Blessés est un roman qui, sans fioriture, s'inscrit dans ce que la littérature américaine fait de mieux.
On est dans l'Ouest américain, pays de ranchers, de désert rouge et d'hivers où froid signifie encore quelque chose.
John Hunt, éleveur de chevaux noir, vit avec son vieil oncle Gus dans un ranch isolé. Il a quitté les regroupements humains pour les solitudes. La mort brutale de sa femme l'a profondément meurtrie mais avec les années, une certaine sérénité s'est installée, faite de travail, de chamailleries avec Gus, ... Hélas la haine et la violence ne sont jamais loin et ravagent les meilleures volontés.
Avec
Blessés,
Percival Everett dénonce les haines qui parcourent l'espèce humaine : racisme, homophobie, et il en existe tant d'autres. L'auteur le fait avec une force subtile, sans grands discours. Il raconte juste la vie ordinaire de gens ordinaires où ça dérape et conduit à des tragédies.
Ce roman, je l'ai lu d'une traite tant je me suis retrouvée envoûtée par les paysages à l'âpreté sublime. Et comment expliquer mon ressenti face aux personnages principaux : John, Gus et Morgan? Je ne sais si ce sont eux qui ont laissé leurs marques en moi ou si c'est moi qui ai abandonné une part de moi-même entre les pages. Voilà un trio absolument magnifiques de tendresse et d'affection sans grandiloquence, de tolérance et de courage. Voilà de belles personnes, de belles âmes, comme il en existe en dehors de la fiction aussi fort heureusement. Ils connaissent la nature humaine, et notamment sa part la plus médiocre et mauvaise.
Il y a un échange qui m'a particulièrement marquée, entre la vendeuse de produits animaliers et John. Celle-ci remarque que les gens maintenant sont comme des animaux. Et John de rétorquer que c'est faux : les gens sont des gens, c'est bien ça le problème. Ça pourrait résumer la teneur du roman.
Blessés m'a procuré une lecture intense, aux émotions palpables et diverses. Pas de manichéisme simpliste ici mais une vision de l'être humain dans sa beauté, sa vulnérabilité ou son horreur.
En anglais, le romans'intitule
Wounded. Il y a ambiguïté quant à sa traduction puisque les participes passés adjectifs dans cette langue ne portent pas de marque de genre. Alors : Blessé? Blessée?
Blessés? Blessées? Peut-être est-ce la conscience de notrehumanité en chacun de nous qui est blessée par les haines, la violence, les mesquineries et les bassesses.
Je ne referme pas le livre sans avoir la gorge serrée de devoir quitter le ranch de John et ses formidables résidents, à deux, trois et quatre pattes.
PS: je crois qu'il vaut mieux lire ce livre en se passant de la quatrième de couverture qui en raconte beaucoup trop. Retenez, chers éditeurs, la leçon d'
Alfred Hitchcock : "Il vaut mieux suggérer que montrer". Ce qui était valable pour le cinéma de qualité l'est tout autant pour les résumés intelligents.