Tout le gotha s'est déplacé pour assister à la première de « Tauriphonie » : le Ministre de la Culture, l'épouse d'un ancien Président de la République, des personnalités du monde culturel, un aéropage de journalistes parisiens… Cette création de musique contemporaine est assez singulière. le compositeur Skotakis a organisé son concert dans une arène au sein de laquelle évoluent quinze taureaux. Des micros doivent saisir les beuglements des bêtes stressées, le musicien se chargeant de tirer de ces sons une musique novatrice. le résultat est atroce. Si les non-initiés quittent rapidement la salle, les « VIP » et les critiques musicaux se gargarisent de cette création et se pressent pour féliciter Skotakis. La création n'est plus qu'une vague supercherie gonflée par les mondanités et les flagorneries.
C'est une des péripéties racontées dans « Tout doit disparaître ». Benoît Duteurtre y fait le récit autofictif de ses expériences de journaliste et de critique musical. Il se dépeint en étudiant brûlant de devenir artiste mais qui se lancera dans le journalisme après avoir raté sa vocation de musicien. Étourdi par la vie parisienne, il se voit en « Bel Ami » des temps modernes. Il déchantera rapidement et devra se contenter de modestes piges dans un journal dédié à la musique classique. Il y fait l'apprentissage des règles qui structurent le milieu de la presse. Il est nécessaire de courtiser les patrons de presse et de se créer un solide réseau professionnel. Il va faire son trou dans le journalisme au prix de nombreux renoncements : il va défendre des principes qui ne sont pas les siens et se dévoyer en acceptant des missions dans les presses féminine, pornographique ou de faits divers. Pour réussir, il faut se renier.
Amené à se déplacer en France pour réaliser des reportages, le narrateur va poser un constat amer sur notre modernité. Il va visiter un centre aquatique, un parc d'attraction construit sur un ancien site industriel, un hôtel de tourisme aux couleurs des Etats-Unis, un village vosgien qui se lance dans le ski d'été… le voilà désemparé devant l'avènement de l'industrie du divertissement.
Duteurtre exprimera le même désenchantement dans les romans qui suivront, notamment dans son dernier opus « Livre pour adultes ». Il goûte peu la modernité clinquante et globalisée qui survient. La musique contemporaine qui brille par son hermétisme et sa disharmonie laisse ce mélomane de marbre. Par contre, il se laisse charmer par l'opérette, les bals populaires ou la musique afro-américaine. Si le narrateur a satisfait son ambition première, il se retrouve désormais tiraillé par des questionnements existentiels. Il ne parvient pas à trouver sa place dans la société. Seuls les bains de mer en Normandie ou la contemplation des sommets vosgiens lui permettent de soigner cette douloureuse amertume et d'être enfin en phase avec le monde. Ces retours épisodiques à la nature sont les meilleurs remèdes pour fuir un monde devenu artificiel et uniforme.
Un roman amer, drôle et lucide.
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Un bon sujet, un auteur sincère, spirituel, un milieu peu connu (la petite coterie des critiques musicaux et l'entre-soi horripilant de ces experts et spécialistesqui décident et écrivent ce que nous devons aimer, ressentir et penser en matière de musique) et un bouquin raté. La faute à la paresse, Benoît. Arrête les livres mal finis, dont on voit encore les fils de bâti. Arrête de juxtaposer des morceaux qui tiennent avec des bouts de ficelle. Je trouve que tu décris si bien le monde où nous entrons à marche forcée. Tu es si drôle et si percutant. Avec une poésie que tu combats (pourquoi ?) Peut-être devrais-tu choisir un registre par ouvrage. Quoi qu'il en soit, je t'ai trouvé ici aussi ennuyeux que ceux que tu dépeins.
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Quand en 4eme de couverture vous voyez : "Un roman vif drôle et cruel", vous pouvez vous attendre à un récit rythmé, ou au moins à sourire un peu. Que nenni, ce texte est d'une platitude extrême, aussi chiant que les concerts de musique contemporaine décrits dans le roman. L'humour est simplement absent, et la seule cruauté est envers le lecteur, à qui l'auteur fait subir un supplice de 239 pages. Chapeau l'artiste!
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Conservation et rénovation sont les deux mamelles de l'Europe. Le monde moderne grandit entre le musée et le business. Pour que fleurissent les beautés futures, il faut que nous renaissions libérés, gagnants, positifs, ânonnant l'anglais, militants de nos "différences". Quelques nostalgiques préfèrent déplorer le déclin français. Persuadés d'être nés trop tard, ils se considèrent comme les détenteurs d'un passé. Leurs mots n'ont pas de sens. Ils n'entendent rien aux affaires en cours. Leur "patrie" est le théâtre des frustrations, le parti des aigris. La vie est ailleurs. Je ne suis toujours pas nationaliste.
Je suis en train de devenir, comme tous les autres humains, un râleur, un déçu, reprochant au monde entier ce qu'il est devenu pour ne pas considérer ce que je suis moi-même devenu.
Benoît Duteurtre - Livre pour adultes .Benoît Duteurtre vous présente son ouvrage "Livre pour adultes". Parution le 18 août 2016 aux éditions Gallimard. Rentrée littéraire 2016. Retrouvez le livre : http://www.mollat.com/livres/benoit-duteurtre-livre-pour-adultes-9782072548093.html Notes de Musique : When You Leave by Sergey Cheremisinov. Free Musique Archive. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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