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sur 1133 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ecoutez nos défaites.
Ecoutez nos victoires qui se gagnent à coup de charniers.
Ecoutez nos victoires qui ont le goût amer de la défaite.
Ecouter les cris et les gémissements de douleur des combattants.
Ecouter le silence de la mort.
Ecoutez la complainte des hommes sacrifiés.
*
Laurent Gaudé est un très grand conteur. Je me suis laissée à nouveau emporter par ces multiples histoires. L'écriture, toujours aussi séduisante et mélodieuse, est une réflexion sur la futilité de guerre à travers les siècles avec ce constat :
« On ne peut partir au combat avec l'espoir de revenir intact. »
*
Quel est le prix à payer pour chaque victoire ?
Chaque conquête, chaque bataille n'est-elle pas entachée par ces milliers de morts qui reviennent nous hanter jour après jour ?
Le prix à payer n'est-il pas si lourd que chaque victoire s'apparente à une défaite ?
Que gagne-t-on au final ?
Comment peut-on vivre après une défaite, une victoire ?
Quelle cause vaut la peine de se battre ?
Quelle bataille gagnée est une victoire ?
*
Toutes ces questions sont au coeur de ce roman. Laurent Gaudé a choisi d'entremêler plusieurs histoires et plusieurs périodes historiques pour délivrer son message et nous amener à réfléchir sur le sens de la guerre.
Dès que l'on s'engage sur cette voie, on peut bien sûr y perdre la vie, mais, même si on en ressort victorieux, l'horreur de la guerre a amputé une part de notre humanité.
*
Assem Graïeb, surnommé « le chasseur », est un agent au service de la France. Après dix ans de missions d'élimination au Moyen-Orient et au Sahel, il est à un tournant de sa vie où, témoin des conflits de notre époque, il se pose des questions et commence à montrer des fêlures. Avec cette question qui revient comme un leitmotiv « Es-tu prêt à partir ? ». Sa prochaine mission consiste à approcher et évaluer un ancien membre des unités spéciales américain, Sullivan Sicoh, soupçonné de divers trafics, et de le « neutraliser » s'il n'est plus fiable.
*
Il croise le chemin, le temps d'une nuit, une jeune femme, Mariam, archéologue irakienne engagée dans un long combat pour préserver le patrimoine irakien de l'obscurantisme et du fanatisme d'hommes radicalisés. Elle est chargée de retrouver, d'expertiser les oeuvres d'art volées sur des sites archéologiques et dans les musées, mais aussi de tenter de préserver ce patrimoine du pillage et du saccage.
Ces quelques heures d'amour volées à leur vie d'engagement, de courage et de sacrifice ont déposé une trace indélébile sur leur existence et leur vision du monde.
*
Leur combat rappelle d'autres combats passés, des pages d'Histoire qui se sont construites dans le sang, la souffrance, la honte aussi parfois : celle d'Hannibal le carthaginois, fin stratège, marchant fièrement sur Rome ; celle du général Grant écrasant les confédérés durant la guerre de sécession ; ou celle moins connue d'Hailé Sélassié et de ses guerriers éthiopiens luttant avec courage et désespoir contre l'armée mussolinienne. Et bien sûr, toutes ces pages sanglantes d'hier et d'aujourd'hui qui ne sont pas évoquées dans ce roman, mais auxquelles on pense indiscutablement.
*
La construction du récit est assez déroutante et complexe au départ, car elle s'articule autour de fenêtres qui s'ouvrent sur un temps, sur un personnage et son histoire, entraînant un changement de narrateur et d'époque. Passée la surprise de cette narration inattendue, on suit avec plaisir les différents protagonistes. Les époques se chevauchent et s'entremêlent, mêlant les cris de souffrance et d'agonie dans un seul et même combat.
Tout cela pour nous rappeler que L Histoire a une odeur, celle des charniers, du sang qui coule et des viscères qui se répandent sur la terre.
Témoin muet et mémoire de nos batailles, de nos vies éphémères, L Histoire glisse sur le temps et le destin des hommes dont les traces encore visibles longtemps après leur passage doivent servir de leçon aux générations futures.
*
Mais au-delà de toute cette noirceur, il y a aussi un message d'espoir et d'amour. Un hommage pour le courage de ces femmes et de ces hommes qui luttent pour de justes causes. « Pour elle, vivre c'est vaincre… Tant qu'elle vivait, elle était victorieuse, et son existence seule les giflait comme un outrage. »
*
C'est le genre de romans que j'adore. Une « belle » histoire, des valeurs à transmettre, une réflexion sur notre humanité et la vanité de nos victoires, une magnifique écriture, des mots puissants comme un chant guerrier qui lie le passé au présent.
Lire un roman de Laurent Gaudé, c'est l'assurance de lire un très bon roman. On n'est jamais déçu. Je vous recommande ce très beau roman.
*
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Laurent Gaudé est né en 1972 et a fait des études de lettres, il est romancier et dramaturge. En 2004 il remporte le prix Goncourt pour le soleil des Scorta qui se déroule dans un village des Pouilles en Italie. Ed chez Actes Sud.
Récit au présent. Poétique plein de métaphores : « un labyrinthe de fils électriques fait une sorte de toit de lianes noires dans les artères », phrases dynamiques et courtes. Très intéressant d'un point de vue historique et philosophique.
Écoutez nos défaites raconte la dernière mission à Beyrouth d'un agent secret des services de renseignement français Assem Graïeb qui est chargé de retrouver un ancien membre des commandos d'élite américains soupçonné de divers trafics. Il va rencontrer Mariam l'archéologue irakienne qui tente avec passion de sauver les oeuvres d'art dévastées etpillées lors des conflits au Moyen-Orient.
En parallèle le livre alterne le récit de trois « victoires » de l'histoire menées par trois chefs de guerre : le Général Grant contre les confédérés, Hannibal envahissant Rome et le Négus Hailé Sélassié contre les fascistes italiens. Mais ces victoires en sont-elles vraiment, quand elles ne semblent être en fait que des massacres ? Sont évoqués aussi des personnages de l'histoire proche comme Khadafi, Ben Laden et les hommes de Daech.
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On retrouve dans ce roman l'écriture savoureuse de Laurent Gaudé mais j'ai moins gouté à la trame de cet opus. Un peu trop long, un peu trop décousu pour mon goût!
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Laurent Gaudé campe ce roman dans les zones en guerre. Assem a mené des opérations pour les renseignements français, il a dans son palmarès quantité de régions sensibles, le Kurdistan, Bamako, Benghazi. Il est fatigué. Il croise dans une nuit d'amour Mariam, une archéologue qui sauve ce qui peut l'être, à sa manière, déterre les couches enfouies par les tremblements de l'histoire.

Les autres vies fauchées loin derrière se rappellent à nous, avec Hannibal marchant sur Rome, le général américain Grand, qui mena des batailles sanglantes pour éliminer les nationalistes sudistes. L'auteur plonge dans tous ces visages humains. Ici, on ne compte pas les morts, on ne prend pas de parti, on n'énumère pas les vainqueurs et les vaincus, puisqu'au fond, ce qui compte, c'est chaque âme meurtrie, chaque vie cabossée. Ce qui compte, ce sont tous ces visages humains avec ni sentiment de gloire, ni sentiment de défaite mais des hommes au coeur meurtri.

La force de ce roman réside dans cet empilement de voix, de vies, de corps, de défaites, de gloire, de massacres. Ces sols où les couches sans distinction s'empilent, ces sols foulés qui loin d'étouffer les larmes et les cris, en portent les échos. Dévoilent l'absurdité des guerres qui se succèdent. Où il n'y a jamais de vainqueur, puisque même les vainqueurs ont un goût de défaite. Laurent Gaudé à l'art et la manière de sentir ces vibrations et de restituer les états d'âmes de ses personnages, de sortir de l'ornière du roman historique pour se plonger dans ces strates de vies qui laissent des empreintes sur nos corps, sur nos âmes.

Peut-être le livre le plus mélancolique qu'il ait écrit. Une plume pleine d'humanité avec tantôt un souffle long, tantôt un souffle haché. Notre histoire en somme, une histoire sans fin, parsemée d'éclats et de débris nous est raconté ici. Tout ce qui se convertit en chiffre et en évènement historiques dans les manuels d'histoire, nous est raconté sous l'angle des traces humaines qui peuplent notre conscience, nous habitent obscurément, et remontent comme ces objets exhumés pas Mariam.

Une très belle plume mélancolique et subtile.

4/5
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On a coutume de dire que c'est les gagnants qui décident de ce que sera L Histoire. Que les terroristes d'un jour peuvent être les résistants un autre. Selon qui gagne.
Mais si gagner est détruire et ensanglanter, n'est-ce pas tout autant une défaite.
Dans la guerre, la violence, il n'y a jamais de gagnants.
Si une conclusion pareille est presque gnangnan, elle est pourtant juste.
C'est pas gagné pour cette vie et ce monde-ci.
Gaudé a tenté lui aussi de nous l'instruire en se servant ici, à tour de rôle, de plusieurs "guerres" ou affrontements violents dans L Histoire, lointaine et récente.
Plutôt réussi.
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Un très beau livre, porté par une belle écriture aux accents mythologiques, dont les récits me touchent, moi qui suis une historienne intéressée par l'histoire-bataille.
Ici, chaque bataille est une défaite, quelle soit gagnée ou perdue, car chaque combat suppose la violence, la souffrance et la perte - des autres ou d'une partie de soi-même. On ne peut rester le même quand on donne la mort ou qu'on la voit de si près. Chaque soldat est donc un vaincu.
A la façon d'un choeur antique, différentes batailles et différents combattants se mêlent, dans des combats différents - et oui, Mariam est, à sa manière, une combattante. Ces voix et ces personnages se mêlent bien, dans un cercle de douleurs.
Je regrette cependant le récit de la guerre de Sécession, qui, me semble-t-il est un peu hors-sujet. Car les autres personnages sont unis par la Méditerranée, berceau des civilisations antiques, avec toutes les ruines de temples qui y sont éparpillées sur chaque rive, ruines du temps ou ruines des destructions. Cette mare nostrum qui ne fût jamais frontière, mais carrefour de vin, d'olives, de dieux ou de sang.
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La mélancolie est sans doute ce qu'il nous reste lorsque la rage de la tristesse ne sert plus à rien.
Tout au long d'une écriture magistrale, aux cotés de personnages réels, historiques, imaginaires nous remontons ce lent chemin vers la mélancolie.
C'est un très beau roman. Une variations d'histoires dures et tragiques.
Je le repose avec une certaine mélancolie... car il ne sert à rien d'être triste de l'avoir fini.
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Ce n'est pas une nouveauté, mais l'on m'avait recommandé ce livre et cet auteur; alors au fil d'une rencontre j'ai succombé.
Laurent Gaudé retrace à travers ce roman les combats de protagonistes à travers les siècles, d'Hannibal à Hailé Sélassié.
Il réussit à dire la vie et les sentiments de ces hommes et de cette femme, qui tous combattent au prix de leur vie.
L'auteur marque ici l'inéluctable défaite des armées de morts et des atrocités que l'on a engendré pour arriver à la victoire.

L'auteur souligne la manière dont L Histoire se forme.
Petit à petit, elle englobe les hommes et suspend le temps, pour décider à la dernière seconde quel nom elle retiendra.
C'est le récit de la vie de Mariam, qui elle se bat pour que les traces de l'Antiquité surgissent de la terre.
Dans ce roman, les vies présentées arrivent à se toucher, se compléter, sans même se rencontrer; avec la même finalité : la mort paisible, qui arrive enfin, laissant à chaque fois comme seul souvenir un sourire apaisé.

Un style abouti et un vrai plaisir de lecture.
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Avec sa plume enchanteresse, Laurent Gaudé nous promène ici à travers les siècles et les grandes contrées du monde dans le but de nous faire réfléchir à ce que sont nos victoires et nos défaites.
Sont-elles si opposées l'une de l'autre ?
Certaines victoires n'ont-elles pas des allures de défaites en ce qu'elles nous ont poussés à aller trop loin, à trahir notre humanité, nous laissant un goût amer en bouche ?

A travers les combats de trois grands personnages historiques, il nous démontre que la victoire n'est jamais totale, que la guerre la rend laide et sâle.
Comment peut-on savourer sa victoire quand on voit ses troupes décimées, ensanglantées ? N'est-ce pas trop cher payer ?
Et quand ceux qui sont défaits font encore trembler les vainqueurs, peuvent-ils encore se considérer comme tels ?

Ces questions, Assem, agent de renseignements pour les services français, maintes fois envoyé en mission et fatigué, se les pose également.
Lui qui a vu des régimes tomber, des peuples se relever, des hommes mourir, comprend qu'il n'y aura jamais de victoire définitive, celle qui lui apporterait le repos.
Sa rencontre fugace avec Mariam, une archéologue irakienne qui tente de sauver des oeuvres d'art dans la zone dévastée du Moyen-Orient, est le seul moment où il accepte d'être lui-même, de s'abandonner, de ne rien dissimuler.
L'un et l'autre resteront marqués par cette unique nuit d'amour.
Mariam, confrontée à la maladie, apprendra à transformer cette défaite en victoire, car la vie n'est qu'une succession de victoires et de défaites qu'il nous faut gérer au mieux.

Une fois de plus, du grand Gaudé... avec un petit bemol quand-même pour moi.
Car, si je suis férue d'histoire, je me suis toujours emmêlée les pinceaux dans les récits de batailles.
Et Dieu sait s'il y en a dans cet opus !!
Par contre, mon intérêt pour l'archéologie s'est vu pleinement satisfait par les interventions de Mariam
sur les sites antiques.
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Plus que les intrigues, à vrai dire assez légères, c'est l'écriture de Laurent Gaudé qui me ramène à ses livres. Je crois qu'il pourrait écrire l'histoire de la sélection de la betterave fourragère et que je serai encore intéressée!
Ecoutez nos défaites est un livre chorale, d'Hannibal aux temps modernes, de l'Éthiopie à l'Afghanistan. Et toutes ces voix ont en commun l'échec, malgré les efforts, malgré ce qui paraît parfois une victoire:l'histoire les rattrape et leur demande des comptes.
Honnêtement, toutes les parties ne m'ont pas intéressée de façon égale: les figures historiques, oui, mais notre agent des services français...je l'aurais bien excisée de l'histoire pour en savoir plus sur Mariam, archéologue irakienne, à la recherche des trésors volés à son pays lors des événements que l'on sait. Peut-être est-ce mon amour des musées? A la place, j'ai trouvé que son amourette d'un soir était sans intérêt et que son combat était bien plus intéressant!
J'ai apprécié aussi l'inclusion dans les figures historiques de Haïlé Sélassié, dont à vrai dire je savais vaguement qu'il avait existé mais dont j'avais oublié le nom, et dont j'ai maintenant envie de lire une biographie.
Oui, Laurent Gaudé n'est pas un auteur parfait, mais cela reste vraiment une valeur sûre de la littérature moderne, à découvrir et redécouvrir.
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