Je n'avais apprécié ni le romancier ni son style que je trouvais trop sec parce qu'à mon sens il sentait un peu trop la sueur et, à la première lecture, la Bovary m'était apparue un brin bécasse et peu sympathique. Je ne comprenais ni le procès retentissant qui a suivi sa parution ni le succès dont il a joui par la suite. Je suis tombée sur cette correspondance par hasard (à la faveur d'un don) et là, j'avoue qu'à mon grand étonnement j'ai été captivée. Il y a encore
Flaubert, le poseur : certaines lettres adressées à Gorges Sand, à la princesse Mathilde ou à d'autres gens de renom n'y échappent pas, mais il y a beaucoup plus de spontanéité. On y voit se dérouler la vie d'un homme qui, après des soucis de santé (épilepsie), choisit de se créer une tour d'ivoire où il vivra en ermite en se consacrant exclusivement à son art ; c'est dire que cela sera sa raison de vivre. C'est un bourgeois qui vit dans son temps avec un regard caustique et sans concession. Il est à la marge, mais il ne prend aucun parti en étant faussement fier de cette spécificité. Elle
lui donne l'opportunité de se placer au-dessus de la mêlée, à la place de Dieu et d'éviter ainsi les tourments du pourquoi pour se contenter du comment. de là son étiquette de romancier réaliste qui d'ailleurs est peut-être un leurre. Qui peut se targuer d'être objectif et d'échapper à sa condition sociale ? Peu importe, c'est ce qu'il vise tout en continuant à entretenir des liens avec les puissants et à mépriser la république et la démocratie avec une morgue rarement atteinte parce que, avec une certaine lucidité, il en en voit les contradictions et les limites.