Écoutez nos défaites : un long poème choral qui embrasse l'histoire pour un baiser de judas à tous ces vaincus , hommes soldats, chefs de « guère », « chefs des tas » … de cadavres...
Laurent Gaude l'écrit et le démontre tout au long de ce roman épique « Les hommes finissent toujours vaincus » .
Il tresse inlassablement ces histoires personnelles et universelles qui se croisent, se répondent, s'interpellent, s'interrompent mutuellement dans un dédale déroutant au début pour le lecteur … mais bientôt familier avec des personnages récurrents qu'on a plaisir à retrouver au fil des pages, au long des chapitres décrivant une géographie de villes familières dans leur nom entendus dans nos cours d'histoire ou aux « actualités »
Oui des vaincus seulement ; même dans des victoires passagères , des batailles gagnées par un coup du sort, un génie tactique ou une intuition psychologique…
il en est ainsi de tous les « héros » de batailles sanglantes, qui peuplent ces pages de l'Histoire (avec le grand H) - Hannibal et ses frères face aux consuls romains … ou bien Grant , Sherman, Custer et autres généraux de l'Union nordiste, « bouchers » de la guerre civile dite de « sécession » face aux officiers confédérés sudistes dirigés par Lee … ou encore Hailé Sélassié roi des rois en Éthiopie pendant la seconde guerre mondiale qui accepte que son peuple soit affamé alors que lui collectionne les Rolls Royce (27!) … ou enfin les généraux américains « faucons » ou plutôt « vautours » qui pourchassent et font exécuter dans les années récentes leurs anciens alliés Khadafi ou autres Ben Laden … Tous des vaincus au final, devenus fous à force d'être hantés par les dizaines de milliers de morts qu'ils ont provoquées.
Il y a sans doute aussi un peu de « Apocalypse now » (et for ever ?) dans la quête quasi mystique d'un des officiers des services secrets français Assem qui va à la rencontre d'un héros de guerre des marines - un de ceux qui ont traqué et exécuté Ben Laden dans son repaire au Pakistan- et qui a basculé dans la folie …
Pas de femmes dans ces catégories . La seule , Mariam, qui traverse ce livre du premier au dernier chapitre est gardienne de mémoire, de culture, sorte de vestale libérée des obligations sociales habituelles de se marier et de donner naissance à des enfants. Elle aussi a fait le voeu de se consacrer à l'étude et au respect des traces du passé , dans les musées où les sites historiques d'orient ou de moyen orient. « D'Alexandrie à Bagdad. de Tunis à Palmyre, elle va poursuivre jusqu'à l'épuisement mais qu'importe puisqu'il ne peut y avoir de défaite. » Pour elle seule.
Pas de repos, pas de rédemption pour tous les autres