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Il y a lire des livres, et il y a lire de la littérature.
Très (trop) souvent je lis, je lis des livres, des livres et des livres encore… Et je m'endors avec, la main déjà dans le « fort molle », la farce sur l'oreiller, l'oeil à peu près mi-clos, luttant, peinant, cravachant dur pour cavaler, si possible, jusqu'au bout de ma page — ah, maudite page ! — avant d'être tout à fait croquée par le sommeil, une fois encore.

Un soir, deux soirs, parfois trois soirs de suite ça dure, cette affaire-là. Je me cogne et je me recogne et je me rerecogne la même putain de page sans nom, captivante au moins comme les reliefs de Frise et du Bangladesh réunis, d'un caractère si décisif, oui… si des Sisyphe pouvaient venir m'aider un peu sur ce coup-là, car vraiment, les deux précédents soirs, cent coups fait rire, enfin sans erreur possible je veux dire, ce sont décidément mes saletés de paupières qui ont encore gagné… aïïïïïïïïïïïïïe !

Vous avez connu ça, vous aussi, n'est-ce pas ? Et puis un jour — un soir, pour être exacte — au moment où vous ne l'espériez plus, vous tombez nez-à-nez avec la littérature, et là, là, c'est la page qui gagne, que dis-je ? qui VOUS gagne. Vous la relisez, pourtant — ça devient une habitude, à force — sauf que là, ça se passe tout de suite, dans la foulée, et juste après, rebelote, vous la relisez encore, mais seulement parce que vous la trouvez belle, cette fois, oui, belle, tout simplement belle…

Mazette, les gars ! Sabrez le champagne et sablez, les gars, sablez ! Non, pas pour moi, merci, je me contenterai de regarder monter les bulles de ces pages… du fond des vers mélancoliques… mêlant colique avec quoi d'ailleurs ? Ça, je ne sais pas… Mais enfin, voilà, tout de même, ça y est, je la tiens ma belle page… ma belle page, belle comme… Ah ! la vache ! me v'là coincée !… À l'aide !… Bon, laisse tomber, ma vieille, tout le monde roupille, faut que tu t'y colles !

Bon, alors, belle comme… une citadelle, peut-être, ou une cicindèle, je ne sais plus trop, je les confonds ces deux-là ; belle comme une épine de prose plantée dans l'épié, t'as vu, Freddy, fallait la caser celle-là, pas commode ; belle comme un filet d'Ariane mijoté au Grand Thésée, c'est ça ? Ou du Cointreau, peut-être bien, j'affirmerais pas. Bon, okay Freddy, t'as raison, tout le monde s'ennuie, j'accélère !

Belle comme une formule féroce qui fait fleurir les phrases même quand ce n'est plus du tout la saison ; belle comme ces objets usés qui vous rappellent des êtres chers ; belle comme le mot sublime que vous n'avez jamais pu sortir, souvenez-vous, coincé dans la gorge, dès la première minute du premier soir de votre premier amour ; belle comme cette employée courageuse — mais fatiguée —, celle dont tout le monde oublie le nom, et qui accepte pourtant de se farcir tout le sale boulot, sans chichi, sans trémolo, parce qu'il faut que ce soit fait, parce qu'il le faut, un point, c'est tout, et la voilà déjà partie ; belle comme un adverbe et une préposition qui s'étonneraient de plonger tout seuls, le soir, un crépuscule d'été, dans les immensités sans fond, quand les nébuleuses frétillent et que les vers luisants font des machins pas clairs avec leur lumière dans le train pour attirer les autres…

Aaah ! Ouais… Freddy ! C'est ça, peut-être bien, que ça nous fait, la littérature ! Ça nous allume des choses louches à des endroits bizarres, même en pensée… Tu me diras, ça va, tu es dans ton lit, tranquille, il fait nuit, personne te regarde, y a pas d'outrage…

Mais si pourtant, il y a outrage, cré vingt dieux ! parce qu'on nous fait croire, à nous, que ce qu'on tenait dans les mains et qu'on a laissé tomber au pied de notre pieu trois soirs de suite, ce qu'on tenait dans la musette, quand on se baladait froidement dans les pics et les ravins de la Zélande, qui atteignent tous facilement vingt centimètres, on nous fait croire, vous dis-je, que c'était ça, la littérature et que ça pouvait allumer des choses en nous ! Et ça n'allume rien, jamais, vous le savez bien, sauf peut-être bien sûr, un barbecue, quand on n'a plus d'allume-feu, et encore, il faut voir, même pour ça c'est pas garanti…

Alors que la littérature, en vrai, quand on en croise, on la reconnaît à ses lumières, pas vrai ? Pas besoin d'écrire en gros dessus LITTÉRATURE ou PRIX MACHIN, c'est comme si moi je m'amusais, comme ça, rien que pour faire joli, à écrire CYANURE ou LION VIVANT sur un paquet de lentilles ou des toilettes publiques.

Y en a qui trouveraient à redire, j'en suis certaine, alors pourquoi qu'ils le font avec la littérature qu'allume rien, les autres, hein ? Pourquoi ? Je me le demande. Faudra-t-il un jour qu'on écrive ZÈBRE en-dessous de chaque zèbre qu'on verra ? Des fois qu'on confondrait avec une girafe ou un oryctérope ? Elle est peut-être là, L'ÂNE AU MALI ?

Ouais, bon bref, j'en appelle à tous ceux qui en ont sérieusement marre de se manger de l'oryctérope étiqueté zèbre à longueur de pages. Ce que vous allez lire, là, Narcisse et Goldmund, ça ne vous plaira peut-être pas, c'est vrai — qui le peut à chaque fois et pour tous ? — mais c'est de la littérature. En soi, c'est déjà devenu tellement rare que ça mérite au moins un coup de chapeau pour commencer.

Et si je devais en parler à quelqu'un qui n'en aurait jamais entendu parler, je commencerais sans doute par lui rappeler qu'on a coutume de dire que le personnage principal d'une oeuvre de fiction est celui qui évolue le plus au cours de la narration. À ce titre, il est certainement possible d'affirmer que le personnage qui évolue le plus dans « Narcisse et Goldmund » est Goldmund. Indubitablement, c'est lui le personnage principal : dans une bonne moitié du livre, on ne parle que de lui.

Alors ? Alors pourquoi ce titre si énigmatique ? Pourquoi mettre sur un pied de quasi égalité deux entités apparemment si dissemblables, si disproportionnées et qui aucunement ne pèsent de la même façon sur les deux plateaux de la balance ?

Demandons-nous alors que symbolisent, apparemment, ces deux personnages fictifs : Narcisse, ascétique, pondéré, calme, froid, méditatif, versé de sciences, de théologie, véritable rat de bibliothèque, intéressé seulement de théories et de choses de l'esprit. Soit. Qu'en est-il de Goldmund à présent : sensible, sensuel, impulsif, jouisseur, bouillant, sans cesse remuant, avide d'expériences chaque fois nouvelles, désireux de tester avant tout, presque sans réfléchir, quitte à se brûler les doigts.

Les choses apparaissent peut-être plus clairement désormais : Narcisse, c'est l'esprit, c'est la réflexion et Goldmund, c'est le corps, c'est la sensation. Ce que Hermann Hesse semble vouloir illustrer, d'après moi, dans ce roman, ce sont les deux sources de la connaissance auxquelles tout un chacun peut puiser : l'inférence et l'expérience. L'une est théorique, l'autre est pratique mais les deux procurent un savoir sur la vie, la nôtre et celle qui nous entoure.

En ce cas, pourquoi Goldmund est-il le personnage principal de ce roman, si les deux approches sont d'égale importance ? Eh bien, je crois (cette interprétation est mienne et réclame vraiment beaucoup de prudence, j'y exprime seulement mon propre ressenti, aucunement une vérité avérée), je crois, donc, que ce dont nous parle Hermann Hesse, c'est du cas particulier de l'art et, plus encore peut-être, du dilemme propre aux artistes.

Car l'art, en soi, qu'est-ce que c'est ? Quelque chose qui parle aux sens, qui crée des émotions, tout en s'adressant à l'intellect — et c'est là la spécificité de l'art comparativement à tout autre activité humaine, peut-être — c'est de parler aux sens EN MÊME TEMPS qu'à l'esprit. L'artiste doit donc être À LA FOIS sensible et théoriser sur cette sensibilité pour mieux pouvoir l'exprimer, la livrer aux autres. (Fernando Pessoa a des phrases fameuses là-dessus dans son Livre de l'Intranquillité.)

Bref, l'oeuvre d'art, c'est ce qui procure des émotions tout en stimulant notre réflexion ; l'oeuvre d'art est ce qui fait la synthèse entre la réalisation technique de l'oeuvre et la somme d'expériences vécues et théorisées par l'artiste pour y donner naissance. Et voilà pourquoi, d'après moi, Goldmund se retire après avoir produit ses deux seules oeuvres véritables : la statue de Saint Jean et la chaire.

Si l'artiste fait autre chose que cela, il dévoie l'art. Certes, cela peut lui procurer beaucoup d'argent, de la reconnaissance éventuellement, mais d'art, point. C'est cela aussi, d'après mon interprétation, que cherche à nous dire Hermann Hesse dans cette oeuvre : l'artiste qui aligne les oeuvres les unes à la suite des autres, malgré toute sa maestria technique, malgré tout l'esthétisme qu'il sera capable de déployer, ne sera rien d'autre qu'un vendeur de babioles pour béotiens ébahis.

(Combien d'oeuvres soi-disant « littéraires » sont du même acabit et répondent à la même logique marchande ? Un écrivain, même très grand, au cours de son unique vie, des oeuvres d'art véritable, combien en produira-t-il ? Certainement pas des tas, d'où l'ineptie, d'où le non-sens artistique des bandeaux colorés sur des livres pondus à heure fixe et à bonne date, du genre : “ le dernier Joncour “, “ le dernier Nothomb “, “ le dernier Dubois “, etc.)

Si je veux illustrer ce propos au moyen d'oeuvres ou d'artistes connus, je ne vois pas meilleur exemple que Pablo Picasso. Si j'ai bien compris ce que Hesse cherche à nous dire, notamment par l'entremise du personnage de maître Niklaus, c'est qu'un Picasso aura pu produire des centaines et des centaines d'objets esthétiques ayant beaucoup de prix sur le marché de l'art, lui rapportant à la fois aisance financière et renommée internationale, mais les zéros, même à la fin d'un prix, restent des zéros. D'oeuvres d'art véritables, au sens qui parlent autant au corps qu'à l'esprit, qui laissent durablement leur empreinte sur le spectateur et sur le monde, il n'y en aura eu que deux : Les Demoiselles d'Avignon et Guernica, respectivement produites à 26 et 56 ans, soit les bornes naturelles et biologiques de ce qu'on appelle ordinairement « la force de l'âge ».

Picasso lui-même semblait parfaitement conscient de cet état de fait. On rapporte que l'artiste, au cours d'un dîner dans un restaurant, aurait fait un dessin sur une serviette ou une nappe en papier et qu'il l'aurait donné à l'un (ou l'une, je ne sais plus) des convives. Ce dernier (ou cette dernière) lui aurait alors demandé de signer son dessin, ce que l'Espagnol aurait refusé en déclarant : « le dessin ne vaut rien mais la signature vaut des millions. »

Pourtant, dans Narcisse et Goldmund, il y a encore bien plus que cela. L'auteur reprend, aménage, réexprime ce qu'il avait déjà admirablement explicité dans le Loup des Steppes, à savoir que toute personne, du simple fait de sa conception par deux parents nécessairement singuliers et distincts, est toujours plus ou moins tiraillée entre différents aspects de sa personnalité. Certains lui ayant été transmis par le père, d'autres par la mère.

C'est cela que vit Goldmund. S'il est fasciné, au départ, par le personnage de Narcisse, c'est peut-être et avant tout parce que celui-ci fait appel en lui aux éléments typiquement paternels de sa personnalité. Cependant, le sage et perspicace Narcisse aura tôt fait d'exhumer de la personnalité duelle de son jeune admirateur les éléments purement maternels et qu'il refusait de prendre en considération jusque-là. Alors commence le déchirement de Goldmund, le désespoir de n'être pas celui que son esprit voudrait être, la déception d'être un corps avant même un cerveau.

Mais l'on n'échappe pas à sa nature. Si jouisseur tu es, Freddy, par atavisme, jouisseur tu seras, quelles qu'en puissent être les répugnances de l'esprit. le choc est terrible pour Goldmund, il aurait tant voulu être autre chose, mais en fait non, il est bien cela. Museler son moi profond au prix d'un effort ou d'une coercition de tous les instants ou accepter ce que l'on est, au plus profond de soi ?

Nul doute que Hermann Hesse a injecté beaucoup de lui-même dans Narcisse et dans Goldmund, il a dissocié l'être bicéphale qu'il était pour tâcher d'en faire deux abstractions à peu près pures. Nul doute qu'il y a beaucoup du véritable monastère de Maulbronn — qu'il a fréquenté — dans le monastère fictif de Mariabronn qu'il nous dépeint. Nul doute qu'il y a beaucoup de ses propres rébellions, de ses propres errances, de ses propres quêtes et de ses propres incohérences dans les rébellions, les errances, les quêtes et les incohérences de Goldmund.

Nul doute également que Narcisse et Goldmund, comme toute oeuvre d'art véritable, aura marqué les esprits de ses lecteurs et, probablement, aura fait des petits en littérature. Je vois, par exemple, dans le couple que forment Guillaume de Baskerville et Adso dans le Nom de la Rose d'Umberto Eco un vif clin d'oeil à Narcisse et Goldmund. de même, l'errance pleine de mort et de choléra d'Angelo dans le Hussard sur le Toit de Jean Giono n'est pas sans présenter de nombreux parallèles avec l'errance pleine de mort et de peste du susnommé Goldmund.

Enfin, en guise de conclusion, pour en terminer avec mon parallèle entre Goldmund et Picasso, quelles sont les deux seules oeuvres de Goldmund ? L'une, celle qui clôt sa jeunesse, n'est autre que le portrait de Narcisse en Saint Jean, c'est-à-dire, dit simplement, le portrait de la sagesse offert au monde des jouisseurs. L'autre, la chaire décorée de Mariabronn, n'est rien d'autre que l'inverse, c'est-à-dire celle qui clôt la force de l'âge de Goldmund et qui est une somme de la beauté et des jouissances du monde extérieur offerte au monde cloîtré de la sagesse et de l'esprit, à l'endroit même où se délivre la parole supposée transcendantale.

Quoi qu'il en soit, comme toujours et plus que jamais, l'essentiel est et sera toujours de lire par soi-même cette oeuvre puissante, complexe, non univoque, non commerciale et qui continue longtemps d'infuser dans l'esprit de ceux qui l'on lue et appréciée, passées les émotions premières, marque probable sinon indubitable des véritables oeuvres d'art. Dormez bien, ce soir, et quand vous songerez à vous racheter un vélo hollandais, souvenez-vous que ce n'est là que mon avis, rien qu'un coup de sonnette dans tout le trafic, c'est-à-dire, pas grand chose.
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A l'époque moyenâgeuse du Saint-Empire romain germanique, le péché mignon des pensionnaires du monastère de Mariabronn se limite à un peu de vin chaud bien sucré, parfumé à la cannelle et à l'oeillet.
Parmi les membres de cette communauté religieuse, haut-lieu de la connaissance et de la prière, deux jeunes gens s'apprécient et se recherchent : Narcisse et Goldmund sont sous l'influence d'une force d'attraction hors des pulsions inverties.

Professeur de grec, encore novice, Narcisse est un être d'élite respecté de tous. Jeune homme de grande écoute, il prend sous son aile Goldmund un élève studieux âgé de quinze ans, rêveur à ses heures.
En recherche de spiritualité, ils sont l'un comme l'autre au stade du serment non exprimé. Chacun se sent engagé au fond de lui-même par cette promesse de voeux non écrite mais sacrée.
En fin psychologue, Narcisse découvre chez son ami un traumatisme enfoui depuis l'enfance, une blessure cachée liée au souvenir ténu d'une mère qui a fui le domicile familial alors qu'il était en bas âge. Il ne pense pas que la vie ascétique corresponde à la personnalité de Goldmund mais qu'une recherche de soi orientée vers l'art siérait mieux à son tempérament passionné.

Alors que Narcisse se prépare à recevoir l'ordination, Goldmund abandonne au bout de trois ans la vie austère de Mariabronn au profit de celle aventureuse du monde extérieur.

Ces quelques lignes introductives survolent seulement les tout premiers chapitres, la majeure partie de « Narcisse et Goldmund » se déroule au grand air, en dehors de l'enceinte confinée du monastère.
Les paysages rhénans, la faune, la flore sont décrits dans un style imagé et poétique.
Alternent avec bonheur les scènes contemplatives et mouvementées, la condition de vagant n'est pas de tout repos.
Les regards complices, les paroles douces, les ébats amoureux entre le séduisant Goldmund aux boucles blondes et les femmes rencontrées ici et là, agrémentent de surcroît le récit.
Les prédispositions artistiques qui au fil des années s'affirment chez Goldmund sont également évoquées avec intelligence.
Mais l'attrait principal de cette oeuvre romanesque, écrite par Hermann Hesse en 1930, réside dans l'amitié indéfectible entre Narcisse le spirituel et Goldmund le sensuel, deux êtres fondamentalement différents mais pourtant en symbiose.

En cette période de Noël censée être de concorde et de paix, « Narcisse et Goldmund » est un formidable message de tolérance, de réconfort.
Le lecteur, aux anges, gardera longtemps à l'esprit les prénoms indissociables du penseur et de l'artiste !
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D'un côté : le religieux: science , vie monastique rigoureusement réglée, vertu, aspiration à l'intellect, méditation et ordre, prière et quête spirituelle absolue: Voici Narcisse.

De l'autre : sensualité , appel des sens, amour des femmes , besoin d'indépendance, vagabondage , passions violentes ,jouissance de la vie et de la chair alliée à la puérilité de la vie des vagants , révolte contre la loi et la raison, nature d'artiste et de créateur, usage des mains pour la sculpture, difficultés des débuts et habileté qui allait toute seule: Voici Goldmund.

C'est dans l'Allemagne du Moyen Âge qu'Hermann Hesse situe son histoire .

Ou les deux FACES d' amis aussi différents que possible : en réalité les deux visages de l'homme celui de la pensée et celui de l'action, à la fois complémentaires, et dissociées.

Un ouvrage bouleversant , riche d'émotions à la profondeur psychologique sans pareille , bien au delà de sa portée spirituelle et universelle.

C'est un hymne philosophique vibrant entre quête de l'absolu et juste manière de trouver sa voie!
Un équilibre bien fragile.
De la difficulté à nous, HUMAINS à vivre des aspirations contraires, rattachées à notre nature profonde.
Une oeuvre magistrale , majeure , unique , lumineuse , une sorte d'épopée initiatique qui dormait depuis longtemps dans ma bibliothèque , alliant découverte des sens, amitié et spiritualité , ainsi que cheminement ardu dans la vraie vie !

La quête éperdue , vitale, de SENS à la recherche du «  Beau » .
Une écriture élégante imprégnée par l'ardent désir de conciliation entre spiritualité et animalité .
Quel talent !
On en ressort très ému !
Narcisse le penseur , Goldmund l'artiste jouisseur !
Deux pôles opposés pourtant !
Différences effacées et conciliation des contraires .
Ne faire «  qu'un coeur de deux coeurs » ?
Périlleux , âpre et sublime.
Je dois avouer que très longtemps, la 1ère de couverture , austère , n'attirait pas mon oeil , puéril, non?
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C'est une pépite. Un objet littéraire comme on en rencontre peu, accessible et profond.
Ce roman de 1930, sous estimé avec seulement 63 critiques à ce jour, recouvre le thème de l'amitié dans un Moyen Âge germanique où la mort est omniprésente, mais si ce n'était que cela...

Les opposés s'attirent. Ce fait est mis en pratique quand Goldmund et Narcisse se rencontrent dans le pensionnat du monastère de Mariabronn, l'un est un élève rêveur, l'autre est un jeune professeur qui tire son statut, et beaucoup d'orgueil, de ses connaissances sur Aristote et Saint thomas d'Aquin. Mais, dans le silence de la prière et de la spiritualité souffle dans les interstices des murs du cloître un air de liberté.
Le roman, faisant la part belle à l'aventure, se concentrera sur l'imprévisible Goldmund.

Aventure et recherche de soi sont les moteurs du récit.
Il oppose l'errance et la propriété mais aussi la recherche de l'autre et la peur de l'autre. En effet, le bon Herman Hesse constate que le propriétaire redoute le vagabond car il lui rappelle son implacable inclinaison vers la déchéance et la mort.

Indépendance, instinct et instabilité se révèlent dans le monde primitif du vagabond soumis à la providence qui lui octroie soleil, pluie, neige, froid ou chaleur.
Pour le jeune homme sûr de sa force et de sa beauté, la recherche de nourriture et de rencontres féminines sont des besoins du corps qui, assouvis, ne lui permettent pourtant pas de se révéler pleinement.
Voilà la quête: quel sens à donner à sa vie?

Des réponses seront peut-être trouvées sur les routes de l'aventure qui se lie au vice , de la sagesse liée à la monotonie ou bien de l'art qui pourrait transcender cette obscure peur ancrée en certains d'entre nous.

Herman Hesse m'a paru beaucoup plus lisible que dans "Le loup des steppes", ses réflexions sur l'être humain souhaitant, même inconsciemment, que quelque chose lui survive, sont bouleversantes.

Une splendide découverte soufflée par Babelio et ses généreux contributeurs.
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Narcisse est un jeune novice dont les qualités intellectuelles lui valent d'être déjà professeur. Entièrement tourné vers la science, capable de lire dans les âmes il est assez solitaire. Arrive un adolescent, Goldmund, amené là par son père qui désire en faire un moine afin d'expier la « mauvaise conduite » de sa mère, femme de la nature qui n'a pu se résoudre à vivre une vie réglée. Une amitié se noue entre les deux jeunes gens et au fil du temps, Narcisse permet à son ami de comprendre que sa vocation n'est pas l'étude et la prière. Lui ayant rendu la mémoire de sa mère, et donc une partie de sa personnalité tuée par le père, il l'encourage à suivre sa vraie nature.
Pour Goldmund la vie consiste à connaître le plus d'expériences, au jour le jour, à vivre une vie presque animale au sein de la nature, acceptant la faim, la soif, le froid. A contenter ses désirs, ce qu'il fait avec toutes les femmes qu'il rencontre, sans les forcer. Celles-ci séduites par son joli visage mais aussi sentant sans doute son caractère vagabond lui accordent un moment de leur vie, puisqu'il n'est qu'un passage dans leur vie. Cette vie errante très sensible à toutes les beautés, celles de la nature comme celle des femmes exacerbe sa sensibilité et le prédispose à l'art.
Si la sensualité est très présente à travers les nombreuses conquêtes de Goldmund, la nature est également omniprésente (la coquille d'escargot, le pivert…).
Roman sur l'opposition entre l'intellect (Narcisse) et les sens (Goldmund). Comme si Narcisse et Goldmund étaient les deux faces d'une seule personne. Hesse a toujours cherché à intégrer la spiritualité à la vie.
A noter qu'il s'est lui même enfui d'un séminaire protestant où ses parents l'avaient placé.
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Il y a des livres qui vous parlent, celui-ci dialogue avec moi. Il y a des livres qui vous "remuent", celui-ci me bouleverse. Hermann Hesse évoque avec poésie, élégance, réalisme, la difficulté d'être humain, de vivre les aspirations contraires qui sont rattachées à notre essence.
L'auteur a choisi de dissocier dans ce roman les deux inclinaisons majeures de l'homme, d'un côté l'aspiration vers l'intellect et le religieux, l'ordre et le scientifique, la méditation et la prière, et de l'autre, la jouissance de la vie dans toute son animalité, en un hymne à la mort et à la vie, à l'amour et à la tristesse, à la beauté et à l'ignominie, en les personnifiant en deux personnalités antithétiques mais complémentaires. Goldmund transcendera sa nature sensuelle en l'investissant dans l'art, qu'il revêt alors d'un caractère sacré.
Mais « Narcisse et Goldmund » est aussi une fable sur la dualité de l'être humain, dans laquelle les deux personnages représentent les forces contraires d'une même psyché. Tiraillé entre ses appétits, ses aspirations, ses nécessités, les exigences du monde extérieur, l'être humain est amené à faire des choix, et ce faisant, de renoncer, de s'amputer d'une partie de ce qu'il est. Mais Hesse nous apporte une solution à ce dilemme sans fin : on ne peut, au mieux, que devenir que ce que l'on est, et c'est en transcendant l'expérience des sens qu'on accède à la spiritualité. En ce sens, il rejoint la conceptualisation du sacré de Carl Gustav Jung, dont Hesse fut l'ami et le patient (d'ailleurs « Narcisse et Goldmund » présente tout au long de l'ouvrage la plus magnifique évocation de l'Anima qu'il m'ait été donné de lire).
A mon sens, « Narcisse et Goldmund » est un chef d'oeuvre, plus abouti que par exemple « Siddharta » (qui m'a paru plus convenu, moins surprenant, dans son traitement), ou le « Jeu des perles de verre » dont le Maitre me parait trop intellectuel, pas assez humain… Il y a dans ce livre une idée de réconciliation, et de paix, que je n'ai jamais trouvé par ailleurs chez cet auteur.
C'est pour moi une oeuvre à la fois majeure et magistrale, que je place sans hésitation tout en haut du panthéon des livres qui m'ont le plus marquée.
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Après bien des années d'errance et de spiritualité douteuse, il fut un temps où mon âme et mon corps eut besoin de se recueillir dans un monastère. A l'ombre d'un grand châtaigner, les saisons défilent dans une quiétude toute particulière. Les moines prient, les enseignants enseignent et les moinillons font le mur pour se taper la gueuze au village d'à côté. C'était il y a bien longtemps, genre ère moyenâgeuse. Mais l'esprit n'ayant que faire de ces considérations temporelles ou mystiques, il tourne les pages de ce divin bouquin, d'un auteur qu'il a appris à aimer avec parcimonie. C'est donc en m'enfermant dans ce monastère, loin de toute tentation divine, pour la boisson on utilise les vieilles méthodes à savoir soigner le mal par le vin c'est divin, que je compte me ressourcer et entretenir une discussion intime et engagée avec mon esprit. Quel état d'âme que de vouloir ainsi se flageller pour essayer de s'élever spirituellement. La tentation spiritueuse est bien trop grande, les blondes allemandes bien trop tentantes. Alors mon esprit s'égarera volontiers avec Goldmund et Narcisse. L'un sera futur moine, futur abbé, futur pape peut-être, l'autre juste un étudiant abandonné aux portes de ce monastère pour lui permettre de rentrer dans les ordres.

Mais, le vouloir ne suffit pas. Il faut y être destiné. Et Goldmund a visiblement, avec ses boucles blondes aussi dorées qu'une pinte de Paulaner, d'autres desseins. Narcisse, son maître, petit scarabée un jour tu deviendras grand, le révèle à lui. Il n'est pas fait pour les ordres. S'ensuit alors une longue errance de pauvreté, de marche, et de baise. Oui, tu as bien lu, ton esprit ne s'égare pas dans de vils fantasmes. Goldmund a la passion, celle des femmes, des grosses, des belles, des laides et des paysannes, des vierges et des peu farouches. Il les aime toutes, à part égale, et ne s'égare pas dans les détails des mensurations. Il prend son pied, avant de reprendre la route. Les seins son dessein.

Quoi ? Ce ne serait pas ça la morale de l'histoire immorale. Désolé mais je ne philosophe qu'après la seconde pinte, et comme j'ai cassé ma bouteille dans le frigo de ma cellule de méditation, je me laisse plus guidé par le cheminement de Goldmund que par la compréhension de son patrimoine familiale, à savoir que la conduite de Goldmund est due à l'absence de figure maternelle dans ses souvenirs d'enfance. Comme tout Hemann Hesse, derrière l'histoire romancée, se cache de quoi méditer sur sa propre condition et sur ses errements et ceux de ses semblables.

Parce que lorsque Goldmund multiplie les frasques sexuelles dans les étables, les chambres de domestiques ou les suites de châtelaines pubères et encore vierges pas pour longtemps, il découvre l'art. La sculpture en particulier d'une statue d'un saint dont j'ai oublié son nom entre deux seins qui illuminera son chemin. Goldmund deviendra sculpteur pour reproduire ainsi l'aura et la lumière que Narcisse a su illuminer dans sa vie et sa voie. Les seins son dessin.

Sa tâche achevée, se pose l'éternelle question du recommencement. le chef d'oeuvre terminée doit-il le pousser à s'abaisser vers d'autres basses besognes ou reprendre la route. Une question que chaque être humain se pose. Se contenter de ce que l'on a ou partir découvrir de nouveaux horizons, de nouveaux culs ou de nouvelles raisons d'aimer. La longue errance reprend son chemin, et avec elle les horreurs de la peste, de la mort, des massacres, d'une vie de bison. Ainsi va la vie humaine et ses errements bestiaux. Mais si Goldmund peut compter sur la présence de Narcisse, sur qui moi puis-je compter pour trouver ma voie ?
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Narcisse et Goldmund, ce sont deux facettes de l'existence : la spiritualité d'un côté et les passions triviales de l'autre. "Hesse aspire à une civilisation idéale où règnerait un équilibre entre spiritualité et animalité" peut-on lire en 4ème de couverture. Et c'est exact. Mais ne peut-on pas retrouver ces deux aspects de personnalité dans un même individu ? La vie se résumerait-elle à ce choix avec les regrets du manque de l'autre facette qu'éprouvent nos deux héros ? Je pense pour ma part que Narcisse peut se retrouver dans Goldmund et inversement. Une existence humaine pleine doit se confronter aux contingences, aux passions, mais aussi trouver en soi une force mystique qui les transcende et aboutit à un accomplissement. La problématique de Hesse me touche personnellement. A chaque livre quasiment, je retrouve ce questionnement qui m'amène à ces réflexions stimulantes pour l'esprit et trouver un sens à ma propre existence. Un livre que je recommande bien évidemment à tous ceux que cette réflexion intéresse, surtout en nos temps troublés.
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Philosophe presque autant que poète et romancier Herman Hesse ,aspire à une civilisation idéale où il y ait équilibre entre spiritualité et animalité .L auteur est lauréat du prix Nobel en 1946 .
Ce désir de conciliation des contraires se retrouve dans toute l ' oeuvre de cet écrivain ,comme ici dans ce livre : Narcisse et Goldmund .
l''auteur a situé l ' histoire allégorique du moine Narcisse et de l ' artiste Goldmund ,au temps de l 'Allemagne du Moyen-Age .
Ce roman nous montre que novice au couvent de Mariabronn , Narcisse se distingue par son intelligence et sa culture .On lui confie Goldmund ,écolier que son père destine à l ' état monastique pour expier le passé tumultueux de sa mère .
Narcisse s 'attache à cet enfant bien doué .Il sent que sa vocation n 'est pas le cloître et l 'aide à choisir sa vie .
C 'est alors pour Goldmund la vie errante : aventures galantes dont il attend éperdument qu ' elles manifestent le visage idéal de la femme .Une heure de sagesse le décide à se faire sculpteur : l 'art sera une façon de chercher le beau .
La double quête ,de Narcisse et Goldmund ,reflête les préoccupations de l ' homme ,écartelé entre les exigences de l'âme et du corps .
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Ce roman est un petit bijoux, mieux, une perle rare…
Mieux que « le jeu des perles de verres », premier texte que j'ai lu de H.Hesse, juste avant celui-ci. (clin d'oeil)
Perle de délicatesse, de finesse dans l'écriture,
Perle dans la peinture des émotions, également toute en subtilité,
Perle dans le rendu de l'atmosphère médiévale, qui m'a fait penser à la magie et au mystère que j'ai ressenti en voyant le film « au nom de la rose » tiré du roman de U. Eco. Avec moins d'étalage d'érudition, plutôt une grande modestie.
Bref ! vous l'aurez compris, j'ai beaucoup apprécié cet ouvrage.

Pour donner une idée du contenu :
Roman d'apprentissage, réflexion sur la condition humaine et la condition
d'artiste, hymne à la vie sous toutes ces formes, c'est une histoire riche, dense, pleine de péripéties qui enseigne la tolérance et qui, en plus, est racontée avec l'élégance de langue de H.Hesse. ( également présente dans « le jeu des perles de verre », mais peut-être ici, en plus, le traducteur est-il un excellent écrivain)

L‘histoire :
Au cours de la première partie assez brève, nous assistons à la rencontre, puis à la naissance et au développement d'une noble et indéfectible amitié entre deux personnalités charismatiques, d'une part Narcisse, jeune homme au caractère affirmé ; Il est novice et très jeune professeur de grec et d'autre part, Goldmund, adolescent hypersensible au psychisme fragile, confié par son père au monastère pour y être éduqué. le premier à la vocation, il choisira la claustration, l'ascétisme, la vie vouée à l'obéissance aux dogmes religieux, le second, encore une glaise fraîche, est indéterminé, il finira, sous l‘influence de Narcisse, par choisir la vie au milieu des hommes, le libertinage, et d'être son propre maître, pour autant qu'on le soit jamais. C'est l'occasion pour H.Hesse, d'évoquer l'apparente dichotomie chair/esprit, au travers du destin aventureux de Goldmund qui part à la recherche de son identité et d'une raison de vivre.

Puis est développé une seconde partie, très importante en terme de nombre de pages. Elle est consacrée aux choix de vie de chacun des deux protagonistes, et essentiellement aux errements de Goldmund au travers de cette contrée. Aujourd'hui le jugement de Goldmund serait vite fait, un parasite et un fainéant, il serait condamné pour avoir choisi la condition inconstante et sans responsabilités de clochard. On le suit dans ses pérégrinations sans but, laissant libre court à ses instincts et ses plaisirs avec une candeur effarante, au gré des opportunités de son vagabondage. S'enrichissant et apprenant la complexité de la nature humaine à chaque aventure ou mésaventure. Jusqu'au moment où, confronté à la peste noire, il prend subitement conscience de sa nature profonde.
Apparaît alors sa volonté de devenir sculpteur. En effet, il désire être capable d'immortaliser, non seulement ce qu'il a vu mais ce qu'il a ressenti, en terme d'émotions.Un désir fort de synthétiser du beau.
C'est alors la dernière partie de l'ouvrage. Nous suivons son cheminement et son accession au statut de sculpteur, l'accomplissement de l'oeuvre de sa vie et son retour au monastère, auprès de son ami, pour y vivre ces derniers jours.

Les thèmes :
Un des thèmes de prédilection de H.Hesse, semble être la conquête de soi – mais plus encore, je dirais, la conquête d'un « équilibre de soi » - se connaître, connaître ses dispositions ou talents aussi bien que ses besoins et leur singularité - et la nécessité d'opérer des choix de vie forts, en fonction de cette connaissance, pour ne pas gaspiller son existence, la rendre utile.
A chacun la vie qui lui convient. le courage réside dans le ‘choisir' pas dans le choix. L'essentiel semble être de considérer qu'il y a pour chacun à trouver son propre équilibre entre spiritualité et exigences de la chair. Il n'existe absolument pas de solution universelle. C'est un travail constant, un combat sans fin, et chaque jour à recommencer.

J'aime H.Hesse car c'est un humaniste, il n'y a pas de jugement de valeur chez lui, il donne à voir et à réfléchir.
H.Hesse aurait-il donc toute sa vie, cherché à atteindre cette fameuse ataraxie, cette tranquillité de l'âme si chère à certains philosophes. Peut-être… peut-être l'a-t-il trouvé, peut-être aussi a-t-il simplement atteint son propre équilibre, un état de bien être, de satisfaction générale. Et peut-être, finalement, a-t-il atteint durant les dernières années de sa vie, sa propre harmonie.
En tout cas, le résultat de son travail est ici une délectation.





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