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sur 398 notes
Le chef d'oeuvre de Hrabal : un cauchemar éveillé entre délire alcoolique et chant d'amour à l'art. Drôle, dérangeant, caustique, tout à la fois...
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Relecture salutaire.

Bohumil Hrabal est un écrivain tchèque tout à la fois très connu et confidentiel. Connu et souvent considéré comme "l'autre" grand écrivain tchèque de la fin du XXe siècle (à côté de Milan Kundera), et confidentiel parce qu'une grande partie de son oeuvre a été publiée initialement sous le manteau, qu'il fut interdit de publication (de 1970 à 1976 puis de 1982 à 1985, me souffle Wikipedia), que certains de ses ouvrages ont été pilonnés. Confidentiel également car, finalement assez peu connus sous nos cieux, les titres de ses livres, et surtout de celui-ci, se transmettaient il y a quelques décennies comme de précieuses confidences. J'ai ainsi eu connaissance de l'existence de cette Trop Bruyante solitude par une amie qui me donnait alors l'impression de se livrer plus que lorsqu'elle m'ouvrait les draps de son lit quelques semaines plus tôt... mais je m'égare. Je dois dire que cette première lecture, il y a environ vingt-cinq ans, m'avait laissé pour le moins dubitatif, et que l'étiquette de "chef d'oeuvre de l'auteur" me semblait pour le moins exagérée.

Qu'en dire aujourd'hui, après cette tardive relecture ? Une oeuvre complexe, imagée, dont il semble clair qu'elle est aussi (mais pas seulement) une attaque féroce contre un régime absurde. Toutefois, la dénonciation est en filigrane : ce n'est jamais simpliste, évident ou transparent, mais plutôt diffus, comme une ambiance qui naîtrait de la confrontation incessante entre une trivialité à la limite de la grossièreté et une poésie indéfinissable. Tous les chapitres ou presque commencent par la même accroche, mais tous apportent une nouvelle pierre à l'édifice, et nous conduisent à l'inéluctable conclusion. Les parallèlles abondent, et, si j'osais, finissent par se croiser, du destin des souris à la guerre des rats, des métaphores obscures à la sombre cave où Hanta, écrasé par son destin, illumine les recoins et quelques instants de ses précieuses trouvailles littéraires, philosophiques ou artistiques.

Inclassable, exigeant, mais aussi salutaire témoignage, ce livre mérite à mon sens le petit effort nécessaire à sa découverte.

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Pour le résumer rapidement, Hanta travaille chaque jour de sa vie à recycler de « vieux papier » à l'aide d'une presse manuelle : il transforme en balle décoratives les plus grandes oeuvres littéraires que l'humanité a produite, censurées par le régime totalitaire nazi. L'histoire se déroule pendant la seconde guerre mondiale et sera publiée clandestinement en République Tchèque en 1976 alors que le pays souffre du totalitarisme communiste. Cela dit, plus qu'un acte de résistance politique, Une trop bruyante solitude condense en quelques 121 pages toute la noirceur de la condition humaine, celle que l'on retrouve dans le Joseph K. de Franz Kafka ou dans le prisonnier des Carnets du sous-sol de Dostoïevski. L'effet répulsif qu'a provoqué en moi les premières descriptions du quotidien de Hanta a bientôt laissé place à la compassion puis à l'empathie la plus forte qui soit devant ce (non-)combat face à l'inévitable. La résistance a-t-elle seulement eu lieu ? La vie de Hanta n'est-elle pas qu'une lente capitulation ? Ou, au contraire, un énorme cri de libération intérieure en écho à l'oppression physique de l'environnement externe ?
Lien : https://synchroniciteetseren..
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je croyais que ce mince livre de 120p meublerait agréablement 3h de transports en commun, il en fut autrement. Mince, peut être mais très dense, très riche en allusions, en réflexions philosophiques de Lao-Tseu à Nietzsche, en passant par Hegel ou Schopenhauer, comme en sous-entendus politiques qu'on aime chercher et décoder.
Roman sentimental aussi, amours passées, inachevées...

Hymne aux livres, paradoxal, puisqu'il s'agit de destruction. Hanta le héros, travaille dans une presse, au pilon, pour le recyclage du papier. Tout papier, aussi bien les beaux exemplaires reliés venant d'une bibliothèque sacrifiée que du papier de boucherie abritant des essaims de mouche. Livres d'art, aussi. Hanta sauve certains livres, il ne les sacrifiera qu'après les avoir lus, les avoir soigneusement empaqueté. L'ouvrier est donc d'une grande culture.

Lecture lente, donc pour décoder les sens cachés. Sens cachés en absurdie quand interviennent les guerres des rats ou les villes de souris. Je pense alors à Kafka.

Amour du travail bien fait, amour de l'ouvrier pour sa machine la presse quand se construit une monstrueuse usine de recyclage de papier où les ouvriers "jeunes gens nouveaux" d'un idéal socialiste travaillent machinalement avec des gants, ne touchent plus aux livres qui sont recyclés industriellement, boivent du lait et rêvent aux vacances au soleil du comité d'entreprise. Irruption d'un monde nouveau!
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En exergue:

"Seul le soleil a droit à ses taches ":Goethe

L'histoire elle-même est déjà racontée dans les critiques précédentes, l'histoire de cet Hanta qui dit de lui:

"Je suis un peu le Don Quichotte de l'infini et de l'éternité, et l'infini et l'éternité ont sans doute un faible pour les gens comme moi.."

C'est plus du domaine du conte,ou de la fable, à mon avis, un conte burlesque et sombre dans lequel la fin a sa propre logique .
Avec , constamment, une grande dimension poétique toujours présente,et ce ,même s'il raconte des choses absolument atroces, en particulier l'histoire de la petite tzigane dont le prénom clôt le récit.

C''est un texte écrit dans un contexte bien particulier, mais le texte est tellement fort en lui-même que même sans connaître le contexte, il peut exister seul et avoir une dimension universelle.

A un moment, on retrouve une phrase du Talmud (" Nous sommes semblables à des olives, ce n'est qu'une fois pressés que nous donnons le meilleur de nous même.") qu'il faut resituer dans son contexte ( d'où la longue citation .. )car cette phrase est importante finalement pour montrer l'intelligence-et l'ironie ..noire- du texte, jusqu'au bout, jusqu'à cette fin terrible.

Très beau livre.
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Suite à ma lecture de Jonas Fink tome 2 : le libraire de Prague, il m'a été suggéré de relire "Une trop bruyante solitude" de Bohumil Hraba, un livre lu il y a une petite quarantaine d'années. J'avoue que mes souvenirs étaient plutôt très flous.
Cette lecture est une vraie redécouverte.

Prague, les sous sols de Prague où dans les égouts, deux clans se repoussent en une guerre absurde, des mots qui claquent, qui font très mal et qui sont toutefois écrits "des anges déchus travaillent dans les caves, des hommes cultivés, vaincus dans une bataille qu'ils ne menèrent jamais, mais qui, malgré tout, ne cessent de perfectionner la description du monde".

Prague, les sous sols de Prague où des tombereaux de livres juste édités sont détruits dans la machine à pilonner, des accusations implacables contre la bêtise : "ces oeuvres là, pourtant, quelqu'un avait dû les écrire, quelqu'un les corriger, les lire, les illustrer, puis les faire imprimer avant de les relier; et quelqu'un d'autre avait dû décider qu'elles n'étaient pas lisibles, les censurer, les expédier à la décharge".

Prague, les sous sols de Prague où une gigantesque machine prenait la ville dans sa gueule, une machine qui avec ses mâchoires gigantesques dévoraient les immeubles, "écrasaient, détruisaient, rejetaient devant elles tout ce qui pouvait leur barrer la route".

Mon édition datant de 1983, propose des versions différentes de la fin ... curiosité mais je crois que la fin d'une histoire n'est pas le plus important ... c'est plutôt le contenu de ce qui c'est passé qui lui, ne change pas ... et c'est certainement ce qui fait le plus de mal !
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Quel petit livre étonnant ! Truffé de références littéraires et artistiques, il envoûte par son vocabulaire répétitif et son personnage principal atypique, ancré à sa presse autour de laquelle gravite sa propre interprétation de la vie et du monde.
Une belle découverte.
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Hanta écrase de vieux livres sous une presse depuis trente-cinq ans. L'histoire se passe à Prague dans le temps de la deuxième guerre mondiale. Parmi les nombreux livres qui s'accumulent, Hanta parviendra à sauver quelques titres censurés.

J'ai été quelque peu déçue par ce livre. J'ai eu de la peine à le terminer même s'il ne fait que 125 pages! Certains passages m'ont plu surtout ceux qui me faisaient découvrir la culture tchèque, mais mon intérêt n'a pas été maintenu. Je décrochais de l'histoire souvent et perdais le fil.
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La première phrase annonce la couleur : "Voilà trente cinq ans que je travaille dans le vieux papier et c'est toute ma love story".
Hanta, personnage principal et narrateur, nous plonge dans l'univers sale et collant du recyclage papier, où le travail se fait les mains nues dans le pilon, dans les vieux emballages sanguinolents des boucheries, les tâches d'encre, les pintes de bière, et les souris endormies. Mais Hanta aime passionnément ce travail parce que chaque jour, il découvre la beauté au milieu de toute cette brutalité : des livres lui apparaissent et il s'y laisse emporter. Il cite Hegel ou Nietzsche et discute avec Jésus et Lao Tseu. Dans chaque boule de papier compressé qu'il forme avec sa presse, il depose un de ces précieux livres, il les entoure de belles reproductions picturales ; il crée à sa manière une autre vie pour ces mots voués à la destruction.
Jusqu'au jour où apparaît une toute nouvelle machine, gigantesque et rapide, qui impose un travail à la chaîne sans plus de souci des mots, de la découverte, ni de l'homme...

Parlant de découverte, quel étonnement que ce tout petit livre de Bohumil Hrabal ! Dans une langue à la fois touchante, presque poétique et frappante, il tape le rythme de la machine et délivre un tragi-comique talentueux qui semble nous dire : "Attendez, n'allez pas si vite, réfléchissez". Hanta, ce personnage crasse et alcoolique, prend pourtant le temps et chérit encore l'être et la culture comme le coeur de toute chose - à l'image de ce livre qu'il place au centre des papiers recyclés. Mais la société moderne, avec un toujours plus généralisé, abrutit, asservit et retourne en arrière à force d'avancer sans considération. Les nouveaux ouvriers ne lisent plus les mots qu'ils vouent au néant, et les enfants ne connaissent plus le livre avec délectation. L'homme, lui-même, devient dispensable et tout un humanisme s'éteint avec Hanta.
Un très beau texte sensible, parfois halluciné, mais terriblement éclairé qui prête à la réflexion, au rêve, à la différence (oserais-je dire à la résistance?). A découvrir de toute urgence !


Lien : http://lapetitemarchandedepr..
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Trente-cinq ans durant, il a écrasé du vieux papier à la presse mécanique. Sysiphe, le fils d'Éole, était condamné à pousser une pierre au haut d'une montagne, d'où elle finissait par retomber sempiternellement. le narrateur, lui, reproduit les mêmes gestes, au fond d'une cave, enseveli sous les vestiges de papiers de toute nature, les pieds dans un magma innommable, retourné, sous l'action de l'humidité, quasiment à la bouillie de cellulose originelle, côtoyant les souris, environné d'un nuage de mouches agglutinées sur l'immonde provende sanguinolente d'emballage de boucherie. L'homme n'est pas insensible à cette matière destinée au rebut, il ouvre les volumes, sélectionne les reproductions d'oeuvres d'art qui orneront le produit de son labeur, des balles de papier compressé; son appartement croule littéralement sous les livres qu'il a sauvé de l'holocauste.

Une Trop bruyante solitude est une oeuvre du ressassement, traduisant le soliloque d'un homme solitaire. Ce remâchement du propos, ce processus digestif de rumination, s'inscrit dans un univers fermentant et grouillant, où règne de manière obsessionnelle - ce livre se prêterait fort bien à cet égard à une analyse psychopathologique, le déchet, la matière en putréfaction, l'excrémentiel. C'est très spécial, çà n'est guère ragoutant, il stagne sur ce court opus un remugle permanent.
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