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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Jean Cocteau nous propose sa lecture du mythe d'Oedipe au travers de cette réécriture contemporaine. Il injecte dans la tragédie antique une bonne dose de comédie moderne mais ce qui n'en fait pas pour autant une comédie, disons simplement une tragi-comédie en quatre actes.

La trame est connue, archiconnue : le roi de Thèbes, Laïus et son épouse Jocaste ont eu un fils, Oedipe. Un oracle prédit que ce dernier tuera son père et épousera sa mère. Afin de déjouer la prophétie, Jocaste abandonne son fils sur un mont isolé, voué à une mort certaine. Mais un berger le recueille et porte l'enfant auprès du couple royal de Corinthe, qui va l'adopter et en faire un prince. En grandissant, Oedipe est mis au courant de la prophétie et décide de quitter Corinthe afin qu'elle ne s'exécute pas. Il n'est bien sûr pas conscient qu'il n'est pas le fils de sang du vieux couple. En chemin, il tue accidentellement un vieil homme qui n'est autre que Laïus. Averti du mal qui pèse sur la ville de Thèbes et représenté par la Sphinx (sorte de démon femelle), il décide de se mesurer à elle et de l'éradiquer. La prix de ce bienfait est la main de la belle reine veuve, Jocaste…

Jean Cocteau examine ce mythe non tant sous la férule des dieux mais sous le sceau du destin, d'où son titre, La Machine Infernale. En somme, quoi qu'on fasse pour échapper à son destin, notre marge de manoeuvre est faible ou vaine, ou les deux. du coup, j'y perçois un message qui n'est sans doute pas si différent de celui d'un Milan Kundera dans L'Insoutenable Légèreté de L'Être ou encore d'un Léon Tolstoï dans La Guerre Et La Paix.

Dit crument, cela donne : « Vous vous démenez, vous vous échinez pour influer sur le cours de votre existence et vous avez parfois la sensation d'y parvenir. Mais vous ne parvenez à rien du tout, si ce n'est à votre trou et dans des souffrances atroces. » Vu avec un regard optimiste, on pourrait cependant penser qu'au moins, pendant dix-sept ans, Oedipe a fait ce qu'il a voulu et qu'il a même tutoyé un sentiment qui était peut-être proche du bonheur. À voir…

Ce qui, personnellement m'a beaucoup plu dans cette pièce, outre la plume alerte de Jean Cocteau que je ne connaissais pas et que je découvre avec plaisir, c'est le personnage du Sphinx. Ce Sphinx qui peut représenter plein de choses et dans lequel chaque spectateur peut y percevoir à la fois son propre vécu et le démon personnel qui l'habite. Pour certains ce sera la guerre, pour d'autres la maladie, pour d'autres encore le malheur ou la malchance ou même la pauvreté.

Bref, ce Sphinx qui symbolise tout ce qu'on peut imaginer de douleur et de ressentiment est présenté, non comme une entité négligeable, car le mal vécu et ressenti est bien réel, mais comme un mal sur lequel on aime à faire peser d'autres maux que ceux qu'il inflige vraiment. Cette pièce a été écrite bien avant la Seconde guerre mondiale mais je n'ai pu m'empêcher d'y voir une sorte d'allégorie de la guerre.

En somme, la guerre est source de tous nos maux, c'est elle la vraie coupable. Mais il n'empêche qu'à y regarder de près, beaucoup des souffrances vécues ou infligées par les malheureux bougres étaient peut-être dues non pas à la guerre en tant que telle, mais au comportement délétère d'autres malheureux bougres. Exemple : on vous impose une guerre, avec son lot d'atrocités et de barbaries ; on vit des heures graves où la solidarité serait de mise et… et non. Certains essayent encore de se faire du beurre sur votre dos, c'est du marché noir, c'est de la magouille, c'est de l'entourloupe, c'est de la médisance, c'est de la délation. Comme si la guerre n'était pas, en soi, un mal suffisant, il faut que monsieur tout-le-monde en rajoute à sa façon.

C'est en tout cas comme ceci que j'interprète le passage de la matrone et du Sphinx à l'acte II. Un grand beau moment de théâtre selon mes critères d'appréciation. Pour le reste, une pièce solide, plaisante, où l'auteur a su habilement alléger le poids du tragique par des notes d'humour à la fois nombreuses et bien senties. Si j'avais un petit reproche à lui faire, c'est que je la trouve peut-être un peu statique, même si on peut, j'imagine, envisager tous les mouvements de scène qui soient, l'essentiel se produit sous forme de dialogue arrêté entre deux personnages, voire, de quasi monologue.

Mais ceci n'obère en rien l'impression générale positive que m'a procurée cette pièce et je vous prie de vous souvenir que ce n'est que l'expression d'un seul avis, qui n'a rien d'une machine infernale, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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« Un chef d'oeuvre d'horreur s'achève. Pas un mot, pas un geste, il serait malhonnête de poser une seule ombre de nous ».

Après lecture du très beau livre « Moi, Oedipe » de Alain le Ninèze qui nous offre de revisiter le mythe oedipien sous un angle original, une autobiographie, je poursuis ma redécouverte de ce mythe, cette fois en me tournant vers le théâtre et cette réinterprétation très moderne de Jean Cocteau qui, en une pièce en quatre actes, injecte une certaine dose d'humour dans cette lecture toute personnelle.
Une tragédie comique, le personnage d'Oedipe éloigné du roi fier et impérieux de Sophocle ici arrogant et impulsif, la présence de nombreux fantômes, un Sphinx qui perd de son aura fabuleux et féérique pour être plus proche d'un démon sous les apparences d'une femme, Jean Cocteau semble vouloir s'éloigner de la grandeur des dieux pour placer son regard sous le sceau du destin, cette machine infernale à laquelle les hommes ne peuvent échapper. Destin inexorable et impuissance des mortels, cette vision semble plus proche de celle d'un Sénèque.

« Regarde, spectateur, remontée à bloc, de telle sorte que le ressort se déroule avec lenteur tout le long d'une vie humaine, une des plus parfaites machines construites par les dieux infernaux pour l'anéantissement mathématique d'un mortel ».

Cette pièce a été écrite en 1932 et met en scène l'arrivée d'Oedipe à Thèbes, enfin, il ne le sait pas encore nous pourrions dire son retour plutôt, retour vers son propre berceau, après son départ volontaire de Corinthe. La « Voix » dans la pièce nous donne des éléments de contextualisation : le jeune Oedipe, après s'être fait moquer par ses camarades quant à ses origines, est allé voir une pythie et les oracles lui ont annoncé un destin terrible : il tuera son père et épousera sa mère. Il pense pouvoir contourner cette terrible prédiction en fuyant ses parents et donc sa ville, errance le conduisant à Thèbes. En chemin il tue par accident un vieillard.

Le 1er acte est consacré au fantôme de ce vieillard, qui n'est autre que Laïus, le roi de Thèbes, qui essaie de faire passer un message d'alerte à sa femme Jocaste. Acte étonnant où nous voyons un fantôme bégayant ne pouvant apparaitre que dans des odeurs pestilentielles de marais et de marécages, une reine qui ne cesse de s'énerver après son écharpe sur laquelle elle marche menaçant de s'étrangler avec. Ce premier acte pose le ton délibérément moderne et en décalage avec la pièce d'origine de Sophocle et étonne le spectateur. Jean Cocteau nous propose un pas de côté et nous le propose avec humour dès ce premier acte.

Le 2ème acte est consacré à la rencontre d'Oedipe et du Sphinx. Très éloigné des représentations épiques d'un Gustave Moreau, ce Sphinx a forme humaine et peut représenter tout démon personnel qui habite tout un chacun, douleurs, malheurs, maladie…La résolution de l'énigme est présentée sous la forme d'une mascarade, le Sphinx ayant donné la solution avant même qu'Oedipe la donne alors comme si cela venait de lui, d'un air fier. Il me semble que Jean Cocteau réduit considérablement la portée de ce mythe de l'énigme en la colorant d'une auréole de manipulation. Nous nous arrangeons souvent avec nos démons, marchandons avec eux, et sommes fiers d'annoncer une victoire contre ceux-ci, du moins un contrôle de ceux-ci, alors qu'en réalité nous ne résolvons rien, tout est en effet souvent simples annonces et belles paroles…était-ce là le message de l'auteur ? Cet acte est complexe me semble-t-il, il y a certains passages qui mériteraient pour ma part une relecture.

Le 3ème acte est centré sur la nuit de noce entre Oedipe et Jocaste où la différence d'âge entre les époux est mise en valeur. Jocaste découvre durant cette nuit durant laquelle ils s'offrent l'un à l'autre, les cicatrices sur les pieds d'Oedipe, lui rappelant ce bébé qu'elle a abandonné du fait d'un oracle prédisant que cet enfant allait tuer son père. En l'abandonnant elle avait percé les pieds du bébé. le jeune homme évoque un accident de chasse enfant, mais un certain trouble s'installe. Atmosphère étrange accentuée par le fait que le berceau de ce bébé est toujours dans la pièce, contre le lit des amants.

Enfin le 4ème acte évoque Oedipe roi dix-sept ans après, durant l'épidémie de peste qui ravage Thèbes. Un acte qui va porter sur le dénouement de l'intrigue et la compréhension terrible de la réalisation de l'oracle : Oedipe a bel et bien tué son père et épousé sa mère étant l'enfant de Laïus et de Jocaste, et ayant été adopté par un couple stérile à Corinthe qui a en effet trouvé ce bébé aux pieds percés. Jocaste se suicide, Oedipe se perce les yeux et décide de s'exiler.

C'est au final une pièce dans laquelle Jean Cocteau a su prendre de la distance avec le côté tragique et grandiloquent de ce mythe en introduisant de nombreuses notes d'humour, de la dérision, parfois même certains anachronismes (il évoque par exemple la présence de boites où on écoute de la musique la nuit...des boites de nuit en 1932, je ne sais mais c'est troublant).
Elle donne à réfléchir quant à sa portée philosophique, un peu différente sur certains aspects de la pièce d'origine. le Sphinx notamment a une portée que je pressens importante mais complexe. Ses liens avec une matrone tout d'abord puis avec Anubis sont clés et une deuxième lecture me sera nécessaire pour en comprendre toute les significations, ce d'autant plus que je ne suis guère familiarisée avec la lecture de la mythologie et encore moins de pièces de théâtre. L'acte II comporte des clés à côté desquelles je suis passée.
Mais le message central de la pièce dans sa globalité reste le même : pouvons-nous échapper à notre destin ? Ne sommes-nous que l'instrument involontaire de notre destinée ? de simples spectateurs ?

Ce fut une lecture plaisante d'une réinterprétation du mythe oedipien très étonnante de la part de Jean Cocteau, assez inclassable. Pas étonnant de la part de l'auteur qui écrit dans la pièce, comme s'il parlait de lui :

« Apprenez que tout ce qui se classe empeste la mort. Il faut se déclasser, Tirésias, sortir du rang. C'est le signe des chefs d'oeuvre, voilà ce qui étonne et qui règne ».

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Peut-on échapper à son destin ?
La question est posée par Jean Cocteau dans cette adaptation très libre du mythe d'Oedipe ; cependant que la réponse nous est suggérée dans le titre même de la pièce : « La machine infernale » ; une pièce donnée pour la première fois au théâtre Louis Jouvet (Comédie des Champs-Elysées) le 10 avril 1934, avec notamment Jean-Pierre Aumont et Louis Jouvet.

« La machine infernale », ou comment transformer une tragédie antique en tragicomédie moderne… humour, ironie, dérision même, anachronismes ; mais le mythe reste, dépoussiéré, mais tellement présent. Une vision bien pessimiste de la condition humaine : l'homme ne peut-il vraiment rien d'autre face à son destin, que d'en être l'instrument bien involontaire, et finalement le principal spectateur…
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Mythe d'Oedipe revisité par Cocteau.

Recherche dans la mise en scène, originalité d'un texte assez moderne et accessible mais on se demande parfois ce qu'il a fumé quand par exemple Oedipe joue à cache-cache avec le sphinx déguisé en jeune fille.
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Je continue mon épopée théâtrale par la lecture de la Machine Infernale de Cocteau. C'est une réécriture du mythe d'Oedipe que tout le monde, je présume, connaît du début à la fin. Et c'est là tout le talent du dramaturge : nous faire redécouvrir l'histoire, la moderniser. Les éléments de base du mythe sont conservés mais Cocteau introduit par exemple des boîtes de nuits à Thèbes. Il actualise le langage des personnages, plus naturel. Il y a également une sacré dose d'humour : le devin surnommé "Zizi", l'espièglerie de Jocaste... le personnage du Sphinx est formidable : Cocteau en fait une jeune fille désabusée, charmée par Oedipe. J'ai vraiment aimé le passage où ce sphinx version 2.0 apparaît, c'est très intéressant.
L'auteur a véritablement cherché à montrer le caractère implacable, inexorable du tragique. Une Voix résume les scènes auxquelles on va assister. J'ai beaucoup aimé ce parti-pris, ne pas chercher à créer le suspense dans un récit dont on connaît tous la trame. L'intérêt est ailleurs : le ton léger, l'ironie tragique, le souffle de modernité qui balaie Thèbes. J'ai vraiment apprécié ma lecture puisque cela m'a permis de me replonger dans ce mythe que j'aime beaucoup, tout en me divertissant.
J'ai trouvé que Cocteau désacralisait très bien l'histoire, faisait des personnages de simples êtres humains. On sourit, on se délecte surtout grâce à Jocaste et sa liberté de parole. Je n'ai pas eu de difficulté lors de ma lecture, je n'ai pas décroché du texte comme cela m'arrive souvent lorsque je lis du théâtre. de plus l'intervention du surnaturel est ma fois, assez agréable et nous offre quelques moments cocasses.
Au final le dramaturge a réussi son pari : actualiser Oedipe. Toutefois je pense qu'il aurait pu aller encore plus loin dans l'humour, dans la modernisation, dans l'anachronisme. On a parfois l'impression que le détachement d'avec le mythe n'est pas aussi abouti qu'il pourrait l'être. Ceci dit, c'est une très bonne pièce mais qui ne vaut certainement pas l'Antigone d'Anouilh, beaucoup plus lourde de sens.

Lien : http://lantredemesreves.blog..
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La machine infernale est pour moi une très bonne découverte : on entre totalement dans le monde de la mythologique grecque, mais pas d'une façon classique : Jean Cocteau nous raconte le mythe d'Oedipe à sa manière, et c'est réellement très agréable !

Les personnages sont très connus, souvent revus et corrigés dans beaucoup de version du mythe. Ils ont une valeur universelle qui ici est parfaitement respectée : en lisant La machine infernale, on voit bien que ce ne sont pas des personnages comme les autres.
Jean Cocteau nous impose dès le début une distance avec eux : après tout ce sont des personnages royaux et des Dieux, techniquement on ne peut pas être proche d'eux.
J'aime beaucoup ça, ça respecte l'esprit du mythe et je trouve ça vraiment très agréable !

L'histoire en elle-même est archi-connue mais toujours aussi agréable à découvrir : ici, certains éléments changent et cela donne un "plus" à cette pièce. C'est très bien fait tout en respectant le mythe : on aurait pas pu faire mieux !
On voit que Jean Cocteau respectait totalement la mythologie grec et c'est réellement très agréable à lire.
Je ne peux que vous conseillez la découverte de la machine infernale de Jean Cocteau.
Lien : http://lunazione.over-blog.c..
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Nous poursuivons notre thématique sur la ré-écriture des mythes en passant par une autre forme d'écriture : le théâtre, ici La machine infernale, de Jean Cocteau.

Ecrite en 1932, et jouée pour la première fois en 1934, cette pièce met en scène l'arrivée d'Oedipe à Thèbes, ou plutôt son « retour » après son départ de Corinthe. En effet, « La Voix » nous rappelle, avant même que la pièce ne commence, les tenants et aboutissants de l'histoire à laquelle nous allons assister : Oedipe, s'étant vu annoncer par l'oracle de Delphes un destin terrible – « Il tuera son père. Il épousera sa mère » - décide de quitter son berceau natal, ne sachant pas qu'il s'agit en réalité de son berceau d'adoption. En effet, ses parents Jocaste et Laïus, roi et reine de Thèbes, ayant également eu la prédiction au moment de sa naissance, l'abandonnent dans les bois, pensant qu'il y mourra ; mais il est recueilli et adopté par le roi et la reine de Corinthe. Lorsqu'il apprend qu'il est voué à commettre le meurtre et l'inceste, il part sur les routes, croise Laïus, sans savoir qui il est ; ils ont une altercation, et Laïus meurt. Après avoir tué son père, il se précipite sans le savoir dans les bras de sa mère, puisque cette dernière a promis sa main à celui qui parviendrait à débarrasser Thèbes du fléau qui l'assaille, le Sphinx. Après ce résumé, Cocteau nous livre ce qu'il va nous montrer, et qui justifie le titre choisi pour la pièce : « Regarde, spectateur, remontée à bloc, de telle sorte que le ressort se déroule avec une lenteur tout le long d'une vie humaine, une des plus parfaites machines construite par les dieux infernaux pour l'anéantissement mathématique d'un mortel ».

La pièce comporte 4 actes : les 3 premiers respectent la règle classique de l'unité de temps au théâtre (ils se déroulent en 24h), puis le dernier a lieu 17 ans après.

Le style quant à lui s'éloigne assez largement du style classique : Cocteau mêle ironie, humour, anachronismes, ridicules de situation, ridicules des personnages (Tiresias est ainsi surnommé « Zizi » par Jocaste), et travestit quelque peu les personnages, qui perdent ainsi leur grandeur tragique. On y découvre un Oedipe jeune et fougueux, qui se regarde dans le miroir, prend des pauses ; Jocaste est une veuve un peu diva, dépassée par ce qu'il y a autour d'elle et quelque peu obsédée par son vieillissement ; les soldats se chamaillent ; Oedipe a tué Laïus presque par inadvertance, un mauvais concourt de circonstances. le Sphinx, personnage féminin, conserve une certaine grandeur, mais c'est Anubis, transfuge d'un autre univers mythologique, qui doit lui rappeler à sa mission et à la mise en scène de sa grandeur, pour faire peur aux hommes. Car il s'agit bien d'une sorte de « chasse à l'homme » à laquelle se livre le Sphinx, allégorie de la Femme fatale qui fait succomber les jeunes hommes. Décrite comme « la Jeune fille ailée », « la Chienne qui chante », elle montre pourtant elle aussi un caractère humain et une certaine faiblesse : lasse de tuer, elle se lance dans une forme de négociation avec Oedipe. Laïus enfin n'est pas en reste : décrit comme un « vieillard » dans le récit d'Oedipe, il apparaît aux soldats comme un fantôme qui veut prévenir que la prophétie est sur le point de se réaliser, mais il ne parvient pas à s'exprimer, il est un personnage impuissant.

Si l'on rit et sourit à la lecture de cette adaptation – très libre – du fameux mythe, si son côté loufoque séduit et divertit, on regrettera peut être que Cocteau ne pousse pas plus loin certains traits d'écriture. On commence à peine à se régaler des anachronismes que déjà il n'y en a plus ; on commence à cerner la folie douce d'un personnage, mais déjà il disparaît de la scène. A l'inverse, on se lasse un peu de certains traits de caractères un parfois trop redondants. Mais cette pièce a pour le moins l'intérêt d'avoir réussi à apporter une forme de modernisation, tout en gardant le contexte et le décor antiques, et le mélange des genres est plutôt réussi.

Reste qu'il faut également apprécier le genre : si on aime à aller au théâtre voir un spectacle, pour autant aimera-t-on toujours l'histoire et les échanges une fois ceux-ci mis sur papier ? Les descriptions des scènes et des costumes peuvent quelque peu casser le rythme et rendre laborieuse la lecture. Si cela ne vous donne pas le goût de lire d'autres pièces, cela pourra peut être néanmoins donner l'envie à certains de se rendre au théâtre !

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Retour de lecture sur "La machine infernale" une pièce de théâtre en quatre actes écrite par Jean Cocteau en 1932. Cette pièce qui s'inspire directement du théâtre de Sophocle est une réécriture contemporaine de la pièce "Oedipe roi", une nouvelle représentation et actualisation du mythe, comme l'a été par la suite au cinéma le film de Pasolini ou d'une autre manière la chanson "The end" des Doors qui le prend clairement en référence. Cocteau redonne ainsi vie, de manière originale et non sans humour, à de grands personnages de la mythologie grecque comme Oedipe, Jocaste, Antigone et Créon. Dans le premier acte, le fantôme de Laïus, le père d'Oedipe tente de prendre contact avec sa veuve pour l'empêcher d'épouser son fils. Ne maîtrisant que très mal sa manière d'apparaître, il parvient uniquement à s'adresser à deux sentinelles. Il semblerait qu'on soit là dans une parodie d'Hamlet. Dans le second acte Oedipe fait la rencontre improbable du Sphinx personnifié en femme, visiblement sensible à son charme, à qui il donnera la bonne réponse à la fameuse énigme dont dépend son destin: mourir ou devenir roi. Dans le troisième acte nous assistons à la nuit de noce d'Oedipe et de Jocaste, qui ne savent pas encore qu'ils sont mère et fils, avec une conversation amusante autour de l'âge de Jocaste. Et enfin dans le quatrième et très court acte, on assiste à l'emballement de la machine infernale, avec la découverte par Oedipe qu'il n'a pas échappé au destin que l'oracle lui a annoncé «Tu assassineras ton père et tu épouseras ta mère». On y trouve un clin d'oeil amusant à la future gloire d'Oedipe (grâce à Freud). Cette réécriture du mythe d'Oedipe et de la pièce de Sophocle, est vraiment très agréable à lire grâce à l'écriture légère de Cocteau, elle permet de se replonger dans la mythologie grecque avec un texte très amusant, précurseur du théâtre de l' absurde. C'est une pièce plutôt bien construite, écrite de manière assez moderne, qui tranche un peu par rapport au contenu et sujet traité. La portée philosophique avec la notion de fatalité est plutôt bien amenée à travers ce personnage qui fait tout pour échapper à son destin et qui finalement se fait rattraper quand même et n'y réchappe pas. le message étant que l'homme n'est pas libre, il naît aveugle et ce sont les dieux qui règlent sa destinée. C'est au final, une très courte lecture, une très belle pièce, intelligente et amusante, parfaite pour ceux qui veulent découvrir l'univers de Cocteau.
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J'ai eu plusieurs ressentis par rapport à cette pièce et je vais essayer d'y mettre de l'ordre ici.
Premièrement, j'ai adoré me replonger dans ce mythe bien connu que Cocteau traite ici avec beaucoup de modernisme et de surréalisme.
En commençant le premier acte, bonne surprise : s'agirait-il en fait d'une véritable comédie ? Dans cet acte, Cocteau use d'une ironie cassante, nous offre une Jocaste extrêmement drôle qui trouble les conceptions habituelles des personnages de haut-rangs. Les deux soldats apportent également leur touche à cet acte comique par leur maladresse, leurs discours incohérents et beaucoup de jeux de langage.
Début du deuxième acte, une autre surprise : le personnage du Sphynx est totalement revisité, prenant ici l'apparence d'une jeune fille qui n'a plus rien de démoniaque ou d'inhumain justement. Au début c'est plaisant, mais j'ai trouvé que le discours était très répétitif.
Le personnage d'Oedipe entre finalement en scène et alors que j'étais assez impatiente de découvrir ce qu'en avait fait Cocteau, j'ai été déçu : je l'ai trouvé désagréable, orgueilleux, assez creux finalement et bien loin de l'image que j'en ai personnellement.
Finalement, la pièce se termine par un quatrième acte, "Oedipe Roi", bien trop court pour moi...

Je ne dirais pas que je n'ai pas aimé cette pièce : je l'ai lu d'une traite, certains dialogues sont vraiment réjouissants mais j'en attendais sans doute quelque chose de moins conventionnel. Seul le premier acte sort vraiment des sentiers battus de ce mythe par son humour. Ou peut être ai-je été perturbée par le personnage d'Oedipe lui-même. Je le conseille quand même pour la vision modernisée de l'histoire.
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La machine infernale est une réécriture par Cocteau de la pièce antique Oedipe de Sophocle.
Les banquets deviennent donc des nightclubs, le personnage Tiresias devient Zizi etc..... Cocteau modernise le style sans pourtant toucher à l'essence de l'histoire d'Oedipe: mythe fondamental en psychanalyse. On connaît son sort: il sera condamné à l'errance après avoir découvert qu'il a tué son père, couché avec sa mère et engendré des enfants avec cette dernière. Pièce de théâtre étudiée au lycée, et présentée au bac de français. Un très bon souvenir. le texte est plus accessible pour des jeunes que l'original de Sophocle.
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