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EAN : 9782072966491
176 pages
Gallimard (02/03/2023)
3.51/5   112 notes
Résumé :
« Dans ces pages, je réunis des histoires extrêmes de parents et d’enfants. J’en suis à moitié étranger : n’étant pas père, je suis resté nécessairement fils. »

Autour de ce sujet très personnel de la filiation, devenu avec le temps un motif récurrent de son œuvre littéraire, Erri De Luca compose un thème et des variations pleins de finesse. On y croise de jeunes vagabonds napolitains, la fille d’un nazi en cavale, la jeunesse révoltée de Mai 68 ou en... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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la filiation sous (presque) toutes ses formes

C'est sûrement la question intime qui a dirigé Erri de Luca vers la filiation, nous apprend-il en préface : « Je suis resté fils de ce père mort à l'âge que j'ai aujourd'hui. Même si je peux mourir plus vieux que lui, je reste un fils. Je ne connais pas le degré profond de la paternité qui produit le saut de génération. J'ignore sa grandeur nature ».

Mais c'est aussi sa culture et sa propension à mettre en relief les détails accrocheurs dans les histoires qui l'ont sûrement poussé vers l'écriture de ce recueil, dans lequel il sera question de filiation sous différentes formes, et pas forcément celles que l'on imagine : Naples sera ainsi à l'honneur chez l'auteur de Montedidio, une ville-mère de tous ces enfants des rues, « qui avait accouché d'eux par grappes après la guerre et qui les dressait à surmonter la journée ». Nous assisterons aussi à la rencontre d'un fils célèbre avec son père dans la création, face au chevalet et sa toile blanche. Nous connaîtrons mieux l'auteur malgré « l'économie des souvenirs » en le croisant dans sa désobéissance, au gré de la question du droit à l'insubordination. Il sera aussi question d'infanticide ou de tuer le père, de transmission de don ou du refus d'intervenir en faveur de son fils, au cours de voyages dans l'espace et le temps, le réel ou le mystique.

Mais le point d'orgue de ce recueil est sans conteste l'histoire de la fille d'un nazi, plus longue que les autres et réécrite par Erri de Luca à cette occasion. Il y questionne la morale et le choix de la descendance quand le sang est assassin, quand papa semble plus compliqué à articuler avec ses «  deux syllabes qui ne peuvent pas s'attacher en un seul mot », et fait résonner dans notre société le choix contemporain de certains pour la stérilisation, par engagement volontaire envers la planète et ses ressources.

Faute d'enfant, Erri de Luca plante ainsi des graines en littérature. Recueil de nouvelles ou recueil de récits peu importe, c'est un court recueil d'histoires savoureuses à coup sûr – à lire comme un écoute un conteur près d'une cheminée. le ton rocailleux de l'auteur enrobe ces histoires jugées extrêmes par lui-même, mais elles croustillent délicatement sous sa prose, empreinte de finesse et de poésie.
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L'auteur italien Erri de Luca (que d'ailleurs je vois souvent rangé à la lettre l'des librairies, alors qu'il me semble qu'on tient compte de cette particule pour les noms italiens) publie un nouveau recueil de textes.
Le fil conducteur de ceux-ci sont la filiation, un thème assez nouveau dans la prose de De Luca, du moins de façon aussi explicite.
On retrouve à travers ces textes les autres fils rouge de l'écrivain: la bible, Naples, la shoah, les mouvements sociaux de 68, les guerres et leurs victimes, la montagne.
Chose étonnante, est présent dans ce livre un texte déjà publié pour lui même (Le Tort du Soldat) mais remanié pour l'occasion ! On y (re)découvre le récit d'un autre point de vue. Intéressant !
On passe donc de Chagall peignant son père, d'Abraham sacrifiant son fils a De Luca quittant le sien pour s'opposer à la vieille société italienne.

L'écriture de l'auteur aujourd'hui septuagénaire est toujours de la même qualité, mêlant force et simplicité, peut être plus intime qu'avant, mettant un peu plus en scène sa personnalité profonde et ses fêlures...

Un peu court à mon goût, néanmoins.
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J'ai découvert Erri de Luca avec Montedidio qui m'a incité à partir illico pour Naples, j'ai fait confiance à l'auteur et ai rarement été déçue quoique ses romans napolitains sont mes préférés. Impossible et les textes écrits pendant le confinement le Samedi de la Terre ont aussi trouvé un écho militant et écologique qui m'ont parlé. Récemment j'ai écouté sa voix dans des podcasts de Radio France : L'Heure Bleue. 

Grandeur nature est un recueil d'une vingtaine de nouvelles et textes courts  souvent autobiographiques, sur le thème du rapport père-fils. Erri de Luca même septuagénaire, se considère toujours un fils puisque qu'il n'a jamais eu d'enfant. 



Le texte GRANDEUR NATURE s'ouvre sur le portrait du père de Chagall avec l'émancipation du fils qui s'exile, de sa ville et de sa langue, le yiddisch, mais il se mêle au texte biblique du sacrifice d'Abraham et de l'obéissance d'Isaac qui se laisse lier, attacher pour le sacrifice . Obéissance insensée.

N'existe-t-il pas de légitime défense contre son père, n'existe-t-il pas un droit de rébellion ? Est-ce bien moi qui ai écrit cette phrase, démenti de moi-même, des jeunes d'une génération qui s'est insurgée contre les pères ?

Je n'arrive pas à adhérer aux références au textes sacrés et surtout à l'hébreu bibliques. Pourquoi donc traduire lecaved en "donner du poids" et non pas en "honorer"? Quand on félicite quelqu'un "col hacavod" c'est un honneur et  non pas une charge! peut être mon hébreu moderne parasite la lecture religieuse. La recherche du sacré dans les textes m'est totalement étrangère et même m'agace un peu. Ironie de cette référence quand je lis plus avant dans le livre le chapitre sur Mai 68

Un court texte intitulé Note rappelle que Marc Chagall  et Stravinsky étaient détenteurs d'un passeport Nansen 

"Un apatride est quelqu'un qui perd sa nationalité par privation d'État. En Italie, les lois raciales de 1938 la retirèrent aux personnes d'origine juive.
Nansen reçut le prix Nobel de la paix en 1922 pour le passeport qu'il avait voulu et réalisé."

Utile rappel dans l'Italie de Meloni!

Dans Notion d'Economie, Erri de Luca raconte son enfance, son éducation, les rapports à l'argent que lui ont transmis ses parents. 

le texte suivant raconte les enfants misérables de Naples. Erri de Luca n'est jamais meilleurs que quand il raconte sa ville.

le Tort du Soldat est une histoire plus longue, tirée d'une version théâtrale ancienne. la culpabilité peut-elle se transmettre à travers les générations? La fille doit-elle porter le lourd héritage du père (alors qu'on lui a caché le tort?). Ici aussi, j'ai calé aux références de la kabbale. Décidément je suis anticléricale totale! le nazi se penchant sur la kabbale, très tordu! 

MERCI est une histoire sur la relation mère/fille que j'ai bien aimé.

UNE EXPRESSION ARTISTIQUE  illustré par un pavé lancé : Qui chute Anvidalfarei  

1968 fut l'année académique du pavé extrait de sa base et projeté en l'air.

nous étions nombreux, enfants de l'après-guerre, de l'élan d'un peuple à se reproduire après les décimations. Nous étions aussi la première génération cultivée en masse. Les deux vertus réunies étaient incendiaires.

Continuons le combat ». de là aussi le nom de l'organisation révolutionnaire italienne qui a suivi : Lotta Continua

Expression artistique : il cite les artistes qui ont donné des oeuvres pour la lutte :

Beuys, Boetti, Castellani, Kounellis, Matta, Schifano.

et il termine :

On me demande parfois ce qu'il en a été de ce temps-là, ce qu'il a laissé. Je réponds : le vide, celui du trou des
parasols retirés à la fin de l'été, profond, même beau à voir, avant que le sable le recouvre sans laisser de trace.


Erri de Luca ancien militant soixante-huitard m'intéresse décidément plus que l'exégèse de la Bible. 
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Neuf récits composent ce petit livre. Chacun d'eux est un regard sur les relations entre parents et enfants et, plus largement, entre générations.
On y croisera le sacrifice d'Abraham, le « mai 68 » italien , une fille découvrant que son père a eu un passé nazi, Marc Chagall peignant son père, les enfants de la rue napolitaine, etc...
On retrouve ici le poète, l'homme féru de la Bible, l'engagé qui conclut avec sagesse, que malgré les remous de l'Histoire les générations sont comme les jambes : "l'une avance d'abord, puis c'est au tour de l'autre. Nous ne nous croisons pas, nous avançons. Nous sommes les générations, nul ne peut nous arrêter".
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Un auteur que j'avais découvert par hasard avec le formidable « Impossible », et que j'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir.
Erri de Luca explique dans sa préface avoir réuni dans ce livre « des histoires extrêmes de parents et d'enfants. » Il dit aussi que, s'il en est « à moitié étranger : n'étant pas père », il est resté « nécessairement fils. »

« Grandeur nature », ce sont neuf récits sur le thème de la filiation. On y côtoie Marc Chagall, Abraham et Isaac, des enfants des rues napolitains, la fille d'un criminel de guerre en cavale, le directeur héroïque d'un orphelinat de Varsovie. L'auteur se souvient aussi avec émotion de son propre père, passant ainsi de l'universel à l'intime.
Il y a aussi l'empreinte de Naples dans ce livre, car même si Erri de Luca l'a fui à 18 ans, il ne s'en est pas détaché pour autant. D'ailleurs, le napolitain est sa langue maternelle.

Ce passionné d'alpinisme, animé par la justice sociale et la liberté, est un homme solitaire et humaniste, menant une existence presque ascétique. Il considère l'écriture comme une fête. Son style est épuré et lapidaire. Il l'explique en disant que ses textes sont « le format réduit de l'expérience de la vie. »
Ces neuf récits sont merveilleux, et donnent au lien filial émotion et noblesse.
« Grandeur nature » est un livre incontournable, je pense, car Erri de Luca est un conteur épatant.
Touchant de savoir que tous les écrits d'Erri de Luca sont traduits par la même personne, Danièle Valin, suite à un véritable coup de foudre littéraire.
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critiques presse (3)
Actualitte
06 décembre 2023
Dans ces textes très introspectifs, Erri De Luca évoque non pas les Dieux que les hommes se sont inventés mais les religions qu’ils ont créées pour parler d’eux.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LePoint
24 avril 2023
L’écrivain napolitain, qui se ressource loin du monde, publie un récit sur la filiation, « Grandeur nature », et se voit consacré par un Quarto.
Lire la critique sur le site : LePoint
SudOuestPresse
17 avril 2023
L'écrivain italien a réuni des « histoires extrêmes » de parents et d’enfants, où il mêle l’intime et l’universel. Certains passages sont bouleversants
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
On est attristé par le Christ en croix, on compte ses pas et les stations jusqu'au sommet de la colline nue. Et on baisse la tête devant la fermeté de son père. Ce soir, moi je la relève. Je parcours à nouveau le chemin de ce père qui a vécu chaque instant du supplice de son fils, sachant qu'il pouvait tout arrêter, le sauver, l'épargner. En buvant au contraire avec son enfant I'énorme coupe de l'impuissance volontaire.
Ce soir, j'ajoute ma compassion pour le père meurtri, désespéré, qui laissa exécuter la condamnation à mort de son fils.

Dans les tableaux, au pied de la croix, on trouve une mère brisée. Mais il y a aussi le père, auteur et responsable de la création, qui tremble avec lui. Enfermé dans le corps de son fils, il n'a pas d'autre place. Tout en se trouvant partout, en ces instants il est exactement là.
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Je lis les livres de la bibliothèque. Je me souviens en particulier de " Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", d'une écrivaine américaine. J'ai copié la phrase qui fait dire à son protagoniste :
"Avant de vivre en paix avec les autres, je dois vivre en paix avec moi-même. La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l'individu".
C'est comme ça pour moi aussi.La conscience est indépendante des majorités. Elle doit forcément être une minorité.
( p.135)
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Un jour, je sortirai d'ici, je marcherai de nouveau en ligne droite, j'userai la semelle de mes chaussures. Je porte les mêmes depuis dix ans et elles sont encore neuves.
Entre nous, rien ne se referme, rien ne se conclut. Nous deux, nous continuons dans la distance qui a été une condamnation et qui est une alliance maintenant. Formant une paire comme les jambes, l'une avance d'abord, puis c'est au tour de l'autre. Nous ne nous croisons pas, nous avançons. Nous sommes les générations, nul ne peut nous arrêter.
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Quelle genre de personne devient celui qui a tué des gens sans défense et qui doit ensuite feindre une existence normale ? Porter le masque de l'inoffensif : est-il si facile de se mêler de nouveau aux autres ? Ne se trahit-on pas, n'a-t-on pas la tentation d'agir normalement ?

( p.81)
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Marc Chagall huile sur toile Le Père
Il ne replace pas la toile sur le chevalet, il la pose par terre et commence par les yeux. Les pupilles grandes ouvertes sont noires, celles des harengs pêchés entre la Baltique et l'Islande. Et ce noir est entouré du blanc de la glace. Il change de pinceau, en prend un large et encercle de rouge les yeux de son père. Pas ses joues maigres, ce n'est pas un masque de Pourim, d'un carnaval yiddish. Ce n'est pas un jour de fête, c'est un jour de marché. Son père se dresse bien droit au milieu des caisses de harengs, il regarde son fils en face.
Les cernes rouges sont la marque du métier, un mélange de sueur, de saumure, d'insomnie de journées commencées bien avant l'aube.
Ceux qui se réveillent avec le soleil déjà levé ne savent rien des jours entamés en pleine nuit. Le peintre prend la liberté de ce rouge autour des yeux. Ce n'est pas une liberté, c'est la reconnaissance d'une humilité enfin comprise, approchée par les pinceaux comme une caresse.
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Videos de Erri De Luca (86) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Erri De Luca
Rencontre animée par Olivia Gesbert
De la bibliothèque paternelle à l'ombre de laquelle il a grandi jusqu'aux chantiers où il a été ouvrier, Erri de Luca a noué avec la lecture, puis avec l'écriture un rapport particulier pour bâtir une oeuvre double, celle d'une fiction romanesque aux forts accents autobiographiques et celle d'une réflexion sur l'Écriture. Depuis trente ans, c'est une oeuvre foisonnante et protéiforme qu'il bâtit, caractérisée par un style limpide, poétique, épuré. Ponctués de pensées, de métaphores, d'aphorismes, ses récits endossent souvent la forme d'une fable, d'une parabole empreinte d'une touche de merveilleux, dans une langue unique. Pour cette édition Quarto, ont été retenus une dizaine de textes publiés auxquels s'adjoignent cinq textes inédits, qui portent en eux la puissance de l'écriture d'Erri de Luca dans des genres littéraires variés, sa réflexion sur l'appartenance et l'identité, le poids du passé et l'importance de l'histoire, sur la fragilité et l'importance des relations humaines.
« Nous apprenons des alphabets et nous ne savons pas lire les arbres. Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes, les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations, le romarin est une chanson, le laurier une prophétie. » Trois chevaux, Erri de Luca
À lire – Erri de Luca, Itinéraires, Gallimard, coll. « Quarto », 2023.
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