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EAN : 9782363391216
320 pages
Finitude (03/10/2019)
4.08/5   19 notes
Résumé :
Des freaks, des rednecks, des paumés, et ce Sud qui sert de miroir à une Amérique tiraillée entre violence et respectabilité, peuplent tous les grands romans de Harry Crews.
Ce portrait noir et grotesque de son pays, Crews le dresse plus nettement encore quand il s'essaie au journalisme. On est alors du côté du « nouveau journalisme » de Tom Wolfe, ou du « journalisme Gonzo » de Hunter S. Thompson, de la « narrative non-fiction » comme on dit en français. Cet... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Harry Crews (1935 - 2012) est un romancier américain. Orphelin de père dès l'âge de deux ans, confronté à un beau-père alcoolique et violent, son enfance est marquée par les conditions de vie difficiles dans le Sud rural et de graves problèmes de santé. A 17 ans il s'engage dans le corps des Marines, où il passera trois années durant lesquelles il combat en Corée et découvre la littérature. Il intègre ensuite l'université de Floride pour des études d'anglais, qu'il interrompt en 1956 pour une virée de 18 mois en moto à travers les Etats-Unis. Il exercera jusqu'en 1997 comme enseignant d'anglais dans plusieurs écoles et universités de Floride.
Si l'écrivain était connu chez nous pour ses romans noirs (fortement recommandables), Péquenots qui vient de paraître est un recueil de seize textes, des reportages parus dans les magazines Esquire et Playboy entre 1974 et 1977. Une virée au coeur de l'Amérique profonde écrite dans le style de Hunter S. Thomson, inventeur en 1970 du journalisme gonzo dont je vous rappelle la définition : « une méthode d'enquête et un style d'écriture journalistiques ne prétendant pas à l'objectivité, le journaliste étant un des protagonistes de son reportage et écrivant celui-ci à la première personne. »
Nous suivons donc l'écrivain dans divers univers, très différents les uns des autres : le monde des jockeys et courses de chevaux, celui des forains avec ses freaks et leurs combines, celui des chauffeurs routiers ; il y a aussi des randonnées dans la nature où les rencontres peuvent être a priori inquiétantes ou très étonnantes que ce soit avec des péquenots locaux ou des touristes en camping-car ; et puis il y a encore d'autres types de rencontres, celle avec un vieil homme rongé par le souvenir d'une éléphante pendue ou celle, dans le cadre d'un entretien avec le célèbre acteur Charles Bronson.
Des portraits hauts en couleurs d'hommes et de femmes qui vivent au coeur de l'Amérique, trimballant leur misère comme leurs petits bonheurs futiles en bandoulière, semblant vivre retranchés sur leur propre condition. L'auteur pénètre ces mondes avec facilité car rien ne lui est étranger, ces gens sont de sa race, il connait ou déchiffre facilement leurs codes. Occasion pour l'écrivain de livrer au fil de ses discussions ou enquêtes des éléments de sa propre vie : sa passion amoureuse pour les voitures et en particulier la première qu'il ait eue (La bagnole), son expérience avec les oiseaux de proie (La buse va voler) tout comme avec l'alcool et les bars (Mardi soir avec Cody, Jimbo et un poisson). On notera aussi sa grande humilité d'homme peu confiant dans son talent d'écrivain, distillée par petites touches tout au long de ces récits « J'avais travaillé juste assez dur et j'en avais appris juste assez pour savoir que je n'étais pas ignoré sans raison par plusieurs milliers d'éditeurs idiots, qu'ils ne passaient pas à côté de moi pour rien. Non, il y avait quelque chose de faux chez moi, j'étais un mec bidon vingt-quatre carats ; c'était ça le problème. » (Le sale cabot de la télévision).
Si l'éditeur cite à juste raison Hunter S. Thomson comme modèle pour Harry Crews, j'ajouterai d'autres références, plus lointaines il est vrai car non basées sur le style mais plus sur l'ambiance se dégageant du texte, comme Dan O'Brien (La buse va voler), Charles Bukowski (Un jockey dans la dernière ligne droite) ou encore Philippe Garnier (Saint Bronson à mains nues, le sale cabot de la télévision). Quand on parle de musique, on évoque parfois l'americana défini comme un mélange des musiques roots américaine et des traditions qui ont fait l'histoire musicale américaine comme le folk, la country, le rhythm and blues et le rock 'n' roll. Ce bouquin est un peu à la littérature, ce que l'americana est à la musique.
Ma seule petite critique, trois textes (trente grosses pages, pas plus, au total) qui me semblent peu intéressants et qui sont regroupés en fin d'ouvrage, ce qui bloque le sourire de contentement qu'on était en passe d'afficher…
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Bien qu'éclatée entre Gallimard, Sonatine, Allia et, maintenant, Finitude, la publication française de l'oeuvre de Harry Crews se poursuit lentement mais sûrement. Dernier volume en date, Péquenots est en fait un recueil d'articles écrits par Crews entre 1974 et 1977 pour Playboy, Sport et Esquire et dont la version française ne reprend pas le premier d'entre eux, Descente à Valdez, publié il y a quelques années aux éditions Allia.

Péquenots s'ouvre sur un article au titre évocateur, La plus douce façon de trancher : la vasectomie, dans lequel Harry Crews conte quelles difficultés, dans le sud encore conservateur des États-Unis des années 1970, il a dû affronter pour arriver à se faire couper les canaux déférents. Abordée sur le ton de l'humour et de la provocation (« […] les infirmières m'ont lancé des regards noirs, leurs jeunes ventres désireux d'éprouver cette sensation de vie grouillante, elles savaient qu'il y avait désormais un homme de moins au monde susceptible de les aider à réaliser leur rêve. ») cette expérience comme toutes celles qui vont suivre éclaire à la fois sur la société de cette époque – et particulièrement celle du Sud profond – mais aussi et surtout sur Harry Crews lui-même à une époque où il a déjà écrit une bonne part de son oeuvre mais pas encore sa biographie, Des mules et des hommes.

C'est tout le monde de l'auteur qui prend chair ici. Harry Crews peut ainsi évoquer son attirance pour les freaks (Forain) ou les jockeys (Un jockey dans la dernière ligne droite), raconter des soirées de beuveries, sa condition d'écrivain et, toujours, ce qui l'a mené là où il en est alors :

« Pour des raisons nombreuses et compliquées, les circonstances s'étaient combinées pour que j'ai honte d'être un fils de métayer. […] Tout ce que j'avais écrit l'avait été par peur et détestation de ce que j'étais et de celui que j'étais. […] Une fois que je me suis rendu compte que ma vision du monde et de la condition de l'homme sur terre serait toujours exactement et inévitablement façonnée par tout ce qui, jusqu'à ce moment, n'avait eu pour effet que de m'inspirer de la honte, une fois que je me suis rendu compte de cela, j'ai été libéré. Depuis lors, je n'ai cessé de me trouver fascinant. Au bout de quelques semaines seulement je m'aimais à l'infini et profondément. Je n'ai pas trouvé d'autre amour que celui-là dans le monde, et d'ailleurs n'en attend pas. » (Le sale cabot de la télévision)

On croisera là Charles Bronson à travers un portrait où se mêlent admiration et fascination, on vivra le souvenir du lynchage d'un éléphant, on apprendra comment tenter de surmonter un chagrin d'amour en partant de nuit avec des chiens pour chasser le renard et l'on croisera, sur les sentiers de randonnée des Appalaches des péquenots agressifs et des touristes complètement siphonnés. Que l'on ne s'y méprenne pas toutefois : sous cette sorte de foisonnement, cette apparence disparate, Péquenots est un recueil extrêmement cohérent. D'aucuns ont pu regretter qu'on n'y retrouve pas l'écriture des romans de Crews. Certes. Mais est-ce ce que l'on attend d'articles, fussent-ils écrits par un écrivain ? Ce que l'on y trouve par contre, c'est tout simplement Harry Crews sans fard et c'est un immense plaisir.
Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Harry Crews a publié une bonne douzaine de romans rigolos mais aucun ne peut rivaliser avec son autofiction Des souris et des hommes. Cet extraordinaire récit — où il raconte sa jeunesse — vibre avec une telle intensité qu'il laisse une trace indélébile chez le lecteur. C'est dans cette optique que je me suis procuré Péquenots, un recueil de textes d'autofiction publiés dans Esquire et Playboy entre 1974 et 1977.

Ce recueil porte sur différents sujets : la vasectomie, des forains, Charles Bronson, le champ de courses, des pêcheurs red neck, une buse qu'il soigne, le site d'un meurtre en série, … Peu importe le thème, HC trouve le bon angle pour nous faire entrer dans cet univers et raconte avec un tel souci du détail qu'on ressent tout parfaitement. Même s'il aborde certains aspects grotesques de la culture américaine — qui nous font pisser de rire —, HC est aussi à l'aise avec l'émotion brute, et se gêne pas non plus pour semer ici et là des réflexions personnelles. C'est d'ailleurs sa plus grande réussite : être parvenu à raconter d'une manière vivante tout en livrant des commentaires d'ordre philosophique. Ça donne au récit une dimension intemporelle.

Le problème avec un auteur du Sud des États-Unis, c'est la traduction et c'est la principale critique que j'ai formulée sur Des souris et des hommes. Dans Péquenots, c'est mieux mais y a tout de même des passages où l'on perd le fil. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une oeuvre majeure de HC, Péquenots est suffisamment intéressant pour qu'on veuille le lire jusqu'à la fin.

La version originale de ce livre — Blood and Grits — comprend un article omis dans l'édition française. Cet article consiste en un reportage sur l'Alaska où l'on découvre d'étranges spécimens vivants dans cette contrée peu hospitalière. Ce récit pour le moins pittoresque a été publié antérieurement dans une toute petite plaquette intitulée Descente à Valdez.
Lien : https://alaincliche.wordpres..
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Crews journaliste, le talent n'est pas moindre.
Les points de vue insolites, la façon d'aborder le récit et la facilité à dépeindre les âmes devraient faire pâlir de jalousie ou d'envie les prétendants au prix Albert Londres. On retrouve ici le talent de cet écrivain qui a su apporter son regard singulier sur une Amérique des "petites gens".
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Ce roman nous plonge dans l'Amérique profonde rurale.
Au fil des rencontres, l'auteur plus ou moins à jeun, nous fait découvrir les paysages et les situations insolites du Far West des années 1970. "Des freaks, des rednecks, des paumés, et ce Sud qui sert de miroir à une Amérique tiraillée entre violence et respectabilité, peuplent tous les grands romans de Harry Crews". A lire pour mieux comprendre l'Amérique d'aujourd'hui.
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critiques presse (1)
LeFigaro
06 décembre 2019
Les Éditions Finitude proposent cette traduction des reportages savoureux que l’écrivain sudiste écrivit pour Esquire ou Playboy dans les années 1970.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Je suis resté à boire une vodka, je me sentais bien, bien comme un homme qui sait qu’il est chez lui. Un mois plus tôt, j’avais quitté Lake Swan, où j’avais habité pendant cinq ans. A cause du déménagement, j’avais dû renoncer à la Lonnie’s Tavern de Putnam Hall, et trouver un nouvel endroit où m’asseoir et réfléchir à mes petits soucis. Aussi avais-je cherché l’établissement de Mac comme certains hommes peuvent chercher l’épouse qu’il leur faut ou l’église qu’il leur faut. Il ne s’agit pas de blasphémer, mais j’ai appris il y a longtemps que pour nombre d’entre nous, l’endroit où l’on boit est plus important que ce que l’on boit…
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« Nous faisons tous partie, nous tous, de la tribu sauvage des avaleurs de foutaises. »
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Videos de Harry Crews (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Harry Crews
Le grand James Ellroy poursuit son tableau wagnérien de Los Angeles dans la tourmente de la seconde guerre mondiale. Et Harry Crews brosse un portrait saisissant des péquenots du sud dans les années 70. En contrepoint, un regard subtil sur l'Inde occupée par les Anglais au lendemain de la grande guerre par Abir Mukherjee, jeune auteur à suivre.
"La tempête qui vient" de James Ellroy (Rivages/Noir) "Péquenots" de Harry Crews (Finitude) "L'attaque du Calcutta-Darjeeling" de Abir Mukherjee (Liana Lévi)
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