R.J. Ellory s'est penché sur de nombreux mythes de l'histoire américaine récente. le voilà qui s'attaque à un phénomène de société qu'on associe immédiatement à ce pays (alors qu'il n'en n'a pas tout le monopole) : les tueurs en série.
Ellory qui se lance dans la thématique sans doute la plus rabâchée des romans noirs, ça pourrait presque inquiéter. Et pourtant… L'auteur sort de tous les clichés, utilise les règles du genre pour mieux les exploser et surtout fait du
Ellory dans le texte.
Vous pensez avoir tout (trop) lu sur le sujet ? le génial écrivain britannique va vous faire reconsidérer votre avis. Moi qui suis féru de ce genre de lecture, je n'ai jamais vécu une expérience littéraire pareille.
Les assassins est un livre rare, basé sur un concept fort et original, mélange de réalité et de fiction.
Un serial killer décide de mettre en scène les crimes des plus « célèbres » tueurs en série américains, à leur date anniversaire. On le surnomme vite « le Commémorateur » (The Anniversary Man, titre original).
R.J. Ellory utilise ce pitch ingénieux pour nous plonger (très profond) dans l'histoire américaine à travers ces tueurs particuliers, tout en déployant une intrigue fictionnelle incroyablement riche. L'idée de base est astucieuse, le traitement est stupéfiant.
Publié en 2009 juste après
Les anonymes, et resté inédit en français jusqu'en 2015 (c'est d'ailleurs le même traducteur qui s'est brillamment occupé des deux,
Clément Baude), ce roman sort enfin de l'ombre. Ce n'est que justice tant ce livre se place d'emblée comme l'une des plus belles réussites de l'auteur (ce qui place donc la barre très très haut).
Le récit vous ferre d'entrée grâce à une introduction ahurissante de plus de 50 pages. le ton est donné, les émotions sont fortes.
Je pourrais en faire des tonnes et abuser de superlatifs concernant ce roman. C'est inutile, aucun mot ne pourra être au niveau de ce que j'ai pu ressentir durant cette lecture.
Les assassins est sans doute le roman le plus noir de
R.J. Ellory, tant il décrit une violence qui nous dépasse. Mais une description à l'image de l'auteur, sans complaisance ni voyeurisme. Un roman qui, par ce mélange de réel et d'imaginaire, tente de cerner le phénomène lié à ces monstres. En un mot : comprendre. Et nous questionner également sur notre fascination pour ces tueurs atypiques.
Ellory pose le sujet sur la table, mais très vite nous fait comprendre qu'il est impossible de rationaliser l'irrationnel.
Mais on est loin (très loin) d'une simple étude sur un phénomène de masse. L'auteur nous conte une histoire avant tout. A aucun moment il ne perd de vue l'aspect fictionnel de son intrigue et met toujours l'humain en première ligne. le style d'
R.J. Ellory est synonyme d'émotions et ce récit en déborde. A travers des personnages épatants (comme ce rescapé d'une tuerie qui est devenu expert ès tueurs en série, ou encore ce flic qui donne toutes ses tripes pour résoudre cette affaire), l'intrigue est incroyablement addictive tout au long de ces 570 pages denses.
Et puis l'écrivain n'oublie jamais de parler des victimes avec respect et sans jamais se délecter d'un quelconque sensationnalisme.
C'est un
Ellory un peu différent de celui qu'on a pu connaître à travers d'autres de ses romans, et pourtant reconnaissable entre mille. Plus contemporain, il a su modeler son écriture, la rendant parfois analytique pour les besoins de sa chronique. Mais il revient très vite à cette sensibilité unique que lui seul sait faire transpirer à travers ses mots. Et puis ça lui permet également, au passage, de développer intelligemment la thématique du pouvoir de la presse.
Les assassins est une réussite remarquable, au point d'en perdre mes mots, au point d'y penser encore et encore une fois la dernière page tournée. Fascinant, intelligent, émouvant, captivant. A la fois un vrai thriller et un roman unique qui confirme
R.J. Ellory comme l'un des plus grands auteurs actuels de romans noirs.
PS : quelle belle idée de la part de l'éditeur Sonatine d'avoir sorti ce roman en parallèle à
Papillon de nuit (premier roman de l'auteur, paru en 2003 et resté inédit jusqu'en 2015 en français). Les deux romans sont très différents, complémentaires, et sont un condensé du talent immense de
R.J. Ellory. Sans aucun doute pour moi, deux de ses plus grands livres.
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