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EAN : 9782350180892
131 pages
Editions Cécile Defaut (14/04/2010)
4.5/5   3 notes
Résumé :
" Et si la souffrance des enfants sert à parfaire la somme des douleurs nécessaires à l'acquisition de la vérité, j'affirme d'ores et déjà que cette vérité ne vaut pas un tel prix... Je préfère garder mes souffrances non rachetées et mon indignation persistante, même si j'avais tort ! D'ailleurs, on surfait cette harmonie ; l'entrée coûte trop cher pour nous. J'aime mieux rendre mon billet d'entrée. En honnête homme, je suis même tenu à le rendre au plus tôt. C'est ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Réunissant opportunément en un ensemble on ne peut plus cohérent sept textes jusqu'alors dispersés, ce livre d'analyse et de réflexion interroge le rapport de la littérature avec — et à — l'épreuve du deuil, particulièrement d'un enfant, ce «comble», ce «scandale où tout s'abîme», sa fondamentale confrontation à «l'inintelligible énigme du Mal». Avec le style juste et limpide qu'on lui connaît dans tous ses ouvrages, dont plusieurs témoignent d'un drame personnel, Philippe Forest éclaire les vies et les oeuvres, liées, de Dostoïevski, Faulkner (qui perdirent chacun un enfant) et Camus (donné pour mort dans son adolescence et qui porta à la scène Dostoïevski et Faulkner) : la mort d'un enfant « — fut-elle naturelle — est toujours un crime. »
Désamorçant les questions perfides (l' "impudeur" ne serait-elle pas justement là?) qu'on imagine sur l'absence de légitimité morale qu'il y aurait à exploiter une histoire intime pour créer un objet esthétique, l'auteur de L'Enfant éternel, qui écrivait ailleurs «le "je" est plutôt un témoin qu'un héros», pose radicalement : « Bien sûr, n'importe qui a le droit d'écrire sur n'importe quoi. » Au-delà, avec une intelligence, une éthique et une lucidité exemplaires (c'est-à-dire sans illusions), rappelant maints écrits de Bataille, Malraux, Shakespeare, Joyce ou Kobayashi Hideo, Philippe Forest refuse de s'en remettre au « vieux concept de la catharsis [purgation des passions] pour ne pas vouer la littérature à n'être que l'auxiliaire de l'illusion religieuse. » Encore battue en brèche, l'expression galvaudée « faire son deuil » — et l'idée, voire le grigri trop confortable, pratique, dont on use et abuse aujourd'hui afin de rassurer vite fait et à bon compte, thèse si mal convaincante pour ne pas dire inacceptable ou «barbare»: comment céder au « bon sens » qui ordonnait à Clytemnestre, Electre ou Antigone de procéder à l'effacement de leur chagrin ? «Deuil impossible où se révolte l'absurde de la condition humaine […] expérience inédite et cependant répétée de l'impossible». Comment croire à quelque salut par la littérature, à son possible triomphe sur la mort, comment ne pas reconnaître «la pathétique et inquiète impuissance de toute parole devant une tombe ouverte» ? Pour Philippe Forest, qui formule ici d'insolubles paradoxes («la littérature du deuil échoue forcément et […] de cet échec elle tire le principe de sa perpétuelle justification» ; «il n'y a pas de littérature du deuil, […] il n'y a de littérature que du deuil») son seul pouvoir sera de «conserver sa confondante vertu de vertige». Dans un monde où le sacrifice d'Isaac se perpétue encore chaque jour, Philippe Forest conforte l'implacable pertinence de la phrase de Camus: «L'art et la révolte ne mourront qu'avec le dernier homme.»

Critique parue dans une version réduite dans "Encres de Loire" n° 52 page 14, été 2010

Lien : http://www.paysdelaloire.fr/..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Que la littérature du deuil échoue forcément et que de cet échec elle tire le principe de sa perpétuelle justification.

Parce qu’elle témoigne de l’impossible, parce qu’elle consiste en un témoignage impossible, la littérature du deuil échoue nécessairement si on l’évalue à l’aide des critères qui prévalent du côté de la parole ordinaire. Elle se découvre impuissante – ou mieux : se déclare réfractaire – à ce geste par lequel l’aporie de la mort se trouverait faussement congédiée du champ de la conscience de telle sorte que tout semblerait enfin rentrer dans l’ordre.

Le travail de l’écrivain – si tant est que l’on puisse parler de travail pour une tache qui revendique sa définitive inutilité, son appartenance au domaine pur de la dépense improductive – ne s’apparente pas au trop fameux «travail du deuil» dont une certaine psychanalyse, prétendant s’autoriser de l’enseignement de Freud tout en taisant l’horizon irrémédiablement tragique de celui-ci, nous dit qu’il consiste à substituer un objet nouveau à l’objet de notre affection ancienne, nous invitant du même coup à mettre une seconde fois à mort la personne aimée en nous prêtant à l’effacement de ce qui reste d’elle en nous. Thèse très barbare et particulièrement adaptée – d’où son succès actuel – à la barbarie nouvelle dont nous sommes les contemporains et qui tient les individus pour rigoureusement interchangeables […]
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Que la littérature du deuil échoue forcément et que de cet échec elle tire le principe de sa perpétuelle justification.

Parce qu’elle témoigne de l’impossible, parce qu’elle consiste en un témoignage impossible, la littérature du deuil échoue nécessairement si on l’évalue à l’aide des critères qui prévalent du côté de la parole ordinaire. Elle se découvre impuissante – ou mieux : se déclare réfractaire – à ce geste par lequel l’aporie de la mort se trouverait faussement congédiée du champ de la conscience de telle sorte que tout semblerait enfin rentrer dans l’ordre.

Le travail de l’écrivain – si tant est que l’on puisse parler de travail pour une tache qui revendique sa définitive inutilité, son appartenance au domaine pur de la dépense improductive – ne s’apparente pas au trop fameux «travail du deuil» dont une certaine psychanalyse, prétendant s’autoriser de l’enseignement de Freud tout en taisant l’horizon irrémédiablement tragique de celui-ci, nous dit qu’il consiste à substituer un objet nouveau à l’objet de notre affection ancienne, nous invitant du même coup à mettre une seconde fois à mort la personne aimée en nous prêtant à l’effacement de ce qui reste d’elle en nous. Thèse très barbare et particulièrement adaptée – d’où son succès actuel – à la barbarie nouvelle dont nous sommes les contemporains et qui tient les individus pour rigoureusement interchangeables […]
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Vidéo de Philippe Forest
Tout a-t-il déjà été dit en littérature ? L'écrivain est-il condamné à se répéter ? Et comment réinventer la littérature après Balzac, Baudelaire ou encore Proust ? Pour répondre à ces questions, Guillaume Erner reçoit l'essayiste et romancier Philippe Forest.
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