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3,77

sur 639 notes
Je ne me suis pas passionnée pour ce roman, du moins pas comme je l'aurais voulu. D'ailleurs, j'ai abandonné mon livre, après en avoir lu la moitié. 300 pages de lecture assez inégale, déjà pas mal. C'est la narration faite d'ellipses qui aura eu raison de moi. L'auteur ne s'appuie pas sur un rythme régulier, et résume la vie de ses personnages en comprimant les événements de leur vie. Ça fait parfois des sauts dans le temps d'environ 10 ans. Nous ne pouvons ainsi que faire appel à notre imagination, et construire leur histoire nous même, à peine pouvons-nous parfois les reconnaître dans certains cas, comme celui d'Elaine, qu'on appelle aussi Ellen. En plus, sa mère portait le même nom, c'est vraiment du vice.

Je veux bien tirer la conclusion alors que ceci n'est que surtout un roman écrit pour la société de New-York, pour décrire une époque, un roman choral, sur une ville, un pays, une terre d'accueil ou de discrimination, de liberté, de promesses ou non-promesses, d'espoirs, de renouveau. Bien-sûr les histoires des personnages ont leur importance mais prises dans la collectivité.

Les uns arpentent les rues de New York comme des âmes en peine, les autres vont chercher leur destin à l'affût d'une première affaire à plaider. Ailleurs, on y boit. Des hommes cherchent un toit, une profession pour s'épanouir, s'enrichir. Tous chérissent le même désir de liberté et veulent réaliser leur rêve américain, ensemble d'étrangers venus tenter une aventure incertaine dans cette métropole.

J'ai particulièrement aimé les descriptions des paysages urbains un peu lyriques, poétiques. On devine un regard mélancolique. J'ai cherché les monologues intérieurs, mais je n'en ai vus qu'un ou deux, d'où aussi ma déception. Mais il est vrai que ce livre parle très bien de l'Amérique et de New York, et de tout ce qui va avec, de ce qui est inhérent à la culture des américains, de ce qui fait leur identité, mais aussi leur différence avec nous, les Européens. C'est sans doute une référence à découvrir et à lire. Et puis, c'est un aussi un moyen amusant de découvrir New York sur le papier et en imagination, même si on n'y est jamais allés.
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J'ai découvert ce livre célèbre de Dos Passos. J'avais déjà fait quelques essais de lecture auparavant, sans succès. La forme qui ressemble à priori à un roman, mais qui n'en est pas une vraiment, avec ses nombreux personnages qui se croisent sans se rencontrer forcément m'avait un peu déroutée..
Cette fois je suis allée jusqu'à la fin du livre, par curiosité.
Trop habituée au parcours classique d'un récit je me suis souvent perdue (bien qu'ayant fait des fiches pour me retrouver.
Ce que j'ai le plus apprécié c'est l'écriture claire, précise,, la descriptions de la ville de New York par tous les temps, les couleurs, les sons, les odeurs, le défilé des images, tout à fait comme au cinéma.
Une oeuvre originale, d'un style tout à fait moderne, nouveau, et aussi, bien sûr la critique d'une société où riches et pauvres se côtoient tout en s'ignorant, menée par un désir d'ambition sociale, de gagner de l'argent,.
Une oeuvre qui marque l'esprit, qu'il faudrait relire encore une fois, plus tard, pour apprécier cette nouvelle manière de raconter.
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Si vous pensez qu'un roman, c'est un début, un développement de péripéties et une chute, le tout autour d'un personnage, alors oubliez tout cela en ouvrant Manhattan Transfer et acceptez de laisser l'auteur tourmenter vos méninges. Car le premier mot qui vient à l'esprit à la lecture de ce roman est : déconcertant. le roman est à l'image de son décor, New York : foisonnant, grouillant, fourmillant… Dans la première et la deuxième parties, la capacité de l'auteur à créer les images et les sensations est époustouflante et tout est palpable : vous ne lisez pas le destin de personnes vivant à New York au début du XXe siècle, vous êtes à New York en 1900. La lecture n'est cependant pas toujours simple et souvent, vous cherchez où vous avez déjà rencontré le personnage cité. Ce roman est un puzzle, toutes les pièces se mélangent sans arrêt et vous perdez vos repères. Mais une fois ce concept accepté, je me suis laissé porter surtout grâce à cette langue magnifique. La troisième partie est encore plus nébuleuse, même si le nombre de personnages s'est un peu rétréci, certains ayant disparu, noyés dans cette ville tentaculaire, qui est briseuse d'hommes autant que créatrice de destins. Cependant au final, je ne regrette pas cette expérience et des phrases magiques et magnifiques me trottent toujours dans la tête.
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Lu quand j'étais à la fac. J'ai malheureusement passé tellement de temps à écouter des profs le décortiquer, que ce livre est devenu pour moi un objet d'étude, d'analyses et commentaires d'intellectuels éclairés... Bref, il a perdu tout intérêt à mes yeux.
Je lui mets quand même quatre étoiles parce que Guillaume Gallienne lui a consacré une émission ("ça peut pas faire de mal") sur France Inter et tout ce que me lit G.G. je le (re)découvre, je le goûte et je le savoure...
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Dix ans avant l'invention de la télévision, John Dos Passos inventait le zapping. Le procédé consistant à « engager » une troupe de personnages puis à les mettre en scène à tour de rôle, de façon récurrente, sur de très courtes séquences, le plus souvent par des dialogues sans autre introduction ou explication que l'endroit de la ville où ils ont lieu, fit de ce roman un monument qu'on étudie, aujourd'hui encore, en licence de lettres.
La troupe est nombreuse : Bud le fermier désespéré, Gus le laitier pour qui la chance tourne du bon côté le jour où il se fait renverser par un tramway, Ellen la jolie comédienne de Broadway, Ed Thatcher son père, Jimmy le journaliste, Maisie sa cousine, Georges l'avocat, Tony qui consulte (déjà) un psychanalyste, Joe le spéculateur de Wall Street condamné à la mendicité, Congo le marin qui devient bootlegger pendant la Prohibition en se faisant appeler Armand Duval, aussi comblé qu'était désespéré celui de « la Dame aux camélias », Joe le syndicaliste, Dutch le braqueur…au total une vingtaine de personnages nous accompagnent chaque fois que l'auteur leur donne l'occasion de réapparaître. Ils travaillent, ils parlent, ils rient, ils dansent, ils aiment, ils pleurent, ils boivent, ils réussissent, ils perdent, ils volent, ils mentent, ils meurent… mais la vraie, la seule vedette, c'est New York, qui, à l'époque où le roman est écrit (trois ans avant le Jeudi Noir de Wall Street), ne compte qu'une centaine d'années de développement et devient la ville dominante.
On y évoque la vie urbaine qui dévore le temps et l'énergie des habitants, les immigrants, la faim, l'alcool omniprésent, le travail qu'on cherche, qu'on trouve ou non, les syndicats qui commencent à se créer, les premières grèves, l'argent et Wall Street, les rêves de réussite et d'ascenseur social, les anarchistes, le formidable élan de la construction (bientôt le verre et l'acier remplacent les briques), les paquebots transatlantiques, l'amour, le sexe, les avortements, le divorce, l'émancipation des femmes, la guerre en Europe, les faits divers : incendies, accidents, escroqueries, vols, attaques à main armée, qui constituent un spectacle quasi permanent dans les rues et qui nourrissent les journaux qu'on s'arrache. Il y a aussi la Prohibition qui nous ramène à l'alcool, vraiment très présent même quand il est interdit. On regarde ou on subit la publicité qui envahit les devantures et qui scintille dans la nuit, « Il allait par la ville aux fenêtres resplendissantes, la ville aux alphabets bouleversés, la ville aux réclames dorées ». On sent les murs de la chambre vibrer à chaque passage du métro aérien, on respire les vapeurs d'essence, la poussière, l'enthousiasme et le découragement : « Il se sentait fatigué, malade, lourd de graisse. Un garçon de courses à bicyclette passa dans la rue. Il riait et ses joues étaient roses. Densch se vit, se sentit pendant une seconde, mince, ardent, à l'époque où, bien des années auparavant, il descendait Pine Street, au galop, nu-tête, en guignant les chevilles des femmes. »
On admire au loin « la statue de la Liberté. Une grande femme verte, en peignoir, debout sur un îlot, le bras en l'air.
_ Qu'est-ce qu'elle tient dans la main ?
_ C'est une torche, mon chéri...La liberté éclairant le monde »... et on arpente Manhattan dans un tourbillon, passant de Broadway à Battery Park, déjeunant à l'hôtel Astor, assistant à un match de boxe à Madison Square Garden, attendant, au bord du quai, le Mauretania à défaut du Titanic ou changeant de train à Manhattan Transfer. On ne s'ennuie jamais, on partage espoirs et désillusions ainsi que l'épuisement de ceux qui marchent et piétinent le long des avenues ou dans les couloirs du métro. On est heureux de s'asseoir au bar avec eux et, comme un touriste ravi, d'avoir profité pleinement de cette magnifique promenade dans le temps et dans « la ville qui ne dort jamais ».
Il est temps de refermer le livre, un des personnages quitte la ville dont il a épuisé les joies et les peines. C'est le petit garçon qui admirait, autrefois, la statue de la Liberté avec sa maman. « le soleil levant le trouve en marche sur une route cimentée entre des terrains vagues pleins de détritus fumants. Il a faim. Ses souliers commencent à faire gonfler des ampoules sous ses gros orteils. A un carrefour, il y a un dépôt d'essence et en face un wagon-lunch, The Lightning Bug. Il emploie soigneusement son dernier quarter à déjeuner. Il a encore trois cents pour lui porter bonne chance, ou mauvaise. Un grand camion d'ameublement, brillant et jaune, vient d'arriver. « Dites-moi, voulez-vous me permettre de monter ? demande-t-il à l'homme aux cheveux roux qui tient le volant.
_ Vous allez loin ?
_ Je ne sais pas trop…assez loin. »
On imagine un vagabond, on pense aux milliers d'autres qui prendront la route en 1929, à Chaplin, et finalement on se souvient qu'on est en Amérique, que demain est un autre jour et que tout est encore possible pour Jimmy. Qui peut dire qu'il ne se relèvera pas ?
Manhattan Transfer est bien un monument, un peu à la manière du Flatiron Building, étrange et singulier mais tellement emblématique de la cité, un monument qui vaut vraiment la visite !
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Solitudes new-yorkaises qui s'entrechoquent, se croisent et se déchirent, se reflètent dans les mirages du succès, l'âpre survie au jour le jour. Roman lyrique de la modernité, de son désenchantement, Pour restituer ses errances, cette policée indifférence à autrui, cette mécanique tant intime que collective, John Dos Passos suit une multitude de silhouettes, de destins douloureux aux traitements souvent abrupt, vertigineux dans la nouveauté d'un traitement expérimental. Manhattan Transfer admirablement, un rien froidement parfois, restitue la saveur d'une époque dans sa course à l'effondrement, dans son arrière-texte biblique, mais aussi dans son espoir communiste.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Voilà un roman pour le moins original ! Il dresse un portrait de New York au début du XXe siècle, en entremêlant dans un même chapitre de courts tableaux (certains d'une ou deux pages seulement) décrivant des tranches de vie d'individus d'origines et de conditions parfois très différentes. On découvre par bribes successives les destins des protagonistes principaux : George l'avocat, Ellen l'actrice, Jimmy le journaliste, Congo le trafiquant, et une multitude d'autres qui traversent le roman. Parfois difficile à suivre, mais c'est cette construction particulière du récit qui rend compte du tourbillon incessant de la ville, qui est de fait le personnage principal. C'est pour Dos Passos l'occasion de dénoncer la course à la réussite sociale de ces individus perdus dans la foule anonyme, tentant de lutter contre l'indifférence, la précarité, l'insécurité et donner un sens à leur vie. le ton général est très pessimiste, et toute entreprise volontaire est vouée à l'échec. le destin, le temps, la fatalité, le hasard, Dieu (on l'appelle comme on veut) met in fine tout par terre. Cette vision de l'Amérique est aux antipodes de l'image commune d'une nation conquérante et volontaire, mais ô combien d'actualité. Un vrai plaisir de lecture, d'une modernité époustouflante.
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Je ne m'attendais pas à un livre si beau et si prenant. Dos Passos brosse une fresque sur le New York des années 1890 à 1920, mais il ne s'agit pas d'un roman traditionnel, centré sur un personnage ou éventuellement une famille: à travers des scènes de la vie d'une dizaine de femmes et hommes issus de différentes classes sociales durant cette trentaine d'années, on circule dans bien des milieux et bien des endroits de la métropole. Certains des personnages se connaissent ou seront amenés à se connaître au fil du roman, d'autres pas; Dos Passos évite soigneusement toute intrigue, tout romanesque pour simplement juxtaposer ces moments d'existence. Nul autre intérêt ici que la vie des êtres humains et la vie de la ville.
La ville, justement, compte beaucoup ici, comme si elle était en réalité le protagoniste: Dos Passos décrit par petites touches les rues, les intérieurs, les bars, les hôtels, les restaurants, les ports... Tous les sens sont convoqués: on voit, on entend, on sent New York. le décor de cette métropole, sa dureté aussi, sont magnifiquement rendus par un style sobre, sans clinquant ni effets, souvent poétique, quoique discrètement.
Même sobriété dans la peinture des personnages et de leurs émotions: bien des moments sont tragiques ou au contraire comiques, mais l'auteur sait faire ressortir cela sans appuyer, sans pathos ni burlesque intempestif. La joie comme la peine, constamment présentes, n'en ressortent sans doute que plus fortement.
Un magnifique pendant "nordique" aux romans "sudistes" de Faulkner, de la même époque, dans une même veine moderniste.
(Et pour moi, une cure de belle et bonne littérature après l'assommante "Tragédie américaine" de Theodore Dreiser - cf. ma critique de cet ouvrage sur ce site.)
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Contemporain de Faulkner et célèbre bien avant lui, Dos Passos a publié ce roman trois ans après l'Ulysse de Joyce. La critique lui attribue comme à Faulkner et Joyce l'usage du courant de conscience, ce que ne confirme pas la lecture. Rarement intériorisé, dominé par les dialogues, le récit est fragmenté dans le temps (ses trois parties correspondent à l'été 14, au retour de la guerre et à la fin des années 20). Il se distribue entre de multiples acteurs des deux sexes et de tous milieux, saisis de l'extérieur dans les rues, les taxis, les dancings, les appartements miteux ou bourgeois. La fragmentation du récit jointe à la multiplicité des acteurs rend la lecture difficile. Trois traits sont particulièrement frappants.

Le premier est l'enfermement dans New York — la plus grande ville du monde à l'époque —, bruyante, puante, dangereuse, en perpétuel mouvement, dont on ne s'échappe qu'aux toutes dernières lignes du roman : « Un énorme camion de meubles vient d'arriver, jaune, étincelant. — Dites, vous pouvez me prendre à bord pour un bout de chemin ? demande-t-il au rouquin assis à son volant. Vous allez loin ? Sais pas… assez loin, oui ».

Puis la confiance aveugle en l'avenir, au succès d'un capitalisme débridé qui fait renoncer à toute prudence et impose un égoïsme total : les personnages acceptent le court terme qu'on leur impose, ses tuyaux, ses combines, ses trahisons, au bénéfice d'un avenir dangereux, d'un quitte ou double qui aboutira quelques années plus tard à la crise de 29. Dans une ambiance hystérique-alcoolique, les puissances en action sont « le sorcier de Wall Street », Moloch souvent nommé, les syndicats insistants et la grève, les détectives des firmes et le lockout, la spéculation immobilière.

Un troisième trait est le caractère sensoriel et sauvage de ce roman urbain, son écriture immédiate, impressionniste, à la limite du figuratif : bruits, sons, odeurs ; pluie, froid, canicule ; le désir, l'épuisement et la faim. On pense aux Illuminations d'un piéton considérable.
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« Manhattan transfer » est sans doute le plus « passosien » des romans de John DOS PASSOS. En effet, dans ce long roman d'accès parfois peu aisé, tous les ingrédients de l'un des maîtres états-uniens de la plume acérée sont présents. Il peut être même vu comme le livre charnière entre ses premiers romans de structure plus classique, et la trilogie « U.S.A. », l'un des plus labyrinthiques romans de toute la littérature d'Amérique du nord. « Manhattan transfer » est le quatrième roman de DOS PASSOS, paru en 1925, deux ans après « Les rues de nuit » (roman déjà chroniqué en nos pages) et quelques années avant le premier volet de « U.S.A. », l'ossature commence à se complexifier. On peut sans peine arguer d'une oeuvre annonçant « U.S.A. », puisque déjà de nombreux personnages se croisent, s'imbriquent, des tranches de vies superposées et structurant un récit assez déconcertant dans sa forme. Déjà, des coupures de journaux sont glissées çà et là, révélant des faits divers.

« Manhattan transfer » est la représentation des Etats-Unis, en gros entre 1890 et 1920, donc se terminant quasi en même temps que son écriture. Comme toujours ou presque avec DOS PASSOS, les personnages mêmes représentent chacun une image des U.S.A., il n'est peut-être d'ailleurs pas nécessaire d'indiquer ici leurs noms, leur statut social et leurs convictions, leurs objectifs, ils sont les Etats-Unis. Qu'ils soient bourgeois, capitalistes, socialistes, rentiers, ouvriers, chômeurs, anarchistes, qu'ils aient participé ou non à la première guerre mondiale, qu'ils soient ou non déjà sortis de New York (« personnage » central du roman), qu'ils aient un vécu lisse ou tumultueux, tous vont témoigner, par des anecdotes, des affaires en cours, des amours, des regrets, des rejets, etc. le mouvement de populations est prégnant, certains personnages vont quitter la Grosse Pomme, d'autres y arriver en bateau, accoster dans le port et découvrir ce monde bruyant.

Chez DOS PASSOS, la fiction est un prétexte pour dépeindre un monde : celui de « Manhattan transfer » représente la fin du monde considéré comme ancien, et l'avènement du monde moderne, peu après à la fois la révolution industrielle et la première guerre mondiale, monde dans lequel l'homme n'est pas près pour vivre et évoluer. L'homme pas assez moderne justement, truffé de coutumes féodales ou arriérées, qui ne sait pas utiliser la technologie en marche de manière correcte et compétente.

1925, l'homme DOS PASSOS est encore idéologiquement très proche des mouvements anarchistes, ce qui se ressent dans les traits de ses personnages les plus corrosifs et dans ses propos les plus irrévérencieux :

« - C'est pas nous qu'avons fait le monde… C'est eux, ou Dieu peut-être bien.
- Dieu est de leur côté, comme un agent… Quand le moment sera venu, on tuera Dieu… Je suis anarchiste.
Congo fredonna : ‘Les bourgeois à la lanterne, nom de Dieu !'.
- Êtes-vous des nôtres ?
Congo haussa les épaules :
- J'suis ni catholique ni protestant ; j'ai pas le rond et j'ai pas de travail. Regardez ça.
De son doigt sale, Congo montra une longue déchirure sur son genou :
- C'est ça qu'est anarchiste… »

Ce qui frappe toujours chez DOS PASSOS, c'est sa maîtrise déconcertante de la langue, il tient les rênes, c'est lui le pilote, le lectorat se retrouve dans l'incapacité d'envisager une quelconque marge de manoeuvre, DOS PASSOS pense et écrit jusqu'au minuscule détail pour que le lectorat s'imprègne bien de tout ce qui est ici imposé. Par ses descriptions, ses dialogues, l'auteur fait parler le capitalisme, la misère, la compétition, le racisme (pas mal de pics antisémites des protagonistes, volonté de retracer l'atmosphère d'alors ou DOS PASSOS était-il un peu ignorant et partial sur le sujet ?), le progrès, le business, la fin de l'homme en tant qu'identité propre, les magouilles, les bootleggers, les hijackers, la corruption, la prohibition. La fresque est imposante. Il en profite pour glisser quelques thèmes progressistes, l'avortement, le rôle néo-esclavagiste des grandes entreprises, bien d'autres sujets sociaux parfois pertinents voire avant-gardistes. Ce sont autant de thèmes qui déambulent par le biais de personnages parfois errants et désenchantés.

Dans cette immense projection, DOS PASSOS n'oublie pas quelques touches d'humour, bien dissimulé et franchement efficace, comme pour faire une dernière grimace à l'ancien monde en train de disparaître, laissant place à l'absurdité et la déraison du nouveau. Sur ce point, DOS PASSOS peut être vu comme un visionnaire. le monde qu'il montre est violent, égoïste, fait de crimes et d'abus de tous genres, toujours au nom du Dieu argent, la cupidité fait figure d'arme absolue, l'humanisme est rangé aux vestiaires. Pas de héros se détachant franchement de cette vaste étude, car même New York n'est plus une héroïne, car gagnée par la crasse, le béton, le fric et la corruption, elle se fissure et devient témoin impuissant de son propre anéantissement (voir les débuts de chapitres en italique). Sur ce point, il m'est très difficile de ne pas associer DOS PASSOS et plus tard le parcours cinématographique de John CASSAVETES, le rapprochement me semble saisissant.

Vous l'aurez compris, si vous recherchez une lecture estivale colorée et pleine de surprises et rencontres positives, laissez de côté « Manhattan transfer », roman rugueux et sombre, vertigineux et de structure relativement complexe, ce qui fait de DOS PASSOS un romancier original, avant-gardiste et génial car à rebrousse-poil des formes de son temps. Ce roman a été maintes fois réédité, il est perçu comme le chef d'oeuvre de l'auteur, il en est en tout cas la meilleure et la plus audacieuse empreinte.

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