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Alain Gnaedig (Traducteur)
EAN : 9782842612610
253 pages
Le Serpent à plumes (11/04/2001)
3.65/5   17 notes
Résumé :
Un Prince, autrefois, parce qu'il voulait fuir la mort, se fit le bâtisseur de villes imaginaires. Tout son royaume fut mobilisé et devint une Administration tentaculaire chargée de décrire tous les recoins de la Ville, tous ses habitants virtuels, toute leur histoire. Dans cette fabrique d'utopie, un jeune Cartographe tomba un jour amoureux fou d'une rousse Biographe. Pour l'approcher, il décida de créer un nouveau personnage imaginaire dans la Ville : le valet Pfi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
DÉDALE PHILOSOPHIQUE

Ci-après et pour mémoire, un article du Matricule des Anges en date d'AVRIL 2010. Par Pascal Jourdana :

Un conte du langage signé par l'écossais Andrew Crumey, érudit et réjouissant, entre roman d'amour et réflexion sur la fiction.
Pfitz a un destin étonnant. Paru en 1995 chez Dedalus (éditeur anglais pour qui c'est l'une des dix meilleures ventes au catalogue), il a été publié en français successivement chez deux éditeurs, à chaque fois épuisé puis oublié avant de reparaître aujourd'hui aux éditions L'Arbre vengeur... Il se présente comme une fantaisie philosophique où un Prince, " il y a deux siècles " (celui des Lumières), décide " de consacrer sa vie à se faire inventeur de cités fantastiques ". Après les échecs des villes " Mémorial ", " Fantaisie " ou " Célébration ", la Ville ultime qu'il imagine, Rreinnstadt, sera conçue " comme Encyclopédie " pour offrir " une exposition complète du savoir humain tel qu'on l'entendait à ce moment-là ".

À noter que Crumey a aussi écrit le Principe de D'Alembert (Calmann-Lévy, 1999), la référence directe à L'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert n'étonne donc pas. Rreinnstadt est organisée autour du Musée et de la Bibliothèque, réunis par un système de correspondance et de classification proprement dix-huitièmiste. Tout l'État est soumis à cette tâche : dessiner plans et cartes, mais aussi imaginer l'intérieur des bâtiments, c'est-à-dire les meubles, objets... et habitants ou visiteurs de la Cité, dont il faut écrire la vie fictive. le tout avec une précision absolue, abyssale même, car maquettes, dessins et biographies imaginaires prennent autant de place que les objets réels pour envahir l'urbanisme réel ! Affecté comme l'ensemble des citoyens à cette tâche gigantesque, Schenk, un Cartographe, va rencontrer une jeune femme rousse, une Biographe " dont la peau pâle lui remémora une carte qu'il avait vue autrefois, une carte des régions polaires du globe ". Immédiatement amoureux, il cherche à savoir qui est le personnage de la Ville imaginaire sur lequel la jeune femme travaille, et tombe sur le Comte Zelneck dont il apprend, ou croit comprendre, qu'il a un Valet. Celui-ci, Pfitz, apparaît sous la forme d'une incertaine silhouette dessinée sur une carte. Il n'en trouve cependant aucune autre trace ou étude, même au " Département des Anecdotes ".

Si l'on n'a pu s'empêcher de songer d'emblée à Borges, parmi d'autres influences ou échos, le récit, par son traitement romanesque, s'affirme ici en quelque sorte sous l'influence de Diderot, celui de Jacques le fataliste plutôt que celui de L'Encyclopédie. le Cartographe va en effet, pour séduire la Biographe, imaginer l'histoire de " Pfitz et son maître ", qu'il écrit sous la forme d'un dialogue perforé de commentaires qui sont de véritables incursions de l'auteur. le jeu de subversion des personnages et de leur réalité, les effets de miroirs du récit (ou métarécit) deviennent alors étourdissants. Mais ce n'est pas fini, puisqu'un autre nom, presque effacé, est découvert par Schenk à côté de celui de Pfitz : Spontini, un probable assassin... Un roman policier à présent ? Certes, mais plus proche de Si par une nuit d'hiver un voyageur d'Italo Calvino que de Conan Doyle ! Et pour faire bonne mesure, le final assez échevelé fera intervenir un choeur " logico-philosophicus ", comme si le philosophe Wittgenstein et ses réflexions sur le langage ne pouvaient être tenus à l'écart d'un tel livre...

Pfitz est donc un roman de la langue, stimulant, inventif et nourri de littérature, dont on ne cite ici que quelques exemples (un autre serait l'influence du romantique E.T.A. Hoffmann, inspirateur du concept freudien d'inquiétante étrangeté). On pourrait trouver cela légèrement indigeste s'il n'était aussi un roman du désir. Celui d'une femme, aimée par trop d'hommes ; celui du Prince, pourchassant ses rêves ; celui de l'homme qui écrit, toujours en quête de réponses ; celui du lecteur enfin, qui a toujours son rôle à jouer dans l'histoire. Comme disent les Anglais : enjoy !
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Beaucoup d'originalité et de malice dans ce complexe roman à tiroirs - l'illustration de couverture n'aurait pu être mieux choisie ! L'histoire en gros : un Prince décide de consacrer toutes les ressources de son royaume à la création de Cités imaginaires dédiée à feu sa première épouse ou à une thématique. Sa dernière lubie, au coeur du roman, est la création d'une ville conçue comme encyclopédie : Rreinnstadt. Et pour cette cité, l'ambition du Prince n'a pas de limite : les habitants eux-mêmes sont imaginés (chronologie, rencontres, etc.) tout comme les oeuvres de fiction (ainsi un service d'écrivains se consacre sans relâche à la création des oeuvres d'auteurs imaginaires).

Tout le monde suit ? Parce que ce n'est que le début !

Le personnage principal, Schenk, est un cartographe qui, pour revoir et séduire une ravissante rousse travaillant sur la biographie du Comte Zelneck, invente un nouveau personnage : Pfitz, le valet dudit Comte. Les chapitres consacrés aux aventures de Pfitz et du Comte font inévitablement penser à "Jacques le Fataliste" de Diderot. On y retrouve les mêmes discussions faussement légères et souvent drôles.

Lors de ses recherches documentaires Schenk met la main sur un livre d'un auteur de Rreinnstadt (imaginaire donc), un dénommé Spontini, mystérieusement lié au Comte Zelneck, sans que l'on sache exactement le pourquoi et le comment au début du roman. Certains chapitres sont en fait extraits du livre de Spontini.

Nous avons donc trois récits enchassés (Schenk, Pfitz et Spontini) qui sont autant de jeux sur la création littéraire et la puissance de l'imaginaire. D'autant que le récit est parfois coupé de manière intenpestive par "La Lectrice" - pestant contre le manque de réalisme du roman. S'en suit généralement, une discussion avec "L'Auteur" (voir citation). Ces trois récits enchassés sont liés par une intrigue quasi-policière qui m'a tenu en haleine et ne m'a pas déçu.

Crumey parvient tout à la fois à rendre hommage aux Encyclopédistes du 18ème, à poser des pistes de réflexion sur le réel et l'imaginaire, sur l'acte créatif en lui-même tout en maintenant le suspense jusque dans les derniers chapitres. Dense et captivant ! Chapeau !
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Pfitz est au roman d'amour,
Ce que l'Architecture est à la Ville,
Et l'Imagination aux Mots.
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dans la famille de Borges ou des contes de Calvino, un petit cran en dessous peut-être le trait étant parfois un peu trop appuyé, mais juste un peu, et la lecture au bout de quelques pages est réjouissante
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Avec ce magnifique projet, Andrew Crumey avait tout pour produire un livre hors-norme, saugrenu et désopilant, érudit et original mais, dépassé par ses moyens dans cette tâche ardue, il prouve que, malgré tout son talent, il n'a malheureusement ni le génie de Rousseau, ni celui de Sterne dont il emble s'inspirer.
L'article complet sur mon blog.
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
--- [...] D'aucuns pensent que le monde n'est rien de plus qu'un vaste livre, rédigé d'en haut par une main invisible, et que nos vies ne sont rien d'autre que la lecture progressive d'un destin qui a existé de toute éternité avant même que nous soyons nés. D'autres pensent que notre vie n'est seulement qu'un des nombreux livres possibles dans une immense bibliothèque, et que nous ne saurons jamais quel livre était celui de notre vie avant d'arriver à la dernière page (à quel point il sera trop tard pour y changer grand chose). Cependant, d'autres encore soutiennent que les livres eux-mêmes sont écrits tandis que nous parlons, et que leur intrigue est une chose sur laquelle nous pouvons avoir quelque influence. On débat cependant au sein de cette école pour savoir si la manière dont ces livres aboutissent était déjà dictée par quelque livre supérieur, dans une quelconque bibliothèque supérieure, ou s'il existe une hiérarchie infinie de livres et de bibliothèques pour gouverner le destin des coïncidences, les coïncidences du destin, le destin des destins, et les coïncidences des coïncidences.

--- Monsieur, essayeriez-vous de me séduire avec de la philosophie ?
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Déjà, le voyage de Pfizt et son maître a rencontré son premier obstacle, avec notre lectrice qui s'arrête au bord de la route et se plaint haut et fort. Je l'entends parler de langue, de description et de voix narrative, et affirmer que les livres sont supposés traiter des réalités de la vie, de sentiments, avec des personnages qui se développent grâce aux péripéties qu'ils rencontrent. Et voilà que quelqu'un d'autre s'adresse à elle, je crois qu'il dit qu'un livre qui se contente de dépeindre le monde tel que nous le pensons qu'il est relève seulement du divertissement le plus faible. Il ajoute que le propos d'un livre n'est pas simplement d'aller d'un point à un autre, du début à la fin, tout cela en ne cessant de présenter des tableaux et d'inviter le public à croire que ces derniers sont véritables. Mais cela ne lui plaît pas, elle boude, trépigne. Comment allons nous pouvoir continuer sans un lecteur ? Ne voulez vous pas nous accompagner encore un peu ?
- Seulement si l'Auteur est en mesure de me convaincre que son oeuvre à quelque chose à voir avec le monde réel.
L'Auteur répond que si son histoire doit ressembler au monde d'une quelconque manière, elle sera alors sans forme ni logique, avançant à l'aveuglette d'un moment à l'autre. Puis des motifs vont émerger graduellement qui dénoteront - ou non - des événements, des idées ou des actions. Les personnages qui feront leur apparition se révèleront peut-être d'une importance cruciale ou peut-être disparaîtront-ils au bout d'une seule nuit pour ne plus jamais se manifester à nouveau. Et puis juste à l'instant que vous pensez que tout est en branle, tout s'arrêtera.
L'Auteur précise également que si son histoire est censée ressembler au monde de la façon la plus fidèle, il n'essaiera point dans ce cas de creuser dans la tête de ses personnages et de leur attribuer des pensées et des émotions qui échappent à sa connaissance. En lieu et place, il rendra compte de leurs comportements et de leurs paroles de la manière la plus scrupuleuse dont il est capable. Il n'encombrera pas davantage ses pages de descriptions élégantes, puisque le monde est fait de choses, non de mots, et puisque tenter de rendre la réalité par des mots est aussi vain que de vouloir faire un papillon avec du sable.
Bon, et maintenant, pouvons nous continuer ?
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L'AGRESSEUR. - Il y a eu des dissentiment, des doutes; des querelles. Certains désapprouvaient le train où allait les choses.... Ce qui émergeait était un livre qui divergeait sans fin - un processus sans la moindre perspective de solution, sans espoir d'achèvement. Nous ne découvrions pas un Auteur unique, mais toute une collection de voix sans le moindre thème. Il semblait que Spontini allait mourir sans parachever son premier ouvrage. Mais ces différences entre nous n'étaient qu'un début.... A mesure que notre ouvrage avançait, nous vîmes bien que la tension que nous ressentions tous se révélait dans les écrits que nous attribuons à Spontini. Ou plutôt c'était comme si l'esprit de Spontini commençait à exercer sur nous une influence malveillante..
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Cette analogie de la toile d'araignée a ses limites (à l'instar de tout raisonnement analogique), mais il a aussi ses attraits. Nous pourrions considérer le langage comme un piège que nous tendons dans l'espoir de capturer quelque chose qui vous échappera toujours. Et nous devons rester perpétuellement vigilants, si nous ne voulons pas nous retrouver dans les rets de notre propre création.
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LE COMTE. Je ne sais pas, moi. N'importe quoi. Si jamais je venais à mourir, que ferais-tu ?
PFITZ. - Je trouverais un autre maître, sire.
LE COMTE. - Tu dis cela avec un tel calme ! Comment peux-tu te montrer aussi peu sensible ?
PFITZ. Un homme doit bien vivre, sire. Mais soyez assuré que je ne trouverai jamais un maître plus sage et plus noble que vous.
LE COMTE. - Merci, Pfitz. As-tu eu de nombreux maîtres avec moi ?
PFITZ. - Plusieurs, mais tous dignes d'oubli. A l'exception du Baron,qui avait une fort belle épouse
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