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EAN : 9791038802483
200 pages
Ex Aequo (01/12/2021)
4.25/5   20 notes
Résumé :
Je m’appelle Thomas Alderson, et le 14 novembre 1965, dans une verte plaine du Vietnam, je suis mort. J’avais tout juste vingt-quatre ans.
Puisque vous êtes là, puisque nous sommes seuls, installez-vous confortablement et offrez-moi quelques heures arrachées à la folie de votre quotidien. Permettez-moi de vous raconter comment l’Univers s’est joué de moi. Laissez-moi vous chuchoter mon histoire avant que les limbes de l’oubli ne l’emportent. C’est si fragile ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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J'ai enfin, enfin, enfin pu me pencher sur ce roman, qui attendait patiemment dans ma PAL le moment où je l'ouvre… et le savoure. Car oui, c'est ce que j'ai fait. J'ai savouré, j'ai pris mon temps, j'ai avancé à un rythme langoureux, laissant les mots, les paragraphes, les scènes fondre sur ma langue tels des bonbons, gardant en bouche un goût sucré-acidulé, même peut-être un petit arrière-goût amer de cette amertume que l'on associe à la nostalgie, aux tristesses des choses que l'on aurait aimé voir différemment mais que l'on apprécie tout de même car elles se sont révélées telles qu'elles doivent être plutôt que telles que l'on aurait aimé qu'elles soient.

Alors, Thomas. le protagoniste. Il m'accueille sur la première page avec toute sa vie étincelante de jeune Américain des années 60 pour… me quitter à la page suivante, fauché par une rafale de kalachnikov brandie par un combattant Viêt-Cong. PAN. Un début tonitruant, déchirant. Mais en fait, il n'y a que le corps de Thomas qui gît dans la jungle, mort et prêt à se décomposer. L'esprit, l'âme de Thomas restent avec moi. Et cette âme, après avoir patienté sur place, aussi hébété que moi après ce démarrage en trombe, se secoue à un moment, s'étonne de la réalité quelque peu terne, quelque peu estompée, quelque peu en sourdine qui l'entoure. Et s'envole à travers monts et plaines, à travers les océans, pour retourner là où Thomas a vécu ces quelques années avant de s'engager dans l'armée US : San Francisco. À sa grande surprise, il constate que cinquante années se sont écoulées et que bien des choses ont changées entre-temps.

Sur un coup de tête, il suit un jeune homme jusqu'à son appartement, mu par une attirance qu'il ne saurait s'expliquer. Ce jeune homme, chef d'une entreprise créée par lui-même, c'est Adrian. le beau, le vibrant Adrian. Gay, célibataire, il souffre du mépris de son père, qui ne digère pas sa sexualité. Et Thomas, en s'incrustant en fantôme dans la vie d'Adrian comme un voyeur invisible avide de savoir, de connaître, commence à tomber éperdument, désespérément amoureux de ce jeune homme fragile mais déterminé, qui n'a pas peur de monter ses failles, de vivre ses fantasmes jusqu'au bout. Thomas le suit partout, et rapidement, son état de fantôme sans corps mais avec toute la panoplie des espoirs et souffrances d'un humain vivant commence à le faire souffrir…

Gabriel Kevlec parle d'amour, dans ce roman. Bien sûr, car Gabriel parle toujours d'amour, sous toutes ses formes, dans toutes ses couleurs, avec tous ses beaux côtés comme ses aspects les plus sombres. L'amour peut être une étoile étincelante, il peut être un abîme sans fond, il peut mener à des découvertes fulgurantes de bonheur, il peut entraîner les maux les plus affreux. En employant la technique astucieuse du voyeur invisible, Gabriel m'a permis non seulement de me glisser dans la peau d'une âme sans corps – Thomas, qui dans des flashbacks poignants compare la situation d'Adrian à la sienne quand il était encore en vie et amoureux d'un garçon – mais aussi dans celle d'un corps sans esprit, si j'ose dire. Car Thomas, par le truchement de son état, peut habiter le corps de son bien-aimé, le temps d'une danse, pendant une nuit de sommeil, durant une session de fisting dans un club anonyme ; il peut ressentir les sensations de ce corps « de location », mais jamais, au grand jamais, il ne peut toucher au noyau d'Adrian, jamais, il n'a accès à ses pensées, ses émotions, et jamais non plus, il ne peut le toucher pour de vrai, peau à peau, doigts à poitrine, alors qu'il en meurt d'envie (façon de parler – il est déjà mort, après tout).

Gabriel navigue sur ce récit avec une plume sûre, claire, parfois presque impitoyable, toujours d'une grande finesse, d'une belle poésie. Ses mots m'ont fait entrer dans la narration, m'ont fait habiter le personnage principal, m'ont offert l'expérience d'une histoire hors du commun. J'ai rayonné, j'ai grelotté, j'ai admiré et craint et désespéré avec Thomas tout au long des quelques 200 pages de ce roman, jusqu'au dénouement que j'aurais souhaité heureux, forcément heureux, pauvre petite fleur bleue que je suis, et qui pourtant s'est abattu sur moi avec l'inéluctabilité d'une trame de tragédie grecque. Rien n'est de trop, dans ce récit, et rien ne manque. Juste un équilibre parfait entre soleil et lune, nuit et jour, désirs et réalité.

Notons un exploit considérable : moi qui ne suis pas friand de scènes trop kinky et encore moins de BDSM (à chacun ses goûts), j'ai beaucoup apprécié les scènes du genre que Gabriel a inclues dans son récit. Car… ça peut être glauque, ça peut être crade, ça peut répugner quiconque n'en est pas adepte. Sauf si c'est nécessaire à l'histoire, essentiel à un des caractères et si bien écrit que l'on dévore les descriptions. Ne vous attendez pas à me voir bandouiller dans un sling dès demain, derrière offert au premier poing venu, quand même. Je ne suis pas un converti. Mais je reste en admiration devant cette écriture qui paraît sans effort, simple, légère, et qui m'emmène à des endroits que j'aurais normalement évités.

Je pense que En toi est, pour l'instant, mon préféré des romans de Gabriel Kevlec (j'ai déjà parlé de Cordons et du Choix de l'oranger). Je pense que cette chronique est explicite. Je vous exhorte donc à m'imiter et à le savourer à votre tour, si ce n'est pas déjà fait.
Lien : http://livresgay.fr/en-toi-d..
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Ce qui fait une des forces de Gabriel Kevlec, c'est le pouvoir de ses mots ! Rien n'est laissé au hasard et chaque phrase trouve sa place sans tergiverser pour nous faire entrer, avec force et parfois douloureusement, dans un récit peu banal.
« Je m'appelle Thomas Alderson, et le 14 novembre 1965, aux alentours de treize heures, je suis mort. » le ton était donné…
Dès les premières phrases, je me suis retrouvée immergée dans l'histoire à coup de mots qui se faisaient tantôt crus, tantôt poésie ; tantôt durs et tantôt doux. le prologue prit alors vie avec une force presque insoutenable, dévalant les synapses de mon cerveau pour aller droit au coeur. J'ai alors réalisé qu'il y avait fort peu de chances que je ressorte indemne de cette lecture.
Plus que ça même ! Que Gabriel réussisse à émouvoir après chaque virgule n'est plus un secret pour personne mais il atteint le niveau supérieur quand en plus il le fait avec cette histoire surprenante, qui est comme un songe noyé dans l'éther. Les bruissements d'ailes d'un papillon virevoltant, qui s'ingénie inlassablement à poursuivre un souffle d'air fantôme. Une goutte d'eau dévalant l'épiderme tandis que celui-ci se hérisse de mille sensations indicibles. Un récit emprunt de tristesse et de mélancolie mais également de tellement d'amour ! Puissant et époustouflant. Oui, Gabriel Kevlec a encore réussi son pari en nous livrant une vision onirique transcendant l'amour, jouant la partition poétique et érotique à laquelle il nous a habitués, chantant un hymne à la liberté, liberté d'être soi-même et liberté d'aimer.
Alors, totalement envoûtée, je me suis laissé bercer par la musique des mots et j'ai accompagné avec tendresse et tristesse un Thomas évanescent.
Je lui ai tenu la main lorsqu'il constatait, étonné, que la liberté sexuelle actuelle n'avait plus rien à voir avec les interdits des années 60, le laissant apprécier le contraste affiché entre ces deux périodes de l'histoire.
J'ai senti, en lui, ce vent de liberté qui soufflait et qui lui permettait enfin de s'avouer ce qui, il y a encore 50 ans, était encore vécu comme une aberration.
J'ai frémi en écho avec son esprit troublé lorsqu'il a posé ses yeux pour la première fois sur Adrian. Je l'ai vu se libérer de ses entraves et dire oui à cette passion qui montait comme un courant irrépressible.
Je l'ai senti vaciller, trembler et se perdre dans le souffle brûlant d'un amour sans limite. Et j'ai ressenti dans ma chair et dans mon coeur sa frustration, sa passion et sa peine lorsqu'il constatait que les jours s'écoulaient sans lui ou avec lui tel un observateur invisible. Un observateur si près et à la fois si loin de toucher d'un doigt caressant et aimant l'homme dont il tombait irrémédiablement amoureux.
Et pourtant…
N'est-ce pas fabuleux de suivre le souffle puissant d'un jeune homme dont l'essence a transcendé les âges pour venir se poser délicatement dans les rues d'un San Francisco méconnaissable, celui du 21ème siècle ? N'est-ce pas merveilleux de se fondre au coeur brûlant de sa folie ? Pas une folie furieuse, non ! Mais la folie douce d'un amour insaisissable et inconcevable, celui d'un homme…
Un homme mort sur le champ de bataille, un 14 novembre 1965…
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J'ai repoussé plusieurs fois la lecture de ce roman, je sentais que le bon moment n'était pas arrivé, celui qui permet de s'ouvrir entièrement, de laisser pénétrer les mots et l'histoire prendre corps. Je n'avais aucun doute quant à la qualité de l'oeuvre mais cette idée d'âme errante voyageant dans l'espace-temps me laissait perplexe.
Pourtant je connais bien le talent de Gabriel, maestro des mots, c'est le 3ème roman de lui que je lis, le 4ème étant depuis peu dans ma liseuse. Ce que j'admire le plus chez lui au-delà de son imagination et du style de ses récits c'est sa capacité à rebondir, à se renouveler, à faire du Kevlec sans que ça le soit vraiment. Je m'explique : c'est à chaque fois un reboot, une nouvelle version et non pas une prolongation. Il y a trop d'auteurs prolifiques comme Gabriel qui une fois qu'ils ont trouvé le filon le réutilisent à l'infini. Ce n'est pas son cas, on y trouve la langue française la plus fine qui soit, les termes les plus élégants, c'est la beauté et le raffinement de la dentelle de Calais. Sans vouloir être trop prétentieuse je crois que Gabriel est autant amoureux de l'Amour que de l'Ecriture, je ne pense pas qu'il puisse un jour cesser d'écrire, il en a besoin comme de l'air pour respirer.
Oui mais et l'histoire ? Elle est originale, a plusieurs facettes, provoque des émotions multiples et variées, nous entraine d'une époque à l'autre, c'est le tourbillon de la vie si bien chanté par Edith Piaf. C'est poétique, plein de vie, plein d'Amour, plein de cruauté, de tolérance, d'espoir. Ce que tout être humain aspire à vivre. J'ai été à la fois Thomas et Adrian car dans chacun d'eux j'y ai vu comme dans un reflet cette affection, ce tsunami des coeurs qui fait trembler de la tête aux pieds, qui met à genoux même le plus fort d'entre nous, à en perdre la voix et la raison, l'Amour cet élément essentiel à la vie. Je n'en dirai pas plus pour ne pas spoiler et laisser lecteurs et lectrices découvrir, apprécier et savourer ce nectar délicat.
Gabriel a l'art et la manière de mêler les sentiments les plus doux avec la pornographie la plus grivoise, de vous donner l'espoir le plus fou, de rendre réel les idées les plus folles, de toucher du bout du doigt la perfection et de chuter quand vous refermez ce livre, que vous laissez s'envoler au firmament ces deux âmes soeurs fantastiques, éternelles. C'est sans doute ça le bonheur absolu, n'entrevoir qu'un instant l'explosion des coeurs et leur éparpillement dans l'atmosphère, poussières d'étoiles lumineuses sur fond de ciel bleu.
Sa plume est toujours aussi délectable, le travail de recherches minutieux, il n'y a pas d'à peu près avec Gabriel Kevlec, les mots sont choisis avec précision, c'est de l'orfèvrerie.
Un seul conseil : Laissez vous charmer par « En Toi », guider par Thomas et Adrian vous ne le regretterez pas.
🦋🦋🦋🦋
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En Toi de Gabriel Kevlec fait partie de ces livres rares et beaux, inclassables et bouleversants, en un mot inoubliables.
Tous les livres de Gabriel Kevlec s'éloignent dans leur développement mais se rejoignent dans leur ascension. L'ascension du noir vers la lumière. Des abîmes de désespoir vers le triomphe de l'amour. La seule ascension qui vaille la peine d'être vécue, d'être écrite peut-être.
Dans En toi, Gabriel Kevlec continue sa quête d'absolu en allant chercher une âme perdue au-delà de la mort. Thomas, jeune soldat tombé à la guerre, revient délesté de sa chair, fantomatique, cinquante ans après sa mort. Et un nouveau trio se forme. Thomas s'éprend d'Adrian, le plus beau des vivants, qui s'éprend de Michael, le plus sûr des rivaux. le fantôme retrouve ses sens lorsqu'il se fond en l'ephèbe. L'idée est sublime, la poésie pour le dire inoubliable. En somme, le fantôme a perdu la vie, mais il a gardé l'amour.
Gabriel Kevlec ne fait pas du Genet. Il est Genet réincarné. Il a pour lui la science des ombres, leurs contours, leur noirceur, leur tectonique. Il sait que le monde est un bagne à ciel ouvert et que nous marchons au bord du ciel. Et comme il écrit la vie-même, il ne peut faire autrement que de voir ses personnages tomber dans les abîmes. Mais il ne perd pas de vue son but ultime, sauver leur part sacrée, leur âme pure.
Sous sa plume, les mots se couvrent d'or puis de sang. Ses mots sont crus et princiers et on y perçoit clairement la dilatation des pupilles, la pulsation des veines caves, les frissons de l'échine. Sur sa page, on entend le battement des "ailes du désir". Chez lui une étincelle d'amour enflamme le monde tout entier.
Gabriel Kevlec possède le don d'écrire la vie comme un diamant brut, ce qu'elle est, enclose dans ses terreurs, taillée par la vie, éblouissante dans ses envols. En peinture, on dit qu'il faut accentuer les sombres pour que les clairs soient plus intenses (on dit qu'on travaille en valeur). Gabriel Kevlec est un peintre de la vie, car il travaille la matière brute qu'elle soit belle ou sale, haute ou bafouée. La littérature s'élève lorsqu'elle ne ment plus, lorsqu'elle ne fait plus l'économie de la douleur ou de l'horreur. Lorsqu'elle nous dit que cette vie nous broie et nous porte dans la même main.
Gabriel Kevlec est le nouveau Genet. Il est aussi le dernier Orphée qui va jusqu'en enfer chercher ses héros pour les ramener jusqu'au paradis de l'amour. Il sait que seul le coeur amoureux peut combler l'abîme intérieur. En Toi et tous ses livres sont des fleurs du bien et du mal au bleu immarcescible.
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Il m'est difficile de poser mes mots sur les mots de Gabriel Kevlec tant on reste sans voix, sans mot, saisi, transporté, passé la dernière page de son roman « En Toi ». Je vais essayer pourtant...

Je voudrais dire d'abord la couverture… création du photographe Philippe Debiève, nous invitant à contempler l'ambiguïté de deux corps qui semblent se fondre l'un en l'autre. Et puis l'histoire, que je ne veux pas déflorer. Mais oui, il s'agit bien de deux corps. L'un n'est plus, celui de Thomas, le narrateur, mort en soldat au Vietnam le 14 novembre 1965. Mort et cependant… et là je préfère citer Thomas : « Je me suis senti sortir de moi-même comme on tombe une étoffe, un drap de soie glissant de mon visage à mes pieds. Léger et transparent, je me suis séparé, scindé de ma matière, désincrusté de chacune de mes cellules jusqu'à flotter au-dessus de ce corps qui m'avait accompagné vingt-quatre années durant. J'étais… mort. Indubitablement. Pourtant j'étais toujours là. »
Toujours là mais différemment, un être au corps transparent, invisible, qui ne peut s'exprimer en étant entendu, un corps qui, après une longue errance, « flottant entre ciel et mer » est… rentré chez lui, à San Francisco. Un San Francisco de nos jours, plus d'un demi-siècle plus tard, monde nouveau qui se décline « en binaire » et où tout se chiffre en dollars.
Au cours de ses pérégrinations étonnées dans la ville, suivant la voie tracée par un papillon, Thomas retrouve le chemin de chez lui. Mais il n'y a plus de chez lui. C'est alors qu'il rencontre celui qui tout d'abord l'attire irrépressiblement, une fascination, un coup de foudre, la sensation d'une fusion possible. Ce jeune homme c'est Adrian, qu'il suivra, invisiblement, partout où il ira, qu'il se prend à aimer, à aimer éperdument. Mais comment ?

Comment ?

Jusqu'à cette incitation des dernières lignes qui s'adresse à nous, nous qui sommes sur le point de quitter le livre sans qu'il nous quitte vraiment, jamais, tant il est fort : « … vivez à la folie. Aimez jusqu'à votre dernier souffle et même au-delà. Ne cessez jamais de danser sous la Lune. »
Nous le ferons ! Merci à vous, Gabriel Kevlec, de nous avoir offert un tel roman.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
J’ai la tête pleine de ces mots, maintenant que je n’entends plus les siens…
« Le plus beau jour de ma vie ».
« L’amour de ma vie ».
« Pour la vie ».
Ces expressions existent dans toutes les langues du monde. Elles célèbrent l’amour, la réussite, l’engagement, avec pour toile de fond cette unité maîtresse de référence : la vie.
Une vie humaine. À peu près quatre-vingts ans pour un homme. Vingt-neuf mille deux cents jours. Et sur ces quelques dizaines de milliers de fois où le Soleil s’est levé au-dessus de nous, certaines journées s’ancrent dans la mémoire. Façonnent notre histoire. Font de nous ce que nous sommes. Nous bâtissent. Nous détruisent.
On ne sait jamais en se réveillant qu’aujourd’hui sera le jour le plus important de notre vie.
On n’en prend conscience que lorsque la nuit tombe, lorsque des dizaines, des centaines de nuits sont tombées, lorsque vient le temps du bilan, le moment de se raconter à quelqu’un ou au silence.

Pour moi, l’heure est venue.
Puisque vous êtes là, puisque nous sommes seuls, et même si je n’ai pas révolutionné le monde ni fait d’immenses découvertes, même si je n’ai pas marqué la grande Histoire des hommes, j’aimerais vous confier mes souvenirs. Me raconter à vous. Vous conter, moi aussi, le plus beau jour de ma vie, l’amour de ma vie. Implacable, le temps pille mes souvenirs, mais je ferai de mon mieux pour ne rien oublier. C’est si fragile au fond, la mémoire…

Toute histoire a un début. Une naissance. Un incipit. Je vais donc, si vous le permettez, commencer par le commencement.

Je m’appelle Thomas Alderson, et le 14 novembre 1965, aux alentours de treize heures, je suis mort.
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Et puis, il est venu.

Avez-vous déjà ressenti l’amorce du soulèvement, l’aurore de cette première effervescence du monde ? Cette vibration, qui n’est encore qu’une ébauche de promesse, au seuil de l’extase infinie des possibles, comme dans l’œil du cyclone initial ?
N’avez-vous jamais éprouvé dans votre poitrine la germination imperceptible de cette graine, le frémissement infime, confus, ce presque rien qui bouleverse votre espace intérieur ?
Le chaos.
L’apnée.
Ses yeux…
Jamais je n’ai pu oublier cette sensation, celle d’avoir brusquement fusionné avec quelque chose de démesuré et d’indestructible, celle d’avoir été projeté hors du temps, à un endroit où les secondes se comptent en regards et où les heures se lisent sur les lèvres.
Un coup du sort.
Le coup de foudre.
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Ce prix à payer était immense, mais chaque fois que j’avais été prêt à renoncer, il m’avait cédé une autre miette, un sourire, un geste, jetant de l’huile sur mes flammes. Mon brasier s’appelait désormais addiction. Et j’étais encerclé.
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