Poète galant dans les Élégies — où l'on ne trouve guère la tristesse élégante des élégiaques antiques et de la renaissance française, Donne se distingue par sa crudité (voir le voyage d'amour ou le coucher de sa maitresse, p 71 à 77) :
« License my roaving hands, and let them go,
Before, behind, between, above, below. »
« Laisse, laisse quêter ma main buissonnière
Par-dessus, par-dessous, devant, derrière ! »
Puis il vire dévot, prédicateur, se qualifie comme poète métaphysique. Rien d'indispensable au lecteur de 2021. Dans mon ignorance, je déplore la traduction en vers rimés, l'hémistiche bien calé au milieu, de style pompier archaïque. Peut-être est-elle fidèle, peut-être non (voir les vers ci-dessus où le traducteur redouble les mots et ajoute une interjection égrillarde). Je n'aime pas la traduction de l'un des plus beaux vers [Sonnet XIII, p 226, dans la veine métaphysique] :
« What if this present were the worlds last night? »
Traduit : « Si jamais cette nuit le monde allait finir ?... »
Je la préfère plus fidèle, sans l'encombrer de trois petits points :
« Et si ce présent était la dernière nuit du monde ? »
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Chanson
Attrape une étoile filante,
Fais qu'une Mandragore enfante,
Dis-moi où sont les ans passés,
Qui du Diable a fendu le pied,
M’enseigne à ouïr les Sirènes
À parer les dards de la haine,
M’apprends
Quel vent
Pousse un cœur honnête en avant.
Si tu es né pour l'impossible,
Pour voir des choses invisibles,
Cours si loin que sur toi le Temps
Fasse neiger des cheveux blancs.
Tu me diras à ta rentrée.
Les merveilles qu'as rencontrées.
Et puis
Qu'ici
Il n’est belle fidèle aussi.
S'il en est une, écris : je gage
Que ce fût doux Pèlerinage ;
Et pourtant non, je n'irais point,
Dussé-je la trouver non loin :
Quand écrivant tu l'aurais vue
Fidèle, jusqu'à ma venue
Je crois
Ma foi
Qu’elle en trompera deux ou trois.
(p. 103)
LE MESSAGE
Rends-moi mes yeux, qui s’égarèrent
Trop longtemps, quand sur toi restèrent :
Mais y eurent telles leçons
De tromperie
Et félonie
Qu’en est leur vue
Toute perdue
Par ta faute : garde-les donc.
Et rends-moi mon cœur sans malice,
Que méchants pensers ne ternissent;
Mais si lui enseigna le tien
À faire liesse
De la tendresse
Et simagrée
De foi jurée
Garde-le, car il n’est point mien.
Rends-moi pourtant mon cœur, ma vue,
Que tes ruses me soient connues,
Et que je rie, et sois comblé
Si, languissante,
Tu te tourmentes
Pour créature
Qui n’en a cure,
Ou perfide autant que tu l’es.
Déshérité
Par testament ton père aux pauvres a laissé
Tout le bien qu’il avait : tes droits restent entiers.
[Disinherited
Thy father all from thee, by his last Will,
Gave to he poore ; Thou hast good title still.]
(p. 96-97)
La beauté pure et simple
est toujours à sa place.
John DONNE – De l'Érotique au Sacré : une vie déchirée (DOCUMENTAIRE, 2009)
Un documentaire réalisé en 2009 par Simon Schama. Présences : Fiona Shaw et John Carey. Traduction : André Léssine. Poèmes traduits par André Léssine, Yves Denis, Jean Fuzier, Philippe de Rothschild, Jean Miquenne, Robert Ellrodt.