Quand
Christopher Isherwood rédige
Octobre en 1979, il se laisse encore une espérance de vie de huit ans et demi... Malheureusement cette perspective sera revue à la baisse, il lui reste en fait à peine plus de sept ans puisqu'un cancer de la prostate allait se déclarer en 1981. Peut-être sentait-il malgré tout comme une urgence quand lui vint l'envie d'écrire quelques pages d'un journal intime.
Christopher Isherwood qui n'a de toute sa vie littéraire jamais trop rien fait comme tout le monde décide, à contrario de ceux qui publient des journaux intimes s'étalant sur de longues périodes, de le composer sur un mois tout juste, celui d'
octobre 79.
Un mois seulement donc, mais attention, de manière rigoureuse : Une entrée par jour. Alors, pendant ces 31 jours, l'auteur du sublime
Un Homme au Singulier se raconte au présent : la vie à Los Angeles, les promenades en bord de plage et les courses à l'épicerie du coin où son oeil acéré saisit le comportement humain dans ce qu'il a tantôt de moche, tantôt de bon et généreux, les sorties au théâtre, les expositions... Il nous raconte
Don Bachardy, peintre de talent et compagnon de ses vieux jours. Esthète, il évoque également la grande place que tient l'art dans sa vie, la littérature, les artistes contemporains... Mais il revient aussi sur son passé, l'enfance à Londres aux côtés de sa mère, sa jeunesse berlinoise, les amis disparus, ceux, beaucoup plus rares qui sont toujours là, les bons souvenirs et les moments difficiles car malgré le regard bienveillant qu'il porte dans le rétroviseur, quand à quelques mois de ses 76 ans
Christopher Isherwood nous laisse jeter un oeil sur son univers intime, il ne cache pas ses peurs et les angoisses liées à l'âge.
Un journal qui se dévore et dont finalement on regrette de ne pas s'être astreint à ne lire qu'une entrée par jour... Un mois entier avec
Christopher Isherwood, ça aurait eu de la gueule.
Il transforme ce qui aurait pu vite devenir le quotidien barbifiant et soporifique d'un homme âgé en une chronique passionnante, douce et sensible qui nous prouve une fois de plus, si besoin en était, la classe et la grandeur de cet écrivain génial dont on ne peut que continuer à déplorer le manque de reconnaissance que pourtant, ô combien, il mérite.
Bien que l'approche stylistique soit tout à fait différente, je placerais cet admirable mois d'
Octobre sur le même échelon que
Rencontre au bord du Fleuve, c'est à dire très haut.