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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai dû faire des pauses dans ma lecture, afin de me promener dans le tableau peint par Gogol, pour y savourer les détails : l'auberge (les mets, le bois, l'odeur, la sonorité), un bureau, une chambre. Il est tellement précis, il y a tellement d'âme. C'est vivant. C'est riche. Et puis, ce qui me semble être le point fort dans la littérature russe : les jeux de rôle, la psychologie des personnages… je croyais qu'il n'y avait que Dostoïevski pour être si précis. Dans un même temps, j'ai un peu visité les peintres russes : Chichkine, Aïvazovski… il y a aussi cette précision, cette profondeur (de champ), cette âme.
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ce bouquin est juste fabuleux, je l'ai déjà lu plusieurs fois et je le relirai encore ... ce système de la Russie tsariste, qui consistait à évaluer la richesse des gens en fonction des "âmes" , pauvres paysans, serviteurs, qui leur appartiennent est tout simplement inimaginable et odieux pour notre époque ! mais , en même temps, c'est passionnant et si drôle à certains moments .. ce livre est un de mes "trésors", j'ai une ancienne édition, avec des "eaux fortes" , traduction de Arthur Adamov ... et j'y tiens comme à la prunelle de mes yeux !
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Le chef-d'oeuvre de Gogol. Mille lieux au-dessus du reste de sa production. Et bien sûr un chef-d'oeuvre de la littérature.
Dommage que le titre soit si intimidant, et que les éditeurs n'aient pas conservé le titre original : les aventures de Tchitchikof. Car oui c'est diverstissant et même drôle, trop drôle pour le pieux Gogol qui s'est laissé mourir de n'avoir pas pu se hausser à la hauteur de ses pieuses et dantesques ambitions. Son "enfer", une Russie reconstruite par l'imagination, est trop familier et pas assez edifiant , mais c'est justement ce qui nous charme et nous réjouit.
J'ai lu la version d'Ernest Charrière, disponible gratuitement, qui est plus proche de l'original que celle de Henri Mongaut, si j'en crois la récente traduction hélas incomplète d'Anne Coldefy -Faucard. Celle d'Ernet Charrière comprend aussi la deuxième partie (purgatoire) qui mérite d'être lue malgré ce qu'en pensent les éditeurs.
On pourrait mettre en parallèle Gogol et la Russie d'aujourd'hui. Gogol, né en "petite Russie" (actuelle Ukraine) est imprégnée de folklore ukrainien, de littérature ouest-européenne, vit en Italie, mais adhère totalement à l'idéologie impériale et aime à se persuader qu'il est totalement russe et que la Russie n'a rien à voir avec l'Europe.
Gogol est comme un Balzac qui n'aurait écrit qu'un seul roman, mais quel roman. Un roman travaillé et retravaillé pendant presque 20 ans, un roman qui l'a tué, et qui porte à chaque page la marque de son génie et de son travail acharné.
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Une fois encore, me voilà conquise par la littérature russe. Je n'avais de Gogol que le Nez, mais je me suis trouvée éblouie par les Ames Mortes, histoire de Tchitchikov, un magouilleur parcourant la Russie tsariste pour racheter aux propriétaires terriens les noms des paysans décédés depuis le dernier recensement. Cette histoire au thème farfelu pour la lectrice ignorante de la société russe que j'étais avait déjà tout pour attirer mon attention, et, au travers de ce roman, j'ai (re)découvert avec plaisir (et quel plaisir !) l'humour en littérature.

On ne le dit pas assez, on ne le met pas assez en avant : les classiques de la littérature peuvent être drôles. Clownesques, même. Les personnages baragouinent le français par snobisme au milieu de la haute société, grimacent devant leur miroir lorsqu'ils sont seuls, tombent tête la première de leur cariole par temps boueux. Les personnages tous plus minables les uns que les autres se confrontent, le radin et le prodigue, la vieillarde rachitique et l'ogre musculeux. Mais, Les Ames Mortes, ce n'est pas qu'un fantastique bestiaire.

Le talent de Gogol, c'est de savoir dépeindre les gestes du quotidien dans leur précise nullité : l'utilisation d'un cure-dents, la difficulté de retirer ses bottes de cuir, la niaiserie des mots tendres entre amoureux… en bref, on passe son temps à rire des personnages de cette drôle de société gesticulante. D'ailleurs, les personnages apparaissent très vite comme les pantins du narrateur, qui interrompt la fiction pour s'excuser auprès du lecteur de lui présenter de si vulgaires figures, et n'hésite pas à discuter de choses et d'autres avec le lecteur de manière complètement artificielle, à ma grande joie.

Je n'ose en dire davantage, car il vous faut vous laisser le plaisir de la découverte. Je compte bien continuer à lire du Gogol, et je vous invite à en faire autant !
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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Drôle de déroulé de lecture que celui de ces Âmes Mortes, réalisée en deux temps, servie par deux supports différents (papier et liseuse), et surtout m'ayant obligé à faire «le grand écart» entre deux des quatre traductions françaises du roman disponibles à ce jour : la plus ancienne, celle d'Ernest Charrière, datant de 1859, et la dernière en date, signée Anne Coldefy-Faucard. (Sans aucune hésitation, je recommanderais au passage, très vivement, la lecture (ou la relecture) du roman dans la traduction remarquable de Mme Coldefy-Faucard, parue en 2005 dans une très belle édition du «Cherche Midi» reprenant les magnifiques illustrations que Chagall avait consacrées au roman en 1925.)

De son vivant, Gogol ne réussira à voir publiée que la première partie de son oeuvre maîtresse, envisagée par l'auteur comme l'aboutissement de son génie littéraire.

Au fur et à mesure de ses longues années d'errements et d'exil volontaire - à la fois extérieur, hors de son pays, en Allemagne et en Italie, mais aussi à l'intérieur de lui-même, par une forme d'exaltation religieuse de plus en plus envahissante - Gogol finirait par vouloir conférer à son roman un caractère grandiose d'épopée homérique dédiée à « l'homme russe » et à «l'âme russe», en trois parties, inspirées de la composition de la Divine Comédie (Enfer-Purgatoire-Paradis).

Alors même que, dans le but surtout de pouvoir contourner la censure très stricte exercée par Pétersbourg, l'auteur avait voulu sous-titrer «Poème» le premier volume publié, essayant à ce moment-là de faire passer pour une allégorie fictive la critique féroce de la société russe et de l'asservissement de la grande majorité du peuple russe que ce dernier comportait, Les Âmes Mortes ressemblant donc, au départ, davantage une farce picaresque calquée sur la réalité du pays, le roman serait néanmoins inlassablement retravaillé et redimensionné par Gogol pour s'achever (« s'inachever » plutôt..!) transformé en un projet mirifique de rhapsodie célébrant un «homme russe» réhabilité et amélioré...

La première partie, l'unique que l'on peut considérer comme ayant été véritablement validée à un moment donné par Gogol, «achevée» indiscutablement par l'auteur, de son âme vivante (en tout cas la moins inachevée possible : roman terminé...roman interminable!!), sera de mon côté, dans l'après-coup de cette lecture quelque peu aventureuse pour moi, la seule que je prends en compte pour décerner ici mes modestes cinq étoiles.
La seule à mon avis où l'on retrouve un Gogol toujours en pleine possession de son talent immense de conteur, maître absolu d'une narration fluide, très agréable à lire, d'un style et d'une technique perlés qui feront date et grâce auxquels le récit se maintient dans un équilibre subtil, dosé parfaitement entre immersion et distanciation critique, le lecteur et son jugement étant régulièrement sollicités et mis à contribution lors des nombreuses et délicieuses digressions qui ponctuent le roman; où l'on retrouve le portraitiste hors pair, ébauchant en quelques touches aussi synthétiques qu'enjouées, des personnages qui s'animent immédiatement devant nos yeux du lecteur, sans jamais déposséder ces derniers de leur caractère humain (personnages qui ne nous sont d'ailleurs la plupart du temps ni complètement sympathiques, ni tout à fait antipathiques ) ou les réduire à de simples caricatures des multiples travers de «l'âme russe » dont l'ouvrage rend un condensé anthologique et à ce jour inégalé; un Gogol dont le goût pour l'ironie, le comique et l'incongru reste intact et n'enlève rien à la pertinence subjacente au propos ou à la finesse de l'analyse critique de la société de son temps.

Et tant pis si à la fin de cette première partie, on quitte notre anti-héros, le retors et roué (mais pas tant que ça finalement !), et très attachant aussi, Tchitchikof, escroc par nécessité de s'élever socialement, chevalier cependant dans son âme, au milieu de la route, avançant sans destination précise dans sa britchka brinquebalante à travers une Russie elle aussi en déshérence, peuplée de fonctionnaires véreux, de nobles désoeuvrés et petits hobereaux exploitant jusqu'à la corde une masse anonyme de serfs - une société de castes féodale, injuste et arriérée, imbue malgré tout de la légitimité de ses valeurs traditionnelles, brandies fièrement face à l'imminence d'un danger qu'elle impute essentiellement à la concupiscence d'une Europe aux portes de l'Empire (le souvenir de Napoléon est encore tout frais dans les esprits !).

Car la lecture de la deuxième partie, pour laquelle je devrais faire appel à la traduction d'Ernest Charrière (celle d'Anne Coldefy-Faucard s'étant prudemment limitée à la première partie) serait en comparaison une immense déception : un collage de chapitres peinant à faire corps, ne serait-ce que du point de vue du style, un récit en perdition, par moments très maladroit, expéditif et, nonobstant le rafistolage décomplexé et les greffes sauvages appliquées par les bons soins de notre Monsieur Charrière, abscons quelquefois et incohérent.

Mis à part l'intérêt que je reconnaitrais volontiers à ces fragments et chapitres inachevés en termes d'étude et d'analyse critique de l'oeuvre de Gogol, je dois avouer que j'ai vu mon intérêt personnel et mon plaisir de lecteur se corroder sensiblement au fur et à mesure, jusqu'à pratiquement disparaître vers la fin de cette deuxième partie. Mis à part, enfin, le fait que l'on retrouve à quelques passages, momentanément, le Gogol de la première partie, la plume perd souvent et très sensiblement son acuité, la précision du trait et sa luminosité, envahie de plus en plus par une sorte de grisaille morale et édifiante, se terminant (en tout cas dans l'édition plus ou moins trafiquée que j'ai lu) par un enchaînement invraisemblable de B.A. et un simulacre de happy-end franchement imbuvable!

L'ambition obsédante de créer une oeuvre totale, révélant symboliquement à l'homme russe l'enfer auquel le conduirait inévitablement les bassesses d'une âme pervertie, ainsi que les épreuves à traverser afin de s'élever, moralement et spirituellement, individuellement et collectivement, pour conforter la grande Russie dans la place importante qu'elle devrait jouer dans le concert moderne des grandes nations du monde, aurait-elle condamné un Gogol désormais en perte de vitesse, devenu mystique, emphatique et tourmenté, à être lui-même rattrapé par quelques-uns des principaux travers de l'âme russe dont son oeuvre n'avait pourtant cessé de vouloir prendre de la distance par le passé ?
Condamné dorénavant à écrire et à réécrire, à perte, différentes versions de son «chef-d'oeuvre», y compris des passages entiers de la première partie publiée (qui ne seront d'ailleurs pas tous forcément insérés dans les éditions et/ou traductions en langue étrangère postérieures ), avant de terminer, à deux reprises au cours des dix dernières années de sa vie, la deuxième juste avant de décéder prématurément, épuisé physiquement et moralement, à l'âge de 42 ans, par brûler pratiquement la totalité de ses cahiers et notes personnelles consacrées à son projet mirifique.!!

Ô Russie, tes fils seraient tous condamnés à être «des locataires d'une maison en feu» ?

Après sa mort, des notes et de fragments ayant miraculeusement échappé au dernier autodafé perpétré par Gogol seraient retrouvés, mis côte à côte, des chapitres et paragraphes, la plupart du temps incomplets, fragmentaires, assemblés.
Il semblerait d'ailleurs qu'un nombre important de manuscrits auraient circulé à l'époque parmi le public, quelquefois raccommodés afin d'être publiés par des revues. L'on peut alors légitimement s'interroger si, de ce fait, quelques rajouts et autres raccords entre chapitres n'auraient échappé à la vigilance du réputé pourtant scrupuleux premier éditeur russe ayant réuni en un seul texte «complet» les deux parties du roman, M. Trouchkovski. D'autre part, en 1857, un autre auteur, Vastchenko Zakhartchenko, publierait un livre intitulé “Continuation et Conclusion des Âmes Mortes”, apportant une pierre supplémentaire à l'édifice factice qu'on avait commencé à élever à l'oeuvre, tout à fait à rebours, hélas, des dernières volontés de Gogol...

Et puis, il y a aura, bien sûr, les versions en langue étrangère qui s'en suivraient assez rapidement, à une époque où le principe de la plus grande fidélité possible au texte original était encore loin de constituer une règle sacrée en matière de traduction, ce qui donna probablement l'occasion à toute une série d'éventuelles retouches plus ou moins importantes aux fragments originaux assemblés pour la deuxième partie du roman, à l'instar de notre désinvolte Ernest Charrière, qui ne se gêne aucunement, dans l'une de ses nombreuses et éclairantes notes de bas de page à sa traduction française de 1859 (note 140) de reconnaître, par exemple, qu'un fragment étant fort abrégé, «le caractère et les sentiments de Mouzarof [un des personnages clés de la deuxième partie] nous ont paru mériter ici quelques développements»(!!!).

Si tout ce que je viens d'évoquer est certes aussi sujet à caution, issu en grande partie de ma curiosité dilettante éveillée par une expérience particulière de lecteur, en définitive je ne peux que sourire à l'idée d'avoir en quelque sorte vécu, mutatis mutandis, une expérience de lecture en miroir avec l'histoire accidentée et confuse d'un des plus grands classiques intemporels de la littérature russe !

Lecture que je finirais, d'ailleurs, ironie des choses, en me disant, alors que j'éteignais dépité ma liseuse : «Voilà, tu as réussi à faire comme Tchitchikof. Pour seulement 1,99 €, tu as acheté à Kobo(vitch) l'âme morte de Gogol

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Tchitchikov est un petit escroc qui vit de rapines. cette fois il prépare un "coup" de plus grande ampleur.
Tout d'abord il faut saisir la notion de l'âme à cette époque en Russie. L'âme représente un serf mâle apte au travail et corvéable à merci par son propriétaire.
Un recensement des âmes a lieu épisodiquement pour le calcul de l'impôt. Les décès ne font pas partie d'une comptabilité, un serf mort ou ne pouvant plus occuper aucune charge est considéré comme inexistant. Sa famille ou ses compagnons s'occupent de l'enterrer dans un coin de terre... et son souvenir s'étiole.
Tchitchikov a pensé qu'il serait habile de proposer aux propriétaires de leur racheter l'inventaire des morts, cela pour leur éviter des frais sur l'imposition future et il propose un peu d'argent pour pratiquer l'opération. Il s'occupera ensuite d'aller transcrire la vente au bureau du gouverneur pour se créer une entreprise virtuelle certes, mais personne ne s'en inquiète.
Le but de l'opération est de pouvoir se servir de ses âmes comme garantie pour obtenir un prêt et parvenir a acheter une propriété
Mais peu à peu le doute s'installe. Les ragots vont bon train. Qui est vraiment ce Tchitchikov ?
Certain vont même jusqu'à dire qu'il s'agit de Napoléon évadé de l'île d'Elbe... les conjonctures vont bon train.
Tchtchikov doit fuir
fin de la première partie

Tchitchikov a de grandes qualités. Il parle bien, se présente posément et s'habille avec soin. Aussi nous le retrouvons dans une autre région où il espère toujours faire fortune. Il prend donc des contacts.
Le russe est un personnage amical, un être tactile qui aime partager la nourriture et l'alcool.
On devient ami en cinq minutes et frère le temps d'un repas.
Là encore un sombre histoire de testament fraudé va impliquer le pauvre Tchitchikov qui se retrouvera dans une cellule.
Mais la chance lui sourit, un homme influent de la communauté parviendra à convaincre le commandeur de relâcher le prisonnier... à condition qu'il disparaisse dans les 24 heures.
Tchtchikov doit encore fuir.

Et une autre aventure recommence, pareille aux autres. Parviendra t'il à atteindre son objectif ? Se marier avec une fille riche, être propriétaire de villages, et devenir un noble !


Un des piliers de la littérature russe, cette délicieuse satire se déguste. Gogol pratique un humour acerbe et pique où ça fait mal.
Le texte est long mais le sujet est vaste. Ce pays aux deux classes : les propriétaires et les serfs qui n'ont aucun droit.
Il m'a fallu presque un mois pour arriver un lire minutieusement cette bible, ce tout grand roman de l'époque du Tsar.


« Tchitchikof, au bon temps de ses expéditions, avait rêvé fortune, jolie femme, élégante retraite, somptueux équipage, nombreuse progéniture, défrichements, bon aménagement des bois, prospérité agricole, bonheur de ses vassaux ; tout, sauf le bonheur des vassaux, sauf ce dernier point qui, au fait, n'avait été mis en compte que comme les pièces de dessert toujours intactes des dîners de Vauxhall sur les grandes lignes de chemin de fer. Tout lui avait réussi à souhait et avait même de beaucoup dépassé son attente ; mais si on lui eût demandé jusqu'à quel point sa femme et ses cinq fils aînés partageaient l'ordre habituel des pensées de sa vieillesse, il eût été, nous en convenons, fort embarrassé de le dire, »

Une perle !
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Avec Alexandre Pouchkine, Nicolas Gogol (1809-1852) est l'un des pères fondateurs de la littérature russe. Il est l'auteur d'une oeuvre importante, pas tant par sa quantité que par sa qualité, et son influence : Dostoïevski aurait déclaré : « Nous sommes tous sortis du « Manteau » de Gogol ». A son actif, quelques poésies ; deux romans : « Tarass Boulba » (1835-1839) et « Les Ames mortes » (1842) ; et plusieurs recueils de nouvelles : « Les Soirées du hameau » (1831-1832), « Mirgorod » (1835), « Nouvelles de Petersbourg » (1835-1836), « le Portrait » (1842), « le Manteau » (1843) ; enfin une oeuvre théâtrale qui constitue un des piliers du théâtre russe (toujours avec Pouchkine) : « le Revizor » (1836) et « Les Joueurs » (1836)
Ce rapide tour d'horizon de l'oeuvre de Gogol met en évidence que l'essentiel a été écrit entre 1832 et 1842, alors que les deux romans lui ont pris plusieurs années, voire toute sa vie.
C'est particulièrement vrai avec « Les Ames mortes » : commencé en 1835 sur une idée de Pouchkine, il est constamment repris, amendé, amélioré : la première partie est éditée en 1842, il commence une deuxième partie qui ne sera éditée qu'à titre posthume.
« Les Ames mortes » est assez inclassable : c'est un roman en complète évolution : à travers le portrait d'un petit escroc, Tchitchitov, toujours encadré par Sélifane, son ivrogne de cocher, et Petrouchka, qui se signale par une odeur corporelle particulièrement puissante, Gogol trace le portrait de la société de son temps, et finalement un portrait de lui-même. Conçu au départ comme une farce, le roman évolue peu à peu vers une étude de moeurs, et même un essai moral sur la médiocrité des êtres humains, indépendamment de la classe sociale, de l'âge, du sexe, etc.
Pour un non-russe, le titre peut sembler confus, ou du moins ambigu : les âmes ne sont pas ici des principes vitaux et spirituels, moteurs, avec le coeur et l'esprit de nos existences corporelles. En russe, les « âmes » sont des serfs (esclaves, pas dix-cors) mâles, qui sont comptabilisés pour déterminer la valeur des domaines et aussi, ce qui est plus sujet à caution, l'impôt sur les propriétés. le système russe étant à l'évidence aussi clair et aussi juste que les systèmes occidentaux, toutes les arnaques sont possibles, vu la lenteur des procédures. Notre ami Tchitchitov flaire la bonne affaire, et monte une escroquerie d'envergure. Il entreprend une tournée de propriétaires en leur proposant d'acheter des « morts », ce qui dans un premier temps, ne lasse pas de les surprendre. Mais Tchitchitov, patiemment les ramène au sens précis du mot « âmes mortes » et l'accord se fait. Mais bien entendu, la vérité un jour se fait jour et notre héros doit fuir…
L'originalité de ce roman, c'est que, s'il affiche une linéarité d'intrigue (le déroulement de l'escroquerie, illustré par la diversité (très divertissante) des portraits et des situations), il marque également plusieurs ruptures de ton qui font évoluer le roman, de façon pas toujours très claire pour le lecteur : c'est ainsi que partant d'une farce paysanne, on évolue au fil du roman vers des considérations plus pessimistes, qui suivent plus ou moins le parcours de l'auteur : par exemple quand Pouchkine, son ami et mentor, meurt tragiquement, Gogol marque le coup et le côté comique du roman s'infléchit quelque peu ; idem quand la censure russe commence à s'intéresser un peu à lui. Pour écrire la seconde partie, la gageure est encore plus difficile : déprimé, paranoïaque et de plus hypocondriaque, Gogol s'enfonce un peu plus, l'inspiration ne vient pas et il met au feu une bonne partie de ses manuscrits…
Voilà pourquoi « Les Ames mortes » a un goût d'inachevé. On pense que Tchtchitov et ses deux comparses vont continuer à écumer la Russie tsariste, mais à quel prix ?
En attendant, Gogol, dans ce chef-d'oeuvre d'humour et d'observation, aura créé un type, celui de l'escroc, attachant sans être particulièrement sympathique, mais typiquement russe, à l'avant-garde des portraits que feront Tolstoï, Dostoïevski et Tchékhov, et plus près de nous Boulgakov, Pasternak et Soljénitsyne (entre autres).
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Nikolaï Vassilevich Gogol travailla pendant dix sept ans sur ce roman, et dont une seule partie fut éditée en 1842, est une satire dirigée contre la classes des propriétaires, possesseurs de serfs. Les serfs étaient alors appelés des âmes. Or comme le gouvernement percevait un impôt par tête de serfs, par âme, et comme on recensait la population que tous les dix ans, il s'ensuivait que tout propriétaire continuait à payer l'impôt aussi bien sur les âmes mortes que sur les vivantes.
Le héros du livre Tchitchikov un fonctionnaire peu scrupuleux, entreprend d'acheter aux propriétaires leurs âmes mortes et, grâce à cette escroquerie, emprunte de l'argent aux banques d'Etat.
Gogol a donné comme sous-titre à son roman: POÈME, pour indiquer que l'imagination n'avait pas perdu ses droits.
Pendant longtemps, on n'avait vu dans ce livre qu'une critique, pleine d'humour et d'indulgence, contre la société russe, et on n'avait fait de Gogol le chef de l'école réaliste russe. Sans doute aucun auteur avant lui, ne s'était pareillement intéressé à décrire avec précision et minutie la vie provinciale. Mais de nos jours alors que les thèmes de son roman ont été repris et développés, Gogol apparaît d'avantage comme un négateur et un destructeur de la réalité que comme un observateur réaliste, ces âmes mortes passant leur temps à se quereller, se mentir les unes aux autres.
Il n'arriva jamais à terminer la seconde partie des Âmes mortes, et enfin, peu avant sa mort dans une crise d'exaltation religieuse, il brûla le manuscrit.
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J'avais lu les Âmes Mortes à 16 ans je crois. C'était trop jeune. Je viens de le relire dans la traduction qui m'a paru très bonne de Mme Anne Coldefy-Faucard, chez Verdier édition.

Gogol, quel étrange écrivain... quel écrivain à part dont on sent tout le soin et sans doute tout le mal qu'il s'est donné et la sueur qu'il a versé à peaufiner cette oeuvre, se redonnant du coeur à l'ouvrage par ses interludes où l'auteur interpelle le lecteur (passez-lui cette fantaisie, Gogol est un auteur qui vous veut du bien).

Cette histoire de petit truand (sur une idée de Pouchkine), celle-ci ou une autre, au fond, ne l'intéresse pas : ce que Gogol aime et veut atteindre c'est l'art pour l'art, le style, l'effet de surprise, la saveur des mots et des situations, des êtres et des choses, le sens du détail, du dialogue bien senti, de l'absurde, et du rire (un rire humain, savoureux, jamais vulgaire, ni cynique ni fielleux - un rire qui semblera peut-être, aux plus blasés d'entre nous, un peu désuet, un peu passé).

Cette histoire n'est donc qu'un prétexte à une série de portraits tous différents et toujours renouvelés, succulents, avec, en guise de fil rouge, un héros dont on apprendra le passé en fin de l'ouvrage, comme une nouvelle dans le roman. C'est drôle et c'est inattendu à chaque page. Et cela suffirait à recommander le livre et lui coller un carré d'as bien mérité. Quand...

... page 303... tombe du ciel comme de nulle part, l'Histoire du Capitaine Kopeckine... Alors, sur une dizaine de pages, Gogol touche au génie et anticipe Céline avec presque 100 ans d'avance : quelque chose d'universel, d'intemporel, de libre et de sidérant. Je viens d'apprendre que ce passage avait été supprimé par la censure de l'époque, avant d'être réécrit par Gogol pour le sauver.
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Les Ames mortes (1842) est un ouvrage extravagant et inclassable que Gogol commença dans l'allégresse, sur une idée de Pouchkine et qu'il ne finit jamais. Il préféra semble-t-il brûler ses derniers manuscrits et sombra dans la folie.
« Après le Revizor, écrit Gogol, je me décidai à rassembler en un seul tas tout ce que je pouvais connaître alors de mauvais en Russie, toutes les injustices qui se commettent dans les emplois et dans les circonstances où l'on doit exiger de l'homme le maximum de justice, et une fois pour toutes rire à tout cela ».
Après avoir lu les premiers chapitres, Pouchkine s'exclama : « Dieu que notre Russie est triste ! » Mais Gogol n'a jamais eu l'intention d'écrire un livre réaliste :« Je n'ai jamais aspiré à être l'écho de tout et à refléter la réalité telle qu'elle est autour de nous. Je ne peux même pas, maintenant, parler d'autre chose que de ce qui touche de près ma propre âme » Après la mort de Pouchkine qui le bouleversa, Gogol projeta de racheter son héros dans une seconde partie, puis une troisième à la manière de Dante dans sa Divine Comédie. Mais il n'y parviendra pas. Son échec l'anéantira et il jettera le manuscrit de la seconde partie au feu.
Tchitchikov est un personnage mystérieux. Il voyage dans une britchka brinquebalante en compagnie d'un valet qui pue et d'un cocher qui boit. C'est dans la description de ses domestiques et de leurs chevaux que l'on pressent à qui on a à faire. On ne comprend son projet immoral et sacrilège que peu à peu au fil de ses négociations croquignolettes avec de petits propriétaires terriens. On apprend ensuite qu'il rêve d'accéder au confort bourgeois, à un bonheur assez médiocre somme toute. le lecteur est emberlificoté par ce gaillard car il souhaite malgré lui sa réussite. D'abord son escroquerie semble légère à première vue : faire passer des morts pour des vivants afin d'obtenir des subventions. Ce n'est pas un crime bien terrible, il a même un petit côté folklorique. Et puis les propriétaires avec lesquels il négocie les âmes mortes sont pires que lui, bêtes à manger du foin, grotesques, risibles. Un sacré échantillon, pittoresque et universel, magistralement portraituré avec un souci du détail phénoménal. C'est très drôle. En plus le narrateur nous fait part de ses réflexions sarcastiques mais justes à leur sujet. On se dit c'est bien fait pour eux ! Et on rit de bon coeur, âmes égarées que nous sommes, aidés en cela par les apartés de l'auteur qui en rajoute une couche bien garnie. Mais les tractations bizarres de Tchitchikov ont fini par éveiller les soupçons des notables. le gouverneur mène l'instruction. Mais de quoi l'accuser au juste ? La scène est grotesque et absurde. Une âme n'est pas matérielle, il n'a donc rien dérobé. Il a fraudé le fisc, l'Etat mais il n'a causé de tort à personne en particulier. Ils ont été bernés par plus filou qu'eux c'est tout. Et puis pour l'administration, ce ne sont que des listes, rien de réel. Tchitchikov n'éprouvera jamais aucune culpabilité. Au contraire, à la lecture des noms de paysans et d'artisans sur les listes il a imaginé dégouté et joliment inspiré leur vie grossière de poivrots paresseux. le personnage est méprisable, méchant, diabolique. On rit jaune. On a enfin compris que les âmes mortes, c'est eux, c'est lui, c'est nous.
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