corpulence et de sa grosse voix. Ils sont placés dans des situations souvent étranges, à la limite du fantastique (on croise parfois des fantômes dans Celestopol). Et c'est leur complémentarité et l'étendue de leurs talents qui leur permettent d'en triompher. Ou, tout du moins, de s'en sortir vivants. Mais pas nécessairement épargnés. Car, comme tous les personnages croisés sur la Lune (et aussi sur la Terre, car l'auteur se permet, en cette année 1922, quelques incursions sur la planète bleue), Arnrún et Wojtek souffrent et donnent de leur personne, volontairement ou non, pour cette ville exigeante et magnifique.
Je ne vais pas faire le portrait de tous ceux qui habitent la ville et les pages de cet ouvrage, mais comment ne pas évoquer à nouveau le duc Nikolaï, maitre de la ville, despote pour certains, bienfaiteur pour d'autres. Mais isolé et fantasque pour tous. Car qui peut se vanter de comprendre totalement les pensées et les motivations profondes de cet homme aux pouvoirs exceptionnels. Ne dit-on pas que Celestopol, c'est lui ? Et qu'avec sa mort, Celestopol disparaîtrait (la réponse est dans le premier recueil). Il se retrouve à nouveau, dans ce livre, au centre de nombreuses intrigues, manipulations. Il se découvre davantage à nous aussi. Car, si Emmanuel Chastellière confirme certains traits abordés dans Celestopol, il les pousse plus loin et nous fait plonger plus loin dans les rouages de la ville et dans ses liens avec le duc.
Une petite pensée pour tous les anonymes qui sortent de l'ombre durant quelques pages, afin de nous émouvoir grâce à l'évocation d'une partie de leur vie, souvent tourmentée et bouleversée. Ils m'ont touché, pour la plupart, car ils semblent réels, avec leurs doutes, leurs chagrins ou leurs passions. Qu'ils soient humains ou mécaniques, car, les automates ont droit de cité à Celestopol. Dont le plus célèbre, valet et, oserai-je, confident, voire ami du duc, Ajax et son flegme.

Parce que les histoires sont belles, touchantes et efficaces
Et pour servir ces personnages, Emmanuel Chastellière a concocté des nouvelles souvent parfaitement ciselées. Il est impressionnant de voir comment certains auteurs parviennent à créer un univers qui prend rapidement forme et, au fil des pages, s'épaissit, s'enrichit, se densifie. Et tout cela, sans longues descriptions, mais au fil de l'histoire. Les textes sont, pour la plupart, assez courts (une vingtaine de pages, à quelques rares exceptions près) et permettent de découvrir des gens, crédibles et pleins de vie (enfin, pas tous jusqu'au bout), à un moment particulier de leur vie. Et surtout, ces lignes sur du papier donnent envie de suivre ces personnages, de les comprendre, de voir ce qui leur arrive. Et cela, avec inquiétude, voire angoisse parfois, tant l'auteur parvient à nous les rendre proches. En quelques pages, voire quelques lignes, il nous place à leurs côtés et l'on prend fait et cause pour eux, malgré leurs difficultés.
Car Emmanuel Chastellière n'est pas tendre avec eux. Souvent, il nous les présente au pire moment de leur existence. Il faut dire que Celestopol se mérite et ne ménage pas ceux qui l'habitent. Résultat, des textes, surtout au début, aux tonalités sombres, voire désespérées. Mais pas désespérantes, puisque l'on continue à tourner les pages, intrigué et impatient de savoir la suite. Les nouvelles sont pour beaucoup placées sous le poids de ce fatalisme que j'associe peut-être à tort avec l'« âme russe ». Cette force du destin qui vous ramène sans cesse à votre place, malgré vos efforts. Les gens s'agitent, vivent, espèrent, souffrent, mais la fin semble écrite. Et que ce soit dans la veine réaliste ou la veine fantastique (car, je le rappelle, l'auteur se permet des incursions dans plusieurs genres littéraires, sans que cela gêne la cohérence de l'ensemble), l'ambiance générale est pesante : j'ai eu du mal à imaginer un happy end. D'où, parfois, ma surprise. Mais je n'en dis pas plus pour ne pas déflorer quoi que ce soit.

Parce que c'est une uchronie solide
Comme je l'avais dit dans ma chronique de Celestopol, Emmanuel Chastellière ancre ses récits dans l'Histoire avec efficacité tant il la maitrise. Il peut ainsi la suivre, puis s'en éloigner et enfin la tordre. L'Empire russe se divise entre dirigeants ambitieux et forts. le duc Nikolaï, sans faire ouvertement sécession, s'écarte de plus en plus ostensiblement du pouvoir moscovite, avivant les tensions. Celestopol est comme ces capitales du début du siècle qui tentaient d'être les plus novatrices, les plus esthétiques, les plus attirantes à force d'évènements sportifs ou culturels, de célébrités invités pour une journée ou à résidence (et en 1922, on en croise, dont la remarquable Marie Curie ou le méconnu Howard Carter), de bâtiments audacieux. L'auteur fait naître pour nous une cité qui aurait tout à fait sa place dans les livres d'histoire à l'école tant elle s'appuie sur la réalité.

Découvrir l'existence de 1922 Celestopol a été, cela paraît évident à la lecture de cette chronique, une grande joie pour moi. Joie décuplée à sa lecture, car Emmanuel Chastellière a encore davantage réussi à affiner son alchimie que dans le premier recueil : est-ce l'expérience, le fait de se contraindre à ne raconter des histoires que sur une année et donc à resserrer les récits ? le fait est que le résultat est bluffant. Et beau. Car l'éditeur, HSN (L'Homme Sans Nom), a peaufiné l'objet, superbe, avec carte couleur en troisième de couverture (avec rabat) et mise en page et maquette aérées et très esthétiques. Sans parler de la couverture, qui correspond tout à fait au sentiment qui ressort de cette lecture. Enfin, cerise sur le gâteau, on trouve dans ce livre un sommaire, ce qui, à mon avis, manque souvent dans les livres comportant plusieurs parties (et surtout quand ce sont des nouvelles).

1922 Celestopol est donc, pour moi, une superbe réussite et un moment de lecture précieux. Cela appelle l'espoir de voyager à nouveau, qui sait, dans les rues de Celestopol. Je pense ne pas être le seul dans ce cas. Qu'en pensez-vous, monsieur Chastellière ?
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Désormais solidement installé dans le milieu de l'imaginaire français, à la fois traducteur, auteur et co-fondateur du site Elbakin.net, Emmanuel Chastellière retourne à l'univers de Célestopol en authentique « amoureux de cette cité » comme il le dit lui-même en fin d'ouvrage.
Pour cette seconde escapade lunaire, on ne change pas une recette qui marche puisque c'est de nouveau un fix-up de nouvelles (au nombre de treize) entre ambiance steampunk et science-fiction à la Jules Vernes que nous offre ce Célestopol 1922 qui, comme vous vous en doutez, s'intéresse aux évènements de l'année 1922 dans la cité légendaire du duc Nikolaï.
Pas de panique cependant pour ceux qui ont loupé le premier opus, le présent recueil peut tout à fait se lire de façon indépendante…et Célestopol premier du nom est toujours disponible chez Libretto !
Voyons maintenant si cette « suite » est à la hauteur de son illustre prédécesseur dans le sublime écrin préparé par les éditions de L'Homme sans Nom !

Densifier l'univers
Retour à Célestopol donc avec, pour une bonne entrée en matière, le come-back du duo de mercenaires préférés de l'auteur : Wojtek, un homme dont l'esprit a été transféré dans le corps de l'ours qui l'a tué (et qui a survécu à la seconde guerre de Crimée), et Arnrún, une islandaise rebelle nostalgique de son île glacée. Pourtant avec Toungouska, nous voilà sur la terre ferme et non sur la lune ! Ce sacrilège apparent n'est en fait là que pour élargir le scope de l'univers et ratisser toujours plus large dans l'uchronie qui sous-tend l'univers construit par Chastellière. C'est ici la science et ses dangers qui sont mis en relief, ainsi que certains incidents mystérieux de l'Histoire (l'évènement de Toungouska en 1908 en l'occurence). Une occasion supplémentaire pour l'auteur d'asseoir la crédibilité de son monde tout en imaginant les chemins emprunté par ses propres personnages. En l'état, Toungouska donne le ton de l'ouvrage : une reprise de tous les ingrédients narratifs du précédent opus que l'on va densifier en termes de background et d'évènements plus ou moins obscurs.
En revenant de façon régulière sur la chronologie singulière de son univers et sur les nombreux pas de côté de l'histoire imaginée, Emmanuel Chastellière brode un canevas particulièrement savoureux pour les amateurs d'uchronie.
Une uchronie où l'homme a construit une cité lunaire gigantesque du nom de Célestopol, riche d'un élément rare — le sélénium — et qui semble fusionner Saint-Pétersbourg, Venise et Paris d'un même tenant. L'ambiance, particulièrement délicieuse, avec son goût pour une certaine science-fiction surannée et son côté pulps assumé, offre au lecteur de réjouissantes aventures qui vont souvent plus loin que le simple divertissement.
Car entre deux considérations sur la Nouvelle-France et sur l'hégémonie allemande en Afrique, Emmanuel Chastellière quitte sa géopolitique imaginaire pour des problèmes sociaux et humains bels et bien réels.

L'homme sur la Lune
Dès la seconde nouvelle, Rossignol, le français nous convie à la lutte des ouvriers lunaires pour leur droit, imaginant une sorte de Germinal qui n'a jamais été, constatant la vilénie d'un système voué à exploiter et tromper son prochain pour amasser le plus gros paquet de fric (et de gloire si possible).
Des thèmes très actuels qui se retrouvent dans plusieurs histoires, de l'exploitation sexuelle des automates (que l'on dit bien évidemment non-humains) dans Paint Pastel Princess en passant par l'homophobie autour d'un patineur gay dans la sublime Sur la Glace (définitivement la plus belle nouvelle du recueil) ou la lutte féministe dans le Revers de la médaille.
Retrouvant également ses fidèles automates et leur condition ambiguë, quelque part entre la machine corvéable à merci et l'être artificiel conscient de son destin et de ses limitations, Célestopol se concentre davantage encore sur l'intime de ses personnages.
Des personnages combattifs et émouvants, en prise avec un réel qui les dépassent et les malmènent bien souvent. Multipliant les décors, Emmanuel Chastellière prend un plaisir évident à trimballer son lecteur de lieux en lieux, de l'opéra à l'orphelinat, d'un théâtre ambulant au trône ducal, des champs de courses à des compétitions d'échecs, le décor change et change encore, renouvelant sans cesse l'aventure pour le lecteur.
Bien sûr, des leitmotivs apparaissent, le duo Wojtek/Arnrún devient récurrent, l'ombre de Nikolaï plane sur la cité et les Cheyennes (miroir des Apaches Parisiens) rodent dans l'ombre. Mais la vraie force de Célestopol 1922 est ailleurs.

Science et magie
C'est dans le savant mélange entre la science et les merveilles technologiques de la cité du Duc d'un côté, et les éléments surnaturels du récit que l'alchimie se fait la plus fascinante. On pense forcément à La fille de l'hiver ou à Une Nuit à l'opéra Romanova où la frontière entre science et magie semble bien mince. Emmanuel Chastellière s'amuse à confondre le lecteur, à le mener de fausse piste en fausse piste tout en offrant parfois un arrière-goût à la Bioshock Infinite qui ravira les amateurs du genre.
Plus encore que sa tendance à mélanger les genres, c'est aussi sa façon de mixer les réalités qui donne son cachet unique à cette cité lunaire où l'on croise Marie Curie, Anastasia, François-Ferdinand ou encore Howard Carter. C'est dans l'entrelacement des éléments historiques et imaginaires que les frontières se brouillent le mieux et que Célestopol 1922 arrive, à nouveau, à nous surprendre. Ne négligeant jamais la cohérence et la chronologie de son univers (dommage d'ailleurs de ne pas dresser une sorte de frise chronologique pour s'y retrouver), le français lui confère une épaisseur et une originalité indéniable.
Une originalité encore renforcée par la volonté de donner une tonalité slave à cette cité, que ce soit dans le vocabulaire employé ou par les mythes recyclés (comme dans Un Visage dans la cendre et son…Vourdalak !). L'ensemble forme un véritable dépaysement pour le lecteur, largement à la hauteur des récits du premier opus et qui vient renforcer de façon efficace et puissante l'univers construit et chéri par Emmanuel Chastellière.

Célestopol 1922 étend encore et encore l'univers lunaire et uchronique imaginé par Emmanuel Chastellière. Peinture impressionniste où chaque touche narrative apporte une nouvelle profondeur à l'ensemble, ce fix-up réjouira non seulement les familiers du duc Nikolaï mais également (et surtout) tous ceux qui n'ont pas encore emprunté un obus-traversier pour déambuler entre les canaux de la cité du sélenium.
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Quatre ans après son premier recueil inaugurant la ville de Célestopol, Emmanuel Chastellière nous propose de retrouver la cité sélène une seconde fois. Nous sommes désormais en 1922, période qu'on désigne familièrement sous le nom « d'années folles » et qui vont servir de contexte à l'auteur pour treize nouvelles mêlant habilement fantasy, fantastique et science-fiction. J'avais beaucoup aimé ma découverte du premier ouvrage et dépit de quelques maladresses, mais la lecture de ce second recueil s'est révélée bien plus enthousiasmante encore. Tous les textes au sommaire sont convaincants et nous permettent de découvrir une facette méconnue de cette cité décidément fascinante. Fondée au milieu du XIXe siècle par le duc russe Nikolaï, Célestopol possède bien des particularités, la première étant bien sûr sa localisation puisqu'il s'agit de la première ville construite sur la Lune. Et quelle ville ! le palais ducal, Saint-Basil, l'opéra Romanova, sans oublier le métro abandonné, les usines, les bordels et casino… : Emmanuel Chastellière nous entraîne dans une véritable promenade qui permettra aux lecteurs de se familiariser avec les monuments ou quartiers les plus renommés ou mal famés de la capitale lunaire. Bâtie comme un véritable musée à ciel ouvert, la cité rassemble tous les esprits les plus brillants du début du XXe, de Robert Garnier à Marie Curie en passant par Howard Carter et bien d'autres, physiciens, naturalistes, peintres… La science y occupe une place centrale, que ce soit via la présence de ces chercheurs de renom invités par le duc, ou par celle des automates, main d'oeuvre invisible et silencieuse qui évoluent dans tous les milieux de la société. La ville possède également quelques technologies particulières liées à l'exploitation de gisement de selenium, substance proche de la consistance de la brume possédant des propriétés intéressantes et qui cerne la ville dont les différentes parties sont reliées par des canaux.

Paradoxalement, magie et mystère font aussi partis du quotidien de Célestopol, l'auteur n'hésitant pas à avoir recours à des créatures issus du folklore fantastique ou aux illusions. Fortement imprégnée de culture slave, la cité n'oublie pas ses origines, si bien que l'imaginaire de ses habitants y est fortement teinté de folklore russe (contes, bestiaire, références à des figures récurrentes comme celle de Baba Yaga…). Et la Terre, alors ? Les nouvelles s'inscrivent dans un contexte géopolitique qui ressemble globalement à celui de nos années 1920 (on comprend qu'il y a eu une Grande Guerre, par exemple, et les forces en présence semble être plus ou moins les mêmes) mais l'auteur s'amuse à distiller ici et là de petits indices laissant entendre que la construction de Célestopol n'est pas la seule entorse à notre histoire. Sont ainsi mentionnés, très rapidement, l'exécution de Lénine, qui mis un coup d'arrêt à toute velléité de révolution ; la construction de l'Opéra Garnier sur la Lune plutôt qu'à Paris ; l'essor de l'empire russe (avec à sa tête une tsarine) et le déclin complet du Royaume-Uni ; l'existence d'une Nouvelle-France et d'un Napoléon IV, ou bien celle d'une République de Californie. Rien n'est jamais vraiment explicité, ce n'est pas le propos, mais ces petites touches d'uchronie ne font que renforcer la curiosité du lecteur pour cet univers qui paraît à la fois familier et exotique. Ces références au contexte terrestre permettent également de prendre conscience que Célestopol, malgré son éloignement et son isolement, est loin d'avoir coupé tout lien avec sa planète d'origine. Certains textes trouveront d'ailleurs leur origine ou leur conclusion sur Terre, qu'il s'agisse de « Toungouska » et de « La malédiction du pharaon », dans lesquels le duc Nikolaï dépêche des envoyés pour tenter de débaucher des chercheurs renommés, ou encore dans « Katarzyna » où l'on suit la quête désespérée d'une femme pour retrouver son mari vraisemblablement mort dans un crash d'avion.

Le recueil brasse ainsi quantité de références et influences, ce qui donne l'impression d'une grande diversité. Diversité des genres exploités, d'abord, puisque l'auteur ne se prive pas de mêler science-fiction et fantastique ou science-fiction et fantasy. L'aspect SF est évidemment lié à la localisation de la ville sur notre satellite mais provient aussi des automates qui, bien que n'ayant que rarement le rôle principal, sont omniprésents dans quantité de récits. le plus marquant d'entre eux est évidemment Ajax, majordome du duc Nikolaï que l'on découvre tour à tour en parfait serviteur s'acquittant avec froideur et efficacité des missions ordonnées par son maître ou en être doué de sensibilité et capable de faire preuve de beaucoup d'empathie. C'est le cas dans « Sur la glace », nouvelle voyant l'arrivée à Célestopol d'un champion olympique russe de patinage artistique forcé de prendre une décision lourde de sens. Un très beau texte, plein de délicatesse et d'émotion. On retrouve nos automates dans « Memento Mori », où l'un d'eux constitue le seul réconfort d'une petite fille perdue entre une soeur indifférente et un père tyrannique. Là encore l'histoire est émouvante et la chute particulièrement marquante. Leur présence se fait plus discrète dans plusieurs autres nouvelles, pourtant ils jouent malgré eux un rôle essentiel au coeur de l'intrigue, qu'il s'agisse des automates d'usine utilisés pour briser des travailleurs un peu trop revendicatifs ou des fameuses prostituées du bordel haute-gamme « Chez Hécate » dont il était déjà fait mention dans le premier recueil. A ce cadre typiquement SF se mêle donc de temps à autres des influences propres au fantastique ou à la fantasy. C'est le cas dans « La malédiction du pharaon », texte qui reprend tous les codes de la nouvelle fantastique classique tout en introduisant un nouvel élément uchronique, ou encore de « Un visage dans la cendre » qui fait carrément appel à une créature emblématique de ce genre littéraire.

On s'oriente davantage vers la fantasy avec certaines nouvelles qui font la part belle au surnaturel. Ce peut être un homme ayant trouvé un moyen de dompter la chance (« Le correcteur de fortune »), un prestidigitateur au tour impossible (« Une nuit à l'opéra de Romanova »), ou encore une jeune femme vide de tout souvenir et capable de déchaîner la tempête (« La fille de l'hiver »). La richesse de l'ouvrage vient également de la diversité avec laquelle l'auteur aborde les différents sujets traités, alternant ainsi entre le récit intimiste (une histoire d'amour et de manipulation dans « Mon rossignol », un deuil impossible à faire dans « Katarzyna ») ou le pur récit d'action faisant la part belle aux courses poursuites, aux combats et aux rebondissements. On retrouve cette même variété du côté des personnages qui ont des origines très diverses ce qui nous permet d'observer d'un peu plus près les différents milieux sociaux qui cohabitent dans la capitale lunaire. Ainsi, quand bien même plusieurs nouvelles sont consacrés à des personnages occupant une position sociale privilégiée (un sportif de haut niveau, des membres de la famille royale, des notables…), d'autres prennent soin de révéler des aspects moins reluisant de Célestopol en mettant en scène des ouvriers exploités, des voleurs, des artistes désargentés ou des saltimbanques marginalisés. On y trouve autant d'hommes que de femmes, des vieux aussi bien que des enfants, des automates comme des humains, ce qui permet là encore de renforcer l'impression de richesse qui se dégage de l'univers élaboré par Emmanuel Chastellière. On croise enfin un certain nombre de personnages récurrents, à commencer bien sûr par le génial et terrible duc Nikolaï, sans oublier le duo de mercenaire mi-ours, mi-humain, l'automate Ajax ou encore l'étrange et inquiétant personnel du casino flottant.

Pari réussi pour Emmanuel Chastellière qui nous offre avec « Célestopol 1922 » un très beau recueil encore plus abouti et plus riche que le précédent. Les treize nouvelles au sommaire valent le coup d'oeil et permettent, chacune d'une manière différente, de mettre en lumière différents aspects de la cité sélène où science et magie font bon ménage. Une très belle découverte.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Emmanuel Chastellière était-il dans la lune en pondant ce recueil ?
Je n'ai aucun doute sur le sujet, vu que j'ai eu l'impression de me balader pour de vrai dans cette ville de Célestopol.

Il y a deux ans, Célestopol premier du nom m'avait laissé un goût d'inachevé, mais il est toujours resté dans ma mémoire avec quelques flashs de cette cité lunaire. Alors, lorsque ce Célestopol 1922 a fait son apparition, je n'ai pu que l'acheter.

Comme dans tout recueil, les nouvelles composant Célestopol 1922 vous emmènera avec elles sur notre satellite, d'autres vous feront garder les pieds sur terre. Mais quoiqu'il en soit, j'ai vraiment apprécié me plonger dans les tranches de vie des différents personnages. L'auteur arrive à poser l'ambiance, à nous rendre réel cette cité imaginaire. J'ai beaucoup apprécié le fond de luttes sociales qui s'en dégage, luttes sur bien des aspects de notre société. Cerise sur le gâteau, ce fond ne vient pas prendre le pas sur le récit, mais l'accompagne en douceur. Les textes se répondent parfois entre eux, dessinant peu un peu un portait de Célestopol.
Seule question que je me pose : Faut-il avoir lu le premier recueil pour le lire ? Je n'ai pas d'avis trancher. le premier vous fera part de la construction de cette cité, vous présentera quelques personnages fil rouge, mais je me dis que l'on peut très bien s'immerger dans ce 1922 et savourer les précisions plus tard. A vous de voir, mais il y a de grandes chances qu'après votre lecture d'un des livres, vous vous jetiez sur l'autre.

Célestopol 1922, voilà un titre qui donne le LA : une ville lunaire en 1922, ce que contredit fortement le premier texte, Toungouska, se situant sur la terre principalement en 1908 ! Mais à la décharge de l'auteur, cette mise en bouche arrive à dresser un background de belles manières.

Dans Mon Rossignol, un couple d'amis se retrouvent quelques années plus tard. L'une en bas de l'échelle sociale, l'autre comme député sur la pente descendante. Leurs idéaux vont-ils accorder leur violon ? Un texte qui explore les classes et luttes sociales en montrant comment se décident les acquis sociaux. Très bon texte au goût amer.

Sur la glace nous narre la volonté du Duc, le grand manitou de la ville, d'organiser une compétition de patinage avec le meilleur patineur de la Terre qui avait mis un terme à sa carrière. Une occasion d'approcher de plus près les fameux automates qui peuplent la cité. Toujours politique, ce texte montre que quiconque est toujours sous une férule et ce qu'il en coûte de s'écarter de la norme social.

Memento Mori conte l'histoire d'un père et ses deux filles dans le quartier riche. Il élève seul ses filles alors que sa condition sociale ne cesse de se dégrader, comme la maison qu'il ne veut quitter, car elle porte en elle les souvenirs de sa femme décédée. Tous les éléments sont réunis pour le drame. Un texte qui m'a moins emporté, un peu linéaire et sans enjeux qui m'intéresserait.

Dans Une nuit à l'opéra Romanova, le plus célèbre des tours de magie est en vente aux enchères, rameutant les magiciens de la terre. Célèbre, car il contient une malédiction : chaque magicien l'ayant eu entre les mains est mort avant de montrer son tour. On continue d'explorer les us et coutumes de Celestopol et aussi d'en apprendre plus sur certains personnages récurrents. Un bon texte, mais je suis toujours émerveillé devant un tour de magie.

Le Correcteur de fortune, un être ayant le don de chance quitte la terre pour Célestopol. Mais la chance semble tourner... Même si la chute se devine assez vite, on passe un bon moment à se demander si la chance va nous sourire ou si l'auteur va nous rouler dans la farine.

Katarzyna : Un bar interlope, une femme, une cuite et une relation non consentie. Pas la soirée idéale. .. nous allons découvrir l'histoire de cette femme. Un texte d'ambiance, plus SF que les précédents qui va nous emmener sur des chemins priestiens.

Place au féminisme dans le revers de la médaille, l'histoire d'une femme passionnée de livres et de liberté qui va faire la rencontre d'une personne qui va faire changer sa vie. Avant de faire la révolution, que faut il faire pour préparer les mentalités ? Un texte un peu trop rapide pour être tout à fait crédible. Quelques dizaines de pages n'auraient pas été de trop pour cerner la psychologie des personnages et rendre cela réaliste.

Un visage dans la cendre : Un voleur de bas étages accepte une mission de la dernière chance pour avoir un peu de thune : retrouver le chat d'une bande de gosses de rues. Une escapade fantastique dans des entrailles de Celestopol que j'ai beaucoup apprécié

La malédiction du pharaon m'a laissé un peu de marbre, avec son histoire mettant en scène un certain Howard Carter, un archéologue sur le déclin se voit offrir une offre irrésistible.

Un vétéran de guerre, une fabriquante de masque en porcelaine et une maison close, les protagonistes de Paint Pastel Princess. Lui tente d'oublier son passé traumatique, elle d'oublier sa laideur en créant de la beauté, et la maison utilise les automates pour assouvir le plaisir de riches. Je n'ai pas été trop étonné par le dénouement trop convenu, mais l'histoire offre quelques belles péripéties et se focalisent sur l'esclavage des automates.

La fille de l'hiver : Une sauvageonne erre dans les rues de Célestopol et semblerait être dotée de pouvoirs surnaturels. Un ton plus dramatique pour ce récit fantastique et SF qui met enfin en avant le personnage qui ne cesse d'hanter ce recueil, le fameux Duc.

Danser avec le chaos clôt ce recueil, une lovecrafterie qui ne m'a pas emballé.
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C'est avec plaisir que je me suis replongée dans la cité lunaire, entre splendeurs et misères ! Je remercie l'auteur ainsi que les éditions de l'homme sans nom pour l'envoi. La carte à la fin est vraiment superbe en plus, les ouvrages de cette maison d'édition sont toujours soignés ! Il faut aussi savoir que Celestopol 1922 peut se lire indépendamment de Celestopol.

Une fois de plus, Emmanuel Chastellière choisit le format des nouvelles pour nous emmener dans les méandres de la cité lunaire. L'ensemble permet de croiser de multiples personnages en de multiples lieux qui construisent la cartographie d'une cité tiraillé entre un amour de l'innovation inextinguible et des bas-fonds sordides peuplés de parias. Nous suivons ainsi aussi bien des sommités, nous croisons parfois même des figures ayant existé comme Marie Curie ou Howard Carter, que des anonymes tentant de survivre. J'ai par exemple beaucoup aimé la nouvelle “Le revers de la médaille”, qui met en scène des personnages forts et des questions intéressantes sur la condition féminine. On voit également apparaître des figures connues des aficionados du premier Celestopol, que ce soit la figure du duc Nikolai aussi bien que notre duo favori de mercenaires, Arnrun et l'ours Wojtek.

La mosaïque des nouvelles permet de bâtir le visage composite de la ville mais aussi de mieux saisir les spécificités de l'univers. Celestopol rappelle aussi bien les oeuvres de Jules Verne que les jeux vidéo Bioshock, avec leurs villes incroyables et façons de fonctionner uniques (et leurs secrets). Nous sommes en réalité dans une uchronie, c'est-à-dire que nous sommes dans un univers proche du nôtre qui a dévié. On le voit à travers une carte géopolitique revue, qui assoit la domination d'un empire russe qui n'a jamais connu la Révolution par exemple, et des références comme des gangs appelés les Cheyennes, rappelant les Apaches de Paris. Cela se voit aussi par des innovations technologiques, qui ont aussi bien permis l'alunage que la découverte du sélénium, un produit essentiel à la bonne marche de Celestopol, ainsi qu'à la présence fascinante des automates. Ces derniers participent grandement à l'âme du récit, car on se demande souvent s'ils sont conscients et proches de nous. Autre élément apprécié et appréciable, il y a un léger fil rouge entre les nouvelles qui attise la curiosité !

Les nouvelles brillent aussi par leur homogénéité dans la qualité. Je ne me suis ennuyée dans aucune d'entre elles. Cela est grâce à la plume de l'auteur, qui a beaucoup gagné depuis le premier tome. Emmanuel Chastellière nous offre des textes intenses en enfiévrés, qui créent des atmosphères uniques. Les nouvelles sont souvent mélancoliques et un peu sombres, et baignent dans une lueur ésotérique, fantastique ou magique qui apporte une vraie singularité. On a vraiment l'impression de plonger petit à petit dans un Celestopol envoûtant et étrange, qui regorge de mystère et d'étrangeté. Celestopol se situe entre magie et science, et l'équilibre entre les deux est fragile.

La maturité du récit se perçoit également à travers certaines nouvelles qui abordent des thèmes puissants. “Mon Rossignol” évoque les luttes de classe inhérentes à Celestopol et laisse un goût d'amertume à la fin de la lecture. “Paint Pastel Princess” évoque la douleur des guerres passées et des blessures qui ne quittent jamais totalement ceux qui sont traumatisés. Tous les textes ont pour point commun un lien ou un autre vers le passé, un souvenir ou un regret qui continue de peser, de hanter le présent. Les chutes sont donc rarement heureuses, mais souvent teintée d'une mélancolie un peu poisseuse qui laisse comme un creux au ventre.

Celestopol 1922 est un livre de qualité. Outre la beauté de l'objet, les nouvelles sont parfaitement maîtrisées. Celestopol nous apparaît dans tous ses paradoxes : une ville où les habitants viennent mener une existence meilleure, mais sans jamais parvenir à se départir de leurs fardeaux, y compris le duc Nikolai. On y croise une galerie de personnages variés, du plus humble au plus aisé, du plus connu aux parias qui vivent aux abords de la société. C'est une lecture dépaysante qui permet de quitter quelques heures et de se changer les idées.
Lien : https://lageekosophe.com/202..
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critiques presse (3)
Syfantasy
26 juin 2023
Si l'action est de mise, le drame humain sera aussi au centre des intrigues de Celestopol 1922. Car tout n'est pas noir ou blanc au cœur de cette utopie aristocratique, digne du Rapture de Bioshock, et si l'art et la science résonnent ensemble avec joie, certaines personnes n'en voient jamais l'éclat.
Lire la critique sur le site : Syfantasy
Telerama
20 juin 2023
Entre steampunk et uchronie, Célestopol 1922 mêle la vivacité de l’écriture à l’originalité d’un monde que l’on se plaît à parcourir.
Lire la critique sur le site : Telerama
Elbakin.net
06 avril 2021
Finalement, nous avons là un recueil de nouvelles solide et travaillé qui ose également le mélange des genres et l’étrangeté, et agrémenté de bien d’autres menus détails pour renforcer l’immersion.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Quand la fille se mit à battre des mains, elle s'aperçut que tout le monde s'était levée. Chacun retenait son souffle, contemplant une fée de glace délicatement déposée au creux de la boîte.
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En politique, il faut respecter les formalités et négliger la moralité.
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Pour un automate tel qu’Ajax, le temps était une donnée tout sauf abstraite, une matière faite de chiffres froids. L’athlète venait de changer ce triste constat: pour la première fois le majordome comprenait qu’une heure pouvait se cacher dans une minute.
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J’ai une question, répliqua Bo-yeong en s’approchant d’un pas décidé d’une fenêtre palladienne. Nikolaï… je veux dire le duc, se reprit-elle presque malgré elle, ne voit-il pas tout cela ? N’observe-t-il pas les remous qui agitent sa cité ? Je me suis souvent interrogée à ce sujet. Le Parlement n’est-il qu’une expérience pour lui ? Tout le monde sait bien qu’il reste le maître absolu de Célestopol. Il lui suffit de ne pas signer n traité qui ne lui sied pas, et c’est sa décision qui l’emporte.
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Combien de fois ai-je levé les yeux sur la Lune, plus jeune, en songeant à ce qu’elle pouvait bien cacher. Tant de mystères, de trésors… j’imaginais de véritables royaumes, des empires, si différents des nôtres. Sans guerre, sans famine, sans épidémie. Un beau rêve, n’est ce pas ? Tellement naïf, ajoute-t-elle, ses traits toujours plus durs. Je me suis trompée. Le seul royaume qui survit ici ne vaut pas mieux que ceux qui défigurent la Terre.
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Une longue discussion autour du roman "Himilce" d'Emmanuel Chastellière, par la Garde de Nuit.
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