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Madame Bovary, c'est ma petite madeleine à moi !
Là, je suis sûre que vous vous dites que j'ai bu et/ou fumé, que je mélange tout... je vous rassure tout de suite : oui, je sais que Madame Bovary n'est pas de Proust, mais bien de Flaubert.
Alors, pourquoi ce terme de "madeleine" ?
Parce que pour moi, Madame Bovary, c'est bien plus qu'un roman, c'est une année de ma vie.
Je l'ai étudié en classe de première avec un professeur passionnant. Des années plus tard, j'en garde encore un souvenir très fort et très précis.
J'en connais quelques phrases, qui m'avaient frappée à l'époque, par coeur.
La simple évocation du titre ou d'un personnage fait remonter en moi une kyrielle de souvenirs.
Tout récemment, j'ai voulu le relire. J'ai longtemps hésité, parce que je savais que l'exercice était périlleux et que je risquais une immense déception si ma relecture me décevais.
Mais l'envie a été plus forte et je me suis lancée.
Comme j'ai eu raison ! Ce fut un pur plaisir de bout en bout.
Ce qui m'a frappée dès le début, c'est le style : quelle écriture ! Chaque phrase est belle. Chaque passage se lit merveilleusement bien, c'est du grand art. Quel talent, et quel travail ! Chapeau bas, monsieur Flaubert !
Car une prose de cette qualité ne s'écrit pas toute seule. Et je pense, vu la fluidité de la lecture, à cette magnifique phrase de Chopin, qui s'applique merveilleusement bien ici : "Dans un dernier effort, j'efface jusqu'à la trace de l'effort." du grand art !
Flaubert nous offre donc un roman écrit dans une langue somptueuse, qui se lit avec une grande facilité... et un immense plaisir.
Les phrases, les paragraphes, les chapitres s'enchaînent avec bonheur, et c'est bercé par cette si belle langue que le lecteur peut avancer dans l'intrigue.
Quel bonheur de retrouver cette histoire et ces personnages qui m'avaient tant plu. La maturité aidant, je les ai encore mieux cernés. Je me suis davantage rendu compte de leur justesse, de la précision avec laquelle leurs qualités et leurs défauts étaient mis en valeur.
Rodolphe, le séducteur, le beau parleur, qui se joue de la naïveté d'Emma.
Lheureux, au patronyme si bien trouvé, qui vous soulève le coeur de dégoût à chaque apparition.
Homais, prétentieux et pédant, exaspérant dans tout ce qu'il fait et tout ce qu'il dit.
Charles, bien sûr, ce pauvre Charles, refusant obstinément jusqu'au bout d'ouvrir les yeux et d'accepter la vérité.
Sans oublier Emma Bovary et ses rêves de grandeur qui finiront par la perdre, quel magnifique portrait !
Et tous ceux que je n'ai pas cités, plus justes les uns que les autres. Flaubert a peint une superbe galerie de personnages !
En ce qui concerne l'histoire, ne comptez pas sur moi pour vous raconter quoi que ce soit : ce n'est pas l'objet d'une critique, et je laisse le plaisir de la découverte à ceux qui n'ont pas encore lu Madame Bovary.
Je voudrais simplement dire que si j'ai tout aimé dans ce roman, la dernière partie m'a profondément émue. La déchéance d'Emma, ses mensonges et ses dettes qui finissent par avoir raison d'elle, ses tentatives désespérées pour obtenir de l'aide, sa fin tragique : Flaubert a écrit là des pages bouleversantes.
Quel livre !
Pour ceux qui croient que les "classiques" sont de vieux ouvrages poussiéreux et rébarbatifs, plongez-vous dans ce roman, je fais le pari que vous changerez d'avis.
Les "classiques" sont justement classiques parce que leur qualité leur permet de traverser le temps et de nous toucher, nous, lecteurs d'aujourd'hui.
Pour finir, je ne résiste pas au plaisir de recopier le début du roman.
Pourquoi ?
Pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, pour le plaisir. J'adore cette entrée en matière. J'adore cette écriture. Quand je lis ces phrases, je suis accrochée, ferrée comme un pauvre poisson accroché à l'hameçon. Sauf que je ne suis pas à plaindre, bien au contraire, et c'est avec plaisir que je me laisse emporter.
Pour le souvenir (ça y est, je vais reparler de madeleine...) : le début de ce texte m'a été donné en dictée par mon professeur de français de sixième. Oui, vous avez bien lu : sixième ! J'avais adoré. Quand je pense à ce qu'on fait faire maintenant en cours de français à nos pauvres collégiens (je le vois à travers mes enfants), c'est à pleurer. Et, en ne leur ouvrant pas les portes, on les prive de l'accès à tout un pan de notre culture, on les prive de la découverte du plaisir de la lecture de grands textes... Bon, je m'égare, revenons à nos moutons...
Pour faire plaisir à ceux qui le connaissent déjà, et qui seront, j'en suis certaine, ravis de le relire.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, et à qui ces quelques lignes donneront peut-être envie d'en lire plus.
Un dernier mot avant de céder définitivement la parole à Gustave Flaubert : Madame Bovary est, comme toutes les oeuvres d'auteurs décédés il y a plus de cent ans, dans le domaine public. Une petite recherche simple et rapide sur internet vous permet d'accéder gratuitement au texte, dans le format de lecture que vous voulez. Sans oublier le livre papier, bien sûr, qui se trouve dans toute bonne bibliothèque, ou que vous pouvez acheter pour bien moins cher qu'un paquet de cigarettes.
Vous voyez, il n'y a aucune excuse pour ne pas lire Madame Bovary, et avec lui, bien d'autres classiques à relire ou à découvrir.
Bonne lecture !
Et maintenant, place à Flaubert :
"Nous étions à l'Étude, quand le Proviseur entra, suivi d'un nouveau habillé en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail. le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir ; puis, se tournant vers le maître d'études : - Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l'appelle son âge. Resté dans l'angle, derrière la porte, si bien qu'on l'apercevait à peine, le nouveau était un gars de la campagne, d'une quinzaine d'années environ, et plus haut de taille qu'aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l'air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu'il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d'un pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous. On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n'osant même croiser les cuisses, ni s'appuyer sur le coude, et, à deux heures, quand la cloche sonna, le maître d'études fut obligé de l'avertir, pour qu'il se mît avec nous dans les rangs. Nous avions l'habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d'avoir ensuite nos mains plus libres ; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière ; c'était là le genre. Mais, soit qu'il n'eût pas remarqué cette manoeuvre ou qu'il n'eût osé s'y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C'était une de ces coiffures d'ordre composite, où l'on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d'expression comme le visage d'un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis s'alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin ; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d'une broderie en soutache compliquée, et d'où pendait, au bout d'un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d'or, en manière de gland. Elle était neuve ; la visière brillait. - Levez-vous, dit le professeur. Il se leva ; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire. Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d'un coup de coude, il la ramassa encore une fois. - Débarrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui était un homme d'esprit. Il y eut un rire éclatant des écoliers qui décontenança le pauvre garçon, si bien qu'il ne savait s'il fallait garder sa casquette à la main, la laisser par terre ou la mettre sur sa tête. Il se rassit et la posa sur ses genoux."
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Emma fois trois.

D'abord, il y eut la lecture lycéenne. Comme tout le monde. Enfin lecture… Plutôt escroquerie en bande « profil d'une oeuvre » organisée, seule réponse acceptable à ce repoussoir pour jeune bachoteur boutonneux.

Puis plus tard - bien plus tard - la lecture retrouvailles, portée par le retour en terres normandes et ces racines partagées avec le maître, ces lieux aux résonnances particulières qui touchent direct le coeur de tout Rouennais, même 150 ans plus tard.

Et puis débarquent le bicentenaire de la mort de Flaubert, cette édition souvenir de Gallimard augmentée des dessins de jeunesse d'Yves Saint-Laurent et cet appel du pied du café du classique : trois bonnes raisons de retrouver Emma. Une troisième fois : la plus jolie fois.

J'ai donc relu Madame Bovary et retrouvé Emma, une troisième fois. Loin de moi l'intention de chroniquer ce monument. Mais juste livrer trois impressions.

D'abord dire qu'il faut bien trois lectures pour tirer toute la richesse et la diversité de ce livre. Si Emma est prête à s'offrir, ça ne sera pas dès la première rencontre. Mais à la troisième, elle se dévoile davantage. Détaché de l'histoire désormais connue, le lecteur peut ainsi pleinement goûter le style, s'attacher aux détails, tenter de comprendre ce qui se joue dans la tête d'Emma. Ou de Charles, c'est selon.

Ensuite dire combien Madame Bovary m'est apparu incroyablement moderne dans son approche féministe et émancipatrice. D'aucuns trouveront Emma nunuche, agaçante, dépensière, indécise ou sottement idéaliste. D'autres la verront libre, volontaire, fière, et superbement insatisfaite. Belle d'avoir simplement voulu être Emma plutôt que Madame Bovary, femme de Charles.

Enfin, ressortir de cette lecture frappé par la capacité d'un homme - Flaubert en l'occurrence - à écrire aussi finement sur les femmes et à aborder à 360 degré la complexité d'Emma. À l'heure où la littérature contemporaine permet enfin une expression féministe abondante, libérée et diversifiée, force est de constater qu'elle reste encore majoritairement féminine. Flaubert fut-il un précurseur d'une certaine idée du féminisme, lui dont la misogynie s'exprimait souvent par ailleurs ?

J'aime la langue de Flaubert, un des rares auteurs à pouvoir étirer ses phrases descriptives à n'en plus finir sans me faire sauter une seule ligne, envoûté par la musicalité du rythme et la puissance du style. Et après cette relecture de Bovary et celle de salammbô cet été, l'année Flaubert ne se finira pas sans une troisième lecture.

Flaubert trois fois.
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« Madame Bovary » dont le titre est suivi de « Moeurs de province » lors de sa première parution en 1857 est immédiatement attaqué en justice par les procureurs du second empire pour « immoralité et obscénité ». Gustave Flaubert sera bien évidemment acquitté et son ouvrage bénéficiera, de facto, d'une grande publicité qui propulsera son roman parmi les best-seller de ce XIXe siècle.
Il raconte l'histoire d'Emma Rouault, fille d'un riche agriculteur qui épouse Charles Bovary, officier de santé, qu'elle a rencontré alors que celui-ci a guéri son père d'une mauvaise fracture de la jambe. Bien vite la routine de la vie de province gagne le couple. Elle qui a gardé ses rêves de jeunes filles dont elle puise tout le romantisme et les aventures dans ses nombreuses lectures, n'aspire qu'à une vie mondaine faite de soirées prestigieuses et de bals. L'invitation au bal du marquis d'Andervilliers lui laisse entrevoir ce monde auquel elle n'appartiendra jamais et la jette dans un état dépressif. Charles ne sachant plus que faire pour qu'elle alla mieux, accepte de quitter sa clientèle et le bourg où ils habitent pour la petite ville d'Yonville. Emma y fait la connaissance d'un notoire libertin, Rodolphe Boulanger, propriétaire du château de la Huchette, duquel elle s'amourache. Mais quand il comprend qu'elle attend de leur relation beaucoup plus qu'il ne lui donnera jamais, il l'éconduit et disparaît. Elle accouche d'une fille, Berthe, qu'elle place immédiatement en nourrice et qu'elle n'aimera jamais. Elle mène grand train et ruine les maigres économies du foyer. Elle fait la connaissance du clerc de notaire Léon Dupuis. Lorsqu'elle est ruinée, couverte de dettes et que son créancier, monsieur Lheureux lui réclame l'argent et que ses amants refusent de lui prêter les sommes dues, de désespoir, elle s'empoisonne à l'arsenic.
Flaubert multiplie les clichés en décrivant l'histoire de cette femme légère, insouciante, inconséquente, immature. Il moque les aspirations de grandeur d'une femme de la petite bourgeoisie de province et par une accumulation de faits communs de la vie courantes, ridiculise les ambitions idéalistes qui plongeront la Bovary vers une fin tragique. Sans cette fin, on pourrait penser que le roman de Flaubert est une comédie de boulevard car tous les éléments y sont réunis, une épouse légère, son amant et le mari cocu, à la différence qu'ici le caractère grotesque de Madame Bovary fait grincer des dents et son suicide offre une morale à cet effroyable fait divers.
Editions Gallimard, Folio, 446 pages.
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Comme a dit Ode dans sa chronique du 22/10/2012 :
" Un sacré pavé lancé dans la mare bien-pensante de l'Epoque".

Emma en se mariant avec Charles , croyait vivre la passion dont elle rêvait ; mais, Charles, brave bougre au demeurant était d'une franche inconsistance.
* La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue ... (p. 106)

Insatisfaite, elle se perd dans des illusions romantiques et des liaisons, espérant y trouver le bonheur.
Mais, chacun sait bien, que le bonheur est une bête sauvage qui ne se laisse pas attraper facilement ...

Flaubert fait miroiter l'adultère, mais ce n'est qu'un miroir aux alouettes !

Emma s'y brûlera les ailes et s'intoxiquera de trop de rêves qui la mineront, la ruineront, la détruiront.

Dans ce livre, l'auteur décrit un univers ordinaire avec la puissance de la vie et toute ses complexités.

Flaubert, dit d'ailleurs ceci :
Toute la valeur de mon livre, s'il en a une, sera d'avoir su marcher droit sur un cheveu, suspendu entre le double abîme du lyrisme et du vulgaire ... (p.17)
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Un ressenti sur Madame Bovary que j'ai lu il y a des éons.
C'est avant tout l'histoire d'une jeune femme romanesque du dix-neuvième siècle.
Après avoir quitté le pensionat , elle va se marier et croit échapper à la monotonie de sa vie, elle rêve d'amour, de passion comme dans ses romans.
Elle va épouser un médecin qui l'aime. Cette union va lui apporter un certain rang dans la société mais ce dernier n'a pas d'ambition. Où sont les preux chevaliers de ses romans ? C'est un homme bien médiocre à ses yeux.
Et l'amour, le grand frisson ? La vie est bien ennuyeuse et monotone dans la campagne normande. Alors elle prendra un amant pour se donner l'impression d'exister. Son histoire finira mal.
Avec le portrait d'Emma, Gustave Flaubert nous offre de très belles pages. J'ai toujours éprouvé beaucoup de compassion pour cette héroïne qui voulait bien plus qu'être une simple femme de médecin et connaîtra moult désillusions.
Deux citations qui résument bien Emma :
Mais elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord et l'ennui, araignée silencieuse filait sa toile dans l'ombre à tous les coins de son coeur.
Tout ce qui l'entourait immédiatement, campagne ennuyeuse, petits bourgeois imbéciles, médiocrité de l'existence, lui semblait une exception dans le monde, un hasard particulier où elle se trouvait prise, tandis qu'au-delà s'étendait à perte de vue l'immense pays des félicités et des passions. Elle confondait dans son désir, les sensualités du luxe avec les joies du coeur, l'élégance des habitudes et les délicatesses du sentiment.
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Je fais partie de cette génération où Madame Bovary était une lecture incontournable des élèves de 1ere pour figurer sur la liste de l'oral du Bac de français.... dans ma classe de filles ( et oui à l'époque les classes littéraires semblaient réservées aux filles...) il était de bon ton de clamer que ce livre était chiant et cette Bovary insupportable et que le prof était debile de nous faire étudier ce vieux navet ...donc, comme les autres, je me foutais et me moquais d'Emma, sous les volutes de patchouli dont la classe empestait !
Et pourtant , déjà, j'avais adoré ce livre, cette histoire me parlait et déjà je comprenais cette pauvre Emma et en voyais son triste côté universel de la déprime, de la jalousie et du surendettement.
Je l'ai relu et je l'ai dévoré alors que je me souviens du labeur lors de sa 1ere lecture ....
Quel merveille ! Quel chef d'oeuvre . L'écriture est sublime . L'histoire me parle encore plus aujourd'hui, les années m'ayant ouvert les yeux .
Ce roman est vraiment un chef d'oeuvre.
Et une fois de plus je vérifie qu'une deuxième lecture est une vraie source de bonheur, quand celle ci intervient plus de quarante ans après la 1ere et que le temps nous a façonné tranquillement....et donner enfin la possibilité d'encore mieux comprendre les personnages, les situations, le talent de l'écrivain .
Sacré Flaubert .
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La quintessence des affres de l'amour où le couple passé au vitriol par la plume de Flaubert dissèque les sentiments , distille sur le chemin de la mélancolie la vie de cette femme passionnée et tourmentée par l'existentialisme, Emma se morfond à la campagne, se délite dans sa morne vie… sublime peinture des turpitudes du coeur et de la raison.
Chef d'oeuvre absolu !
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Qu'il soit entendu ici : j'aime Emma Bovary. Voilà, c'est dit. Et puisqu'il s'agit d'amour, je ne serai pas objectif dans le propos qui va suivre.
Tout d'abord, je vais vous rappeler les principaux faits qui jalonnent ce très beau roman, Madame Bovary, ou plutôt ceux que j'ai retenus, la mémoire en amour est toujours un peu sélective.
Il y a tout d'abord la première scène très forte qui ouvre le roman et plante le décor ainsi que la manière de la narration qui repose beaucoup sur la moquerie. Nous prenons ainsi connaissance du personnage de Charles Bovary alors qu'il est collégien, nouveau venu dans une classe et dont l'entrée crée la risée des autres élèves par sa gaucherie. Il faut dire que si la description des couleurs de son accoutrement est à la hauteur de la description, nous pouvons imaginer plutôt l'entrée d'un clown que celle d'un futur médecin. Dès lors, Flaubert installe ainsi la médiocrité et le ridicule d'un personnage qui sera l'époux d'une des femmes les plus célèbres de la littérature française.
Ensuite, il y a la rencontre d'Emma Bovary et de son futur mari, donc Charles Bovary, dont je viens de vous présenter ce portrait si flatteur.
Puis s'ensuivent la scène du mariage et l'installation du couple dans un village de Normandie. Ces différentes scènes sont marquées par la rapide désillusion d'Emma Bovary quant au sort d'épouse provinciale qui lui est réservée et qui efface ses attentes romantiques d'une vie plus sublime. S'installe alors un temps d'ennui et de mélancolie dans lequel celle-ci plonge tout doucement.
La scène du bal où est convié un soir le couple Bovary est un moment important car il ravive les idéaux romantiques d'Emma Bovary.
Puis le couple déménage et s'installe dans un autre village normand. C'est l'occasion de rencontrer deux personnages importants du roman : le pharmacien Homais, un genre de monsieur-je-sais-tout, qui tient une position centrale au sein du village et Léon, un jeune clerc de notaire dont Emma Bovary tombera amoureuse dans la seconde partie du roman. Cependant, ce qui la rapproche déjà de ce jeune homme, c'est leur point commun à savoir l'ennui qu'ils éprouvent tous deux dans cette campagne provinciale monotone.
Lors d'une fête des comices agricoles, Emma Bovary rencontre un riche propriétaire terrien, Rodolphe, qui la trouve belle et la séduit. Oui, j'ai oublié de vous le dire : Emma Bovary est belle. En tous cas, c'est ce que je pense. Elle en tombe tout de suite amoureuse. On sent rapidement que la réciproque n'est pas tout à fait vraie et comme à ce stade du roman, nous commençons déjà à connaître les petites fragilités de notre héroïne, nous nous disons qu'elle est en train de s'engager dans une voie où elle va ramasser de nouvelles désillusions. Et c'est ce qui arrive alors que Rodolphe s'était engagé à lui proposer de s'enfuir avec elle vers une nouvelle vie. Il lui pose un lapin au dernier moment. S'ensuit chez Emma Bovary une sorte de dépression, proche du suicide, dans laquelle elle se laisse couler.
Durant cette période du roman, je me souviens d'une scène très forte car elle est terriblement cruelle à plus d'un titre. C'est celle où le pharmacien Homais et Charles Bovary ont l'idée saugrenue de proposer à Hippolyte, le garçon d'écurie de l'auberge du village, de soigner son pied-bot. Cette scène est dure car on voit ici Emma Bovary tenter de s'accrocher dans un élan désespéré à une dernière illusion qui pourrait sauver son couple et avoir de l'admiration pour son mari. Cette scène est également cruelle car l'opération rate et le pauvre homme sera en définitive amputé du pied, à cause de la stupidité des deux apprentis sorciers.
Ensuite, Emma Bovary et Léon qui avait, entre temps, déménagé sur Rouen, se retrouvent par hasard. Ils deviennent amants. En filigrane de leur relation adultère, se développe la situation d'endettement voire de surendettement du couple Bovary, provoquée par le train de vie d'Emma Bovary. La relation amoureuse et clandestine d'Emma Bovary avec Léon, permet d'offrir, selon moi une scène à la fois cocasse, coquine et finalement d'une portée profondément érotique par la mise en situation : c'est celle du fiacre qui n'en finit pas de sillonner les rues de Rouen avec le couple adultère à son bord. Nous pouvons imaginer aisément ce qui se passe et pourtant aucun mot direct n'y fait allusion à proprement parler. Ici le procédé du style permet au contenant de révéler le contenu. Cette scène m'a fait penser à la scène finale d'un film d'Hitchcock (il me semble qu'il s'agit de la Mort aux Trousses), qui pour contourner la censure du Maccartisme de l'époque, suggère la scène érotique qui s'apprête à se dérouler dans un compartiment du train entre les deux héros du film, par la vision des pistons de la motrice lancée à vive allure et de la locomotive pénétrant alors dans un tunnel. Je vous laisse imaginer la métaphore…
Emma Bovary tente désespérément par tous les moyens, de faire face à la situation de surendettement dont elle est victime et de résoudre la situation à l'insu de son époux. Mais elle n'y parvient pas. Elle se suicide alors. Selon moi, je ne suis pas sûr que ce soit le désespoir amoureux qui l'amène à ce geste désespéré, ni même la situation de surendettement. Selon moi elle se suicide, par désespoir en le genre humain, en le genre masculin plus précisément, à cause de la médiocrité humaine qui triomphe finalement, contre elle. Elle parvient à la conscience de son échec face à sa quête désespérée qui tient le livre.
La scène de l'agonie d'Emma Bovary qui se suicide à l'arsenic puis celle de sa mort dans d'horribles souffrances ainsi que la veillée funèbre qui s'ensuit, sont également des moments clés et très rudes du roman. Ce sont des scènes d'un réalisme très fort au sens physique et visuel. Nous noterons au passage, que la scène de l'extrême-onction est d'une très grande sensualité. J'ai trouvé cette scène insupportable, puisque j'aime Emma Bovary.
Mais la scène la plus touchante du roman est sans doute la fin, lorsque Charles Bovary découvre par hasard l'adultère de sa femme. Il n'en éprouve aucun sentiment de jalousie ni de vengeance. A peine de la souffrance, non pas par cette vérité qu'il découvre mais par l'absence d'Emma qui continue de peser sur lui. Il en arrive même à entrer à reprendre contact avec Rodolphe pour d'une certaine manière retrouver à travers cette rencontre, le fil invisible qui continue de le relier à son épouse défunte. On pourrait se dire « Mais quel sot ! ». Mais non, je pense qu'à cet instant-là la prouesse de Flaubert nous amène à entrer en empathie avec Charles Bovary et à compatir à sa peine.
Que faut-il penser de ce personnage d'Emma Bovary. Si je peux émettre une suggestion : n'est-elle pas un des plus beaux personnages féminins de la littérature mondiale, rejoignant ainsi par l'adultère Anna Karenine ou Lady Chatterley au panthéon des femmes libres ou souhaitant le devenir, dans l'amour… ? Allez, je me lâche : Flaubert n'est-il pas un des premiers grands féministes, se faisant l'apôtre de la condition des femmes du XIXème siècle. Car au fond, que dit-il d'autre ? Qu'une femme de la condition d'Emma Bovary à son époque n'a que deux espaces pour se sentir libre : l'adultère ou la mort. Nous savons ce que sera la destinée d'Emma Bovary face à ces deux choix. D'ailleurs Anna Karenine n'est guère éloignée de cette trajectoire.
La censure de ce roman fut impitoyable, le roman étant présenté comme une menace pour la société bien-pensante de l'époque, non pas pour la scène de la calèche, mais tout simplement parce que Emma Bovary pourrait donner de mauvaises idées à de nombreuses autres femmes comme elle. Flaubert fut poursuivi en justice et son accusateur au procès dresse un réquisitoire impitoyable, le procureur de la république, un certain Ernest Pinard, ce nom ne s'invente pas, réquisitoire qui ferait se plier de rire aujourd'hui. Flaubert est bien défendu. Il s'en sort, mieux que Baudelaire attaqué sur les Fleurs du Mal, qui rencontre le même Pinard, le spécialiste de la justice des meurs de l'époque. C'est pour cela que je dis que Flaubert est féministe. Il a payé de sa personne pour défendre son héroïne et le désir de celle-ci d'aimer en femme libre.
Imaginons notre ami Flaubert plongé dans la société française de 2018, plus moderne que celle du XIXème siècle, mais quoique… Imaginons Eric Dupont Moretti défendant Flaubert, clamant son innocence et son intégrité sur les plateaux télés, dénonçant le procès à charge dressé à l'encontre de son client, s'énervant, mais nom de Dieu ! contre la moquerie des journalistes… Vous y avez pensé ? Ah ! comme le spectacle serait beau…
J'aime Emma Bovary et je voudrais tant à présent que vous l'aimiez comme je l'aime.
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Que dire qui n'ait déjà été dit sur Madame Bovary ?...
Sinon qu'il fait partie de ces très rares livres qui jamais n'ont vieilli, ne vieillissent ou ne vieilliront.
Flaubert, dans l'effort et la souffrance a produit un intemporel chef d' oeuvre littéraire. L'une de ces sommes qui se suffisent à elles-même.
J' ai le souvenir de cette lecture d'il y a longtemps, si passionnante pour l'adolescent que j'étais et dont je relis souvent des passages, au hasard d'une visite dans ma bibliothèque numérique. J'y retrouve Homais le pharmacien, ce pauvre Charles, et cet éphémère papillon nommée Emma.
Je reprend un morceau de cette vie de province normande, une part de cette fulgurance d' Emma, cet appétit d'existence, cette lumière qui s'enfonce dans un tunnel et disparaît.
Alors oui, Madame Bovary ne cessera jamais de me nourrir, comme un très bel arbre dont les fruits reviennent chaque année.
Et cette inéluctable fin de l'histoire qui me hante et me revient.
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Autant l'avouer tout de suite : Emma Bovary fait partie de ces personnages qu'on adore haïr. Elle donne l'impression de passer son temps à se plaindre, souhaite un plus beau service de table, de plus belles robes,… C'est une femme qui n'est jamais satisfaite de ce qu'elle a et, même lorsque ses possessions paraissent plus que suffisantes aux yeux des humbles mortels qui lisent ce roman, elle parvient encore à se trouver malheureuse et à s'apitoyer sur elle-même.
Mais une fois que l'on est rentré dans le roman, même les défauts du personnage principal semblent fascinants. Et ces défauts donnent en fait l'impression d'être le reflet de quelque chose de plus profond que Flaubert aurait souhaité illustrer.

J'ai eu l'impression, en lisant le contraste entre les personnalités de Charles et Emma Bovary, que l'auteur tentait de nous faire comprendre à quel point la réalité diffère pour chacun d'entre nous. Charles semble heureux de sa vie et de sa situation ; il m'a paru plutôt optimiste. Emma, par contre, semble vivre son mariage et la vie quotidienne qui en découle comme un enfer : rien ne se déroule comme elle le souhaite et cela la rend profondément malheureuse. Pour Charles, la vie est belle (ou du moins sans surprise et donc, sans déception) ; pour Emma, vivre est un enfer. Comment expliquer cette vision contrastée d'une même vie commune ? C'est un peu ce que fait Flaubert.
Emma Bovary a l'esprit obnubilé par les personnages et les histoires qu'elle découvre dans les romans qu'elle lit. Elle semble avoir beaucoup de mal à faire la part des choses entre la réalité de sa propre existence et la vie idéalisée des héroïnes des fictions qu'elle dévore. Et c'est cela qui la rend malheureuse, c'est ce manque de réalisme qui l'empêche de profiter de son existence. Emma a passé sa vie à imaginer son existence au lieu de la vivre : elle s'est vue dans des situations idéales et ne s'est pas rendue compte un seul instant que sa vie pourrait différer du scénario qu'elle a élaboré dans son esprit.
Pour faire un peu d'humour, Emma devrait appliquer le conseil que le professeur Dumbledore donne à Harry dans Harry Potter à l'école des sorciers :
« Ca ne fait pas grand bien de s'installer dans les rêves en oubliant de vivre, souviens-toi de ça. »

L'héroïne de Flaubert m'a également paru profondément désoeuvrée. A un moment de l'histoire, Madame Bovary mère (la mère de Charles) explique à son fils que les problèmes d'Emma découlent en partie du fait qu'elle n'a rien à faire de toute la journée. D'après elle, si Emma devait tenir sa maison et faire son ménage, comme la plupart des femmes, elle aurait moins de temps pour se complaire dans le désespoir qui l'assaille régulièrement.

Si je ne devais retenir qu'une chose de ce classique, ce serait celle-ci : il faut apprendre à se contenter de ce que l'on a et de ce que l'on est. Emma pourrait être heureuse ou, du moins, ne pas être aussi malheureuse. Mais elle décide, en quelque sorte, d'aller jusqu'au bout de son malheur, de ne pas accepter les bons côtés de l'existence car ils ne correspondent pas à ce qu'elle s'était imaginé après avoir lus ses romans et après avoir été éduquée au couvent.

C'est peut-être stupide comme comparaison, mais elle me rappelle un peu l'Antigone de Jean Anouilh : Antigone a le choix entre se sauver ou aller jusqu'au bout de ses idées et mourir pour celles-ci. Emma Bovary se retrouve confrontée au même choix : elle peut accepter de se contenter de son existence (« s'en faire une raison ») ou continuer à désespérer et essayer par tous les moyens d'atteindre l'idéal inaccessible qu'elle s'est fixé.

Ce roman est un véritable coup de coeur, même si l'héroïne est franchement agaçante. J'ai apprécié la qualité de la plume de Flaubert et ses descriptions longues et détaillées mais jamais ennuyeuses. le récit a un ton « très XIXe siècle » et est donc extrêmement agréable à lire après plusieurs romans contemporains.
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