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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Emma s'ennuie. Emma se rêve toujours mieux qu'elle n'est: mieux accompagnée, mieux mariée, mieux aimée, mieux fêtée - plus riche, plus parée.

Emma s'intoxique : ses rêves la minent, ses rêves la ruinent, ses rêves la trompent, ses rêves finissent par l'empoisonner.

Autour d'elle gravite un petit monde normand et villageois lourdement lesté de réalité: Homais le pharmacien agnostique, Bournisien le curé du village, Lheureux le mercier aux crédits dangereux, Léon Dupuis, le clerc de notaire qui a quelque vernis de culture, Rodolphe Boulanger, le propriétaire terrien qui a quelque vernis de luxure- et Charles, bien sûr, le pauvre Charles, le brave Charles, le mari, médecin de village, ancien officier de santé monté en grade par défaut, et fou amoureux de sa femme.Quelques domestiques, encore, des paysans, forts de leurs terres et de leurs vaches , âpres au gain et durs à la tâche, et une petite fille, Berthe, avec laquelle Emma joue, un temps, à la poupée, puis qu'elle oublie et néglige, et qui finira déclassée, ouvrière. Une galaxie plus obscure encore...

Loin de cette petite galaxie rustique, et se frottant rarement et comme par inadvertance à elle, celle de la petite noblesse locale: des hobereaux de province, pleins de morgue, de gants, de cravates et de chevaux, qui savent danser la valse sans écraser les pieds, ramasser l'éventail d'un geste gracieux et baiser la main d'une dame sans l'effleurer des lèvres..

Un seul personnage échappe à ce cadre réaliste, à cette étude sociologique à la fois sarcastique et détachée : c'est l'Aveugle, tout droit sorti du monde des symboles, un peu Tirésias, un peu Heurtebise, tragique et grotesque, dont les trois apparitions figurent comme les trois coups du destin d'Emma, lui annonçant sa perte morale, puis financière et enfin sa mort.

Emma- toute ridicule qu'elle soit avec ses lectures de midinette, ses rêves mal digérés de petite-bourgeoise romantique, son égoïsme crasse et son affligeante naïveté - Emma, donc, est le seul électron libre de cette cosmogonie bien ordonnée.

Elle ose se jeter dans le vide sidéral des relations inter-galactiques - entre paysans et bourgeois, entre bourgeois et hobereaux, entre hommes et femmes.

Elle ose se vouloir autre qu'elle n'est, qu'on ne la destine à être, elle ose prétendre donner corps à ses rêves ...

Elle brave le qu'en dira-t-on, risque la proie pour l'ombre, mise tout son bonheur sur un médiocre ou sur un goujat, compromet, pour une étoffe moirée ou damassée, toute sa réussite sociale...

Bien sûr, il y a plus de pathétique que de grandeur, à manquer à ce point de discernement...Mais tous les autres, autour d'elle, sont tellement mesquins, forts de leurs certitudes et de leurs choix qu'ils dessinent une humanité de médiocres satisfaits parfaitement rebutante.

Il y a du Don Quichotte dans notre lectrice de feuilleton pour grisettes, du Cyrano dans cette pourfendeuse de nuages au pays du camembert...

Et puis Flaubert est un si grand écrivain !! Son style est magique, la maîtrise technique du point de vue culmine ici à des sommets: le fameux "style indirect libre" permet à l'écrivain- "présent partout et visible nulle part" comme Dieu, disait Flaubert - de se faufiler dans ses personnages à leur insu et de surprendre la pensée fumeuse d'un Léon, le rationalisme pseudo-cartésien d'un Homais, le cynisme brutal d'un Rodolphe...et surtout la bonté naïve et le dévouement pathétique d'un Charles -seul homme de la littérature à mourir tout bêtement d'amour, sans maladie de langueur ni révolver.

Et si Flaubert nous fait aimer Emma malgré ou avec tous ses défauts, c'est que madame Bovary, c'est lui: il l'a dit et prouvé...Il suffit de relire les pages sur le bal à la Vaubyessard: une vraie intimité se révèle avec le point de vue féminin. Flaubert se fait femme, est femme. C'est confondant!

J'ajoute que c'est aussi un grand précurseur du langage cinématographique : le déroulement , en parallèle, des comices agricoles et de la scène de flirt appuyé avec Rodolphe se présente comme le scénario d' un contrepoint cinématographique. Effet ironique décuplé!

D'autres raisons encore de lire et de relire Madame Bovary?

Parce qu'il faut beaucoup de talent pour ironiser sans rendre insensible, pour être réaliste sans être terre-à-terre, pour dénoncer la toxicité du rêve romantique et proclamer en même temps la vitale nécessité de vivre ses rêves : Emma meurt de ses rêves mais seulement quand elle comprend qu'elle n'en a plus.
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Vous connaissez tous cet Albatros de Baudelaire si beau dans les cieux, devenant laid et gauche sur terre, parmi les hommes ; Emma Bovary est une sorte d'Albatros qui aura le bec brûlé non pas avec une pipe mais par un poison.

Dès les premières lignes du roman (ajoutées juste avant la publication du livre), Gustave Flaubert met son lecteur dans la dérive. C'est l'un des débuts les plus étranges d'un roman. D'abord, il utilise ce "nous" qui nous fait croire à la présence de l'auteur ou au moins à un narrateur témoin qui va interpréter les comportements des personnages, commenter leurs dialogues ou nous livrer ses impressions. Or, le défi même qu'a pris Flaubert c'est d'être totalement absent de son roman. Il ne devait laisser aucune trace de lui comme s'il avait commis un crime (puisqu'il écrit avec du sang selon l'expression forte de Nietzsche). Ensuite, il nous présente longuement son personnage (qui n'est aucunement le héros) Charles Bovary. On croit qu'il sera le héros de ce roman oubliant que le titre était Madame Bovary et non Monsieur (n'oublions pas aussi que sa première femme avait le titre de Madame Bovary). Mais, à dire vrai, s'il n'était pas un vrai héros, il était du moins un catalyseur indispensable pour l'accomplissement de l'intrigue.

Cette absence de l'auteur était l'une des causes du scandale et de l'indignation créée par ce roman. Devant l'atrocité des actes présentées et des opinions exprimées, l'auteur reste muet ! Il fallait bien selon ses détracteurs qu'il riposte, contredit ses personnages, met en dérision le vice. Au contraire, Flaubert continue son roman jusqu'à la fin, sans trébucher devant la tentation de répondre présent. Sa tâche est de donner vie aux choses, non de parler à leur place.

Ce travail de l'écrivain a suscité autant d'intérêt que l'oeuvre elle-même. Flaubert a élevé la création littéraire au rang d'ascétisme (cette attitude, on la retrouve aussi chez Mallarmé). Et l'on connait tous ces mythes fondés autour de ce travail acharné, ce véritable pensum plaisant. le résultat était surprenant. On peut dire que Flaubert n'écrivait pas un roman, mais des phrases qu'il laissait mûrir et cultivait avec soin, sans hâte, enlevant les mauvaises herbes avec assiduité. Il cherchait sans relâche cette version finale de chaque phrase : avec les mots justes qui à la fois expriment l'idée ou l'impression (des personnages), ou décrivent un acte tout en favorisant une harmonie musicale (à la phrase) ; la ponctuation correcte qui marquait le rythme et les transitions qu'il fallait chercher pour enchaîner. Ce fameux style même qui a permis de donner une vie aux choses, aux événements et de faire jaillir leur âme (lisons cette phrase par exemple : "Mais elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l'ennui, araignée silencieuse filait sa toile dans l'ombre à tous les coins de son coeur.")

Revenons maintenant à l'histoire du roman. Flaubert a choisi un sujet banal et simple pour s'exercer et mettre en oeuvre sa conception du style. Or, pour lui la forme et le fond sont inséparables ; l'un s'exprime par l'autre. Cette histoire aussi simple d'Emma Bovary devient une véritable tragédie racinienne. de son côté, Flaubert avait annoncé qu'il voulait écrire un livre sur rien. Ce rien même est omniprésent dans le roman. Toutes les actions menées par les personnages (opération du pied bot, relations hors mariage, mariage même, …) finissent par le rien, l'échec (sauf pour Homais peut-être); les sentiments (amour maternel, amour conjugal, amour tout court) sont réduits au néant. La vie d'Emma, malgré toutes ses tentatives (les attraits des relations adultères, le plaisir du shopping) finit par le rien, l'ennui, la mort. Les personnages de ce roman sont presque tous méprisables (une chose rare dans la littérature qui pullule de personnages d'escrocs, de traîtres, de prostituées…, mais qu'on n'arrive pas toujours à haïr, parfois on les plaint). On méprise cette femme adultère, ce mari stupide, ses amants ingrats, ce Homais fat, … On lit le roman avec un malaise, un dégoût à cause d'eux. Ces types qui expliquent la présence de ce sous-titre Moeurs de province. Flaubert les présente avec leur bêtise, leur médiocrité et leur ignorance.

On a souvent fait un parallèle entre Madame Bovary et Don Quichotte (Flaubert lui aussi y a pensé). Les deux personnages ont subi les méfaits de leurs lectures. Chacun des deux a eu une manifestation différente pour sa maladie. Pour Emma, c'était le fameux bovarysme (c'est peut-être aussi le cas de Don Quichotte, puisque la définition du bovarysme comprend aussi cette illusion du lecteur à concevoir le monde réel). Un autre parallèle s'offre ; celui entre Emma et Anna Karénine. Sauf qu'Anna aimait vraiment son amant Vronski tandis qu'Emma aimait cette idée même d'aimer, de plus, Anna avait le courage de déclarer sa situation subissant ainsi le déshonneur, alors qu'Emma continuait sa débauche sans scrupule.

Et la phrase célèbre "Madame Bovary, c'est moi !" ? D'abord, c'était un simple ouï-dire, elle n'a été écrite nulle part par l'auteur. Mais, on aime toujours interpréter cette phrase et cela ajoute des saveurs au mythe de Madame Bovary.
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Charles est médecin, Emma est fille de paysan. Elle sort du couvent, elle est belle, elle rêve de félicité, de passion et d’ivresse. Charles est un homme bien de son époque. Il aspire à une vie simple, avec une petite femme à la maison, belle et douce…Il aime gauchement, mais pourtant il l’aime !

Les rêves d’Emma sont trop hauts. Elle se perd dans des aventures sentimentales. Mais les hommes, qu’ils soient bourgeois ou aristocrates, sont tous les mêmes. Des lâches ou des goujats. L’élégance de ces gens-là; leurs costumes, leurs parfums et leurs belles paroles, ne valent pas la délicatesse des sentiments.

Elle s’essaie au luxe :
« C'était comme une poussière d'or qui sablait tout du long le petit sentier de sa vie. »
Le luxe ne lui apporte que déception et ruine.

Elle ne s’épanouit pas non plus dans son rôle de mère. Elle nous apparaît même, parfois, détestable.

La quiétude du couvent l’appelle. Mais Dieu, pas plus que les hommes, ne viendra à son secours.
Religion de pacotille… Hommes fades, cupides, hypocrites…Ennui, solitude, désespoir…

Emma se brûle les ailes en voulant se rapprocher de son idéal.

À qui la faute si elle ne parvient pas à atteindre le bonheur ?

La faute à la vie provinciale médiocre et monotone, qui étouffe les existences et consume les rêves. La faute à ce siècle qui ne permet pas à chacun, aux femmes surtout, d’être libre, de s’assujettir des lois contraignantes de la société.

Ce roman est une belle découverte pour moi, qui n’aime pas trop les romans d’amour sans substance. Emma ne cherche pas vraiment l’amour d’un homme, elle cherche du sens à sa vie.
Rêver trop grand empêche-t-il de vivre heureux ? Ne peut-on se satisfaire de ce que l’on a ? Mais, bien-sûr, c’est en rêvant d’une vie meilleure qu’on avance, que la vie se pimente, au risque de se brûler.
Emma est une femme qui ne veut pas être raisonnable, qui ne veut pas se résigner à son existence fade et médiocre. Et sa déraison, sa désobéissance, son obstination, son courage, sont le moteur du changement.

Charles n'est pas à blâmer, il n'est tout simplement pas aussi en avance sur son époque que l'est sa femme. Il ne peut pas la comprendre : "Il ne descend pas au fond des choses." Lui aussi se perd, pas dans ses rêves, mais dans un immense chagrin.

Que deviendra leur fille Berthe? Une rebelle comme sa mère, ou une douce et belle jeune fille, soumise et triste ?

L’écriture de Gustave Flaubert est simple et délicieuse. Les descriptions sont poétiques. Les personnages nous semblent tellement réels. Ils nous émeuvent, ils nous exaspèrent. On aurait envie de les secouer, de leur dessiller les yeux.

L’auteur nous offre une belle satire de la société du 19è siècle, dans cette belle région de Normandie. On comprend que le personnage d’Emma a dû faire scandale à son époque. Son roman bouscule, donne un coup de pied dans la fourmilière, dépoussière cette existence étriquée, aveugle et hypocrite.
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Je n'avais jamais lu "Madame Bovary". Et je remercie mes professeurs pour ne l'avoir jamais inclus dans leurs programmes. Cela m'aurait enlevé la satisfaction de le lire adulte. Il me semble que ce roman n'est pas vraiment adapté à un public adolescent qui manque encore d'une certaine maturité et d'une certaine expérience qui permettent de mieux appréhender sa richesse.

Que dire après plus de 300 critiques qui ont sans doute dit tout ce qu'il y avait à dire ? Peut-être tout simplement livrer mon ressenti face à ce monument de la littérature française.

J'ai été subjuguée par la finesse dans la caractérisation des personnages. Chacun bénéficie d'un portrait psychologique fouillé. Tout particulièrement l'héroïne bien sûr. Rarement un personnage n'aura eu autant d'épaisseur, de relief, rarement un personnage n'aura dégagé autant de véracité. Emma Bovary est là, elle vit, existe réellement dans toute sa complexité.

Le récit est empreint d'une grande tristesse. La dépression de l'héroïne est parfaitement dépeinte. Car c'est bien de cette maladie dont souffre Emma. Eternelle insatisfaite, éternelle amoureuse, elle se jette à coeur perdu dans la vanité des possessions matérielles (les jolies robes, les beaux meubles...) et dans les plaisirs charnels de l'adultère. Superficielle, diront certains. C'est vrai. Mais pas seulement. Je vois surtout une femme en souffrance qui se cherche des raisons d'exister, qui se cherche une place, que ce soit en dépensant à tort et à travers ou bien en s'abandonnant aux bras d'un homme.
Mais pourquoi Emma Bovary est-elle donc si malheureuse ? Elle rêve de plus que la vie simple qui lui est promise. Elle rêve d'autre chose que d'une vie rangée de mère de famille. Dans cette façon de rejeter cette existence classique, dans sa façon de regretter de ne pas être un homme pour qui la vie est plus facile, Madame Bovary est très moderne.

Mais Flaubert ne se montre pas particulièrement indulgent envers son héroïne au prétexte qu'elle souffre. Certes, elle est malheureuse. Mais elle assez pathétique dans sa course effrénée à la dépense, dans son obsession de se hisser à un rang supérieur à travers les apparences. Pathétique aussi de croire aux belles paroles de ses amants qui ne valent pas grand chose. Et elle n'a de cesse de se morfondre sur elle-même. Inconséquente, naïve, égoïste, orgueilleuse, odieuse parfois... le portrait n'est guère flatteur. Et si on entend sa souffrance, elle ne nous pousse pas à l'empathie pour autant. Empathie qu'on ne ressent envers aucun personnage d'ailleurs. Flaubert tire à vue sur tout le monde. L'Humain ne ressort pas grandi de ce portrait social au vitriol. Que ce soit un horrible usurier, un pharmacien arrogant, un mari falot ou encore un curé ridicule, aucun n'est aimable, aucun ne trouve grâce à nos yeux. Aucun ne semble vraiment honnête, ni envers les autres, ni envers eux-mêmes, ces êtres jouent sans cesse sur des faux-semblants. Cette peinture de l'Humain est dure, cruelle mais sonne tellement juste !

Le propos puissant est servi par une écriture superbe. Rien ne semble laissé au hasard, l'écriture est très recherchée, très travaillée. Pourtant, malgré un côté assez austère, les mots coulent, tout est fluide. Même les descriptions très, très précises ne sont jamais ennuyeuses, jamais superflues. Ces passages dépeignant une tenue ou un objet dans ses moindres détails servent à affiner encore la peinture de la société et les portraits des femmes et hommes qui la composent.

Je suis vraiment ravie d'avoir découvert cette oeuvre sur le tard. Plus jeune, je n'aurais pas su l'apprécier à sa juste valeur. Décidément, avoir des lacunes et les combler à l'âge adulte a du bon !

Challenge Multi-défis 2016 - 47 (un livre listé dans le top 100 des "livres les plus populaires de tous les temps" sur Babelio)
Challenge XIXème siècle 2016 - 15
Challenge ABC 2016-2017 - 5/26

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Lorsque la jeune Emma Rouault se marie à Charles Bovary, jeune veuf, médecin de son état, elle pense faire un mariage de rêve. Elle qui avait élevé au couvent, chez les Ursulines, elle aspire aux grands espaces, à la liberté, à la joie de vivre. Quelque chose aurait pourtant dû l'alerter : "Charles n'était point de complexion facétieuse, il n'avait pas brillé pendant la noce. Il répondit médiocrement aux pointes, calembours, mots à double entente, compliments et gaillardises que l'on se fit un devoir de lui décocher dès le potage."(P42) Et si les premiers jours de vie conjugale furent plutôt positifs, Charles se montrant aimant et attentif, elle déchanta vite. Son mari n'était pas un grand causeur, c'est le moins que l'on puisse dire... Il se contentait des petits bonheurs simples de la vie : une petite femme qu'il adorait, un bon repas, un coucher de soleil... Emma s'ennuie très vite. Elle n'est pas vraiment appréciée par ses beaux-parents qui le lui font bien sentir. Sa seule occupation est d'aller promener sa petite chienne. Elle se surprend donc à rêver, à songer à une autre vie, avec d'autres hommes... On connaît la suite...

Ah, quel plaisir j'ai pris à relire ce roman pour la énième fois ! On peut imaginer aisément le scandale à cette époque ! Mettre ainsi sur le devant de la scène, une histoire d'adultère, voilà qui a dû en choquer plus d'un ! Pourtant, Flaubert n'a fait, finalement, que romancer quelque chose qui se passait je ne dirais pas couramment, mais presque et notamment dans certains milieux. Et si Emma avait été un homme, l'éclat aurait-il été aussi retentissant ?

Pour les plus réfractaires, je signale l'excellente BD de D. Bardet et M. Janvier.
Lien : http://promenades-culture.fo..
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Quelle oeuvre tragique et poignante !
Quand je constate à quel point certains classiques peuvent me marquer, je n'ai qu'une envie, c'est d'en lire davantage.

D'abord, j'ai été complètement séduite par l'admirable plume de Gustave Flaubert. On parle de « la perfection du style » et en le lisant je ne peux que confirmer l'expression. Il suffit d'observer le manuscrit de l'ouvrage pour comprendre l'obstination avec laquelle il travaillait.
À travers ses descriptions, il réalise un vrai travail de composition qui nous laisse admiratif.
Le résultat est remarquable.

Ensuite, j'ai rarement vu dans un roman un personnage aussi profond et complexe qu'Emma Bovary.
J'admets avoir éprouvé une certaine réticence à son égard au premier tier du livre. Je ne parvenais pas à comprendre cette femme tourmentée.
Pourquoi est-elle si antipathique et sans-coeur envers son époux Charles ?
Celui-ci est pourtant aimable et plein de bonté. Il en va de même pour sa servante ou sa propre fille Berthe.
Mais c'est en poursuivant ma lecture et en m'imprégnant des personnages et du contexte que j'ai pu mieux comprendre.

Je pense qu'en lisant ce roman, on ne doit pas s'arrêter au caractère impitoyable que peut inspirer Emma au premier abord.
Au contraire, je crois qu'il faut avoir en tête que c'est un roman contemporain du spleen baudelairien et que le personnage d'Emma Bovary l'illustre bien.

Emma est une rêveuse, une romantique qui ne cherche au fond qu'à être heureuse loin de sa médiocre province. Même si son comportement est loin d'être exemplaire, on peut saisir l'ampleur de son ennui et de sa détresse intérieure.
Elle n'aspire pas à la même vie que son époux Charles, un médecin qui se contente d'une existence simple à ses côtés. Emma rêve d'une vie mondaine où les rencontres et les sentiments viennent la bouleverser. Un peu comme dans les romans qu'elle lisait au couvent durant ses années de jeunesse.
Mais son besoin d'amour impérieux la conduira vers des tentations bien plus mortifiantes que salutaires.

Bref, je suis une lectrice de plus à être émerveillée par l'authenticité et la puissance des mots de ce roman.
À lire impérativement !
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Madame Bovary, c'est le roman d'une âme sentimentale et romantique, qui cherchera « à savoir ce que l'on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d'ivresse, qui lui avaient paru si beaux dans les livres. »(46) En faisant lire Paul et Virginie à la petite Emma, dans l'optique de la faire rêver à « ...la maisonnette de bambous, au nègre Domingo, au chien Fidèle, mais surtout à l'amitié douce de quelque bon petit frère, qui va chercher pour vous des fruits rouges dans des grands arbres plus hauts que des clochers, ou qui court pieds nus sur le sable, vous apportant un nid d'oiseau » (46), Flaubert ne pouvait trouver mieux pour la rendre parfaitement inepte au mariage bourgeois prosaïque que sera le sien. La pauvre petite fille en aura l'esprit tourné pour le reste de son existence dont nous verrons le petit fil brûler tout au long du roman, en écorchant tout ce qu'il touchera sur son passage.
Ce personnage d'Emma Bovary n'est pas entièrement original puisqu'il trouve un précurseur direct dans celui de Don Quichotte, ce petit provincial à qui les romans de chevalerie ont tourné l'esprit à un tel point qu'il se croit réellement chevalier en mission dans un monde rempli de sortilèges et d'enchantements. Lui aussi a tellement lu avec passion qu'il a voulu vivre dans l'existence réelle des idéaux magnifiques présentés dans les romans.
Par contre, en ce qui concerne la manière dont ces deux asociaux de cause littéraires sont présentés, on ne peut trouver deux romans plus différents que Madame Bovary et Don Quichotte. Alors que Flaubert a un style dont le réalisme est d'un cynisme implacable, Cervantès présente plutôt les aventures de son héros sur le mode du tragi-comique où le comique prédomine largement.
La réception de ces deux ouvrages monumentaux dans l'histoire de la littérature se fera aussi très différemment. Alors que le roman de Cervantès sera reçu dans l'enthousiasme, « le réalisme vulgaire et souvent choquant de la peinture des caractères » de Flaubert provoquera la controverse.
Il s'agit évidemment d'un quiproquo un peu bête, puisque le but de Flaubert consistait à démontrer l'absurdité de la position d'Emma, mais le second degré n'est pas donné à tout le monde et l'on voulait tellement croire, à l'époque, en l'indéfectible pureté du féminin.
En disant « Madame Bovary c'est moi! », Flaubert se montre extraordinairement ironique envers lui-même. En effet, tout au long de son oeuvre, il a constamment, avec un acharnement indéfectible, dénoncé la bêtise, la médiocrité, la bourgeoisie, mais sans jamais montrer quoi que ce soit de mieux, en dehors de sa manière sublime d'exprimer ses dénonciations. Lui-même, à l'instar d'Emma, fut épris de tout son être d'un idéal indicible, hors de sa portée, et il n'a jamais rien su faire de mieux que d'exprimer rageusement son dégoût de tout ce qui ne correspondait pas à ses aspirations. Son combat, présenté avec un style d'un perfection, presque complètement absurde, puisqu'elle échappera à la grande majorité de son auditoire, comportera quelque chose d'une vanité absolue, risible, et sera poursuivi tout de même, sans espoir véritable, avec un cynisme envers lui-même frisant la volonté d'autodestruction. Oui, Madame Bovary c'était lui, Gustave Flaubert, dans toutes les grandeurs et les misères de son destin exceptionnellement tragi-comique.
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Tout tenter et ne rien réussir !
Un mariage poussif avec Charles.
S'entêter sans choix,
dans un couple qui s'ennuie.
S'apprêter sans voix,
Pour séduire ceux qui la font exister !

Madame Bovary :
Une femme naïve,
sensible et pourtant rebelle.

Vouloir la passion
Refuser le quotidien.

Une, deux, trois
éternités de vide,
de trous noirs,
de néant,
de rien,
de mélancolies qui la submerge.

Ne plus rester dans ce couple
Qui se délitent.
Refuser
L'amour pour Léon pour
Rester vertueuse.

Muette d'erreurs,
murée dans la pesanteur,
malaise de vie.
Elle se trompe,
Elle trompe,
Embarquée dans ses rêves
Sensuels,
Où elle guette le sublime
Dans les bras de Rudolphe.

Insister sans raison,
arriver à faire,
arriver à dire,
arriver à sortir,
des mots trop pleins de sens,
trop plein de vie,
trop plein de poids.

Et ne pas être comprise
Dans un monde de la
Bourgeoisie normée par les
Obligations où les plaisirs sont secrets
Cachés !

Pas de divorce,
Juste des mensonges !
Qui s'enchainent
Qui s'empressent
De tiédir,
D'Affadir
Une vie pourtant bien tracée,
Qui exige de sortir du carcan
Du prévisible,
Du convenu !

Finition dévalorisée,
perdue dans le spleen,
rescapée dénoyautée
de sa substance
par un insignifiant
Aristocrate libertin,
au tempérament brutal et
d'une intelligence perspicace.

Disparition de la passion
qui fait exister l'amour
en accepte le sens,
en distille le poids
en repartit la substance.

Suicide d'amour
de refus
de silence,
d'indifférence,
de trop peu,
d'inexistence,
de fuite,
de peur,
de fêlures,
de blessures...


Sans Rodolphe
la fièvre des mots s'intensifie,
la soie des sons se déchire,
L'hiver s'éparpille,
de feuillets volants vers
la destination finale,
fini,
fin.
Nous avons toutes une Madame Bovary qui sommeille en nous…
Une rêveuse, romantique, midinette, insatisfaite qui ne se contente pas de ce qu'elle a !
Un brave type qui nous rassure, nous choie, nous aime ce n'est pas toujours suffisant!
Nous recherchons la passion et on finit par trouver un Rodolphe Boulanger qui va nous faire souffrir !
Pourquoi se contenter du doux quotidien qui nous ennuie alors qu'on peut vivre des émotions excessifs, passionnels qui nous transportent dans des mondes incertains.
L'agonie de Madame Bovary m'avais marqué lorsque je l'avais lu à 17 ans.
Elle m'avait plongé dans cette horreur d'un suicide à l'arsenic choisi où l'on peut mourir d'amour !
Cela m'avait semblé à l'époque absurde.
Je ne voyais l'amour que lumineux, éternel, doux, fusionnel et parsemé d'une fidélité sans limite ^^
Trente ans plus tard j'ai relu ce livre de Flaubert et j'ai compris cette absurdité !
On peut mourir d'amour mais on peut aussi vivre d'un amour doux et sécurisant !
J'ai choisi la deuxième possibilité ^^
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Si Flaubert avait vécu à notre époque, se serait-il acharné à démontrer les vices que produit la télévision dans le cerveau des jeunes demoiselles, comme il a voulu montrer, dans Madame Bovary, les dommages que pouvait provoquer la lecture de romans à l'eau de rose lors de la formation des jeunes filles au couvent ? Cette idée ne me semble pas impossible, et aujourd'hui, à l'heure on la majorité se désole de voir les petites têtes du monde entier se tourner plus rapidement vers un écran de télévision qu'au-dessus des pages d'un bouquin, le point de vue de Flaubert sur la perversion engendrée par la lecture apporte un point de vue intéressant sur les bienfaits et les méfaits de la culture.

Heureusement, Madame Bovary ne se limite pas seulement à cette réflexion intéressante. Peut-être même Flaubert n'avait-il jamais voulu étayer une quelconque théorie sur la culture, car la totalité de ses personnages, qu'ils soient issus de la plus haute caste intellectuelle ou de la plus longue lignée de paysans, n'échappe pas à son mépris le plus glacial, à ses remarques les plus acides, à son humour le plus féroce ! Et c'est cette haine de l'humanité, qui se dessine petit à petit entre les phrases travaillées et raffinées de Flaubert, qui donne son aspect le plus jubilatoire à Madame Bovary.

Rien ni personne n'est épargné dans ce roman. Flaubert disait être cette Emma, pauvre fille sans cesse déçue par les espoirs qu'elle portait en la vie, et cette affirmation ne me surprend pas. La psychologie de Madame Bovary est passée au peigne fin, démontée rouage après rouage. Alors qu'elle se dessinait vaguement, dans les premiers chapitres, comme une jeune fille de paysans légèrement tournée vers la vie intellectuelle et artistique, on la découvre de plus en plus complexe, hésitante, incohérente voire tordue. Quiconque ne se reconnaîtrait pas une fois dans les pensées d'Emma serait sans doute beaucoup moins humain qu'elle, ou peut-être moins honnête.
Et c'est là où le réalisme de Flaubert devient magique : il brosse sous ses yeux le portrait d'une femme, d'une famille, d'un village… de petites confréries qui deviennent universelles par la finesse des descriptions qu'il en fait.

Sur un ton en apparence posé et cordial, Flaubert a écrit, avec Madame Bovary, un roman d'une cruauté réjouissante !
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Qui ne connaît la triste destinée d'Emma Bovary ?

Une existence tout en désillusions et en ennui, un ennui que d'aucuns considèrent comme la marque du plus célèbre roman de Flaubert mais que, pour ma part, je n'ai ressenti que dans le quotidien de l'héroïne, très bien retranscrit, non dans ma lecture.

Ce qui m'a le plus frappée et émue, c'est la terrifiante solitude de cette femme pour laquelle j'ai ressenti de grands élans de compassion et d'indulgence. Et j'ai également été très surprise du plaisir pris à découvrir enfin le texte de Flaubert car, connaissant la trame, je pensais surtout à combler une lacune dans ma culture littéraire.

Souvent, les accents de la narration m'ont fait penser à Zola, jusque dans le style, ce qui ne fut pas pour me déplaire, loin s'en faut.

Le traitement de la psychologie des personnages, même secondaires, est brillant. Les figures de Charles Bovary, de sa mère, du père d'Emma, des amants et surtout, surtout de celle d'Homais, l'apothicaire, sont inoubliables. Le cynisme qui transparaît dans les actes de Rodolphe - notamment dans l'incroyable scène de la rédaction de sa lettre de rupture - motive particulièrement mon enthousiasme et mon admiration.

Un très grand roman.


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