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EAN : 9782493699022
224 pages
LIVRES AGITES (09/03/2023)
3.94/5   18 notes
Résumé :
Matria, île utopique, a été sauvée et protégée, il y a
plus d’un siècle, par un groupe de femmes. Elles y
vivent toujours en majorité. Charlotte, une jeune technicienne, un peu en vrac dans sa vie personnelle,
débarque dans ce petit monde idyllique. Sa rencontre
avec Marianne, mi chamane, mi visionnaire transforme totalement sa vie et elle se met à croire à un autre monde.
Mais le retour d’exil de Fabrizio, jumeau de Marianne,
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Appelée pour résoudre une panne de turbines sur une île peuplée en majorité de femmes, Charlotte découvre un univers qui dans un premier temps la séduit. La solidarité, les rites chamaniques, l'amitié et l'ouverture d'esprit sont des valeurs auxquelles elle adhère volontiers. Mais rapidement il semble que derrière le décor se cachent de vieilles histoires moins reluisantes. Lorsque le jumeau de Marianne, celle à laquelle se réfèrent les îliennes, manifeste le souhait de revenir sur l'île après vingt ans de bannissement, les masques tombent.

Ce conte moderne aux allures de fable antique avait tout pour séduire. Un thème porteur, des personnages atypiques et un secret enfoui, de beaux ingrédients romanesques. Mais la narration s'épuise rapidement et on reste sur sa faim. La sororité explose en vol, au profit des viles passions et de la jalousie.


Le défilé des dialogues nuit à la fluidité du récit et au développement d'une thèse. Les situations de tension sont un peu trop caricaturales et n'ont pas réussi à me convaincre.


224 pages Livres agités 9 mars 2023
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Débarquer sur l'île des femmes

Le premier roman de Juliette Garrigue, l'histoire d'une île tenue par des femmes, peut se lire comme un conte philosophique, un essai féministe, une tragédie grecque ou une fable écologique, le tout servi par une plume limpide.

Charlotte est missionnée sur l'île de Matria afin de réparer les machines en panne. Si elle a accepté de faire le voyage, c'est qu'elle vient de se séparer et qu'elle a perdu son grand-père, sa seule famille. Autant dire qu'elle avait bien besoin de se changer les idées. Sur Matria, elle est servie. Car ce coin de terre, ancien pénitencier, est devenu l'île des femmes qui jouissent ici d'un statut particulier. À la tête de ce microcosme, Marianne est tout à la fois la mémoire de ce lieu, la cheffe et la responsable des relations publiques qui vend son petit paradis avec lyrisme: «Matria est une planète vivante. Son pouls bat là, sous tes pieds, à chaque pas; on soulève les croûtes et la poussière qu'il faut savoir fouler sans la blesser. Elle est dans la pierre, dans les cailloux, dans le sable, dans les branches, dans les herbes, dans l'eau, le sel, mais aussi, en une pleine réciprocité, dans les pores de ma peau, dans les racines de mes cheveux; elle est dans mon ventre, elle prend les chemins de mes veines, campe mon coeur, résonne dans mon sexe.»
À la veille de quitter l'île, une forte tempête oblige Charlotte à prolonger son séjour et à constater combien la solidarité entre les habitantes est forte. Ajoutée à la somme de travail qui l'attend, elle va finir par se convaincre que sa place est bien là et se promet de revenir s'installer sur l'île.
C'est alors qu'elle croise Fabrizio, le frère jumeau de Marianne. Après avoir bourlingué vingt ans loin de Matria, le voilà de retour. Sauf que ce bel homme «accro à la coke et à la bibine» a été banni de l'île et sa soeur n'entend pas l'accueillir à bras ouverts, même s'il vient avec le projet offrir à des réfugiés une place sur l'île.
Car Marianne se doute que le bel équilibre construit au fil des ans pourrait être remis en cause, déjà qu'elle doit composer avec Rosie et sa bande, les ultras qui entendent faire la police sur l'île et n'hésitent pas à chasser les hommes putes qui débarquent dans des cavités de la falaise pour se vendre aux femmes.
Pour elle, il est primordial de respecter, dans chacun de leurs actes, ce qu'elle appelle l'intersubsistance ou la cosmose, c'est-à-dire l'art de se fondre dans la nature: «Tu as devant toi une société qui en épouse toutes les dimensions matérielles et spirituelles, toutes les exigences aussi. La complémentarité, l'interdépendance, la coopération, le lien».
En tentant de réconcilier le frère et la soeur, Charlotte ne va-t-elle pas remettre en cause ce bel équilibre ?
Juliette Garrigue réussit fort bien à mettre en scène cette utopie féministe et à en cerner les forces et les faiblesses qu'incarnent Marianne et Fabrizio, jumeaux aux aspirations contraires que les liens du sang rendent encore plus intransigeants. Comme notre planète dont l'équilibre au fil des ans devient de plus en plus fragile, Matria devient le symbole d'un monde idyllique en grand danger.
Voilà une entrée en littérature réussie !


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Matria, de Juliette Garrigue

26.01.2023 🔧Récit initiatique🔧

L'histoire :
Lorsque Charlotte est appelée sur île mystérieuse pour y réparer une turbine, elle découvre Matria.
Matria est une île, non loin du continent, où ne vivent que des femmes et quelques enfants, en autarcie.
Tout est autogéré et dirigé par Marianne, entre chamane et sorcière.
Mais quand Fabrizio, le jumeau banni de Marianne revient 20 ans après son exil, pèse sur ce monde féminin une menace sournoise.
Charlotte, sous le charme de Fabrizio, va essayer par tous les moyens de réconcilier l'île et ses habitantes avec Fabrizio, et particulièrement Mariane.

Mon avis:
J'ai sélectionné ce livre parce que j'étais intriguée et séduite par le résumé, par cette idée d'une île gérée et habitée par des femmes.
(et j'avoue que le fait que l'héroïne se prénomme Charlotte n'a fait que confirmer mon choix).

Très contente donc d'avoir remporté ce livre à la masse critique babelio de janvier !

J'ai découvert une maison d'édition Livres agités, avec Matria, et une nouvelle auteure.

Il s'agit ici d'un roman qui mène à réflexion, clairement féministe, où deux idéaux s'opposent.
Sur l'île, la vie s'autogère, chaque femme y a son rôle bien défini, et est menée par Marianne, le tout dans le respect de chacun, et de la nature.
On y retrouve quand même une milice de femme peu commodes, ce qui montre que même une communauté pacifiste a son moyen de défense.

Puis il y a Fabrizio, qui représente le sexe opposé, celui que refusent toutes ces femmes, et qui, comme pour confirmer leurs craintes, vient et exige de sa soeur un bouleversement pour l'île.

Aussi louables soient les intentions de Fabrizio, il essaye de s'imposer et malheureusement pas de façon douce et réfléchie.

J'ai apprécié le personnage de Charlotte, qui se retrouve tiraillée entre les deux personnages, alors qu'elle est tout à fait à même de s'occuper d'elle-même, étant donné sa force de caractère et ses compétences.

Une belle critique de la société, même si j'ai trouvé de temps en temps qu'il manquait de subtilité et que les clichés ont la vie dure.

Est-ce que ça vous tente de visiter Matria ?
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Je remercie les Editions Livres Agités de m'avoir proposé ce Sp.
Un roman initiatique, un poème onirique, un manifeste féministe, un manifeste écologique, ce roman est beaucoup de choses.
Le style de l'auteure Juliette Garrigue est fluide, très agréable, mais également poétique dans ces descriptions de cette terre idéale qu'est Matria.
Une île où ne vivent que des femmes, une vie en accord avec la nature, mais doucement comme les pannes de la turbine le montrent, une terre qui montre des signes de fatigue, des incohérences, et pour finir des dérives. Il n'y a pas de terre idéale, pas de civilisation idéale, il faut juste conserver un équilibre entre les sexes, un respect. Une très belle leçon.
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Matria est une île où les femmes vivent en grande majorité et sont hermétiques au sexe opposé. Et pour cause, Matria a traversée des guerres pendant lesquelles les hommes ont usé de leur attribut masculin.
Marianne domine l'île par sa prestance mais aussi parce que c'est sa mère Maria qui lui a léguée ce pouvoir, celui d'entretenir l'utopie d'une vie sans hommes.
D'hommes il s'agit tout de même, ils ont un endroit à eux à côté de l'île où les femmes peuvent les rejoindre pour des plaisirs charnels. Oui, la sensualité déborde des pages de Matria.

La nature a une place importante sur Matria, elle exerce une domination sur les habitants de l'île, décisionnaire du quotidien. Un renversement des forces s'opère : la Nature reprend ses droits.

Marianne a un jumeau Fabrizio qui, après avoir fait l'erreur de sa vie a 10 ans, est banni de l'île. Mais aujourd'hui il souhaite y revenir pour une cause louable. En parallèle, Charlotte débarque sur l'île avec ses compétences de technicienne pour effectuer des travaux. Elle va être celle qui relie Marianne & Fabrizio, celle qui va tenter de faire la jonction mais devra en payer le prix et découvrir toutes les vérités cachées et enfuies.

Entre guerres fratricides à l'ancienne et utopie moderne, Juliette Garrigue imagine une terre de liens où l'intersubsistance fait foi, où les enfants sont non genrés jusqu'à un certain âge, où la femme a ce plein pouvoir. Mais ce plein pouvoir peut aussi se conjuguer avec violence. L'idée m'a séduite, j'aurais adoré approfondir avec encore plus de discernement le personnage de Marianne dont l'aura n'a d'égal.

Matria, l'Utopie des temps modernes 🌷
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Prologue
Pour venir sur Matria, il faut remplir quelques conditions : avoir une bonne raison, la mettre en poésie et l’écrire, convaincre. Enfin, ne pas être hors-la-loi sur le continent.
Sauf à y être né ou à avoir été choisi arbitrairement, on ne peut pas vivre indéfiniment sur l’île.
Pour ne pas perturber l’équilibre écologique, le nombre de résidents ne peut excéder simultanément la cinquantaine. Les femmes y sont majoritaires.
Ainsi peut se résumer l’essentiel du pacte établi avec le gouvernement du continent.

Première partie
Charlotte
Six heures que je suis enfermée là-dedans. Je ne sais rien de ce qui se passe à l’extérieur. C’est ce que je veux. Ma concentration est à son maximum quand je suis au cœur de la machine, coupée du monde vivant. Je fais abstraction de la lumière du jour, du bruit du dehors, du vent qui détournerait mon attention, du soleil qui me ferait mollir. Je deviens la machine. Mes articulations font le bruit d’écrous qui s’imbriquent, mon souffle est chaud comme la flamme du chalumeau, mes mouvements sont précis, ma transpiration est grasse, lourde. Je me sens bien ainsi, corps mécanique.
J’ai bossé comme une damnée toute la journée pour boucler le chantier. Mon bleu est détrempé, mon masque me colle à la peau, mon dos est en miettes, mes mains me brûlent.
Vingt et un jours que je suis sur l’île. Encore une soudure, et la turbine hydroélectrique sera réparée.
Fini ! C’est du bon boulot, Charlotte !
Ça fait quand même quelque chose une fin de chantier. Un truc qui pique, pareil à de la rouille au creux des côtes.
Je me revois il y a trois semaines dans le bureau du patron qui m’accueille avec son grand sourire, un peu faux-cul : « J’ai une mission pour toi… Du sur-mesure ! »
La demande était spéciale ; il fallait que ce soit une femme. On n’était pas nombreuses sur le continent à avoir les compétences requises. Difficile de percer ce que cachait vraiment ce sourire satisfait. Voulait-il me faire croire à une occasion en or ? Ou alors feignait-il un trop grand enthousiasme, histoire que je n’hésite pas trop ? Si ça se trouve, il était juste content de se débarrasser de moi quelque temps. Ou tout cela à la fois.
Ça tombait bien… Je venais de me faire larguer et dans la foulée de perdre mon grand-père. Ma seule famille. Pas la grande forme… Alors, pourquoi hésiter ? J’en avais assez de traîner mes savates et ma tristesse. Rien ne me retenait. Changer d’air me ferait le plus grand bien. Et puis j’ai toujours adoré faire de nouvelles expériences, et celle-ci me plaisait. Poser les pieds sur Matria, l’île des femmes, proche et lointaine à la fois, à une distance d’à peine cinquante, peut-être soixante milles du continent. Des jours que je n’avais pas ressenti un quelconque enthousiasme…
Quand est-ce que je pars ?

Je suis arrivée le lendemain au petit matin, à bord d’une navette spécialement affrétée, attendue comme le messie par un petit groupe de femmes tant les réparations étaient urgentes. Elles m’ont assaillie de questions tout en me délestant de mes bagages : « Tu as fait un bon voyage ? » « Donne-moi ça, je m’en occupe, tu le retrouveras ce soir dans ta chambre. » « Viens, nous te conduisons jusqu’à la centrale. » « Moi, je prends tes outils. » « Par quoi vas-tu commencer ? » « Tiens, un encas. » « Quitte ta veste, tu vas avoir chaud. » « T’as soif ? » « C’est par là ! »
Je n’ai eu ni le temps de répondre, ni même l’occasion d’observer mon nouvel environnement. Quand elles m’ont enfin laissée seule dans le local technique, j’étais soulagée. J’allais pouvoir m’organiser.
Mais une tête a soudainement surgi dans l’entrebâillement de la porte.
– J’ai failli oublier ! La carte de l’île pour rentrer ce soir.
La carte ? Tu parles ! Un dessin sur un vieux papier kraft, aux coups de crayon si enfantins qu’ils en étaient attendrissants. L’île était représentée comme un haricot sans relief, couvert de pictogrammes archaïques surmontés de croix indiquant les différents lieux – maisonnée, bergerie, centrale, atelier, petite maison grise, fabrique, épicerie, paysannerie, village des enfants – et, crayonné en bleu tout autour, l’océan. En un coup d’œil, j’en avais appris un peu plus.
– Toi, tu es ici ! Et ce soir, Marianne t’attendra là, m’a indiqué la femme, reliant de son doigt un chemin invisible entre la centrale et la maisonnée. Tu longes le chemin côtier. Tu trouveras, c’est facile. Allez, bon courage !
– Mais c’est qui, Marianne ?
– Tu verras bien, c’est la patronne !
En guise d’encouragement, elle a serré très naturellement mes mains entre les siennes. Un sourire, et elle est repartie. Ce geste affectueux m’a donné un élan supplémentaire pour commencer sans plus tarder mon travail. Je me retroussai donc les manches.
En fin de journée, j’ai fait le bilan. Vu l’étendue des dégâts, trois semaines ne seraient pas de trop pour venir à bout des réparations… J’étais prête, déjà, à passer la nuit dans le local technique, mais la carte posée sur mon sac me rappelait que Marianne, la « patronne » de l’île, m’attendait. Je me résignai donc à quitter mon antre.
En route, j’ai rencontré une jeune femme qui s’est présentée comme « la bergère ». Quelques mots échangés sur la douceur du soir, et elle n’a pas tardé à me demander :
– J’ai une bête à soigner. Tu voudrais bien amener ça à la maisonnée ? Ça me fera gagner un temps précieux.
J’ai donc poursuivi mon chemin les bras chargés d’une cagette exhalant l’odeur de petits fromages de chèvre recouverts de branches de thym.
La maisonnée apparut en surplomb d’un escalier sinueux taillé dans la roche. Était-ce là que j’allais séjourner ? De prime abord, la bâtisse ressemblait à un ancien bâtiment administratif plutôt austère. Ou peut-être à un dispensaire. Gravissant l’escalier, je ressentis une force étrange. Certaines marches étaient usées et glissantes. Combien de pas avant moi avaient participé à polir la roche ? Je m’imaginais grimper l’échelle du temps, quand…
– Bienvenue, Charlotte !
La voix dévala jusqu’à moi dans un roulis mélodieux et enjoué.
– Marianne ?
Elle était allongée sur la dernière marche, lascive, ses cheveux empêtrés dans un petit buisson. En guise de réponse, elle me tendit la main. Je l’ai rejointe prestement pour l’aider à se redresser. D’apparence charpentée, Marianne était pourtant légère.
– Je suis vidée. C’est le jour des soins aujourd’hui, me dit-elle en se frottant les mains. Beaucoup de femmes vont bientôt partir, alors elles ont défilé les unes après les autres !
Elle a pris un moment appui sur mon épaule. Le contact physique faisait apparemment partie des conventions sociales. Sa main était huileuse, comme les miennes ! Mais son corps exhalait une forte odeur de sauge, de cannelle, ou quelque chose comme ça. Puis, dans une grande respiration, elle a redressé la tête, me gratifiant cette fois-ci d’un lumineux sourire.
Quelques marches en dessous de Marianne, avec en arrière-plan l’imposant bâtiment, je me sentais devenir une toute petite chose qui attendait qu’on lui donne la permission d’avancer. Marianne ne bougeait pas. J’ai d’abord été prise d’un rire nerveux face à son silence imperturbable et ses yeux qui n’hésitaient pas à parcourir mon visage. Qu’attendait-elle de moi ? Plus elle me fixait, plus son sourire s’élargissait, m’invitant, je l’appris plus tard, à ce temps d’observation mutuelle nécessaire à une vraie rencontre.
Drôle de femme !
D’abord déroutée, j’ai fini par avoir envie de défier son regard et je me suis mise à la détailler à mon tour. Sa longue chevelure vaporeuse électrisée par l’air marin dessinait une aura argentée autour de son visage. Sans cela, elle aurait pu être la plus commune des femmes. Pas de maquillage, pas de bijoux, pas de montre, pas de coiffure élaborée, rien pour soutenir ni rehausser quoi que ce soit. Seule une large manchette de bronze enserrait son bras et un tissu blanc lui barrait le buste, une épaule prise, l’autre libre. On aurait dit Artémis, cette déesse qui me fascinait tant ! Elle se fondait dans la nature et nul artifice ne venait altérer sa beauté pure. Pourtant sur son visage aux joues tannées, les rides écrivaient les maux de sa vie.
Suivant le chemin broussailleux de ses sourcils, je me laissai prendre dans le tunnel de ses yeux noirs. Son regard était hypnotique. À l’inverse, son cou replet de petite fille me rappelait celui de ma grand-mère dans lequel je me nichais enfant.
Comme si elle m’avait sentie glisser dans la mélasse de mes souvenirs, elle a soudain retiré la cagette de mes bras – « Allez ! » – et m’a conduite jusqu’à la terrasse qui se cachait derrière un rideau d’ifs, m’indiquant de prendre place à une table qui, les jours suivants, serait notre point de retrouvailles quotidien.
Pour l’heure, un peu sonnée, je découvrais ce coin où la glycine était la plus odorante et où l’océan apparaissait par touches comme des milliers d’yeux bleus clignotant dans les branches vertes et frissonnantes des grands arbres. Impossible d’oublier qu’ici, partout, tout le temps, l’océan vous cerne.
– C’est là que je vais dormir ? lui ai-je demandé.
– À l’arrière de la maison, à deux pas du four à pain et de la cuisine. Il y a une petite chapelle, elle te servira de chambre le temps que tu passeras sur Matria.
Une chapelle ! Ah, ben ça, c’était encore une première.
Le soir même, le petit groupe de femmes qui m’avait accueillie m’a retrouvée avec un enthousiasme intact. Elles ont eu vite fait de m’enivrer de leurs paroles et de leur liqueur de prune aussi forte que réconfortante. Nous avons dégusté les fromages que j’avais ramenés et un plat de légumes du jardin mijotés à l’ail et au thym.
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– L'enfant est l'allié le plus compréhensif, enchaîne Chilam. Il vit au même rythme. L'aiguille du temps suit les besoins primaires : manger, dormir, faire ses besoins. Recommencer. Et dans chacun de ses actes, la cosmose.
– La quoi ? ne puis-je m'empêcher de questionner.
– La cosmose, ou l’art de se fondre dans la nature. Tu as devant toi une société qui en épouse toutes les dimensions matérielles et spirituelles, toutes les exigences aussi. La complémentarité, l’interdépendance, la coopération, le lien, ajoute Léonard.
– Je me souviens des mots de Marianne. L'intersubsistance !
– C'est ça! p. 87
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Fabrizio : frère jumeau de Marianne. Beauté à couper le souffle, accro à la coke et à la bibine. Aurait été “banni”. Apparemment, il y a un rapport avec Leïmar (sombres affaires de famille ?). Revient après avoir bourlingué vingt ans loin de Matria. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Normal que sa sœur n'accède pas à toutes ses demandes ! Même si la cause est juste : veut aider des réfugiés en les accueillant sur l'île. »
« Léonard... Ça me dit quelque chose. Vérifier plus tard dans mes notes. À l'écoute, voix profonde, ne parle pas pour ne rien dire. Je n'en sais pas beaucoup plus. »
«Summum de la soirée : des hommes putes ! Nichés dans des cavités de la falaise mais vite débarqués par Rosie et sa bande. L'île a-t-elle besoin d’une milice aussi effrayante?»
«Des hommes putes... Je me demande bien si Marianne est au courant. À quoi ça sert, tout
ce cirque, si c'est pour reproduire les travers du continent? . 80-81
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Marianne déclame parfois, pour mon plus grand plaisir: “Matria est une planète vivante. Son pouls bat là, sous tes pieds, à chaque pas; on soulève les croûtes et la poussière qu'il faut savoir fouler sans la blesser. Elle est dans la pierre, dans les cailloux, dans le sable, dans les branches, dans les herbes, dans l'eau, le sel, mais aussi, en une pleine réciprocité, dans les pores de ma peau, dans les racines de mes cheveux; elle est dans mon ventre, elle prend les chemins de mes veines, campe mon cœur, résonne dans mon sexe.” p. 25
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Après chacune des deux guerres, les hommes étaient revenus. Pas tous, et un peu moins à chaque fois, les corps délabrés et les esprits désorientés. Le champ de bataille semblait encore résonner en chacun deux. Abîmés, perdus, hantés, ils devinrent marins. L’Océan leur permettait de ne pas s'ancrer, de ne pas s’alourdir, d'avoir la possibilité d’aller et de ne jamais revenir.
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