Ayant achevé le Faune de Marbre, j'enchaînais sur
le Bruit et La Fureur. Autrement dit, je me jetais dans le vif du roman Faulknerien après avoir survolé ses tentatives poétiques.
Pas simple comme lecture, même si
Maurice Edgar Coindreau, le traducteur, réalise lui aussi une prouesse littéraire.
Décidément le lire dans la langue me paraît hors de portée.
Je savais que ça n'était pas évident, j'ai goûté à
Sanctuaire avant ça. Finalement, je ne me suis pas trouvé si étranger à cette écriture. Certes le récit ne suis pas une chronologie linéaire, les narrateurs sont multiples, les types de langage aussi, la ponctuation disparait parfois, le temps et l'espace sont du domaine du subjectif, alors évidemment on s'y perd un peu .
Pourtant, à mesure que l'on progresse, en ayant parfois renoncé à tout comprendre, ce qui pouvait ressembler à une dérive à travers des scènes éparpillées comme les 1000 pièces d'un puzzle que l'on vient de renverser par terre , devient véritablement intrigant. On se prend au jeu, et le portrait de la terrible fratrie nous apparaît.
Les quatre parties du romans sont le point de vue de quatre personnages liés par le sang ou une commune mémoire des évènements. On évolue au fil de leurs pensées successives, avec leurs dialogues intérieurs, leurs contradictions, leur folie. de chaque version des faits nait une réalité de plus en plus prégnante, celle d'une tribu d'enfants terribles en proie au mal, à la souffrance, la culpabilité, la haine de soi ou des autres.
Triste spectacle qui se déroule sous le regard de Disley, femme noire, au service des Compson, témoin discret de leur dégénérescence tragique, porteuse du "fardeau" humain évoqué par le prédicateur à la fin du roman. Ce personnage, figure de l'abnégation et peut-être d'une nécessaire rédemption, porte dignement cette histoire au delà de sa malignité, et c'est bouleversant.