C'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé Merit dans ce deuxième tome de la trilogie "
La Mémoire du monde" !
Petit rappel : après avoir bu une potion pour échapper aux agresseurs de son grand-père, Merit est devenue immortelle et parcourt les siècles et les continents, s'occupant de sa famille et cherchant des réponses à ses multiples questions : Dieu existe-t-il vraiment ? Comment atteindre
le bonheur ? Pourquoi vivre ?... Nous avions laissé Merit à la fin du tome I alors qu'elle se trouvait à Alexandrie chargée de l'éducation des enfants de la dynastie des Ptolémée, notamment de Cléopâtre. On la retrouve à Rome où, devenue la fille adoptive de
Cicéron sous le nom de Marcia Tullia Cicero, elle veille après la mort de Cléopâtre sur le destin de Ptolémée Philadelphe, fils de la reine et de
Marc Antoine. Elle n'en oublie pas pour autant ses filles de Judée dont Myriam qui accouche de celui qui deviendra Jésus et dont elle apprend, à son retour de Bretagne, où se sont installés certains membres de sa lignée, qu'il est mort, crucifié. de retour à Rome sous le règne de Néron, elle tombe amoureuse de Lucia, la fille adoptive du futur empereur Vespasien, qui meurt en martyre chrétienne. Revenue à Alexandrie, elle y devient bibliothécaire copiste de la Grande Bibliothèque et y rencontre Hypatie. Des siècles plus tard, on la retrouve à Grenade, Cordoue et Bagdad. Elle voyage jusqu'en Chine et, vers l'an mil, elle devient moine bénédictin et participe à la croisade de Godefroi de Bouillon avec le comte Gilles d'Aughan qui devient son époux et avec lequel elle vivra jusqu'à sa mort à la cour d'Aquitaine. Cette vertigineuse et impressionnante remontée dans le temps, c'est à une jeune étudiante qu'elle en confie le récit, sur un lit d'hôpital, une jeune fille qui pourrait être l'une de ses descendantes !
Ceux qui ont aimé le tome I de cette trilogie apprécieront également ce tome II, car nous y retrouvons une Merit toujours aussi courageuse, sensible, s'occupant de sa nombreuse famille, à la recherche de réponses et de la personne à qui elle pourrait donner sa seconde dose d'élixir d'immortalité, lui permettant de l'accompagner dans sa traversée des siècles. Une héroïne plongée dans
L Histoire, puisque l'auteur parvient brillamment à toujours la raccrocher aux événements historiques sans que cela semble artificiel ou tiré par les cheveux. L'épisode de l'incendie de Rome en est un bon exemple.
Une petite différence avec le tome précédent : ce deuxième tome me semble plus sombre, comme si les temps devenaient plus durs, ce qui rend Merit d'autant plus émouvante et étonnamment humaine ! Car elle traverse de véritables épreuves, n'ayant même pas l'espoir de la mort comme possible échappatoire à ses tourments. L'une de ces épreuves, celle qui m'a le plus émue, est la mort de sa compagne Lucia (pages 299-309)... oui, oui, vous m'avez bien lue : Merit est tombée amoureuse d'une femme ! Alors, là, je dis bravo ! D'une part parce que ce thème est rarement abordé dans le cadre d'un roman historique, d'autre part parce que cela est traité avec naturel et finesse. D'ailleurs, il est beaucoup question des femmes dans ce tome, puisque
Stéphanie Janicot tente de mettre en lumière comment elles ont été écartées de l'Histoire : en leur interdisant l'accès à la lecture et à l'écriture, les hommes ont pris le pouvoir sur les religions, puis sur les lois et donc sur
L Histoire, donnant des sociétés faites pour les hommes et dirigées par eux. Ce travail d'analyse qui est astucieusement intégré au récit sans jamais lui nuire est si intéressant que mon livre fourmille de marque-pages (voir citations) .
Une petite déception toutefois : les cartes présentes dans le tome I ont disparu du tome II. C'est dommage car Mérit voyage beaucoup (Espagne, Gaule, Bretagne, Israël, Italie...) et ces cartes permettaient de bien visualiser les déplacements, les distances, de se repérer dans l'espace et de se familiariser avec la géographie antique. Pourquoi ne pas prévoir une carte en début d'ouvrage retraçant les déplacements de l'héroïne avec le nom des villes, les dates, la localisation et les noms de sa lignée aux multiples ramifications ? Car je dois dire que si l'on n'est pas attentif et si on lit ce roman par à-coup on a tendance à s'y perdre !
Pour résumer, un deuxième volume aussi excellent que le premier, mariant avec subtilité l'intrigue romanesque et des réflexions autour de la religion, de la place de la femme dans nos sociétés, de la mort, de l'amour, le tout avec un personnage central très attachant... C'est passionnant et instructif !
Je remercie les éditions Albin Michel pour cette lecture.
Lien :
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