Je découvre cet auteur.
Son style est qualifié avec justesse "d' exigeant ". le rythme d'écriture avec ses longues phrases, ponctuées de virgules et de retours à la ligne, renforce ? la puissance du texte, ce qui m'a imposé de fréquentes relectures .
Sous un vernis d'humanité, La Bête n'est jamais loin.
Les communautés cohabitent puis se déchirent sporadiquement , et de tous temps.
Les amours perdurent malgré les séparations _ ou desertions _ rendues necessaires par les divergences d'opinions...
Inversement, l'épuisement face à l'exces prolongé de violences irraisonnées, actives ou subies, les haines viscérales voir bestiales, s'estompent pour laisser place à une compassion, parfois rédemptrice..
Deux histoires nous sont proposées :
_ Une tranche de vies, dans l'action, sans le recul du temps qui pourrait permettre aux trois auteurs d'analyser leurs actes. Gens simples, totalement dépassés par les événements qu'ils vivent, seul leur instinct de survie les anime.
Un deserteur, ex soldat violent, fuit la guerre déshumanisante, la deserte. Il rencontre une victime, jeune femme desertant son village où elle a été humiliée, battue, probablement violée . Elle est accompagnée d'un vieil ane _seul être paisible de cette fuite désespérée_merci à lui. Sa présence nous apaise... un peu.
. Leurs origines devraient les opposer. Or ils composent et cherchent un modus-vivandi.
Réalité triviale, sur l'instant, sans recul possible.
Puis, à l'inverse, nous prenons du champ, tant dans l'espace que dans le temps : trois vies se développent fragments par fragment.
Le couple Paul et Maja, lui mathematicien, communiste, ex déporté , et elle femme politique au SPD, vivent un amour inaltérable , dans une allemagne divisée . Leur fille Irina, spécialiste de l'histoire des mathematiques, fait le lien entre ces deux vies séparées . Chacun d'eux a déserté en son temps un lieu, une idée, une réalité du monde , pour vivre selon son ideal... ou s'y refugier
ces trois là perçoivent bien les soubresauts de l'Histoire ainsi que la violence, propre à l'homme :
"la guerre est
L Histoire en marche" (*)
ainsi nous assistons à la destruction de Bagdad en 1258 rapportée par Nassirudin Tussi, philosophe et mathematicien, qui apres avoir déserté sa communauté relate les massacres perpétrés par les mongols, sans émotion apparente.
"Le ciel lui-même pleure du sang".
Sont essaimées les déportations en camps de Buchenvald, les conflits balkaniques, le 11 septembre 2001, jour du congres des mathematiciens (**) reunis en l'honneur de Paul, la guerre en Ukraine dès 2014, où la Russie bombarde puis envahit la Crimée afin de la" dénazifier ".
Le style ainsi que l'écriture contribuent à l'atmosphere _ laissant peu d'espoir quant à un avenir paisible.
Donc, merci l'âne pour ton affectueuse et apaisante présence qui nous réconforte d'une humanité incapable de tirer leçon des experiences passées.
Donc 4/5 pour cet excellent livre.
(*) cf : 4eme de couverture, avec l'excellente présentation synthetique du livre.
(**) des discours sur les mathématiques , je n'ai retenu que celui de Paul :comment construire un carré du double de la surface du précédant.... C'est déjà ça...