Comme toujours, avec les recueils de poésie, il y a des hauts et des bas.
J'avoue ne pas avoir toujours compris le choix effectué par les éditeurs concernant la place de certains poèmes. Les réunir par thèmes, je le conçois. Mais les mêler sans aucun intérêt réel apparent m'échappe. Cela m'a parfois embêtée dans ma lecture, étant donné que je passais d'un thème à l'autre, tandis que la section « Amour » par exemple est bien réunie. Même si d'autres poèmes traitant du sujet sont éparpillés dans le recueil.
Malgré cet exemple sur l'amour, j'ai apprécié le fait que le poète n'en parle pas uniquement, au contraire. le fait d'aborder sous une forme pareille la vie de l'époque, la politique, et les nombreuses critiques concernant ce vice, ces péchés, qui pourrissent l'état m'ont grandement intéressée. Il était novateur pour moi de lire un recueil où le poète, à son époque, n'aborde pas uniquement la grivoiserie et la passion, mais se permet surtout des remontrances, des supplications, il vient donner son avis sur différents sujets et permet ainsi de plonger dans son époque, dans son monde.
La langue est parfois, souvent, complexe à déchiffrer et j'avoue que la traduction en français moderne est d'une grande aide.
Je ne peux pas placer ce recueil dans mes « coups de coeur », étant donné la longueur ou le peu d'intérêt de certains poèmes pour moi. Malgré tout ce fut somme toute une agréable découverte.
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VIRELAI
Sui-je, sui-je, sui-je belle ?
II me semble, à mon avis,
Que j’ay beau front et doulz viz,
Et la bouche vermeillette ;
Dictes moy se je sui belle.
J’ay vers yeulx, petit sourcis,
Le chief blont, le nez traitis,
Ront menton, blanche gorgette ;
Sui-je, sui-je, sui-je belle ? etc,
J’ay dur sain et hault assis,
Lons bras, gresles doys aussis,
Et, par le faulx, sui greslette ;
Dictes moy se je sui belle.
J’ay piez rondes et petiz,
Bien chaussans, et biaux habis,
Je sui gaye et foliette ;
Dictes moy se je sui belle.
J’ay mantiaux fourrez de gris,
J’ay chapiaux, j’ay biaux proffis,
Et d’argent mainte espinglette ;
Sui-je, sui-je, sui-je belle ?
J’ay draps de soye, et tabis,
J’ay draps d’or, et blanc et bis,
J’ay mainte bonne chosette ;
Dictes moy se je sui belle.
Que quinze ans n’ay, je vous dis ;
Moult est mes trésors jolys,
S’en garderay la clavette ;
Sui-je, sui-je, sui-je belle ?
Bien devra estre hardis
Cilz, qui sera mes amis,
Qui ora tel damoiselle ;
Dictes moy se je sui belle ?
Ballade sur le trépas de Bertrand Du Guesclin3
Estoc d'honneur et arbre de vaillance,
Cœur de lion épris de hardiment,
La fleur des preux et la gloire de France,
Victorieux et hardi combattant,
Sage en vos faits et bien entreprenant,
Souverain homme de guerre,
Vainqueur de gens et conquéreur de terre,
Le plus vaillant qui onques fut en vie,
Chacun pour vous doit noir vêtir et querre :
Pleurez, pleurez, fleur de chevalerie.
O Bretagne, pleure ton espérance,
Normandie, fais son enterrement,
Guyenne aussi, et Auvergne or t'avance,
Et Languedoc, quiers lui son monument.
Picardie, Champagne et Occident
Doivent pour pleurer acquerre
Tragédiens, Aréthusa requerre
Qui en eau fut par pleur convertie,
Afin qu'à tous de sa mort le cœur serre :
Pleurez, pleurez, fleur de chevalerie.
Hé! gens d'armes, ayez en remembrance
Votre père - vous étiez ses enfants -
Le bon Bertrand, qui tant eut de puissance,
Qui vous aimait si amoureusement;
Guesclin est mort : priez dévotement
Qu'il puisse paradis conquerre;
Qui deuil n'en fait et qui ne prie, il erre,
Car du monde est la lumière faillie :
De tout honneur était la droite serre :
Pleurez, pleurez, fleur de chevalerie.
Eustache Deschamps : ballade médiévale à double entendement