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EAN : 9782356780416
136 pages
Editions Palantines (12/10/2010)
5/5   5 notes
Résumé :

Le 12 septembre 1886, Claude Monet débarque au port de Le Palais, à Belle-Île. Il y séjournera dix semaines. " Je me donne beaucoup de mal et me fais un mauvais sang, écrit-il le 12 novembre. Pourtant, ce sont 39 tableaux peints face à l'océan, qui marqueront l'oeuvre de Monet, et plus encore l'histoire de la peinture à Belle-Ile-en-Mer. L'étude de Denise Delouche met en valeur la démarche sérielle de l'artiste, initiée à Goulphar, en s'appuyant sur ces ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Léon Tolstoï s'invite en Bretagne..

On ne saurait trop remercier cette grande dame (*) qui a travaillé inlassablement sur les peintres modernes qui ont fatalement foulé du pied sa chère Bretagne parce que cette dernière a attiré tous les grands artistes en mal de renouvellement, de dépaysement. Cette histoire s'est passée sensiblement après les heures de gloire de l'impressionnisme qui recherchait un nouveau souffle. La critique allait bon train. Parmi les impressionnistes historiques, il faut admettre que c'est à Monet à qui on doit la plus fière chandelle. Alors que ses compères exploraient de nouvelles techniques, lui invariablement savait que l'impressionnisme n'avait pas tout dit ou révélé tous ses secrets. Comme le dit Denise Delouche, Monet n'est pas allé à Belle-Ile en quête de primitivisme comme Gauguin à Pont-Aven. Il y est allé alors que déjà il avait écumé les côtes normandes et bien roulé sa bosse comme artiste, en quête de paysages nouveaux capables d'émoustiller ce virtuose du pinceau, de motifs sauvages d'une beauté à couper le souffle sur des kilomètres et des kilomètres. Il pense alors que pour cela lui qui a toujours peint des paysages apprivoisés par l'homme, il lui faut s'en éloigner, même pas une cabane de pêcheurs sur la grève, d'ailleurs les éléments ne le supporteraient pas .. Claude Monet aime la mer, il lui faut la mer, il lui faut des falaises dont la hauteur lui rappelle sa tendre Normandie, il lui faut des couleurs à volonté, là où il excelle, des changements de temps, là où il sait aussi que personne n'est capable de le suivre. Ce sera donc Belle-Ile où il va rester 10 semaines et où il va produire quantité de chefs d'oeuvre. Pourquoi Belle-Ile ? Ce n'est pas lui qui aurait suivi Gauguin à Pont-Aven, il ne peut pas voir Gauguin en peinture, ce malotru qui lui a fait trop mauvaise impression lors de leur rencontre à un salon parisien. Selon Denise Delouche, on a retrouvé un Flaubert dans sa bibliothèque qui vante les mérites de la Bretagne en ces termes : "La marée montait au fond, sur les roches qui s'effaçaient dans le brouillard bleu du soir, que blanchissait sur le niveau de la mer l'écume des vagues rebondissantes : à l'autre partie de l'horizon, le ciel rayé de longues lignes orange avait l'air balayé comme par de grands coups de vent. Sa lumière reflétée sur les flots les dorait d'une moire chatoyante ; se projetant sur le sable, elle le rendait brun et faisait briller dessus un semis d'acier. (..) La falaise était haute, si haute qu'on en avait presque peur quand on levait la tête. Elle nous écrasait de sa placidité formidable et elle nous charmait pourtant car on contemplait malgré soi et les yeux ne s'en lassaient pas.." (Par les Champs et les grèves de Flaubert).

Oui il est fort possible que Flaubert lui ait donné des idées à lire ces mots si inspirants.
Mais il faut savoir que Monet était un immense travailleur, les salons ce n'était pas son truc. Il ne voulait pas se disperser et n'était pas insatisfait, mais de voir son école malmenée le poussait à agir encore davantage dans un décor cette fois qui pût ravir son enthousiasme à créer, toujours créer.. . Je pense que secrètement il avait encore en tête les effets de vague de Hokusaï. Il n'en avait donc pas fini avec la mer. On peut épiloguer ..

En tout cas de ce séjour breton, il va nous ramener des peintures qui sont aujourd'hui disséminées aux quatre coins du monde dans les musées de renom et dans des collections privées de riches. J'ai une préférence pour cette Pointe de rochers à Port-Goulphar (en fait à Port-Domois), huile sur toile 81 x 65. The Cincinnati Art Museum, USA. Cette côte inhospitalière de rouge, de bleu, de noir (Monet évolue), de rose, un ciel jaune pâle qui reflète sur une mer en quasi-repos, mais aucun blanc ! Monet a réussi son pari ! Belle-Ile sera géante par Monet !..

"Ce qu'on sait moins, comme nous l'indique l'auteur, c'est que Monet était un grand lecteur des maîtres de la littérature, sa correspondance est abondante ..
Il y a rapportée dans cet excellent livre, une anecdote que je trouve drôle personnellement vu mes accointances avec le maître des frimas : "lors de son séjour à Belle-Ile, Monet trouve néanmoins le temps de lire avec la chandelle pour tout luminaire (le 18 septembre, il informe Alice qu'il va se faire acheter de la bougie au Palais). La postérité n'a pas conservé de Monet l'image d'un artiste féru de littérature, et n'a pas voulu contribuer à donner cette image de lui-même or, maintenant, nous connaissons sa bibliothèque d'un millier d'ouvrages, et nous voyons , à travers cette information au jour le jour que nous offrent ses lettres, qu'il lisait régulièrement. Quand, le 22 octobre, il n'a plus rien à lire, il demande à Gustave Geffroy de lui envoyer des livres, et celui-ci lui en expédie à plusieurs reprises. A Belle-Ile, c'est Tolstoï qu'il lit, qu'il découvre peut-être, puisque, adressant ensuite les volumes à Alice, il commente : "C'est très joli, Tolstoï, vous trouverez peut-être bien quelques longueurs, des questions philosophico-sociales, mais c'est très bien, et tout y est étudié et très observé, on voit absolument la vie russe" (18 octobre).
Tolstoï et la littérature russe sont alors en France la découverte des milieux intellectuels. A la même date, Van Gogh recommande à Emile Bernard de lire les légendes russes de Tolstoï. Claude Monet n'échappe pas à l'engouement (est-ce grâce à Gustave Goeffroy ? peut-être). Il lit Katia (*), Anna Karénine, d'autres titres encore de Tolstoï, et quelques autres livres, dont un médiocre roman des Goncourt .."

Mais si ce n'est un temps de chien comme vache qui pisse ou la nuit, Monet s'acharne à la tâche comme un enragé.
Pour la petite histoire, Tolstoï "rentrera dix ans plus tard dans le lard" des impressionnistes et des Baudelaire et Cie et des Wagner et Cie en disant qu'ils ne sont plus capables de comprendre ni l'art le plus élevé ni l'art le plus simple". Quelle ingratitude mon cher Léon ! Il y avait tout de même Monet qui travaillait avec acharnement tout comme toi, avec génie, d'un jet et qui explorait des choses inédites de la nature tout comme toi qui scrutais les âmes avec perspicacité et psychologie, qui faisais miroiter la beauté du verbe sur ton sujet tantôt serein, pur, tantôt tourmenté, avec une singularité infinie, et bien lui il faisait miroiter la pureté d'un ciel jaune pâle sur une mer provisoirement en repos venant adoucir le temps d'un instant les rochers inhospitaliers de la côte qui s'ouvraient un peu de rouge, de bleu soutenu, de rose, de noir laqué japonisant. N'a--t-on pas dit qu'il y avait un peu d'impressionnisme dans ton art de la narration, cher Léon ?

(*) Denise Delouche est aujourd'hui un peu âgée, elle est considérée comme la spécialiste des peintures modernes liées à la Bretagne et a publié quantité d'ouvrages à cet effet. Grande universitaire de Haute Bretagne.
(*) Katia : le Bonheur conjugal.

13 04 2023
Bon si c'était à réécrire ce papier qui date de 2020, je l'aurais sûrement remanié de fond en comble. J'ai au moins une raison qui me fait y tenir, se reporter à mon intervention du jour : Léon Tolstoï : Qu'est-ce l'Art ? Mais alors très franchement, si l'on n'écrit rien, ou si l'on ne fait pas un noeud à son mouchoir (qu'on ne met plus en poche du reste), eh ben la plus belle poésie que l'on renferme chacun au fond de soi fond comme neige au soleil, pour ne plus jamais réapparaître, morte comme une feuille morte parée de ses plus beaux attraits, son dernier signe de vie avant le néant.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Sublime étude de Monet à Belle-Ile sur les effets et variations chromatiques d'une journée qu'on ne peut capter qu'en peignant sur le motif.

Ce qui est intéressant, c'est que Monet a renoncé au noir le qualifiant de non couleur, et elle revient sous son pinceau par la voie que la nature impose au crépuscule dans ces fameux récifs inhospitaliers de Belle-Ile. Ce qui est encore plus édifiant c'est que Monet a réalisé une pochade: le Port-Dormois, où la roche brune, noire, s'oppose à des bleus introuvables et occupe la toile de manière ostentatoire. Les paysages marins de Belle-Ile ont vaincu Claude Monet.

(*) La pochade est la première esquisse du peintre face ici aux éléments
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Videos de Denise Delouche (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Denise Delouche
Auteurs : Denise Delouche et Anne de Stoop
Livres : Lettres de Mathurin Méheut à Yvonne Jean-Haffen
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