Un récit d'aventures et d'exploration spatiale, par
Andreas Eschbach, ça ne se refuse pas ! Ça se lit même très bien, même si le résultat n'est pas à la hauteur de mes espérances. Il faut dire qu'avec son chef-d'oeuvre «
Des milliards de tapis de cheveux », le prodige allemand n'a pas seulement retourné la science-fiction mondiale : il s'est lui-même placé la barre un peu trop haut peut-être pour le reste de sa carrière. Toujours est-il, j'avais trouvé
L'or du Diable, ou encore
Aquamarine, plus aboutis.
Le scénario n'est pas spécialement original dans ce sous-genre.
Kwest m'a constamment rappelé «
La nef des fous », de
Richard Paul Russo. Une inspiration ? En tout cas les deux romans ont été publiés en 2001. Petite liste des points communs :
- Même sous-genre du space opera : récit d'aventures et d'exploration spatiale
- Un vaisseau, un équipage, du début à la fin
- Un peu de sense of wonder, un peu de planet opera.
- Exploitation de l'organisation sociale en castes au sein du vaisseau → dystopie
- Thème de la religion, de Dieu, avec questionnements existentiels.
- Un personnage central fortement handicapé.
- Linéarité de l'histoire.
Globalement, le roman de Russo, que j'ai encore bien en mémoire, m'a paru un ton au-dessus, sur à peu près tous les plans :
Il y a plus de « caractère » dans
la Nef des fous. le fait que le vaisseau du roman (l'Argonos) soit particulièrement travaillé n'y est sans doute pas étranger.
Plus de caractère aussi dans les personnages de
la Nef des fous, lesquels pourtant ne m'avaient pas émerveillé.
Si je passe en revue ceux de
Kwest :
- le commandant Eftalan
Kwest lui-même est présenté comme « imposant » par sa carrure et son autorité, mais le choix de l'affliger d'une grave maladie dégénérative dès le début (un clin d'oeil au parcours de
Stephen Hawking, dont la quête scientifique a certainement joué en faveur dans sa lutte contre la maladie ?), s'il est intéressant en soi, sape complètement la puissance qu'on attend d'un tel personnage.
Kwest en impose (encore) mais on a du mal à se l'imaginer, malgré les efforts de l'auteur. La maladie de
Kwest est du reste exploitée davantage comme l'alcoolisme du commandant de
la Nef des fous que comme la difformité de son associé Bartolomeo Aguilera.
Kwest est également présenté comme un héros de guerre notoirement intelligent. Autant l'intelligence de Bartolomeo est très bien rendue, autant celle de
Kwest laisse quelques doutes...
- Rare personnage féminin, Valeena est la « première guérisseuse ». Dès le début, une aura de mystère l'entoure, elle aussi bien que ses pratiques. Ce n'est malheureusement pas exploité. Loin d'introduire une touche gore qui aurait pu titiller l'intérêt, son « art » se révèle finalement bien fade et répétitif. Quant à son rôle dans l'intrigue, il perd toute originalité dès lors qu'elle succombe aux charmes du mystérieux Smeeth : tout est alors dit.
- Seul personnage présentant un potentiel d'adversité, Smeeth cache si bien son jeu qu'on l'oublie un peu trop facilement.
Pour résumer, j'ai trouvé les personnages un peu fades.
Le jeune apprenti moine (Baïlan) est sympathique et joue un rôle de témoin (il pourrait être un narrateur).
Quant à la jeune plébéienne Millequatre, elle forme avec Baïlan la relation archétypale des héros des dystopies classiques : un homme plus ou moins naïf pris dans la société dystopique, et une jeune femme « hors système » dont la fonction est de lui ouvrir les yeux (et plus si affinité). Toujours ce même trope, incroyable :)
Du côté des péripéties, même chose : j'ai trouvé qu'elles manquaient cruellement de punch.
Deux exemples :
- Dans
La Nef des fous, on a le droit à des conflits sérieux au sein du vaisseau, avec trahisons, complots et tout ! Dans
Kwest, le poste de commandement est jalousé, disputé, mais ne soulève pas les foules ni ne verse le sang.
- Dans
La Nef des fous, l'exploration de la planète plonge le récit dans un suspense macabre et oppressant. Dans
Kwest, l'épisode des « limaces » m'avait fait espérer une montée de la tension avec peut-être du gore à la clé, mais finalement pscht ! Une pointe d'humour et tout retombe à plat...
Kwest est une aventure (une quête) qui à mon goût manque de force dans ses différentes composantes (les personnages, l'action, des chutes un peu faiblardes et un univers trop esquissé). Seul le sense of wonder est au rendez-vous, mais peut-être pas au niveau de ce que propose un
Liu Cixin. Les évènements s'enchaînent dans une linéarité stricte. Et surtout une trop grande monotonie : on cible une planète, on rencontre (ou pas) une espèce intelligente qui nous aide (ou pas) dans notre quête, et on remet ça. On remet ça trois ou quatre fois, et le tour est joué (ou presque). Je schématise à peine.
Dit comme ça cela n'a pas l'air très attrayant, mais c'est sans compter :
- le talent de conteur d'Escbach qui en fait bon roman malgré tout.
- Un premier tableau époustouflant (60 pages) qui sort complètement du lot.
- L'univers qui reprend celui
des Milliards de tapis de cheveux, avec quelques références que je vous laisse découvrir.
Un mot sur le dénouement : son traitement « ouvert » ne m'a pas enthousiasmé. C'était prévisible avec une quête aussi existentielle (
L'or du diable est similaire de ce point de vue), mais quelques auteurs ont fait mieux, comme
Leafar Izen dans
La marche du Levant.