Chaque nouvelle propose donc une couleur. Certaines sont composées comme un long poème, les autres sous la forme d'un texte. Les dessins de
Rachid Koraïchi ont une beauté orientale qui s'harmonise à merveille avec toute la force et le symbolisme des textes.
La première nouvelle "Gris" écrite comme un poème annonce une variation de gris à l'infini qui commence entre mer et océan :
Gris, en marge des couleurs. Gris des confins,
du seuil -
où terre et ciel
chair et océan
s'effleurent, se pénètrent. (extrait de Gris p.7)
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couleurs de l'invisible 001
Sylvie Germain a une vision tellement poétique, presque "surnaturelle" du monde, qu'elle sait voir les
couleurs de l'invisible qui se mêlent à celles des hommes.
Le monde est habité de tant de forces obscures, la vie est traversée par tant de courants mystérieux, il vaut mieux implorer la protection de tous les Invisibles, n'en négliger aucun. (extrait de Rouge : p.40)
les coluleurs de l'invisible 001
Sylvie Germain évoque aussi la réalité d'un monde sous sa forme la plus violente. La nouvelle "Jaune" rend hommage à ces femmes que l'on oblige à vivre comme des ombres, qui n'ont plus le droit d'avoir du désir et des émotions.
Ils ont ramassé des pierres -
des grosses des moins grosses
des rondes des tranchantes (extrait de Jaune p. 61)
Frapper
Frapper la femme impure
l'infidèle
l'amoureuse au coeur buissonnier
l'amante au corps rebelle.
Frapper frapper
la femme
briser ses os
L'abattre. (extrait de Jaune p.62)
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Sylvie Germain a rassemblé dans ce livre ses impressions et sa vision du monde à travers cette palette de couleurs. Chaque teinte représente la vie qui est tout à la fois tendre, violente, incertaine, imprévisible, irréelle et tant de choses encore. Il y a une exception à cette explosion de couleurs : le blanc. Pour l'auteure, le blanc est la couleur des êtres que l'on ne voit plus. "Ils vivent en fantômes dans un monde achromatique". Ces hommes et ces femmes qui sont à la frontière de notre monde, elle les appelle "les naufragés de la vie". On referme le livre sur cette vision blanche et funeste de nos sociétés modernes.
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couleurs de l'invisible 004
Ils sont les naufragés
qui traînent leurs dépouilles
aux relents de charognes
au hasard des rues des gares des jardins publics
qui s'échouent dans des bars des asiles
sur des bancs de métro dans des commissariats
finissent à la morgue. (extrait de Blanc : p.76)
...
Mais peut-être
une couleur inconnue au spectre solaire
les attend-elle ?
Une couleur
douce comme la caresse
qu'ils n'ont jamais reçue.
Une caresse radieuse
à l'instant de glisser dans le mystère
de la disparition..
Une caresse un souffle de lumière...
Un rien splendide -
tellement plus vaste que le néant.
Peut-être. (extrait de Blanc p.82)
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