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EAN : 9782253138556
275 pages
Le Livre de Poche (01/01/1996)
3.65/5   30 notes
Résumé :
Beau et riche, Philippe découvre à trente ans qu'il est un lâche. Tandis qu'il s'attarde sur les quais de la Seine non loin du Trocadéro, une femme l'appelle à son secours. Mais il se garde d'intervenir et se sauve. Alors nous le voyons vivre, et le tableau de son existence est un des plus violents réquisitoires contre la société que l'on ait écrits. Dans les immeubles cossus, les cariatides de la vie bourgeoise s'appellent mesquinerie, égoïsme, lâcheté, ennui. La f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
J'étais restée en dernière lecture de Green sur un avis mitigé du Visionnaire (1934), voilà qu'avec Epaves je renoue avec Julien et son univers "impitoyable". Un homme et deux femmes occupent les pages de ce roman paru en 1932. Dans un Paris du premier quart du XXe siècle, superbement évoqué par Julien Green, un bellâtre narcissique riche et totalement dépourvu d'ambition, une femme de condition nettement plus modeste et sa soeur, forment un trio ténébreux, confortablement installé entre les hauteurs du Trocadéro et les quais de Seine.

Trois destins irrémédiablement soudés dans un statu quo conjugal et familial scabreux où s'amorce la fiction. Philippe Clery, dont la fortune a été assurée par son père, Henriette sa femme et sa soeur Eliane, dont l'une pourrait être qualifiée trop hâtivement de tête de linotte et l'autre de frustrée, forment les figures de cette trinité indissociable, analysée par Julien Green avec maestria, qui fait plonger dans l'époque pas si lointaine où le statut de "vieille fille" clouait définitivement la femme sans homme au pilori ; c'est le cas d'Eliane à peine trente ans passés! Tout commence avec Philippe Cléry, obsédé par sa propre image et qu'un incident fortuit lors d'une promenade nocturne sur les quais de Seine va mettre en face de sa lâcheté. Il entreprend alors d'examiner enfin celui qu'il faisait semblant d'ignorer être. Un exercice d'introspection qui ne peut manquer de contaminer évidemment les deux personnages féminins. Mais à vouloir trop explorer Philippe Clery ne fait que descendre vers de nouvelles profondeurs et, dans ce parcours d'ombres, c'est du côté de l'écriture de Green qu'il faut chercher la lumière.

Si la présence inquiète d'un enfant, celui né du couple, agit en contrepoint de l'atmosphère pesante qui règne sur le roman, elle ne l'égaye pas forcément. L'écriture de Julien Green en revanche s'immisce avec limpidité et fluidité entre les anfractuosités abyssales des désirs refoulés des trois protagonistes et en restitue les ambivalences les plus troublantes ; elle entraîne le lecteur bien au-delà d'une quelconque sordidité et l'incite à ne pas lâcher ces pages avant d'en approcher le terme. La violence cauchemardesque d'Adrienne Mesurat (1927) ou de Léviathan (1929) est ici absente mais fait place à l'incommensurable épaisseur d'un ennui bourgeois, noirci par l'univers fantasmatique de l'écrivain. Les mystères de la passion restent les maîtres.

Tout affect est soigneusement dissimulé, le peu qui affleure risquant de mettre en péril l'ordre établi par le trio ; c'est sur ce fil ténu que se tient magistralement le roman, un entre-deux où alternent le dit et le non-dit. Chaque personnage y interprétant la partition qui lui est dévolue sans que l'un ne vampirise jamais l'autre. Cette composition parfaitement claire souligne, par contraste, les turpitudes intimes des personnages. Attitudes et postures, dans cette triangulaire équivoque, sont autant dictées par des renoncements que par des compromissions, ou des petits arrangements sinistres, que le souffle tumultueux du doute et du cheminement introspectif du personnage masculin finit soudain par faire remonter au jour. La réussite est totale pour moi. Après tout, Soulages fabrique bien de la lumière avec du noir, alors Green peut bien illuminer des lignes avec d'obscures névroses.

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Il y avait bien longtemps que je n'avais pas lu Julien Green et cet ouvrage était dans ma PAL depuis plusieurs années. J'ai retrouvé avec plaisir une belle écriture, une description fine des sentiments, une atmosphère bien particulière. A la suite d'un fait divers relativement banal, un trio bourgeois se trouve ébranlé et les belles apparences vont peu à peu s'écailler. On assiste à l'évolution lente mais inéluctable des protagonistes. Peu d'action, et beaucoup d'analyse de caractères et de description d'une société. Une lecture intéressante pour qui aime les romans psychologiques.
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Le talent de Julien Green dans un roman où la richesse descriptive permet d'apprécier toute la justesse de la part psychologique de cette oeuvre.
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La décadence d'un homme qui, malgré son succès social, se rend compte vers trente ans qu'il est très lâche et se replie sur sa relation avec son fils pour oublier ce défaut. Sa femme, une fêtarde qui ne supporte probablement pas ce défaut, finit par s'éloigner de son mari et de son rejeton et ce dernier finit par tomber dans les bras de sa belle soeur. Sacrée bande d'épaves!
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Par moment l'édifice entier de la vie moderne prenait à ses yeux un aspect si étrange qu'il se demandait de quel secours la raison pouvait être à l'humanité. Respirer toute la journée dans une sorte de boîte appelée chambre ou bureau, ou salon, manger des aliments contestables, emprisonner le corps dans des vêtements qui l'étouffent ; pour le moral gagner de l'argent, suer le plus d'or possible, des millions d'esclaves acceptaient la vie sous cette forme sans réfléchir à l'énormité d'un tel renoncement. Lui-même était pris dans le mouvement général.
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Ce soir, au bord de l'eau, il sentit vivement tout ce qu'il pouvait y avoir d'inaccessible au fond de son propre coeur. Comment donc pouvait-il espérer de n'être pas seul si lui-même à lui-même était étranger ? Dans ce monde dont la raison d'être nous échappe, chacun suit obstinément une destinée secrète qu'il ne connaîtra peut-être jamais. Deux pensées se mêlent parfois comme des vols d'oiseaux se croisent dans les airs, mais l'inexorable solitude se reforme aussitôt. Tout homme est roi dans un désert.
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J'étais amoureuse de toi, je le suis encore, mais tu ne me fais plus peur. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Regarde-moi et ose comprendre, si tu peux, la pensée qui est derrière mon front : mon pauvre Philippe, tu n'es qu'un mari trompé, comme les autres, un peu plus ridicule peut-être parce que tu en as la preuve et que tu n'as même pas le courage de t'en plaindre à ta femme. Aussi comment veux-tu que j'ai peur de toi, que je te respecte ? Je ne te respecte pas, je t'aime.
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S'il m'arrive de haïr ton repos et la sécurité où tu vis, tu dois craindre en retour le désordre que je porte en moi.
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Par moments l'édifice entier de la vie moderne prenait à ses yeux un aspect si étrange qu'il se demandait de quel secours la raison pouvait être à l'humanité. Respirer toute la journée dans une sorte de boîte appelée chambre ou bureau, ou salon, manger des aliments contestables, emprisonner le corps dans des vêtements compliqués qui l'étouffent ; pour le moral, gagner de l'argent, suer le plus d'or possible, des millions d'esclaves acceptaient la vie sous cette forme sans réfléchir à l'énormité d'un tel renoncement.
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Videos de Julien Green (19) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Julien Green
"[…] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux. […] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes. […] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions. […]" (Roland Jaccard.)
0:14 - Bernard Shaw 0:28 - Julien Green 0:45 - Heinrich von Kleist 1:04 - Georges Henein 1:13 - Ladislav Klima 1:31 - Michel Schneider 1:44 - Hector Berlioz 1:55 - Henry de Montherlant 2:12 - Friedrich Nietzsche 2:23 - Roland Jaccard 2:37 - Alphonse Allais 2:48 - Samuel Johnson 3:02 - Henrik Ibsen 3:17 - Gilbert Keith Chesterton 3:35 - Gustave Flaubert 3:45 - Maurice Maeterlinck 3:57 - Fiodor Dostoïevski 4:08 - Aristippe de Cyrène 4:21 - Générique
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Référence bibliographique : Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration : Marquise de Lambert : https://de.wikipedia.org/wiki/Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles#/media/Datei:Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles.jpg George Bernard Shaw : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#/media/Fichier:G.B._Shaw_LCCN2014683900.jpg Julien Green : https://www.radiofrance.fr/franceculture/le-siecle-d-enfer-de-l-ecrivain-catholique-et-homosexuel-julien-green-8675982 Heinrich von Kleist : https://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_von_Kleist#/media/Fichier:Kleist,_Heinrich_von.jpg Georges Henein : https://www.sharjahart.org/sharjah-art-foundation/events/the-egyptian-surrealists-in-global-perspective Ladislav Klima : https://www.smsticket.cz/vstupenky/13720-ladislav-klima-dios Michel Schneider : https://www.lejdd.fr/Culture/Michel-Schneider-raco
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