« Hier c'était l'ivoire et le caoutchouc,
Aujourd'hui le cuivre, l'uranium et les diamants.
Et à chaque fois, le sang de l'homme noir a coulé. »
Au Katanga, région sud Est du Congo, la richesse du sous-sol est miraculeuse, ce qui constitue dans le même temps sa malédiction, car les puissances mondiales occupent le terrain, avec tout ce que cela comporte de malversations, de corruption, et de crimes.
Dans le roman
Kisanga, il s'agit d'une coopération entre la Chine et la France, ces deux grands pays faits pour s'entendre comme l'affirme le Ministre des Affaires Étrangères Français (fictif, ne cherchez pas de ressemblance), négligeant royalement leur homologue congolais : Chine et France,
avec son entreprise Carmin « vont travailler à conquérir ensemble de nombreux marchés pour apporter à chacun, en Afrique et ailleurs, ce qu'il y a de meilleur pour un développement dans l'intérêt de tous.
Main dans la main.
Le discours lyrique du Français sur l'apport économique dans le secteur des transports, de l'énergie, et des mines, est suivi par le discours de Li son homologue chinois, qui rappelle la longue relation depuis six siècles entre son pays et la terre congolaise.
Les milieux Canadiens et Américains sont mis de côté, bien que cherchant à investir pour gagner des sommes faramineuses.
La RDC est pauvre, et n'a donc pas voix au chapitre. On pille, mais c'est dans l'intention de les enrichir, n'est-ce-pas ? (Au passage, certains congolais s'enrichissent en recevant des pots de vin conséquents)
Restent en lice pour la curée : Shanxi et Carmin.
Pourquoi la Chine et son entreprise Shanxi ?
Parce que, nous explique
Emmanuel Grand, la République populaire de Chine a besoin de matières premières, qu'elle extrait en construisant elle-même les routes : minerais rares par tankers entiers sont échangés contre des produits manufacturés de bas de gamme.
Mais au Katanga, le gouverneur Moise Katumbi a chassé les Chinois devenus trop gourmands. Ils reviennent donc, des années après, par la petite porte… avec l'aide de la France, qui aura du mal à comprendre l'entourloupe.
Autour de ces deux partenaires décidés à ratiboiser les richesses minières de la RDC (argent, cadmium, platine, manganèse, étain, cobalt, cuivre, zinc, nickel, tantale, plomb, or et diamants : une bijouterie à ciel ouvert) : un journaliste, “fouille-merde” qui n'a pas oublié l'embargo décrété par l'État français, gelant les importations en matières premières d'Afrique Centrale, vu les guérillas et les violences contre les civils financées par l'extraction des minerais divers.
Cependant, les entreprises minières avaient continué, sous le manteau, et des milliards avaient été déversés pour taire les massacres, ce que lui, Raphael avait en son temps voulu révéler et dont il a fait les frais en étant viré.
L'armée française n'a aucun intérêt à ce qu'éclate de nouveau le scandale, quatre mercenaires sont donc envoyés pour rechercher les preuves restées aux mains des Congolais quant aux malversations faites par la France au Katanga, et, aussi pour neutraliser le fouille merde qui sait tant de choses compromettantes.
Bluffant, haletant, rythmé, je n'ai pas pu lire ce thriller rapidement, dégustant chaque épisode, cherchant de quoi il est question, à quel point de géopolitique il est fait référence, où se trouve Lubumbashi, capitale du Katanga, quelle épopée historique est évoquée, comment vivent les congolais, jusqu'à la Coupe d'Afrique des Nations, et aussi, le passé trouble de Kabila père du Présidentdu même nom :
« À l'époque, cette région était un véritable coupe-gorge, rappelle-toi. Kabila avait détrôné Mobutu et pris le pouvoir grâce aux Tutsis rwandais qu'il renvoyait chez eux comme des malpropres. », et provoqué ainsi la guérilla et l'embrigadement des enfants, drogués pour tuer.
Vivant, respirant la connaissance de la terre africaine, une description fouillée de chaque participant, avec une documentation de premier ordre, et un rebondissement qui nous laisse pantois, ce thriller a de plus l'intérêt de citer et d'encenser un vrai personnage : Moise Katumbi, dont
Emmanuel Grand souhaite dans son épilogue qu'il gagne les élections, ce qui ne devrait pas tarder, puisque les élections de décembre 2023 rassemblent le président sortant Félix Tshisekedi, le candidat arrivé deuxième à la précédente élection, Martin Fayulu, Moïse Katumbi, qui s'était à l'époque rallié à ce dernier, ainsi que le prix Nobel de la paix 2018,
Denis Mukwege25.
Je craque et vous cite
Emmanuel Grand. « Jusqu'en 2015, Moïse Katumbi avait régné en maître sur le Katanga. Il avait fait ce que personne n'avait réussi avant lui. Il avait tenu tête aux Occidentaux et aux Chinois, renfloué les caisses de la province, reconstruit les routes et les hôpitaux, remis l'économie en marche et propulsé le club de foot de Lubumbashi en pôle position des clubs du continent. Pour tout cela, le peuple l'adorait et Joseph Kabila le détestait. En 2015, ce dernier réussit enfin à éjecter Katumbi de son siège et choisit pour le remplacer un apparatchik du nom de Cyril Akolo. C'est à ce moment que le projet franco-chinois avait démarré. »
Si vous ne devez lire qu'un livre sur l'Afrique, je conseille celui-ci.
Coup de coeur.