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EAN : 9782882502674
241 pages
Noir sur blanc (09/02/2012)
3.12/5   8 notes
Résumé :
« Les livres ne valent d’écrits que si l’on a franchi l’ultime frontière de la honte. »
Apprenti chauffeur routier, puis apprenti reporter grâce aux instances du Parti qui voudraient faire de lui un délateur professionnel (peine perdue), Marek Hlasko est propulsé dans le monde des lettres par quelques vampires édentés, mâles et femelles, qui espèrent se revivifier du sang d’un beau jeune homme, irrespectueux et séduisant en diable. Il écrit La Belle Jeunesse ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Il est bien étrange de découvrir cinquante ans après sa mort un écrivain d'après-guerre décrit comme « l'idole d'une génération » en Pologne mais totalement méconnu ou laissant le sentiment d'avoir été oublié à l'Ouest. J'ignorais l'existence de Marek Hlasko jusqu'à ce que je tombe presque par hasard sur ce titre ironique La belle jeunesse évoquant la vie brève et fulgurante de ce « James Dean polonais ».
Loin d'offrir un récit clair et ordonné, Marek Hlasko se met en scène dans ce récit autobiographique avec une succession d'anecdotes personnelles ou pas qu'il qualifie « d'inventions vraies », de dialogues et de réflexions drôles ou désabusées concourant à mettre en relief une vie de galère. Avoir vingt ans durant ces années cinquante n'a rien de romantique, on découvre un auteur qui mène une vie de loup solitaire dans un pays qui confisquait tout idéal individuel et n'offrait comme échappatoire qu'une bouteille de vodka. Une perpétuelle errance qui donne à toute chose le goût prématuré de l'amertume.
Ce n'est pas un auteur qui a passé sa vie derrière sa table d'écrivain. Il a commencé à seize ans une vie de labeur et de petites combines, d'ouvrier manutentionnaire à agent de délation point de départ de son éveil aux impénétrables voies littéraires. A une époque où régnait le réalisme socialiste qui célébrait la fiction installée par le régime, l'oeuvre de Hlasko baignée de la distance héritée de ses expériences semblait offrir une perspective nouvelle. Son autobiographie met en lumière un regard lucide et authentique sur le monde environnant, révélant l'abîme qui séparait la rhétorique du communisme d'époque et la réalité vécue par la population : ce qui dévore réellement les gens, le quotidien qui érode, les petits arrangements auxquels on se résout, les combats que l'on mène et les défaites que l'on subit.
Pour autant, ce n'est pas un auteur engagé, « moi je n'ai rien contre les commies [communistes]. Tant qu'ils feront leurs saloperies et que je pourrais m'en servir pour écrire ça me va ».

C'est un récit chaotique, peut-être parce que ce texte est un vrai moment de liberté que l'auteur passé à l'Ouest a écrit sans aucune limite, ce récit ayant dés lors les qualités de ses défauts. Mais surtout il est à l'image du parcours d'un auteur qui laisse l'impression d'habiter des mondes provisoires. Sans cesse en vagabondage, même passé de l'autre côté de la frontière, Marek Hlasko est un auteur qui se montre passablement désenchanté en même temps que résolu à ne pas lâcher le morceau pour peu que l'on réduise son espace étroit de liberté.
Les pages défilant, son oeil devient toutefois féroce et la plume incisive vis-à-vis de la faible opposition voire l'hypocrisie de la scène littéraire polonaise comme de l'indifférence de l'Ouest face au sort de ses compatriotes.

Cette autobiographie ne présente pas un grand intérêt en soi, si ce n'est la prise de conscience d'un jeune homme frustré de vivre dans une fiction, le constat d'un monde absurde face auquel seuls l'apathie et le cynisme semblent faire le poids. Considérant l'ensemble des anecdotes plus ou personnelles, le texte embrasse en fait un destin plus vaste que celui de l'auteur, il est surtout question de la République Populaire de Pologne, « un camp de concentration sans barbelés ni chiens ».
A dire vrai, il m'est difficile de prendre conscience de l'aura de cet auteur inconnu avec les perspectives de l'époque car l'écriture désinvolte laisse la part belle à une légèreté et à un état d'esprit railleur. En ce sens le chapitre consacré aux différentes astuces pour profiter de l'asile à l'Ouest est savoureux, ce passage instructif et très drôle est ce que je retiens de l'auteur car il met en lumière un esprit brillant que j'aimerais bien retrouver dans un roman.
Récit inégal mais qui se lit sans déplaisir.
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Un livre particulier, très dense à lire, parfois confus, déroutant... à l'image de son auteur : tout part dans tous les sens, Marek Hlasko écrit sur sa jeunesse, ses petits boulots - toujours assortis de petites combines -, la Pologne et le monde bipolaire des années 50, ses rencontres etc. Et rien ne semble trouver grâce à ses yeux.

D'après la 4e de couverture, je m'étais attendue à une critique plus structurée de la situation politique du "bloc de l'Est", mais M. Hlasko fait tellement passer son goût de la provocation et de la dérision au-dessus du reste qu'on ne sait trop penser de ce qu'il écrit... "Moi je n'ai rien contre les Commies. Tant qu'ils feront leurs saloperies et que je pourrai m'en servir pour écrire, ça me va."

De fait, on découvre rapidement que l'auteur est obnubilé par la quête de l'oeuvre littéraire, cela le transcende et la réalité historique ou sa vie sont de simples munitions qu'il espère ré-utiliser dans un LIVRE. Il admet que si à 40 ans, il n'a pas réussi à écrire un bon livre, alors il "passera à autre chose" et pourra exercer un des 17 métiers qu'il connaît (maçon, chauffeur...). Il écrit ces lignes à l'âge de 32 ans, ce qui lui laisse "huit années d'essai". Marek Hlasko a fait de sa vie un compte à rebours pesant.
Il est difficile de saisir le don littéraire de cet auteur au travers d'un récit autobiographique, fourre-tout, et déroutant - il aurait fallu pouvoir lire une de ses nouvelles.

Et l'auteur (qui paraît-il était le sosie de James Dean) s'écoute parler, ou plutôt écrire, en émaillant ses petites histoires de références cinématographiques, et tant de nombrilisme m'a fatiguée. Ainsi que des remarques gratuites ou volontairement provocatrices comme : "Les bourreaux m'ont toujours intéressé. Je suis curieux de savoir à quoi ressemblent les gens qui arrachent les ongles et les cheveux aux autres ou qui leur cassent les côtes. On m'a mis en relations avec lui et je suis allé le voir. C'était un monsieur qui avait l'allure d'un fanatique et il le savait. Il discourait bien, c'était un excellent comédien, et si je devais le comparer à un acteur ce serait à Marlon Brando, avec sa façon de s'exprimer très lentement, comme s'il faisait un immense effort (...)."

A noter quand même, son insolite aveu que son personnage préféré, auquel il s'identifie pleinement, est "Goofie the dog" (le chien Dingo en français). Et M. Hlasko d'ajouter : "J'espère qu'on ne verra là ni orgueil ni exagération si je déclare :"Goofy c'est moi", à l'instar de Flaubert et de son "Madame Bovary, c'est moi".

Dans sa période la plus "goofiesque" et pro-américaine, il ("I, Goofy the dog") demande à s'enrôler dans l'armée américaine, et apprend qu'il lui faut d'abord obtenir un visa et émigrer... Certes, M. Hlasko livre des commentaires intéressants sur l'actualité internationale vue depuis la Pologne ou de son exil, sa découverte de la littérature américaine... Mais le sérieux est rapidement rattrapé par des considérations "absurdes" : Hlasko s'en va ainsi débattre de la meilleure façon, pour un écrivain exilé en Europe, d'abuser du système du pays hôte, en Allemagne notamment, afin d'obtenir le coucher et le couvert : "simuler l'alcoolisme coûte cher et prend du temps; la meilleure solution reste donc le suicide." (qu'il faut bien sûr rater !).

La partie du récit qu'il consacre aux adaptations selon lui ratées de son roman m'a peu intéressée. Encore trop de nombrilisme... Plus intéressante fut le rapport avec l'administration pour obtenir un visa pour l'Europe, puis un visa de retour en Pologne : mais pour quoi donc ? (on ne saura pas vraiment : esbroufe ou sincérité?). de fait, à la lecture de l'ouvrage, on finit par réaliser que l'auteur a souvent mené le lecteur en bateau en s'inventant par exemple plusieurs mariages, que n'a-t-il inventé d'autres ?

Ce livre comporte beaucoup de regrets, de déceptions : l'une des plus grandes qui semble avoir marqué l'auteur est le peu de considération qu'il recueille à l'étranger en tant qu'écrivain opposant politique. Comme il le dit, "on ne s'intéressait à la Pologne que comme à une banlieue de la Russie".
Marek Hlasko est mort 3 ans après la rédaction de la belle Jeunesse, d'un mélange d'alcool et de drogues. Il lui restait encore 5 ans pour écrire "le bon livre" dont il rêvait. La Belle Jeunesse est finalement un roman très amer.

http://coquelicoquillages.blogspot.fr/2012/03/marek-hlasko-la-belle-jeunesse.html

Lien : http://coquelicoquillages.bl..
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Cela commençait plutôt bien, avec cette façon unique de l'auteur, mélange de cynisme et d'autodérision, de décrire petits emplois sous payés, petites arnaques et contrebande, ainsi que des rencontres avec ce que la Pologne comptait d'écrivains ou d'artistes dans les années 50, parmi lesquels Roman Polanski. Si je me raccroche à ce nom connu, c'est que pour moi tous les autres étaient des inconnus, heureusement nantis chacun d'une petite notice en bas de page. Hélas, cette accumulation de noms propres a commencé à me lasser un peu. Les souvenirs de Marek Hlasko s'entassent dans le livre sans véritablement de construction, alternant avec ses points de vue sur la Pologne et ses rapports avec les autres pays, sur la vision des polonais dans le cinéma américain, sur les autres écrivains polonais, et ce jeune homme ayant un point de vue sur tout, ou presque, et en général un point de vue négatif, son ton un peu trop sûr de lui a eu vite fait de m'agacer. J'ai eu l'impression aussi qu'une grande partie de ce livre tentait de justifier son passage à l'Ouest, rien ni personne en Pologne ne semblant trouver grâce à ses yeux. Marek Hlasko critique par exemple toutes les adaptations faites de ses nouvelles pour le cinéma… A tort ou à raison, je ne saurais le dire. En même temps, il donne l'impression d'essayer de se faire plaindre. Il n'a certainement pas eu une vie facile, et « La belle jeunesse » est désenchantée, déçue du communisme, aigrie, mais j'ai eu du mal à éprouver de l'empathie pour cet écrivain méconnu.
J'avais cru à un roman ou des souvenirs relatant un exil, mais les deux cents premières pages se passent en Pologne, les pérégrinations en pays étranger se concentrant sur le dernier chapitre.
Je dois dire que j'ai été déçue, et pourtant je tiens cette maison d'édition pour très intéressante, ce qui avait motivé mon choix. Ce sentiment ne serait pas forcément le même pour d'autres, alors, à vous de lire quelques extraits, ou le livre entier, pour vous faire votre propre idée !
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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Une quatrième de couverture bien tournée, accrocheuse, sur des thèmes potentiellement intéressants : il n'en fallait pas plus pour m'intriguer, et me faire postuler à ce livre lors du Masse Critique de janvier 2012.

L'auteur y raconte l'existence en Pologne pendant les années d'après-guerre : une existence dominée par les aberrations du régime, où corruption, magouilles et délation deviennent un art de survivre. Une existence que ne simplifie guère l'émigration vers un ouest peu intéressé par les réalités banales des pays communistes.
Il parle de littérature et de cinéma, polonais et américains surtout. de l'amour malheureux de la Pologne pour les Etats-Unis. de ses propres oeuvres, de l'insatisfaction qu'il en retire, de leurs adaptations ratées par des cinéastes sans scrupules, de l'émergence géniale de Polanski. de Bogart et de Dostoïevski.

A travers la littérature – la sienne et celle des autres –, à travers la mise en scène de ses expériences personnelles, la question centrale qu'il pose est au fond celle du réel. Comment il peut être perçu par ceux qui en font l'expérience directe, et par ceux à qui on le raconte. Comment il peut (ou ne peut pas) être transmis, traduit, lorsque les contemporains, trop souvent, refusent de reconnaitre ce miroir que leur tend l'artiste. Comment l'invention vraie l'emporte sur les faits authentiques dans le processus d'écriture.

Tous ces thèmes font de la Belle jeunesse un livre d'une grande richesse, foisonnant, plein de sève et d'amertume.
Un peu trop foisonnant, peut-être, pour que je puisse y accrocher de bout en bout. Certaines digressions sur des auteurs, des personnages officiels ou des événements rigoureusement inconnus de moi ont peiné à retenir mon intérêt, et m'ont paru un peu confuses malgré les notes de bas de page du traducteur. Les limites de ma propre curiosité sont sans doute plus en cause, ici, que le livre lui-même.
D'autres passages, en revanche, m'ont particulièrement intéressée. le réalisme désabusé de l'écriture. La sombre ironie du petit manuel de survie à l'usage de l'écrivain exilé, qui devra choisir entre folie, proxénétisme et prison pour assurer sa pitance. Les réflexions sur le réel et la littérature, surtout, qui élargissent la portée du témoignage.

Évidemment, je conseillerais avant tout ce livre à qui porte un intérêt particulier à l'histoire de la Pologne ou de l'Europe de l'est. Mais dans ce foisonnement, chacun peut trouver son compte, de quoi alimenter une réflexion sur le monde dans lequel nous vivons, son histoire récente, le pouvoir et les limites de la littérature.

Lien : http://babel-oueds.livejourn..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La démence.
Faire semblant d'être fou n'est pas une chose simple, mais on peut y arriver pour peu qu'on ait assez de courage et de caractère. Simuler la manie de persécution semble être le plus facile, cela prend toutefois du temps. Il faut se rendre dans le commissariat de police le plus proche et demander une autorisation de port d'arme. Lorsque les policiers nous demanderont dans quel but il nous faut un pistolet à quinze coups de la marque FN, nous répondrons que depuis plusieurs jours nous sommes poursuivis par un individu portant un manteau de cuir et lunettes noires, avec une canne à la main ; nous laisserons entendre qu'une lame est dissimulée dans la canne. Les fonctionnaires de police nous jetterons dehors bien sûr. Quelques jours plus tard, nous y retournerons. Nous raconterons de nouveau la même chose ; cette fois, nous sommes poursuivis par un individu avec un porte-documents à la main ; nous laisserons entendre qu'une bombe à retardement s'y trouve […]. On nous jettera dehors une nouvelle fois avec un coup de pied au cul. Ce qui compte néanmoins, c'est qu'on saura au commissariat que nous nous sommes présentés deux fois – peut-être trois, quatre.
Au début, il ne faut aller chez le médecin sous aucun prétexte : on est fou, mais on ne se rend pas compte qu'on est malade et on croit fermement être persécuté pour des raisons politiques. Lorsque nos amis nous suggéreront d'aller voir un psychiatre, nous refuserons fermement en simulant même de légères attaques de fureur. […]
Lorsqu'on simule la manie de persécution, il faut se rappeler que refuser de s'alimenter – par crainte d'empoisonnement bien sûr – peut être d'un grand secours. Ni les incitations délicates des médecins ni le fait que chaque cuillerée est préalablement goûtée par l'infirmier avant de finir dans notre gosier ne doivent nous ébranler. Il faut hurler, se démener, cracher. Au bout de quelques jours, on nous fera des intraveineuses.
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J'aime penser à ce que je projette d'écrire. Tout me semble alors aller de soi. Quand je me mets à écrire, cela se complique. Le pire, c'est de relire ce qu'on a déjà écrit et publié : ce qui saute aux yeux, c'est qu'on a gâché le sujet et, alors seulement, on voit comme il faudrait l'écrire.
Plusieurs fois, Arthur Sandauer m'a déconseillé de publier certaines nouvelles dont il avait lu le manuscrit. Je ne pense pas qu'il ait eu raison. Aussi longtemps qu'une nouvelle reste enfermée dans un tiroir, il est impossible de se rendre compte des erreurs qu'on a faites. Il faut la publier et en avoir honte. C'est la seule possibilité d'apprendre quelque chose qui nous servira à l'avenir. Si une telle possibilité existe vraiment.
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Ce qui compte, c’est que mille jours pourraient passer dans ta vie sans que tu puisses écrire une seule page. Si mon œuvre littéraire m’autorisait à donner des conseils aux jeunes, je leur dirais : chacun de vous devrait travailler pendant quelques temps pour la police secrète afin de peaufiner son style et aiguiser sa pensée. il faut écrire les livres comme on écrit une dénonciation, en ne perdant pas de vue qu’une délation stupide peut surtout conduire à notre propre ruine.


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En Israël, j'ai habité avec les pires épaves mais, là-bas, je n'ai jamais rencontré de personnes aussi désespérées, féroces et malheureuses qu'en Pologne.
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En toute logique, peu de peuples ont autant d’atouts pour faire de la bonne littérature que nous, les Polonais. Nous avons tout : malheurs, meurtres politiques, occupations sempiternelles ; dénonciations, misère, désespoir, alcoolisme - que nous faut-il de plus, bon Dieu ?
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