Tommy et Tuppence Beresford prenaient leur petit déjeuner. C’était un couple sans rien de particulier. Des centaines de couples du même genre et d’âge tout aussi respectable prenaient leur petit déjeuner au même instant dans toute l’Angleterre. La journée non plus n’avait rien de particulier. On en voyait de pareilles cinq jours sur sept. La pluie menaçait mais il pouvait tout aussi bien ne pas pleuvoir.
Les cheveux de Mr Beresford avaient été roux naguère. Ils gardaient encore quelques traces de leur couleur primitive mais, dans l’ensemble, ils étaient maintenant de ce blond-gris que prennent souvent les chevelures rousses vers la maturité. Ceux de Mrs Beresford avaient naguère été noirs, vigoureux et bouclés. Maintenant, le noir était rompu par des fils gris, dispersés comme au hasard. L’effet en était assez plaisant. Mrs Beresford avait bien un jour songé à se teindre, mais elle avait préféré en fin de compte rester telle que la nature l’avait faite. À la place, elle avait décidé, pour se remonter le moral, d’essayer une nouvelle nuance de rouge à lèvres.
Un couple d’un certain âge prenant son petit déjeuner. Un couple charmant, mais sans rien de particulièrement remarquable. Voilà ce qu’aurait pu dire un spectateur. Et si ce spectateur ou cette spectatrice avait été jeune, il ou elle aurait pu ajouter :
Oh ! oui, tout à fait charmant, mais ennuyeux à périr, cela va de soi. Comme tous les vieux. Mr et Mrs Beresford n’en étaient cependant pas encore arrivés à se considérer comme vieux. Et l’idée ne leur venait pas qu’on pût automatiquement les considérer, eux et bien d’autres, comme ennuyeux à périr sur cet unique critère. Pleins d’indulgence, ils auraient estimé, bien sûr, que cela ne pouvait être qu’un point de vue de jeune car les jeunes, que connaissent-ils de la vie ? Les pauvres chéris, toujours soucieux de leurs examens ou de leur vie sexuelle, toujours occupés à s’acheter des vêtements extraordinaires ou à faire subir d’extraordinaires traitements à leurs cheveux de peur de passer inaperçus. De leur point de vue tout ce qu’il y a de personnel, Mr et Mrs Beresford avaient à peine atteint la fleur de l’âge. Ils se plaisaient, à eux-mêmes et l’un l’autre, et les jours pour eux se succédaient, doux et paisibles. Bien sûr, la règle souffrait des exceptions, aucune règle n’y échappe.
Mr Beresford ouvrit une lettre, la parcourut et la posa sur une pile, à sa gauche. La lettre suivante, il ne l’ouvrit pas mais la garda en main, sans la regarder, l’oeil fixé sur le porte-toasts.
Après l’avoir observé un moment, sa femme lui demanda :
Qu’est-ce qui se passe, Tommy ?
— Ce qui se passe ? répéta Tommy distraitement. Ce qui se passe ?
— C’est bien ce que j’ai dit.
— Il ne se passe rien, répondit Mr Beresford. Que veux-tu qu’il se passe ?
— Tu pensais à quelque chose, dit Tuppence d’un ton accusateur.
— Je ne pense pas que je pensais à quoi que ce soit.
— Oh, si, tu pensais ! Il est arrivé quelque chose ?
— Non, bien sûr que non. Qu’est-ce qui pourrait bien arriver ?… j’ai reçu la facture du plombier, ajouta-t-il.
— Ah ! s’écria Tuppence, brusquement éblouie. Plus élevée que tu ne t’y attendais, j’imagine.
— Naturellement, répliqua Tommy. Comme toujours.
— Je ne comprends pas pourquoi nous n’avons pas appris la plomberie, fit observer Tuppence. Si tu étais plombier, je pourrais être ton compagnon et nous entasserions jour après jour des fortunes.
— Nous avons eu la vue courte, ma parole, pour que cette possibilité nous ait filé sous le nez.
— C’était la facture du plombier que tu regardais à l’instant ?
— Oh ! non, c’était juste un appel de fonds.
— Pour des petits délinquants ? Pour l’aide à l’intégration raciale ?
— Non. Juste pour une nouvelle maison de retraite.
— Voilà qui est plus raisonnable, déclara Tuppence. Mais alors, pourquoi cet air soucieux ?
Un couple sympathique, sans histoire, mais sans doute ennuyeux aux yeux d'un représentant de la jeune génération qui déclarerait : "Charmants et terriblement démodés, comme tous nos aînés, d'ailleurs."
Néanmoins, Mr et Mrs Beresford estimaient n'être pas encore parvenus à l'âge où l'on entre dans cette catégorie. Ils ne se doutaient pas, qu'avec bien d'autres, ils étaient déjà relégués, par la jeunesse actuelle, dans le monde triste et froid des vieillards désoeuvrés. Pour leur part, ils voyaient leurs cadets d'un oeil indulgent, ne les critiquant pas dans leurs efforts pour surmonter les difficultés multiples que se crée l'adolescence.
Mr et Mrs Beresford n’en étaient cependant pas encore arrivés à se considérer comme vieux. Et l’idée ne leur venait pas qu’on pût automatiquement les considérer, eux et bien d’autres, comme ennuyeux à périr sur cet unique critère. Pleins d’indulgence, ils auraient estimés, bien sûr, que cela ne pouvait être que le point de vue de jeune, car les jeunes, que connaissent-ils de la vie ? Les pauvres chéris, toujours soucieux de leurs examens ou de leur vie sexuelle, toujours occupés à s’acheter des vêtements extraordinaires ou à faire subir d’extraordinaires traitements à leurs cheveux de peur de passer inaperçus. De leur point de vue tout ce qu’il y a de personnel, Mr et Mrs Beresford avaient à peine atteint la fleur de l’âge.
Plus tard, j’ai entendu un type faire allusion à elle comme à la femme la plus laide qu’il ait jamais rencontrée. Sur le moment, cela m’a donné un choc et puis, j’ai pensé qu’il était sans doute préférable que je ne l’aie point revue.
Tommy répondit que Tuppence était en forme et toujours active.
-Elle l’a toujours été. Elle me faisait penser parfois à une libellule. Sans cesse courant après une idée de son cru et apparemment absurde jusqu’au moment où on s’apercevait qu’elle n’était pas absurde du tout. Un vrai plaisir, remarqua le général, approbateur. Je déteste ces femmes sérieuses et sur le retour qu’on rencontre aujourd’hui, qui luttent toutes pour une Cause avec un C majuscule. Quant aux jeunes filles…
Vous connaissez sas doute la Reine du crime Agatha Christie. Peut-être avez-vous même lu certains de ses romans ? Mais que savez-vous de sa vie ? Nous avons réuni ici 6 anecdotes pour vous présenter la face cachée de la vie d'une autrice prolifique, et vous donner envie de la (re)lire.
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