On pourrait croire
R. J. Ellory légèrement amnésique de temps à autres. Il est vrai que cet auteur, dans ce roman-ci, est adepte des répétitions de faits et de tournures de phrases, mais cela peut tout aussi bien être imputé à la traduction. Tout comme il est vrai que les parallèles fait entre la guerre et l'affaire sordide qui tombe entre les mains du shérif, John Gaines, ne sont pas évidents pour tout le monde. Pas pour moi en tout cas. Autant j'ai apprécié être plongée dans les souvenirs de guerre de Gaines, autant j'ai eu l'impression que certaines fois, ces réminiscences et les parallèles qu'il fait entre son présent et son passé, arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe. Pourtant, le roman fonctionne très bien.
Si je déteste comparer les auteurs entre eux ou faire des rapprochements qui n'ont, en définitif, aucun sens tant chaque auteur et chaque livre est singulier, j'ai tout de même très vite compris que j'allais apprécier
Les Neuf Cercles, notamment parce que j'y ai trouvé l'ambiance familial que j'aime tant dans les thrillers de
John Hart, et l'ambiance noire et très américaine des romans de
Jax Miller.
Les Neuf Cercles est un roman policier comme je les apprécie, avec une enquête approfondie, une intrigue riche et des personnages fouillés ; tous un minimum développés, du personnage principal au rôle le plus secondaire. L'on ne ressort jamais d'un roman de
R. J. Ellory sans en connaître un minimum sur chaque protagoniste ni avec le sentiment de manque à l'égard du moindre détail. La complexité de l'intrigue pousse parfois l'auteur à faire des écarts, à s'éloigner de l'histoire pour mieux y revenir plus tard, et si je n'ai pas trouvé le procédé charmant – étant peu adepte des tergiversions – il ne m'a pas plus dérangée que ça. Oui, l'enquête traîne de la patte, c'est indéniable, mais je ne me suis pas pour autant ennuyée, ce qui aurait été le cas dans la plupart des romans policiers plus traditionnels. Car
Les Neuf Cercles n'est en rien traditionnel, et d'ailleurs, lire
Ellory est la promesse de s'éloigner des traditions littéraires.
Si l'enquête s'avère classique dans ses faits et son dénouement, c'est sa longue résolution qui amène ici de la fraicheur. L'auteur ne se contente pas (et jamais) de servir une histoire réchauffée à laquelle on aurait apporté un ingrédient nouveau pour faire croire à de l'inédit. Il y a chez
Ellory une volonté (et un talent) de raconter les choses et les personnages, même lorsque le cadre général semble classique. Ainsi, au centre de l'enquête l'on trouve un protagoniste exquis : John Gaines.
Adepte des personnages torturés, à l'âme sombre mais au coeur lumineux, John Gaines m'a forcément plu et convaincue dès le départ. C'est fondamentalement cela, que j'aime en littérature, lorsque l'auteur s'efface et « ne fait » que prêter sa plume aux personnages. Il y a donc les auteurs qui se regardent écrire, et les autres.
Ellory fait définitivement parti des autres, auteur au service de ses personnages et de ses histoires, humblement mais avec tout le talent qu'il possède. L'écriture, même si le genre policier ne permet pas forcément les envolées auxquelles l'auteur peut nous habituer dans des genres plus adéquats, est aussi précise et douce, qu'elle est réaliste et violente. Un cocktail de saveurs qui donne envie de se replonger dans un roman de l'auteur sitôt le précédent terminé. J'ai donc déjà ouvert
Les assassins, un roman également policier dans lequel l'auteur a choisi de traiter le tueur en série.
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