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3,78

sur 399 notes
ean Echenoz a déjà écrit deux livres de ce type : Ravel, sur le musicien du même nom (excellent livre) et Courir, sur Emil Zatopek (que je n'ai pas lu) ; avec Des éclairs, il finit brillamment une trilogie sur des hommes connus. Écrit sur un mode tragi-comique, ce livre est une perle. Si j'étais vulgaire, je dirais : "Putain, quel pied !" Mais comme je suis un garçon bien élevé et que parfois ma maman lit mes billets, je vais plutôt dire : "Fichtre, quel plaisir !"

Je me suis régalé avec la langue de J. Echenoz (entendons-nous bien, c'est une image, ce n'est pas vraiment sa langue ; je n'ai pas l'heur de le connaître, et quand bien même je le connaîtrais... Mais bon, arrêtons-là ma parenthèse). C'est un vrai bonheur de lecture. Des phrases somptueuses, drôles par leur construction plus que par le choix des mot
Je pourrais vous citer le chapitre 9 dans lequel Jean Echenoz raconte la naissance de la chaise électrique : je ne sais si l'anecdote -pour ceux qui ont le malheur d'y passer, c'est probablement plus qu'une simple anecdote- est véridique, mais l'intérêt réside dans la manière de nous narrer ce fait : irrésistible ! Sauf probablement pour William Kemmler, le premier condamné à être exécuté de la sorte.
Revenons un peu à Gregor avant que je n'utilise tout les superlatifs que je connais pour qualifier le travail de l'auteur. Gregor ne vit que pour et par ses inventions : totalement inadapté à la vie en société (exceptée la bonne société qui peut financer ses faramineux projets), bourré de tics et d'habitudes, ayant une très haute opinion de lui-même, tout à fait conscient de sa valeur, il ne remarque pas les regards énamourés des femmes. Parce qu'en plus il est grand et beau
En 175 pages, Jean Echenoz réussit l'exploit de raconter la longue vie de Gregor -presque 90 ans- sans jamais nous ennuyer, bien au contraire, même lorsqu'il parle électricité. Et croyez-moi si vous voulez, je bricole un peu chez moi pour remettre la maison en état (isolation, peintures, tapisserie, pose de sols, ... -je prends pas cher, si vous avez besoin !), eh bien, s'il est un domaine auquel je ne touche pas d'abord et avant tout parce que je n'y comprends rien c'est bien l'électricité. On m'a expliqué dix fois. Dix fois j'ai compris. Dix fois j'ai tout oublié étant incapable de ré-expliquer le moindre branchement. Je ne dis pas cela pour étaler ma vie privée ni mes piètres exploits électriques, mais simplement pour vous dire que malgré ma réticence à ce domaine pour moi totalement abstrus -je fais mon fier avec ce mot, mais en fait, je ne le connaissais pas avant de lire la page 88, et comme je le trouve bien, je m'en sers moi aussi. Y'a pas de raison-, je n'ai jamais eu la tentation de passer une seule page de ce livre.

Je m'emballe, je m'emballe, je sais, mais là, croyez-moi, c'est pour la bonne cause, ou plutôt pour l'excellente Littérature !

Un bouquin extra -si vous ne l'aviez pas saisi- que vous ne pouvez donc pas éviter.
Lien : http://lyvres.over-blog.com
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Un titre bien choisi qui correspond bien au style de l'écrivain, et comment rendre sympathique un personnage qui ne le cherchait pas et qui n'a cessé d'osciller entre obscurités et fulgurances. Eh bien grâce au style, Madame, Monsieur, le style incomparable de Jean Echenoz, prenant ses distance avec l'histoire tout en y collant à sa manière, à la fois complice avec son personnage mais aussi avec son lecteur, semant quelques énumérations bien choisies, utilisant avec jubilation le "on" comme sujet de ses sentences ironiques ou mordantes, enfin jonglant avec son sujet au point qu'on meurt d'envie d'en savoir plus. Pour un peu, Nikola Tesla serait bien capable de revenir d'outre-monde pour lui serrer la main, le bougre !
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Écouté en livre audio.

Du pur Echenoz dans le style et dans le récit. L'itinéraire de vie hors norme de l'inventeur Tesla (oui oui) racontée avec détails emphasant le côté original pour pas dire excentrique du personnage.
Pour qui adore le style echenozien il ne sera pas déçu

La voix de l'auteur, tout comme pour ses autres livres audio, colle bien au texte, synthèse parfaite du papier, du texte et de la voix.
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Ce livre se présente comme la bibliographie d'un nommé Gregor, mais il s'agit de toute évidence de l'ingénieur américain N. Tesla (1856-1941). Pourquoi l'auteur a-t-il cru utile de procéder à ce changement de nom ? probablement afin de garder toute latitude pour « romancer » cette vie. Pourtant, J. Echenoz rend compte avec exactitude de ses innombrables inventions dans le domaine de l'électricité. Au cours de sa vie, cet ingénieur a déposé plus de 700 brevets ! Il a une forme d'intelligence exceptionnelle: il « manifeste le don de se représenter intérieurement les choses… de les voir avec une telle précision tridimensionnelle que jamais il n'a besoin de schéma, de maquette ni d'expérience préalable ».
Mais, au fait, quel homme fut cet ingénieur génial ? Si l'on en croit l'auteur, c'était une personne hyperactive, imbue de sa valeur, obsédée par la promotion de ses idées, presque misanthrope, sans motivation pour les relations avec des femmes - et pour tout dire antipathique. En fait, il n'a aucun ami, sauf un couple qui lui restera fidèle. de plus, il présente des bizarreries que l'auteur décrit sans indulgence: son obsession des microbes, sa compulsion des dénombrements, son absurde sollicitude pour les pigeons, etc.
Le récit suit de près tout le parcours professionnel de N. Tesla. Parti de rien, il obtient vite le succès, avec la notoriété. Il fréquente des millionnaires qui lui fournissent des subsides et l'utilisent cyniquement. Il s'habille en dandy et il dépense sans compter, vivant à crédit. Mais en fait, il n'aime pas l'argent et se fait parfois "plumer". Plus tard, son heure de gloire étant passée. Il devient moins inventif, perd ses relations utiles, redescend l'ascenseur social. Afin de meubler sa vie, il se consacre alors aux pigeons de New York: « le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot, veule, vide, vil, vain. Son vol de crécelle, son regard sourd, son picotage absurde, son occiput décérébré qu'agite un navrant va-et-vient ». le déclin de N. Tesla est long et sa vie finit en queue de poisson.

Le roman est écrit au présent, avec des mots simples et des phrases généralement courtes. Mais il y a des exceptions, comme par exemple cette description alambiquée dont je donnerai seulement le début: « C'est un garçon de petite taille, à l'air apeuré quoique dangereux, sournois bien qu'une innocence parfois égarée dans son regard, naïve et bute comme celle d'un ange, fasse concurrence à cet aspect chafouin et donne l'impression d'un enfant assez fou, capable de torturer quelqu'un à mort, tout en le serrant en larmes contre lui… »: il y a parfois de la complaisance dans l'écriture.
Le ton est détaché, le propos se veut souvent ironique, l'auteur se tient à distance du personnage, qui n'est perçu qu'à travers son travail et ses démarches. Rien ne le rend proche de nous et encore moins sympathique. En lisant ce livre, le lecteur se souvient du regard porté par J. Echenoz dans un autre roman consacré à M. Ravel, qui n'était pas "massacré" comme N. Tesla, certes, mais qui apparaissait comme un dandy insaisissable et rien moins que chaleureux. Personnellement j'apprécie peu le persiflage assez méprisant de J. Echenoz à l'encontre de ses personnages.
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L'auteur nous raconte l'histoire fictive de Nikola Tesla, génial physicien et artisan visionnaire du futur.
Mais, il lui colle une personnalité d'un enfant de cinq ans qui serait atteint d'autisme précoce.

Bien qu'il ait servi ma curiosité encyclopédique, Echenoz m'a carrément énervé devant ce traitement peu glorieux de son personnage.

Cinq étoiles pour la connaissance historique, zéro pour le traitement du personnage

Ancelle, le 23 septembre 2019
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Gregor, le héros du récit d'Echenoz, est un orage, il a des éclairs, des éclairs de génie. Gregor, inspiré par Nikola Tesla, invente comme Echenoz écrit, guidé par l'esprit, le souffle et la science. À la fin du 19ème siècle, le père du courant alternatif rêve d'un 20ème social et électrique. Idéaliste Tesla-Gregor irradie, mieux, il magnétise. Par ses bons côtés comme ses mauvais.
Echenoz signe un récit qui nous tient de bout en bout par le fond et la forme. Les inventions se succédent dans la vie de Gregor comme dans la langue d'Echenoz. Les liens avec le reste du monde, le réel et l'autre, celui que Gregor pourrait être seul à voir, à entendre, à comprendre, ces liens se tissent et se défont, au rythme et au son d'un parlé-écrit gourmand et savant. Magnifique livre et belle leçon de vie aussi où le narrateur s'amuse à nous mettre dans la peau du personnage tout en nous communiquant son envie, quand il le faut, de lui voler dans les plumes. Une belle et grande nostalgie plane sur ce récit, adapté avec bonheur pour l'opéra et la musique de Philippe Hersant par l'auteur lui-même pour le livret, baptisé Les Éclairs.
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Il y a eu le superbe Ravel (2006), portrait du compositeur qu’on a dit aussi autoportrait de l’auteur, il y a eu le génial Courir (2008), ou la vie d’Emil Zatopek, athlète tchécoslovaque, et aujourd’hui, comme pour clore un triptyque de “vies de”, et maintenant il y a Des éclairs, ou la vie romancée d’un scientifique, Gregor, inspiré de Nikola Tesla (1856-1943), où Echenoz apparaît au sommet de son art.

Au départ il y a une scène d’anthologie : la naissance d’un enfant, entre vingt-trois heures et une heure du matin du jour suivant, lors d’une nuit d’orage ponctuée d’éclairs.

Et dans cet éclair – qui va engendrer le titre de cette troisième vie romancée – Echenoz va y voir un signe, un fil conducteur qui guidera toute la vie de Grégor alias Nikola Tesla. Dès cette première scène le ton est donné : nous sommes dans la légende.

Jean Echenoz le renomme Gregor et, à l'instar des deux précédents livres, ne s'embarrasse d'aucun impératif biographique pour romancer la vie de ces personnages de génie.
Echenoz déduit deux choses de cette nuit symbolique : la passion de Gregor pour l’électricité (Tesla inventera le courant alternatif) et le caractère ombrageux, en dent de scie, de son personnage de génie.

À la fois élève brillant et incompris, Gregor a des dons exceptionnels, notamment celui de « se représenter intérieurement les choses comme si elles existaient avant leur existence, les voir avec une telle précision tridimensionnelle que, dans le mouvement de son invention jamais il n’a besoin de croquis, de schéma, de maquette ni d’expérience préalable. »

Mais Gregor a aussi des Tocs : il a besoin en permanence de connaître l’heure exacte , il s’entoure de vingt et une serviettes pour nettoyer tous les couverts qu’il va utiliser dans un hôtel prestigieux…
Et puis il y a les femmes.
Il y a bien la belle Ethel qu’il convoite auprès de son ami Axelrod, mais elle sera jalouse d’une passion qu’il développera sur le tard : une passion pour les pigeons.

Ce qu’il va inventer ? Des trucs géniaux : « La radio. Les rayons X. L’air liquide. La télécommande. Les robots. Le microscope électronique. L’accélérateur de particules. L’Internet. J’en passe. » égrène Jean Echenoz dans son style éblouissant.
Car le style ! Oui le style de Echenoz est génial, au sommet de son art.
Gregor n’est pas en accord avec la société qu’il côtoie. Anachronique, il est probablement en avance sur son époque, puisque Echenoz va jusqu’à suggérer qu’il aurait eu la vision de que pourrait être l’Internet. Mais ce personnage n’est pas cupide : il ne pense pas à faire breveter toutes ses inventions, et il ignore le profit qu’il pourrait tirer de ses découvertes, du moment qu’il peut loger dans un hôtel luxueux et mener grand train, tout va bien. Et, plus fort que tout - ou pire que tout, pour un investisseur –, son plus grand projet crève le plafond du désintéressement : il fournirait de l’énergie à volonté, gratuite pour tous. Inutile de dire que les investisseurs vont tout faire pour que le projet ne voit jamais le jour.

Qui est Grégor alias Nikola Tesla en définitive ? Une génial inventeur (du courant alternatif à l’accélérateur de particules) qui ne saura pas protéger ses inventions ? Un exhibitionniste qui adorera se mettre en scène et fanfaronner avec ses découvertes ? Un mondain au luxe tapageur qui fréquentera la haute société ? Un visionnaire, un mythomane ? Un paranoïaque plein de lubies comme sa passion ultime pour les pigeons ?
La grande qualité de Des éclairs est que Echenoz nous laisse nous faire notre propre film. « Dans chacun de mes romans » dit l’auteur dans une interview au Monde, c’est le personnage qui doit être l’auteur du livre. Sa pratique ou son art détermine, dicte la façon d’écrire sur eux ». D’où ces phrases sautillantes comme des éclairs, à l’image de ses propos désabusés sur la vie mondaine :

"Toutes ces mondanités. Qu’il est donc fatigant d’être à l’intérieur de soi, toujours, sans moyen d’en sortir, considérer toujours le monde depuis cette enveloppe où on est enfermé. Et ne pouvoir, à ce monde, montrer de soi qu’un extérieur maquillé tant bien que mal en s’aidant de miroirs. Plus envie de rien, d’un coup. Petit accès de tristesse."

Qu’est-ce qui relie ces trois personnages, géniaux dans leur domaine (la musique, le sport, la physique), portraiturés de façon magistrale par Jean Echenoz ? Tous les trois connaissent un succès médiatisé, puis la déchéance. Comme des pantins sur le fil du rasoir, ils naviguent dans la vie de façon solitaire et désenchantée.

C’est peut-être pour cela qu’écrit Echenoz aujourd’hui, pour saisir le mystère de ces moments, inexplicables, où un personnage bascule par les choix qu’il fait – infimes sur le moment mais d’une importance capitale pour leur vie.

Du GRAND Echenoz
Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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Encore un Echenoz au style inimitable,sobre, sec, précis,adorant les détails, brillant dans les descriptions de personnages, pouvant se moquer d'eux affectueusement.
Ici le style est au service du célèbre Nikola Tesla , rebaptisé Gregor par l'auteur, inventeur américain du courant alternatif.
On assiste au fourmillement de ses idées,qui surgissent comme l'éclair, et aux inventions multiples qui en découlent. On apprend beaucoup de ce physicien surdoué,maladroit dans la vie et peu enclin à protéger ses découvertes scientifiques.On perçoit aussi à travers ces pages l'ambiance américaine de l' époque où foisonnent de grandes découvertes.

Après Ravel,bien agréable de côtoyer Tesla, nouveau personnage célèbre , dans ces jolies conditions!
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Original et vraiment intéressant.

Inventeur génial, scientifique visionnaire et personnage excentrique, voire copieusement dingo. Il vaut mieux s'intéresser au moins un petit peu aux sciences pour apprécier cette biographie romancée d'un scientifique authentique, contemporain d'Edison.

Mais de toute façon, rien que le style de l'auteur et sa maîtrise de l'humour à froid valent le détour. Notamment la façon de placer les dialogues, sans prévenir, au beau milieu d'un paragraphe, m'a enchanté, c'est original et l'effet comique est garanti, il y a de vraies pépites !

Si la très talentueuse Marguerite Duras avait pu lire du Echenoz, elle aurait peut-être fait des dialogues plus vivants, sur ce point, c'est vraiment le style opposé.
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"Des éclairs", ou la quintessence de l'oeuvre Echenozienne ?
Haha, je ne pourrais l'affirmer, car je n'ai pas lu tous ses livres, mais je dois dire que "Des éclairs" (tout comme "Ravel") m'a semblé représenter ce que l'écrivain réussit le mieux : un verbe précis, un sens du rythme, un récit orignal auxquels s'ajoute un humour pince sans rire qui fait mouche.
L'histoire de la vie de Nikola Tesla - plus ou moins remaniée - que nous raconte Jean Echenoz dans ce roman, aurait pu me laisser de marbre.
Pourtant, ce court récit se dévore, et ce n'est pas qu'il soit dénué de substance, oh non, le romancier en met des idées dans ce livre, mais il faut lire ce qui n'est pas écrit, et ça aussi il le fait très bien.
Dans ce roman-là, surtout, l'humour s'y déverse comme jamais, sans jamais altérer la fluidité du récit. C'est un pur délice.
Hautement recommandé !7
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