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EAN : 9782707149565
406 pages
La Découverte (22/05/2006)
4.48/5   32 notes
Résumé :
Rythmé par un va-et-vient permanent entre culture et société, entre réel et imaginaire, entre passé et présent, City of Quartz explore le destin de Los Angeles à travers son urbanisme et son architecture, ses élites politiques et économiques, ses intellectuels et ses artistes, sa police et sa multiethnicité. Pétrie de mythes hollywoodiens et de contradictions écologiques et sociales, la mégapole L.A. y est décrite comme le prisme grossissant permettant de saisir cer... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Histoire détaillée de Los Angeles pour une analyse très aboutie de ce qu'est un certain capitalisme.

Publié en 1990, traduit en français en 1997 à La Découverte par Michel Dartevelle et Marc Saint-Upéry (qui donne ici en prime une somptueuse préface), le deuxième ouvrage de Mike Davis, historien, ethnologue et sociologue urbain, toujours difficile à classer, est celui qui le fit soudainement et magistralement entrer parmi les grands analystes de la modernité contemporaine.

Décortiquant en 350 pages (et 40 pages de notes et bibliographie détaillée) l'histoire de Los Angeles, Mike Davis parcourt un terrain extraordinairement solide et détaillé, mobilisant sources statistiques de tous horizons, comptes-rendus de discussions législatives, articles de journaux et entretiens, mémoires des protagonistes, travaux universitaires ou encore sources fictionnelles pouvant illustrer des points particuliers, pour mêler habilement analyses dures et perceptions plus subjectives de la part des acteurs, et rendre compte ainsi de cette terrible richesse socio-historique en six chapitres denses et un prologue en forme de paradoxe associant la cité utopique déchue de Lalno del Rio et l'urbanisation frénétique en cours dans l'Antelope Valley.

« Ombres et lumières » examine le corpus intellectuel et culturel, ou ce qui en tint lieu au fil de l'histoire, de la Cité des Anges : théoriciens, écrivains, journalistes qui prirent Los Angeles pour objet ou pour décor, façonnant mythes et contre-mythes au fil des années, pour le meilleur et pour le pire, de construction volontariste d'une idylle de « rêve californien » à la création désenchantée du roman noir hollywoodien, de la rage de Joan Didion au nihilisme de James Ellroy, des précurseurs démystificateurs Louis Adamic ou Carey McWilliams aux exilés européens fuyant le nazisme, des scientifiques militants militaro-industriels du CalTech aux architectes mercenaires - et néanmoins intarissables sur leurs mérites - enrôlés par les promoteurs immobiliers.

« Les jeux du pouvoir » détaille pas à pas, époque après époque, l'évolution des différentes catégories de dirigeants de Los Angeles et de ses environs, du poids de leurs lobbies, de leurs alliances et revirements, et aussi – peut-être surtout – de leurs éventuels compromis entre idéologies fortes et opportunismes encore plus puissants. Ces jeux de pouvoir furent longtemps incarnés, une fois les velléités socialisantes chassées du paysage, tôt dans le siècle – et sans attendre la piqûre de rappel du maccarthysme, par la rivalité entre la bourgeoisie « wasp » de Downtown et de Bunker Hill, avec son racisme forcené, et la gentry juive du Westside, appuyée sur Hollywood, et aimant à se colorer de progressisme à l'occasion, tandis que les ghettos noirs et hispaniques ne pouvaient que compter les points, depuis leur permanente descente aux enfers – avant de se complexifier dans la période récente, en gardant toutefois comme on le reverra dans des chapitres ultérieurs quelques lois aussi immuables que rarement formulées à voix haute…

« La révolution des nimbies » analyse sur la longue période la manière dont cette « nation de propriétaires » qui domina d'emblée Los Angeles put, au fil des années, détourner la démocratie en une emblématique célébration du particularisme micro-local, symbolisée par l'expression qui fit ensuite florès, « Not In My Backyard », permettant à la fois de refuser toute amélioration collective qui ne profiterait pas directement aux plus influents, de faciliter le dumping fiscal entre juridictions voisines, d'entériner la création de communautés légales ségrégatives de fait, et d'aboutir in fine à un mécanisme infernal de déréliction du service public au profit d'intérêts privés toujours plus gourmands.

« La forteresse L.A. » dresse un constat sans fard, et par moments carrément terrifiant, de l'empire dans l'absence d'Etat que représentent les forces policières et carcérales, publiques et privées, à Los Angeles.

« le marteau et le caillou » montre comment l'émancipation ratée des ghettos au tournant des années 60 et 70, avec la destruction des Black Panthers, tout particulièrement, jointe à un véritable assèchement de la dépense sociale, conduisit très naturellement en quelques années, à l'émergence des grands gangs des Crips puis des Bloods, à l'explosion du crack, et à la vietnamisation de la lutte policière, dans les discours (saisissants) comme dans les faits (accablants, et dont seule une faible proportion parvient à franchir l'écran du consensus médiatique angeleño)

« le dépotoir des rêves », enfin, remonte aux sources de la très faible industrialisation de Los Angeles et de sa région, étudie l'exception aéronautique, ses succès, ses faiblesses et ses déboires, et décrypte le processus de tertiarisation extrêmement précoce comme de catastrophe environnementale très tôt écrite, avec l'écroulement sous les déchets qui guette et menace de plus en plus régulièrement…

Sans doute l'un des livres les plus fouillés et décapants qu'il m'ait été donné de lire sur la manière dont un certain capitalisme, pour peu que ses contrepoids s'affaiblissent trop ou s'alignent sur lui, engendre un tissu social, culturel, économique et, in fine, tout simplement urbain qui n'a en soi rien de « moderne » ou de « futuriste » (malgré la propagande active autour de ces qualificatifs), mais au contraire de purement déliquescent, comme une vaste apologie de la fuite en avant, ainsi qu'aurait pu le dire Chad Mulligan (le sociologue de « Tous à Zanzibar », pas le producteur de disques de « Grand Theft Auto », hein), tout personnage fictif qu'il soit.
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A toi, fan de Los Angeles, du cinéma américain, du roman noir, de l'urbanisme, de l'économie capitaliste, ... ou à toi, fan en devenir, qui ne le soupçonne même pas, ce livre t'es destiné.

Bible de L.A. cet ouvrage aborde tout : l'origine, l'évolution, l'écologie, la culture, l'énergie, l'urbanisme, les arts, la politique ... c'est précis, critique et complet.
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Lu il y a plus de 10 ans, ce livre reste à mes yeux un ouvrage majeur dans ma construction intellectuelle. Quand on jette un oeil dans le rétro, ils ne sont finalement pas si nombreux ces essais marquants.

Il faut dire que "City of quartz" est passionnant de bout en bout. Mike Davis fait preuve d'une érudition impressionnante en utilisant des ressources et des matériaux très différents : oeuvres culturelles (littéraire et cinématographiques principalement) portant sur Los Angeles, études économiques ou sociologique, analyses politiques, etc.

L'ayant lu de longue date, je ne peux rentrer dans le détail mais je me souviens notamment de son analyse des espaces urbains (dans le mobilier notamment) qui paraissent aujourd'hui visionnaires. Qu'on pense simplement aux sophistications en cours à Paris pour chasser du centre ville les SDF...

L'autre qualité du livre est de nous faire voir l'envers du décor dans une ville qui vend littéralement du rêve (Hollywood, Disney). C'est vraiment très très intéressant. Ce livre de sciences humaines n'est pas toujours facile d'accès mais par la diversité de ses sources et de ses analyses, il peut facilement être lu par toute personne un tant soit peu intéressée par les questions urbaines.

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Lu il a y une dizaine d'années. Dans le contexte d'un voyage dans cette ville. Je me souviens surtout des chapitres consacrés à la « sécurisation » de cette ville à travers l'urbanisme, de manière à refouler les miséreux en dehors de la ville. Également l'histoire des transports en communs, très développés dans les années 20 puis, sous les coups de boutoir du capitalisme et le développement de l'automobile, tout a été fait pour favoriser cette industrie au détriment des lignes de tramways.
Un livre très complet.
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Une analyse d'un système deshumanisant, datant de 1990, qui m'a livré un point de vue tentant de comprendre Los Angeles tout en fournissant une critique remarquable de ce que l'auteur démontre.
Livre que je recommande, avec la précaution de se renseigner sur le parcours de Mike Davis, en essayant de contextualiser l'ouvrage.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Dans une société de plus en plus réactionnaire et barricadée, où la solidarité est strictement rationnée par le déficit budgétaire et la révolte fiscale des classes moyennes (..), comment s'étonner que les jeunes des quartiers pauvres nourrissent leurs propres fantasmes de pouvoir les armes à la main ?
Les signes d'un désastre imminent sont omniprésents, et toute une génération est entraînée vers une impossible apocalypse.
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Préface
Le noyau de City of Quartz est sans doute le chapitre 4, " La forteresse L.A. ", qui analyse la privatisation et la militarisation sournoise de l'espace public à travers les innovations urbanistiques et architecturales et les technologies du contrôle policier.
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LE DÉPOTOIR DES RÊVES
Les géographies mentales trahissent les préjugés de classe. (...)
Dans la topographie consciente des yuppies, entièrement dessinée par leurs habitudes de consommation, les paysages ont tendance à rétrécir de façon exponentielle dès que l'on quitte le territoire du luxe.
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La meilleure façon de voir le Los Angeles du prochain millénaire est de le contempler depuis les ruines de ce qui aurait pu être un autre destin
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Les géographies mentales trahissent les préjugés de classe. (...) Dans la topographie consciente des yuppies, entièrement dessinée par leurs habitudes de consommation, les paysages ont tendance à rétrécir de façon exponentielle dès que l'on quitte le territoire du luxe.
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Video de Mike Davis (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Mike Davis
Les cartes ont des partis pris, des biais. Tentatives de retranscription du monde, elles sont aussi des moyens d'imposer une vision du monde, des objets de combats politiques, de propagande. Mahmoud Abbas et Benjamin Netanyahu ne cessent d'en agiter en conférences de presse et jusqu'à l'Assemblée générale des Nations Unies.
Depuis quelques années, dans le sillon de la géographie radicale et de ses grands noms, David Harvey et Mike Davis notamment, une cartographie radicale se développe. Cette dernière assume : l'exercice de représentation du monde est forcément subjectif et fondamentalement politique.
Dessiner le monde, c'est se le figurer, le nommer, l'organiser. Les cartes deviennent dès lors des champs de bataille et des outils de propositions politiques. Des peuples indigènes contestent les cartes hégémoniques pour imposer leur récit sur les terres dont ils sont issus. Des groupes de citoyens, d'académiciens ou de militants se retrouvent autour de projets de carte pour donner de la force aux habitants en matière d'aménagement du territoire. D'autres encore cartographient l'absence des femmes dans l'espace public, la gentrification…
Nous en parlons avec Philippe Rekacewicz, géographe et cartographe, chercheur associé à l'université de Helsinki et Nephtys Zwer, historienne.
L'invité des Matins de France Culture. Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 23 Décembre 2021) Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
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