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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En 2007 paraissait « Janua Vera », recueil de nouvelles salué tant par la critique que le public et introduisant pour la première fois l'univers du Vieux Royaume. Deux ans plus tard, « Gagner la guerre » rencontrait un succès remarquable, propulsant Jean-Philippe Jaworski au rang des plumes les plus populaires et les plus talentueuses de l'imaginaire français. Après une série totalement différente consacrée cette fois aux Celtes de l'âge du fer (« Rois du monde ») et ayant rencontré quelques déboires éditoriaux, l'auteur revient en ce début d'année à son univers de prédilection. de la même manière que « Gagner la guerre » poursuivait l'intrigue mise en place dans « Mauvaise donne » en reprenant le personnage de Benvenuto, « Le chevalier aux épines » se veut la suite logique de la nouvelle « Le service de ces dames ». On y retrouve donc pour protagoniste Ædan de Vaumacel dont la réputation dans le Vieux Royaume a considérablement pâti de son absence lors du procès d'Audéarde de Bromael où il était attendu de lui qu'il défende l'honneur de la duchesse et réfute les accusations d'adultère les concernant tous deux. La répudiation et l'emprisonnement de la noble dame, et son remplacement par une nouvelle épouse venue de Ciudalia, sont d'ailleurs loin d'être passés inaperçus, la duchesse pouvant compter sur le soutien d'un grand nombre de partisans, à commencer par ses deux fils. C'est justement l'un d'eux, le plus jeune, qui, après avoir quitté brusquement l'ordre religieux qu'il servait afin de venir au secours de sa mère, croisera par hasard la route du chevalier aux épines. Ce dernier, navré de n'avoir pu se présenter au procès mais désireux de restaurer l'honneur de la duchesse, accepte alors de se joindre au parti du fils du duc lors d'un tournoi déterminant réunissant la fine fleur de la chevalerie du royaume. Alors que le duc aimerait laisser cette histoire de répudiation derrière lui afin de réunir ses vassaux en vue d'une attaque de grande ampleur contre les Ouroumans qui menace ses frontières, d'autres sont bien décidés à laver l'affront fait à Audéarde, quitte à précipiter le royaume dans la guerre civile.

Du côté de l'histoire en elle-même, on retrouve les mêmes qualités que dans « Gagner la guerre », avec notamment un soin particulier accordé aux intrigues de cour et des personnages machiavéliques qui multiplient coups bas et coups de théâtre. On pense beaucoup aux oeuvres de G. R. R. Martin et Maurice Druon dans la mesure où le récit se focalise avant tout sur les relations entretenues entre les grands de ce monde et sur les conséquences que leurs querelles peuvent avoir sur l'ensemble du royaume. Jeux d'alliances, trahisons, ruses, leurres, rancunes anciennes… : on retrouve les ficelles narratives classiquement employées dans ce type de récit mais il faut admettre que Jean-Philippe Jaworski le fait ici avec beaucoup d'astuce et d'élégance. Tout ce qui concerne la guerre civile en préparation et le jeu des deux partis pour attiser ou au contraire apaiser les tensions est donc parfaitement réussi. Toutefois, le roman comprend également d'autres trames narratives qui, elles, sont plus brouillonnes. le principal enjeu du récit (le tournoi et la contestation de la répudiation de la duchesse) met par exemple du temps à être exposé, les premiers chapitres étant consacré à une sous-intrigue mettant en scène le chevalier de Vaumacel poursuivant de mystérieux voleurs d'enfants. Loin d'être inintéressante, cette enquête nous permet de quitter brièvement les châteaux et belles demeures pour plonger dans le quotidien des classes laborieuses, la plupart du temps totalement invisibilisées. Seulement ces investigations occupent dans les premiers temps une place prépondérante, laissant présager qu'il puisse s'agir de l'intrigue principale. La rencontre entre Vaumacel et Blancandin finit par nous aiguiller sur le véritable enjeu mais la confusion née du flou entretenu lors des premiers chapitres persiste encore quelque temps, celle-ci étant d'autant plus renforcée que les recherches du chevalier aux épines sont brusquement laissées de côté avant que l'auteur n'y revienne finalement de façon très expéditive.

Je suis également un peu plus circonspecte concernant d'autres aspects de l'histoire, notamment ceux mettant en scène du surnaturel. En parallèle aux tractations et machinations ourdies par le parti du duc ou de la duchesse, l'auteur glisse de temps à autre des références à différentes formes de magie pratiquées dans le Vieux Royaume, qu'elles aient à voir avec le culte du Desséché, et se rapproche alors davantage de la nécromancie, ou qu'elles concernent des sortilèges plus « classiques » et, semble-t-il, communément admis par tous. Certains personnages énigmatiques naviguent également dans la trame du récit sans que l'on puisse pour le moment véritablement cerner leurs motivations ni même parfois leur identité. C'est le cas par exemple du narrateur dont on comprend qu'il s'agit d'une sorte de divinité et qui, de temps à autre, prend du recul sur le récit qu'il est en train de narrer pour nous livrer alors de curieux détails sur sa situation ou celle d'entités visiblement similaires à lui. Ce ne sont d'ailleurs pas les seuls êtres non humains qui arpentent le Vieux Royaume puisqu'on rencontre à nouveau des Elfes, dont certains déjà mis en scène dans « Gagner la guerre » ou « Janua Vera », oeuvres envers lesquelles l'auteur se fend à plusieurs reprises de discrets clins d'oeil. Bien que toutes ces sous-intrigues ne manquent pas d'attrait, leur juxtaposition porte parfois préjudice au roman que l'on ne peut s'empêcher de trouver par moment légèrement brouillon. le changement multiple de points de vue contribue parfois à renforcer cette impression, certains personnages se retrouvant soudainement mis sur le devant de la scène sans qu'on en comprenne immédiatement les raisons (les passages narrés du point de vue d'un chat – certes d'un genre un peu particulier – sont notamment un peu déroutants). L'auteur finit toutefois toujours par retomber sur ses pattes et c'est avec satisfaction que l'on voit finalement la plupart des pièces du puzzle s'emboîter.

Là où le roman se distingue véritablement du reste de la production littéraire actuelle, c'est en ce qui concerne le style. Non pas que certains auteurs ne prennent pas garde à soigner leur plume, mais dans le cas de Jean-Philippe Jaworski, on est tout de même un cran au-dessus en terme d'attention portée au caractère littéraire de son oeuvre. « Le chevalier aux épines » est en effet largement inspiré des romans courtois qui fleurirent en France au XIe et XIIe siècle, or ce genre possède un certain nombre de codes et de règles que l'auteur tentent ici de s'approprier. le registre de langue utilisé est, par conséquent, particulièrement soutenu, ce qui peut parfois rendre le texte un peu ardu mais aussi remarquablement beau à d'autres moments. On le savait depuis « Janua Vera », Jean-Philippe Jaworski possède une très belle plume et n'hésite pas à multiplier discrètement les jeux littéraires au sein de ses oeuvres. On trouve ainsi dans le roman deux fabliaux écrits par l'auteur et reprenant tous les codes de ces petits récits médiévaux écrits en vers. Au-delà du plaisir pris par le lecteur de se confronter à des historiettes aussi joliment tournées, ce type de passage a surtout pour conséquence donner davantage de profondeur à cet univers du Vieux Royaume dont le passé, la culture et la littérature ne nous semblent ainsi qu'esquissés. La chevalerie se situant au coeur des romans courtois, l'auteur a également pris grand soin de se documenter sur tous les aspects du sujet afin de se montrer le plus précis possible dès lors que sont évoqués l'équipement des chevaliers ou encore leurs techniques d'affrontement. le roman fourmille par conséquent de termes techniques ce qui peut parfois alourdir les descriptions mais a pour mérite de renforcer l'immersion. le tournoi mis en scène ici et s'étalant sur près d'une centaine de pages est très impressionnant, peut-être moins épique que ceux du « Bâtard de Kosigan » ou de « L'épée lige » mais plus documenté et donc plus réalise. L'intégralité du texte ne repose cependant pas sur le même registre de langue, notre héros étant amené à côtoyer diverses personnalités aux modes d'expressions radicalement différents, mélange d'argot et de termes familiers pour les rançonneurs rencontrés en route, ou au contraire paroles musicales et solennelles dès lors qu'il est question des elfes.

Et les personnages dans tout cela ? Autant dire qu'avec ces preux chevaliers avides de plaire aux dames et respectant un code d'honneur rigide, on est très loin du Benvenuto, le mercenaire gouailleur et roué de « Gagner la guerre ». Vaumacel est un héros ambivalent sur lequel l'auteur entretient constamment le flou, le rendant par conséquent difficile à cerner. On connaît peu de choses de son passé si ce n'est de vagues commentaires évasifs d'anciennes connaissances, quant à son caractère, la discipline stricte qu'il semble s'appliquer ainsi que son côté un peu guindé permettent rarement de s'en faire une véritable idée. le jeune chevalier désargenté Yvorin, coincé entre sa parole et sa vassalité, est plus attachant car plus transparent et moins prompt à juguler ses émotions. Il en va de même de Blancandin, le fils du duc, dont le charisme et le respect qu'il parvient à imposer à ses hommes nous le rendent vite sympathique. Et les femmes ? Elles sont bien là, toutes de nobles naissance, qu'il s'agisse de l'épouse répudiée Audéarde, de sa belle-fille Azalaïs ou encore de la redoutable duchesse de Bregor. Si leur rôle ne se limite pas toujours à celui qui est le leur dans les romans courtois (même si c'est le cas par exemple d'Heluise, la dame pour laquelle Yvorin se meurt d'amour), on ne peut pas pour autant dire qu'elles occupent un rôle majeur dans l'intrigue. Certes, c'est le sort de la duchesse qui est la cause de tous ces bouleversements, et certes, cette dernière manigance pour renforcer son parti au dépend de celui de son ancien époux, néanmoins leurs marges de manoeuvre restent très limitées, celles-ci se réduisant à utiliser de braves chevaliers éperdus d'amour pour régler leurs comptes à leur place. Leurs profils ne sont également pas assez variés, les personnages oscillant entre la belle et jeune ingénue ou la belle et redoutable manipulatrice. Seule la religieuse mise en scène dans la dernière partie du roman rompt quelque peu avec ce schéma.

Premier tome de ce qui semblerait être une trilogie (en espérant qu'elle ne subira pas des mêmes déboires éditoriaux que « Rois du monde »), « Le Chevalier aux épines » est un roman exigeant et loin d'être exempt de défauts mais néanmoins remarquable par bien des aspects. le soin apporté à la forme, d'abord, est impressionnant tant l'auteur a tenté de coller au plus près aux codes du roman courtois dont il s'inspire. L'intrigue, ensuite, est palpitante, et ce dépit de quelques digressions ou longueurs, étoffant encore un peu plus l'univers du Vieux Royaume et mettant en scène son lent basculement dans la guerre civile. le deuxième volume (« Le conte de l'assassin ») est d'ores et déjà annoncé pour l'été 2023 et sa suite pour début 2024. Espérons que l'éditeur ne nous fasse pas une fausse joie car j'ai hâte de découvrir la suite.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Je suis en léger embarras.
Moi qui attendais avec fièvre le retour du Vieux Royaume, je suis obligé de dire, et croyez-bien que ça me pose un sérieux cas de conscience, que je ne suis pas complètement conquis par ce Tournoi des preux.
Pourquoi un cas de conscience ?
Parce que ça reste du Jaworski : excellemment bien écrit, avec un lexique d'orfèvre, de la poésie, de l'épique. L'hommage au roman de chevalerie est puissant, et la reconstitution d'un tournoi de chevalerie tel qu'il se faisait vraiment au moyen-âge la plupart du temps (c'est-à-dire pas sous forme de joutes à un contre un dans une lice, comme le cinéma nous l'a trop souvent enseigné) est criante de vérité. le gars a dû se farcir du Georges Duby et du Legoff plutôt deux fois qu'une, ce qui fait qu'à part les rares allusions à des "enchantements", ce n'est pour ainsi dire un roman de fantasy que parce que l'auteur n'a pas voulu s'embarrasser de références historiques, mais pour un peu, le Duc de Bromael aurait pu être le Duc de Bourgogne et le comte de Kimmarc celui de Nevers (tout comme dans ce roman, les deux étaient voisins, l'un étant vassal de l'autre, et ils ne pouvaient pas se saquer).
Dès le début, je suis rentré là-dedans comme dans du beurre et dès les premières scènes, j'ai crié au génie... Puis une sorte de train train s'est installé, parfois rehaussé de scènes formidables, mais toutefois, j'ai trouvé que si ses descriptions étaient bien souvent magnifiques, il finissait pas en faire trop, parfois pour pas grand-chose. L'impression de lourdeur s'est aggravée avec l'arrivée incessante de nouveaux personnages, et cette lourdeur était proportionnelle au poids de leur armure car il s'agissait très souvent de chevaliers avec des noms à coucher dehors, pas toujours bien différenciés en termes de tempérament (il faut dire que ce n'est pas facile quand ils font tous le même métier), de sorte qu'il est devenu bien difficile de les différencier et de se souvenir de toutes leurs petites affaires familiales, amoureuses, successorales, etc.
L'intrigue est à la fois complexe et très bien pensée, sans doute, et là encore on voit que l'auteur a bossé, car j'y ai retrouvé nombre de conflits familiaux et de vassalité lus dans diverses chroniques médiévales, mais toutes ces quêtes entrecroisées sont difficiles à suivre et il faut s'accrocher bien plus que dans Gagner la guerre, d'autant que Jaworski est pour le moment le seul à savoir où il va, et que certaines scènes, qui prendront sans doute du sens dans les tomes à venir, apparaissent pour le moment comme des digressions, tant l'auteur ménage son mystère.
Heureusement, la courbe générale remonte vers la fin du livre, avec l'arrivée du tournoi proprement dit, fort bien décrit, à un moment du livre où on commence enfin à se familiariser avec les très nombreux personnages principaux et leurs motivations diverses et variées.
Le cliffhanger final est cruel pour le personnage comme pour le lecteur, et aurait probablement valu une pluie d'oeufs pourris à Jaworski s'il n'y avait heureusement la perspective de lire la suite dans quatre mois.
En bref, même si j'ai bien compris que c'était le début d'une trilogie et qu'il fallait poser des jalons et mettre le kriegspiel en place pour la suite, le ventre du milieu est resté un peu trop mou et indigeste à mon goût.
Mais quand même, pfiou, quel talent !
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Encore une lecture qui m'a été conseillée pour cette année ! Jean-Philippe Jaworski est un auteur dont j'apprécie l'écriture travaillée, j'étais curieuse de découvrir sa saga qui se situe dans le même univers que Gagner la Guerre. Qu'ai-je pensé du tournoi des preux ?

Le roman m'a beaucoup séduit grâce à son ambiance qui m'a rappelé les romans de chevalerie que j'ai lus quand j'étais plus jeune. le tournoi des preux est dans le même univers que Gagner la guerre, mais l'on quitte les rues de Ciudalia pour découvrir une culture qui s'approche plus de la chevalerie arthurienne. Honneur des dames (même si l'auteur semble avoir toujours un peu de mal à incorporer des personnages féminins avec l'épaisseur à ses récits), chevaliers courageux mais aussi rumeurs et luttes de pouvoir. Jean-Philippe Jaworski reprend parfaitement les codes culturels mais aussi langagiers de l'époque, ce qui rend l'immersion facilitée. L'introduction du merveilleux est dans cette veine, avec l'apparition de chevaliers à l'identité cachée, aux ordres d'une enchanteresse aux desseins mystérieux.

J'ai eu un peu de mal avec le début du roman, que j'ai trouvé un peu lent à se mettre en place. Cette première partie permet de bien comprendre le contexte historique qui inspire le roman : nous sommes sur des terres à majorité exploitées par des vilains ou des serfs. Ils sont sous la houlette d'un Seigneur qui n'a aucune considération pour eux. Mais petit à petit, les enjeux et les parties prenantes se dessinent. Entre manipulation, coups de couteau (parfois littéraux), le masque social de la courtoisie laisse place à des échanges bien moins policés et bien plus létaux.

En vérité, la lenteur de la première partie du roman se dépasse facilement grâce au style relié du roman. le tournois des preux bénéficie d'une écriture travaillée, qui sait se faire sarcastique, enjôleuse ou épique selon le moment. Chaque est choisi avec soin et puise dans le vocabulaire du roman de chevalerie pour proposer un style unique et bien tourné. Ainsi, l'auteur décrit avec talent les scènes de joute, qui sont prenantes, tout comme les joutes verbales, pleines de fiel à peine dissimulé. Cela retranscrit bien les carcans et les règles d'une société dont le code d'honneur impose des règles sociales rigides, l'épée à la main, comme avec les Dames.

Mais là où le récit excelle, c'est dans la trame précise des politiques entre les différentes parties du roman. Ce n'est pas forcément le roman le plus accessible de jean-Philippe Jaworski, mais la dernière partie du livre est prenante. On découvre plus en avant les différents personnages qui prennent sur l'échiquier politique, de la nouvelle épouse ciudalienne du Duc, des deux fils de Dame Aubéarde, dont la répudiation intervint à un moment étrangement opportun, ou d'un trio de chevaliers mystérieux mais talentueux, alliés au fameux chevalier aux épines. Beaucoup des personnages sont construits avec une certaine subtilité dans leurs caractères. J'ai une préférence pour l'attachant Yvorin, courageux jeune chevalier mais sans doute trop naïf pour une cour peuplée de serpents.

« le Tournoi des Preux » de Jean-Philippe Jaworski offre une plongée captivante dans un univers de chevalerie empreint de mystère et de luttes de pouvoir. Tout en conservant les codes culturels et linguistiques de l'époque, l'auteur nous transporte dans un récit où l'honneur, la manipulation et les complots se mêlent habilement. Malgré une première partie qui peut sembler un peu lente, l'écriture travaillée et le style précis du roman captivent rapidement le lecteur. Les scènes de joute, aussi bien verbales que physiques, sont saisissantes et contribuent à l'immersion dans cet univers complexe où les règles sociales rigides sont imposées, souvent au prix de l'épée.
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Jean-Philippe Jaworski est un créateur de mondes imaginaires, plus ou moins proches de la réalité historique. La série de romans intitulée "Chasse royale" se situe dans un monde gaulois pré-romain reconstitué, tandis que "Le Chevalier aux épines" prend place dans le Vieux Royaume, univers inspiré de notre Moyen-Age tardif et doté d'une géographie et d'une histoire propres. Nous avons connu la république "italienne" de Ciudalia avec le grand roman "Gagner la guerre", mais ici l'action se déroule dans le duché féodal de Bromaël. le lecteur aura droit à sa ration de joutes, de défis et de combats aussi brutaux que chevaleresques, livrés pour l'honneur d'une dame que les uns croient calomniée, les autres justement répudiée. Jaworski a-t-il voulu reprendre la tradition des romans de chevalerie ? On pourrait le croire un instant, mais il se garde de toute idéalisation et de tout manichéisme : sa duchesse répudiée est une politicienne cruelle et retorse, ses nobles chevaliers ont leurs défauts de gens de guerre, et l'auteur n'oublie pas de signaler les souffrances et les peines des "vilains", des petites gens qui n'ont pas leur place dans la littérature chevaleresque idéalisée dont se moque le Don Quichotte de Cervantès. En outre, le romancier n'oublie pas de donner à son récit une dimension discrètement surnaturelle, de percer des fenêtres vers l'infra-monde, mais toujours avec discrétion et doigté. Il sait ménager avec talent le suspense et le mystère, ne livrant au lecteur que le strict minimum et lui laissant entendre que la somme de choses qu'il ignore (par exemple sur le narrateur et sur le chat Mirabilis) est bien supérieure à ce qu'il sait.

C'est donc un roman agréable, souvent prenant, plein d'action et de rebondissements, doté d'un sens descriptif de la nature étonnant. On reconnaîtra la patte de Jaworski à son goût pour les termes rares et archaïques, dont il abuse parfois en les accumulant de façon fatigante. L'effet d'exotisme temporel repose exclusivement sur le vocabulaire, qui fait parfois obstacle à la compréhension claire, jusqu'à ce que l'on s'habitue. Cette esthétique de la quantité n'est pas recommandable.
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Un roman lu en deux temps, comme ça m'arrive souvent avec Jaworski. Parce que je me lance avec en tête l'idée que ça va me plaire immédiatement, que je vais être happé par l'intrigue, la langue, le drame.... Eh ça retombe immanquablement. Faut dire que la langue de Jaworski, c'est quelque chose. le sieur s'y emploie à louvoyer et à mener sa barque comme bon lui semble. Une direction puis une autre, puis changement de cap, et... qu'on ne s'y trompe pas, le capitaine prend bel et bien son vent, à l'équipage de faire confiance.
Or donc, me revoici à commencer un nouveau roman de Jaworski, à émettre quelques rictus devant la richesse du monde déployé, et à céder, allez, 80 pages plus tard, et de refermer le livre pour deux mois.
Quand je lisais Rois du monde je voulais lire Gagner la guerre. Pour le Chevalier aux épines, c'est Bellovèse qui me manquait.
Mais une fois en phase avec mes aspirations et ma conscience, j'ai déroulé. Et dieu, quelle belle intrigue ! Vaste, enchâssée, des personnages en veux-tu en voilà, des elfes !, un chat ronronnant, une pie, l'action distillée, et tout ça, maîtrisé de A à Z. du grand art.
De quoi ça parle ? D'honneur principalement, le moteur de la ruine des royaumes. Il faut tout de même admettre une langue qui ne se donne point, faudra la gagner celle-ci, elle éparpille sa faconde et sa richesse comme autant de coups de boutoirs destinés à vous faire vaciller, lecteur étourdi.
J'ai bien aimé me faire étourdir, sonné par cet auteur si particulier de notre Fantasy française, à lui les belles lettres, à nous le bon plaisir.
Et bientôt j'attaque la suite.
En deux fois bien sûr.
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Voilà une lecture qui m'aura occupée pendant un moment.

Depuis Gagner la guerre, j'ai un a priori très favorable pour les romans de Jean-Philippe Jaworski. Janua Vera m'a laissé un bon souvenir également mais pour le coup, la nouvelle Pour l'honneur des Dames qui a servi d'inspiration pour cette nouvelle trilogie ne m'avait pas marquée.

Le tournoi des preux est un premier volume copieux. Nous sommes cette fois-ci dans le Vieux Royaume, déchiré par des tensions intestines. Une dame a été répudiée par son mari et tout ce que le royaume compte de chevaliers prend parti pour l'un ou l'autre camp. Il semble également que les frontières du Royaume soient quelques peu menacées et en plus de cela, des enfants disparaissent ça et là dans le royaume.

Au cours du récit, nous suivrons Aedan, chevalier un brin mystérieux, méprisé pour ces prises de position et par lequel le déshonneur de la duchesse Audéarde est survenu. Nous suivrons également le prince Blancandin, fils de la duchesse et déterminé à restaurer l'honneur de sa mère ainsi que le tout jeune Chevalier de Quéant, amoureux fou de la sublime (d'après lui) Heluise.

L'intrigue de ce premier tome n'est pas aisée à décrire car c'est un tome d'exposition et le récit suit les trajectoires des différents personnages. Il vous faudra donc lire le roman pour savoir de quoi il retourne exactement.

Ce que je peux vous dire en revanche, c'est que la plume de l'auteur est riche et érudite. L'immersion dans l'univers de la chevalerie est totale. Ce qui occasionne également l'utilisation d'un grand nombre de termes techniques, de noms de chevaliers, de filiations et de tournures de phrases complexes.
Il faut donc parfois s'accrocher et être en bonne forme intellectuelle pour aborder la richesse de ce texte.

S'il peut apparaitre des longueurs, cela se compense selon moi par le fait que l'auteur nous informe sur tout : le contexte politique, les intrigues de cours, les machinations qui se jouent en coulisse, les codes sociaux qui régissent les comportements des différents personnages, la mythologie de l'univers créé et le contexte religieux.
Par ailleurs les scènes d'action sont très bien réussies, vivantes et animées, elles nous placent au coeur de la mêlée pour nous laisser ensuite à bout de souffle à l'issu des combats. Car les preux chevaliers, quand ils ont fini de jacasser à coups de longues phrases interminables pour ménager la chèvre et le chou, castagnent comme personne.

La fantasy apparait par petites touches dans ce récit où prédomine le code de l'honneur et les enjeux politiques du Vieux Royaume. Ce premier tome étant une entrée en matière et posant les enjeux, nul doute que la suite de la trilogie va monter en puissance.

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Bienvenue dans le Duché de Bromael, terre de preux chevaliers, où la rumeur de la révolte gronde. Injustement accusée d'adultère, la duchesse de Bromael a été répudiée par son mari au profit d'une jouvencelle provenant d'une lointaine contrée. Loin de voir son arrivée d'un bon oeil, les fils de la duchesse s'emparent des rênes de leur destin et prennent la décision de défier leur père, au cours de joutes courtoises, afin de restaurer l'honneur de leur mère. Cependant, la réapparition du chevalier de Vaumacel à l'origine de la disgrâce de la duchesse, ainsi que les intrigues politiques qui rongent le duché laissent présager que tout ne se passera pas comme prévu.

Jaworski a de nouveau saisi sa plus belle plume pour écrire son roman. C'est un réel plaisir de lire sa prose, qui pourrait en décourager plus d'un à cause d'un vocabulaire complexe tiré tout droit du monde de la chevalerie. Côtoyant la noblesse chevaleresque, l'auteur porte attention jusqu'aux détails des dialogues emplis de courtoisie trop prononcée, de galanterie au poison caché et de convenance sociale.
On retrouve le Vieux Royaume après les aventures de Gagner la guerre, arpentant le Duché de Bromael aux travers les points de vue de différents personnages. Les histoires se croisent et s'entrecroisent, ce qui m'a frustrée par moment, coupant ma lecture au point culminant de l'action. L'intrigue avance tel un long fleuve tranquille et devient courant puis torrent à la conclusion du livre, le rythme s'accélérant pour nous tenir en haleine. Les intrigues politiques s'intensifient, le masque de plusieurs personnages tombe et notre mystérieuse narratrice, oui j'ai l'intime conviction que c'est une femme, ne nous dévoile que peu de choses.
Les personnages sont nombreux et bien développés. J'ai tremblé pour l'ingénu Yvorin, méprisé le Bâtard, cherché et cherche toujours quelles sont les motivations du chevalier de Vaumacel, frémi avec Mirabilis chez les serviteurs du Désséché et je me suis attachée à ces personnages. Il est cependant facile de se perdre parmi les rôles secondaires nombreux.
On ne voit que très peu de magie dans ce volume, même si son ombre plane imperceptiblement sur les actions de nos héros.

J'ai déjà acheté le tome suivant afin de lire la suite.

Je recommande de lire les livres précédents avant de commencer celui-ci au risque de manquer d'éléments de contexte pour comprendre les tenants et aboutissants de l'histoire.

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Après Gagner la guerre et Les rois du monde, j'avais hâte de retrouver Jean-Philippe Jaworski avec son style recherché et ses héros inoubliables, d'autant plus qu'on se glissait ici dans les arcanes de la chevalerie. J'y ai retrouvé avec joie les intrigues politiques retorses de ses autres romans, les scènes efficaces et réalistes, les morceaux de bravoure, le vocabulaire recherché et sa patte semblable à nulle autre pareille.
Pourtant je reste un peu sur ma faim. J'ai eu l'impression de quelques longueurs, un soupçon trop de mystère, de descriptions de ce pays imaginaire (même si les transitions entre les scènes m'ont bluffée par leur originalité), et ce fameux chevalier aux épines n'est clairement pas celui qu'on voit le plus dans cette histoire qui lui est consacrée.
Mais la fin qui rassemble les morceaux épars de l'intrigue et ouvre de nouvelles pistes, sans compter ce cliffhanger des dernières lignes, a clairement relancé mon intérêt pour le tome 2. En espérant en savoir un peu plus sur ce personnage énigmatique dont on apprend finalement peu de choses ici.
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Et bien, quel beau récit chevaleresque ! Pour être honnête, j'ai mis un certain moment avant d'entrer pleinement dans les intrigues de ce premier tome du Chevalier aux Épines. Mais même si je n'étais pas dedans pour les premiers chapitres, j'ai pu apprécier la plume de l'auteur. J'ai vraiment adoré le registre des nobles chevaliers : leur façon de parler, de penser, l'étiquette et l'honneur, tout cela a été magnifiquement bien écrit. Je m'y croirais ! Et pour le langage des elfes, alors là... non seulement ils parlent bien, mais en plus ils chantent leur parole ; tant de mélodie, de rythme et de rimes dans leur discours !
Au fur et à mesure du récit, nous entrevoyons enfin quelques chemins d'intrigues qui convergent joyeusement vers ce fameux tournoi de l'immortelle. Et il va sans dire que ledit tournoi... quel régal !
J'apprécie réellement le travail de Jean-Phillipe Jaworski dans les Récits du vieux royaume. L'histoire, l'univers et les peuples sont vraiment réalistes, tout en ayant cette touche de magie et de contes mystiques et légendaires.
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Je n'ai jamais été aussi lente pour lire un roman (2 mois!) mais c'est uniquement par manque de temps et non par intérêt ou par passion car, sincèrement, je me demande qui sur cette Terre pourrait ne pas aimer les écrits de Jaworski?

On ne peut pas dire "parce que je n'aime pas le fantasy", c'est effectivement un sous-genre de ses romans mais, mis à part le royaume inventé de toutes pièces, et quelques créatures comme des elfes par exemple, ajoutées par-ci par-là, avec un soupçon de magie certes, on croirait lire une épopée historique... Et j'en ai lu des livres sur fonds d'Histoire médiévale et malgré tout, aucun n'utilise autant de mots issus du champ lexical du Moyen-Age que Jaworski. Il décrit avec perfection les armures, les costumes, les décors, les combats, etc. avec un vrai vocabulaire d'historien. D'ailleurs je me suis dit à plusieurs reprises que ceux qui n'avaient aucune connaissance là-dedans devaient être un peu perdus...

C'est cela que je préfère lire chez cet auteur: sa maîtrise de la langue française (oui je l'ai déjà dit), c'est vraiment TRÈS impressionnant. Sans oublier l'originalité de l'histoire. Je ne vais pas m'étaler dessus car j'ai du mal à nommer les personnages, mais c'est une histoire de chevaliers qui, d'une part, recherchent des garçons perdus, d'autre part, veulent venger une duchesse déchue injustement... et profitent pour cela d'un tournoi un peu particulier.

Oui, c'est le seul reproche que je donne au roman "le chevalier aux épines": il serait bien d'ajouter un lexique de tous les personnages récurrents. Car il y en a tellement que je me perdais dans qui était dans quel camp/famille/rang...

Bref, si vous aimez les ballades saupoudrées de combats chevaleresques, je vous conseille mille fois ce roman hors du commun.
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