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sur 1030 notes
Panturle et Arsule, dévorés par le même désir, le chaud que le printemps leur a semé au ventre, Panturle et sa chèvre Caroline, seuls dans le village abandonné et mourant, Arsule attelée telle une mule à la carriole du rémouleur Gédémus, misérable errance sur le plateau sauvage.

Il m'a semblé que pour ce dernier opus de la trilogie de Pan, Giono était un peu en manque d'inspiration. Contrairement aux deux premiers où il savait croquer la nature en quelques mots qui me régalaient, ici, il en fait des tonnes, (une page rien que pour raconter le ruisseau) et si on ajoute une construction déstructurée de cette maigre histoire, tel un Van Gogh, il semble toucher à la folie.
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Quelle langue ! Superbe conclusion de la Trilogie de Pan dont j'avais tant aimé l'ouverture avec Collines, un rare choc de lecture. Toujours cette phrase propre à Giono pour écrire la nature mais des mots qui ne sont pas que description du paysage mais révélation de ce qui l'anime tout entier : ici le le blé, le vent du Contadour, comme le feu dans Collines ou l'eau vive de la Durance dans le deuxième tome. Je ne connais pas d'autres auteurs qui ont su dire cela dans cet élan qui tient même parfois du fantastique. Un grand livre.
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Regain
Jean Giono (1895-1970)
Regain, publié en 1930, est le troisième et dernier volume de la Trilogie de Pan qui comporte aussi Colline et Un de Baumugnes.
Il faut savoir que le regain c'est cette herbe qui repousse après la troisième fauchaison. C'est aussi le renouveau…
Ils sont partis de la villotte d'Aubignane en Haute Provence au fil des ans et Panturle, le solitaire, est le dernier à écouter le vent balayer la lande en tapant la débéloire avant de boire son café en solitaire puis la liqueur d'hysope pour se réchauffer. Gaubert le forgeron et la Mamèche, 80 ans, sont partis eux aussi.
Panturle ne sait pas encore que sa vie va changer et qu'il va rencontrer Arsule, cette jeune paysanne par qui la vie renaître. Promise à Gedemus le rémouleur, elle s'échappe et rejoint Panturle. Panturle dont le nom donné par Giono est issu du dieu Pan, divinité grecque de la nature, des bergers et des troupeaux.
Dans un magnifique style poétique riche de mots régionaux, Giono chante la vie d'une autre époque en exaltant avec un lyrisme sensuel les liens ancestraux qui unissent les paysans à la terre et ses secrets et à la nature. Dans un langue saine et naturelle, dépouillée mais puissante, Giono met en scène, Panturle et Arsule, des être simples, animés de passions silencieuses au coeur de ces plateaux crépitants de soleil et de solitude, et qui refusent de laisser mourir leur village.
« Tout bleu d'iris, terre et ciel avec, à l'ouest, un bouquet de nuages ; le jeune soleil marche, enfoncé dans les herbes jusqu'aux genoux. le vent éparpille de la rosée comme un poulain qui se vautre. Il fait jaillir des vols de moineaux qui nagent un moment entre les vagues du ciel, ivres, étourdis de cris, puis qui s'abattent comme des poignées de pierre.
Une oeuvre incomparable. Un hymne à la terre et à la vie paysanne qu'il est bon de relire en une époque où le rapport entre l'homme et son environnement est l'objet d'une réflexion écologique indispensable.
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Panier pattes en rond, écoutons au coin du feu l'ami Jean gazouiller la renaissance du village d'Aubignane...
C'est la deuxième fois qu'en ouvrant un Giono il me faut passer le barrage filtrant d'une préface défendant et réhabilitant le bonhomme contre ses accusations de collaborationnisme. Je n'ai pas creusé mais m'est avis que l'on a affaire à un cas beaucoup plus subtil et atypique que ça. J'en veux pour preuve cette langue incroyable, terrienne, d'une oralité chargée de poésie, qui puise dans les sucs les plus essentiels de la nature et sort des tripes. Drôle aussi, et délicieuse. Mais aussi d'une sensualité presque brutale.
Et c'est par cette écriture que l'on entre sans retenue dans le paysage de Regain, dans cette terre âpre mais gorgée de sève qui ne se donne aux hommes que si Pan le veut. Panturle le veut aussi, mais il lui faut une femme pour cela. le vent la lui apportera, pour féconder cette terre.
J'ai adoré cette histoire immersive, chargée de symboles et gorgée de sensations, où le rapport à la terre est quasiment sexuel comme dans La Terre de Zola. Ce serait dommage de m'arrêter sur ce point d'orgue d'une trilogie dont j'espère goûter ave autant de plaisir les deux premiers volets.

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C'est le troisème roman de Giono dans la trilogie "Pan". Je n'ai pas lu les deux autres.
Il exalte l'amour de la terre et retrace le destin de tous ces villages qui se meurent.
On y retrouve tous les symboles associés à la ruralité: le blé, le pain.
Une tragédie également avec unité de lieu (le village d'Aubignane), unité d'action (le renouveau de a terre cultivée) et unité de temps (le cycle des saisons agricoles). Un peu tiré par les cheveux mais cela y ressemble grandement tout de même.
Un côté ethnographique avec la description, sans misérabilisme d'un monde rural maintenant disparu mais je peux comprendre,qu'on peut trouver cela quelque peu ennuyant par le manque d'action.
J'ai d'ailleurs eu un peu de difficultés au début avec le côté très littéraire de l'écriture et cette accumulation de nom ou surnom complètement étranger.
Mais au final, on ressent la puissance de la Terre et des vies simples de ceux qui la cultive et j'ai dévoré le roman, emporté par le souffle de l'écriture de Giono.
A découvrir ou redécouvrir

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Dernier volet de la Trilogie de Pan, et le plus lu. Les trois romans peuvent être lus dans n'importe quel ordre, les histoires ne se suivent pas et les protagonistes sont tous différents. C'est la terre de Haute Provence qui fait l'unité de cette trilogie. Je ne regrette pas de les avoir lu dans l'ordre, car pour ce qui est de la force du récit, elle va croissant au fil des trois romans. L'histoire de Regain est la plus symbolique avec ce beau personnage de Panturle. Mais la Mamèche, Arsule et Gaubert sont aussi des personnages très marquants, comme habités par une force. L'histoire est celle d'un petit village en voie de désertification complète (plus que trois habitants au début du récit) et du tout début de sa renaissance, de son regain. J'y ai retrouvé la belle plume de Giono que j'avais tant apprécié dans Colline et Un de Baumugnes, avec la musicalité de ses phrases. J'y ai trouvé beaucoup de sensualité mais aussi de délicatesse, finalement plus que dans le deuxième volet. Par contre j'ai trouvé que Regain est bien plus difficile à lire que Un de Baumugnes, peut-être parce que tous les personnages sont des taiseux, que dans leurs mots il y a beaucoup d'implicite et que l'auteur, pour bien rendre l'ambiance d'Aubignane, joue beaucoup sur cet implicite. L'ensemble de la Trilogie de Pan est un magnifique ode à la nature, presque de la poésie en prose, et son message est à la fois simple et complexe (humilité de l'homme face à la nature, écoute de la terre, nouveau départ qui n'est pas retour en arrière). A lire absolument, c'est un texte dont le message est très parlant pour notre époque !
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Troisième volet de la trilogie de Pan, après - Colline - et - Un de Baumugnes -, - Regain - boucle de manière apothéotique la boucle de cette ode au dieu Pan, à la nature et à l'un de ses hôtes les plus rebelles : l'homme.
Si - Colline - ouvrait le ban en pointant du doigt les antagonismes entre l'une et l'autre, - Regain - vient le fermer en montrant et en démontrant leur rapport fusionnel, matriciel, leur interdépendance existentielle, leur "ombilicalité" originelle que n'autorise aucune scission si ce n'est celle de la perdition.
Conte, hymne écologique avant l'heure de la globalisation, de l'extinction des espèces, du rabougrissement de notre écosystème, du réchauffement climatique, - Regain - est un chef-d'oeuvre visionnaire, - Les Quatre Saisons - orchestrées et dirigées par un Vivaldi provençal qui, en guise de baguette, a une plume qui dirige de main de Maître un orchestre dont les mots résonnent comme des notes de musique harmonieusement poétiques.
- Regain -, c'est dans cette trilogie la symbiose achevée, l'accord parfait, l'art magnifié dans le génie de la "simplicité".

Aubignane est un hameau "fantôme" du côté des hauteurs de Manosque, dans le haut pays provençal, que hantent encore trois êtres esseulés.
Pantourle ( mot composé à partir de Pan... et de Lure chef-lieu local ), un célibataire quadragénaire qui vit de chasse, un peu à la manière des premiers hommes et qui n'a pour seule compagne ( présence ) que sa chèvre Caroline.
La Mamèche, une veuve italienne installée là après la mort accidentelle de son mari et celle de son enfant. Par mort accidentelle, il faut entendre que celle de l'époux est liée au creusement d'un puits ( domestication de la nature ), celle de l'enfant au mâchouillement de la ciguë ( règle de la nature enfreinte ).
Et puis il reste encore Gaubert le vieil octogénaire, forgeron charron ( " qui faisait les meilleures charrues "), sur le point de quitter Aubignane pour aller terminer ses vieux jours auprès de son fils, sa bru et leurs enfants... entouré...
Si le hameau a été déserté par les hommes, c'est parce qu'il leur a semblé que la terre nourricière ne leur donnait plus les moyens de survivre et que la nature leur était par conséquent devenue hostile.
Panturle et la Mamèche restent seuls dans ce qui semble être " le milieu de nulle part ".
Dans un petit village, plus en bas, il y a le vieux Gédémus, un rémouleur qui a acquis pour rien les services d'Arsule une fille de "rien"...
Le printemps est arrivé.
Ils prennent la route pour aller faire leur saison.
À Aubignane, Panturle et Caroline sont travaillés par le réveil de la sève, le retour du printemps, l'appel de la vie.
"Cette force folle que le printemps a mise au creux de ses reins et qui bout, là, comme une eau toujours sur le feu..."
La Mamèche, petite ombre noire, décide d'aller chercher une femme pour Panturle...
Arsule tire la bricole sur les chemins " et pour ça, elle s'est penchée en avant. le vent entre dans son corsage comme chez lui. Il lui coule entre les seins, il lui descend sur le ventre comme une main ; il lui coule entre les cuisses ; il lui baigne toutes les cuisses, il la rafraîchit comme un bain. Elle a les reins et les hanches mouillés de vent. Elle le sent sur elle, frais, oui, mais tiède aussi et comme plein de fleurs, et tout en chatouilles, comme si on la fouettait avec des poignées de foin ; ce qui se fait pour les fenaisons, et ça agace les femmes, oh ! oui, et les hommes le savent bien.
Et tout d'un coup, elle se met à penser aux hommes. C'est ce vent aussi qui fait l'homme, depuis un moment."
Le cheminement de l'équipage est perturbé par une "présence", qu'ils sentent plus qu'ils ne la voient. Une ombre noire qui les inquiète et qui va modifier leur itinéraire, jusqu'à les amener à Aubignane...
Voulez-vous connaître la suite ?
Lisez - Regain - !

L'intrication homme nature est superbement exploitée tout au long de l'oeuvre de Giono.
En lisant son livre, on ne peut qu'être admiratif de cette fusion littéraire recréée par l'auteur.
Chez Giono, l'homme est apparenté à la nature et la nature à l'homme.
" Les filles ont des yeux comme des bleuets"..." Arsule a de grands yeux de pâquerette".
" le Panturle est un homme énorme. On dirait un morceau de bois qui marche. Au gros de l'été, quand il se fait un couvre-nuque avec des feuilles de figuier, qu'il a les mains pleines d'herbe et qu'il se redresse, les bras écartés, pour regarder la terre, c'est un arbre."
" Un homme gros comme ça, ça avait une mère comme une sauterelle."
"On ne voit qu'une épaule de colline toute velue et le vent en rebrousse les poils."
" Lorsque Arsule tire la bricole... elle est attelée..."
"La nuit entasse ses étoiles comme du grain."
"L'ombre marche sur la terre comme une bête... l'ombre marche sur des pattes souples comme une bête. La voilà froide et lourde sur les épaules. Pas de bruit. Elle va son voyage. Elle passe. Voilà."
" le silence est craquant comme une pastèque".
Et puis tout au long de l'histoire, il y a l'omniprésence du vent, ce vent qui est l'exhalaison verbale de Pan, son souffle et ce qu'il souffle dans l'oreille et dans le coeur des hommes.
"À la guette du renard, Panturle a rencontré le vent, le beau vent tout en plein, bien gras et libre, plus le vent de peu qui s'amuse à la balle, mais le beau vent, large d'épaules qui bouscule tout le pays. À le voir comme ça, Panturle s'est dit : " Celui-là, c'est un monsieur"."

J'ai dit plus avant que Giono outre ses talents de conteur, son verbe éminemment poétique, était un visionnaire écolo.
Il n'est qu'à se référer à ce passage où les paysans qui se rendent à la foire de Banon désespèrent de leur mauvaise récolte de blé.
" On est pareil partout... on a voulu faire du blé d'Inde : c'était nouveau encore ça, et tu vois maintenant... C'est à cause de la mode... Si on avait fait du blé de notre race, du blé habitué à la fantaisie de notre terre et de notre saison, il aurait peut-être résisté... Mais si tu vas chercher les choses de l'autre côté de la terre, mais si tu écoutes ces beaux messieurs avec les livres : Mettez de ci, mettez de ça ; ah ! ne faites pas ça." En galère, voilà ce qui t'arrive !"
Il oppose également la nature domptée à la nature restée libre.
À la foire de Banon, Panturle et Arsule venus vendre leur belle récolte de blé, se retrouvent avec de l'argent plein les poches. Il y a la fête, les attractions, le bruit... Alors ils se contentent de n'acheter que l'essentiel et s'éloignent du superflu et de cette dissonance pour se hâter de retrouver "le bruit" de la nature qui est la seule vraie fête à leurs yeux... et à leurs oreilles.
Tout ceci écrit il n'y a pas loin d'un siècle !...

Avec - Colline -, le premier volet de la trilogie s'ouvrait sur la grande colère de Pan.
Avec - Regain -, elle se referme sur une harmonie retrouvée entre l'homme et la terre... " Une terre de bonne volonté."
En guise de conclusion, les mots d'Anne-Marie Marina-Mediavilla.
" Est-il concevable que l'Ordre universel soit fait pour l'Homme, et si l'univers n'a pas l'homme pour finalité, pourquoi les hommes pensent-ils avoir le droit, voire le devoir d'imposer au monde l'ordre humain, la volonté humaine ? L'espèce humaine peut-elle impunément faire servir les autres espèces vivantes, la Terre elle-même, à la satisfaction de ses seuls besoins ?
L'espèce humaine doit-elle condamner les autres espèces au servage ou à la disparition ?
Il faut lire et relire - Regain -.
Il faut lire et relire - La trilogie de Pan -.
Il faut lire et relire Jean Giono.
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C'est mon premier Giono, je l'ai lu un peu par hasard, et un peu grâce à Pagnol.

Cette histoire est comme un conte avec une langue délicieuse, une histoire d'amitié, une histoire d'amour, une histoire d'opiniâtreté élégante.

Il est question d'un tout petit hameau qui voit perdre ses habitants au point où il n'en reste que trois. de là, part toute l'histoire.
J'ai beaucoup aimé la langue et les descriptions de nature magnifiques, le respect des personnes âgées, le respect de la terre, et le respect de la parole donnée. Toute une époque.

Rien que pour la couverture et le texte de la couverture intérieure, j'aurais gardé ce livre qui appartenait à ma grand-mère.
En effet, il appartenait à une nouvelle collection de livres moins chers juste après la guerre, et j'ai adoré les premières lignes : "Quand les circonstances font des intellectuellement forts des économiquement faibles, quand elles empêchent le vrai lecteur d'aller au livre parce qu'il est trop cher, il faut que le livre aille au lecteur". Tout un pan de notre histoire !
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Quand on évoque le mot "Regain", deux noms arrivent simultanément sur les lèvres : Jean Giono, l'auteur du roman en 1930, et Marcel Pagnol, l'auteur du film qui en est l'adaptation, en 1937. Ces deux oeuvres - ces deux chefs-d'oeuvre - peuvent être lues, étudiées, analysées et appréciées chacune séparément, mais les associer apporte un plus à la compréhension à la fois des oeuvres et des auteurs.
Mais d'abord le sujet tel que Giono nous l'a raconté.
Aubignane est un village des Basses-Alpes (aujourd'hui Alpes de Haute-Provence). Il n'y a plus que trois personnes dans ce patelin perdu : Gaubert, un vieux forgeron qui va s'en aller vivre chez son fils, Panturle, un solide paysan, et la vieille Mamèche. Un jour, la vieille disparaît en disant à Panturle, "je vais te ramener une femme". Un soir Gédémus, un rémouleur, accompagné d'Arsule, une femme qu'il maltraite plus ou moins, s'arrête au village. Arsule ne repart pas et reste avec Panturle. Ils vivent heureux, et à eux deux font revivre le village. Quand Gédémus revient, Panturle lui donne de l'argent et le rémouleur part définitivement. Et voilà que d'autres gens viennent s'installer...
Le roman de Giono est âpre et réaliste, avec parfois de belles envolées lyriques. La Provence constitue le décor - magnifique - de cette histoire, tout comme le contour et le nom des personnages. Mais, pour le reste, le thème, le déroulement de l'intrigue et l'ambiance générale du roman, on est plus proche d'une histoire grecque antique - et donc universelle -, où les sentiments des protagonistes tiendraient la place de la Fatalité. (D'ailleurs "Regain" constitue le dernier volet d'une "Trilogie de Pan" où il vient derrière "Colline" et "Un de Baumugnes"). Et par certains côtés, "Regain" se rattache aussi à une veine virgilienne (bucolique, bien sûr, et encore plus géorgique).
Marcel Pagnol tourne son film en 1937. Plus qu'une adaptation fidèle (ce qu'il est), le film est une relecture de l'oeuvre écrite : d'une histoire antique, Pagnol nous fait une histoire de terroir, et pas n'importe quel terroir : la Provence. Dans le film de Pagnol, la Provence est magnifiée, par l'image, par le jeu des comédiens, par "l'assent" (vous me direz, tout ça c'est des effets cinématographiques, j'en conviens, mais lisez le texte du scénario et les didascalies, vous comprendrez ce que je veux dire).
Pagnol a adapté Giono quatre fois au cinéma : "Jofroi" (1933), "Angèle" (1934), "Regain" (1937) et "La Femme du boulanger" (1938). le romancier n'a pas beaucoup apprécié, accusant le cinéaste d'avoir tiré les romans vers un côté folklorique et caricatural. Réaction légitime d'amour-propre, il a pu effectivement se sentir trahi, mais avec le recul, il a pu comprendre que ces adaptations donnaient à ses romans un regain de notoriété, et que, non content de les adapter fidèlement, elles proposaient une autre vision, une autre lecture différente de la première, et finalement complémentaire.
Il faut lire Giono, pour la beauté et la puissance de son écriture, mais si avez le temps, lisez ensuite le scénario de Pagnol, vous mesurerez à la fois le respect du cinéaste pour le romancier et le génie de deux géants de la littérature.


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Dans chaque âme le regain est là, tapi prêt à surgir…
Terminer cette trilogie par le regain, n'est-ce pas une belle image, regardez, vous la voyez cette herbe qui repousse après la première fauche, c'est l'herbe qui a le plus de vigueur.
Aubignane est un hameau désertifié. Il n'y reste que trois âmes.
Le vieux Gaubert, ancien charron qui est octogénaire et qui va aller s'installer chez le fils.
La Mamèche, cette femme qui est arrivée autrefois avec son homme, puisatier, ils venaient du Piémont. Il y a longtemps que le mari et le fils, sont morts, au fond, pour l'eau.
Elle reste seule.
Le troisième c'est Panturle, la quarantaine, il crève de solitude.
Quand Gaubert est parti, un soir au coin du feu la Mamèche a dit à Panturle qu'elle allait lui cherchait une femme qui accepterait de vivre dans ce désert. Un jour la Mamèche a rangé sa maison et elle n'est jamais revenue.
Panturle est au désespoir, il vit de plus en plus comme un sauvage.
« Il y a une maison qui s'est comme décollée, qui a coulé du haut en bas, toute seule, qui est venue s'arrêter, les quatre fers d'aplomb, au bord du ruisseau, à la fourche du ruisseau et de ce qu'ils appelaient la route, là, contre un cyprès. »
Panturle est plantureux, une morphologie qui ressemble à un arbre qui en impose, à lui aussi ses racines sont dans la terre.
Pour arriver jusqu'au hameau, il faut finir la route à pied, les charrettes n'y passent plus, les effondrements l'ont rendue impraticable.
Il parle seul, vit de la chasse et de peu.
Un jour, Gédémus le rémouleur et Arsule, arrivent. Arsule ne repartira pas avec Gédémus.
Panturle qui dormait sur une paillasse, allumait du feu comme autrefois les Cro-Magnon, voit sa masure se transformer. Arsule est aimante et habile. Il va retrouver le goût de cultiver la terre et de parcourir quelques lieux pour y retrouver la civilisation.
Il renaît, renoue avec ses connaissances. Il y trouvera l'entraide, la bienveillance.
Il n'oubliera pas de rendre visite au vieux Gaubert qu'il trouvera figé, au coin de l'âtre, dans la gangue de la vieillesse. C'est une scène magnifique et émouvante.
« Je vois que la terre d'Aubignane va repartir. L'envie du pain, la femme, c'est ça, c'est bon signe. Je connais ça, ça ne trompe pas. Ça va repartir de bel élan et ça redeviendra de la terre à homme. »
La vie revient.
Un couple arrivera avec ses trois enfants, ils fraternisent immédiatement.
Le regain c'est cela.
Ce livre est sorti tout droit de la terre, de ses terres qui ne demandent qu'à offrir.
Giono la raconte d'une façon très charnelle, la poésie est dans chaque geste, chaque mot, chaque image.
« Il y avait un beau jour gris, doux comme le pelage d'un chat. Il coulait par la fenêtre et par la porte et il baignait tout dans sa douceur. le feu dans l'âtre soufflait et usait ses griffes rouges contre le chaudron de la soupe, et la soupe mitonnait en gémissant, et c'était une épaisse odeur de poireaux, de carottes et de pommes de terre bouillies qui emplissait la cuisine. On mangeait déjà les légumes dans cet air-là. »
Et si nous repeuplions les campagnes ?
©Chantal Lafon


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