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Cycle Mon Combat tome 2 sur 6
EAN : 9782207115916
Denoël (04/09/2014)
3.99/5   164 notes
Résumé :
Un homme amoureux n'est pas un livre comme les autres. Récit autobiographique d'une force littéraire inouïe, il a remporté une avalanche de prix littéraires tout en déclenchant une virulente polémique lors de sa parution. Si, dans La Mort d'un père, Knausgaard abordait le thème du deuil, dans Un homme amoureux, c'est le coup de foudre, la fusion et la séparation, toutes les étapes du sentiment amoureux, qu'il décrit avec la même énergie brute et la même justesse. Ca... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
3,99

sur 164 notes
De l'extra-ordinaire à partir de l'ordinaire…

C'est avec beaucoup d'attachement et de tendresse pour l'auteur norvégien Karl Ove Knausgaard que je viens de terminer le deuxième tome de son autobiographie titanesque, intitulée non sans une certaine ironie Mon Combat.
Les mille et une variations sur l'amour, sa survenue en coup de foudre pour Linda, jeune femme d'une très grande fragilité, ses débuts balbutiants et idylliques, son acmé en une explosion enchanteresse, l'arrivée des enfants fruits de cet amour, puis son délitement d'abord progressif, puis violent, font suite aux variations sur la mort, en l'occurrence la mort de son père, dans le premier tome.
Combat de l'auteur adolescent face à un père d'une autre époque puis combat du deuil à mener à la mort de celui-ci dans le premier tome. Combat de l'écriture, ici dans ce second opus, au milieu des couches, des poussettes, des crises, nombreuses, avec Linda, des amis qui l'ennuient avec lesquels il faut composer, de la voisine alcoolique qui ne supporte aucun bruit, de ce quotidien absurde que seuls l'art et la nature permettent d'illuminer, que seule l'écriture permet de transcender.

« Quand j'étais avec les autres, je me sentais lié à eux, incroyablement proche d'eux et mon empathie pour eux était profonde. Si profonde même que leur bien-être passait toujours avant le mien. Je me soumettais à eux jusqu'à l'effacement et, par un mécanisme interne que je ne contrôlais pas, je faisais passer leurs réflexions et leurs opinions, quelles qu'elles soient, avant les miennes. Mais dès que j'étais seul, les autres ne signifiaient plus rien. Non pas que je ne les appréciais pas ou les avais en horreur, au contraire, j'aimais la plupart d'entre eux et ceux que je n'aimais pas vraiment, je leur trouvais toujours une qualité qui me plaisait ou du moins que je trouvais intéressante et qui pouvait m'occuper l'esprit dans l'instant. Mais les aimer ne voulait pas dire que je m'intéressais à eux. C'étaient les contingences sociales qui me liaient, pas les gens. Entre les deux, il n'y avait rien. Soit j'étais dans l'étroitesse de l'effacement, soit dans l'ampleur de la distanciation. Or la vie quotidienne se jouait entre les deux. Peut-être était-ce pour ça que j'avais tant de difficultés à la vivre. La vie quotidienne, avec son lot de devoirs et d'habitudes, je l'endurais. Mais elle ne me réjouissait pas, je n'y voyais aucun intérêt et elle ne me rendait pas heureux. Ce n'était pas le manque d'envie de laver par terre ou de changer les couches mais quelque chose de plus profond que j'avais toujours ressenti : l'impossibilité d'y voir une quelconque valeur doublée d'une profonde aspiration à autre chose. Si bien que la vie que je menais n'était pas la mienne. J'essayais de la faire mienne, c'était mon combat, je le voulais vraiment, mais en vain, car mon envie d'autre chose vidait tout ce que je faisais de son contenu.»

L'amour est donc au centre de ce deuxième opus mais aussi son combat pour écrire, tiraillé entre son engagement familial prenant (trois enfants arrivent très vite dans ce couple à la relation compliquée dès le départ) et son besoin vital de solitude et de liberté, également son regard très caustique de Norvégien sur la Suède, mais aussi les émotions complexes induites par la paternité depuis l'émerveillement, l'adoration en passant par la fierté mais aussi l'agacement, le tout analysé à travers le prisme du quotidien le plus prosaïque (je sais à présent ce qu'aime cuisiner Karl Ove, ce qu'il aime boire, notamment ce thé noir avec une goutte de lait de très bon matin, sa première cigarette dans la petite cour lorsque le soleil se lève…) quotidien qui le dispute aux nombreuses réflexions philosophiques, métaphysiques les plus profondes, brillante construction digressive qui avait fait le sel du premier tome et que nous retrouvons ici de façon encore plus présente, je trouve, donnant une belle profondeur à ce livre.

L'articulation de la pensée sur des sujets aussi variés que l'amour, la peinture, la famille, ses difficultés avec la parentalité, les connaissances et les amis, la littérature, les différences culturelles entre son pays d'origine et la Suède, fait de de récit éminemment personnel et intime une histoire universelle dans laquelle nous nous retrouvons, confusément, en lumineuses réminiscences ou troublantes hontes. J'ai fait miennes ses odes à la nature, à la littérature, à la vie, miennes ses pensées inavouables pourtant avouées avec une franchise déconcertante. Je me disais parfois « oui j'ai déjà éprouvé cela », pensée enfouie, cachée sur laquelle l'auteur pose des mots, extériorise.
Ce livre est riche de références musicales, de peintures, de photos et de références littéraires. Il nous parle par exemple avec passion du langage de Paul Célan dans ses poésies, de la couleur dans les peintures de Georges Braques et de David Hockney, de la couleur de la neige dans celles de Claude Monet, de l'idéal chrétien dans les livres de Dostoïevski…et lui-même, en tant qu'amateur de peinture, ne cesse d'avoir le regard du peintre sur les couleurs, de nombreux tableaux ne cessent d'émerger de cette lecture notamment lorsque l'auteur décrit la nature.

« Quelques rares pommes pendaient encore aux deux pommiers en contrebas du sentier. Leur surface, ridée et couverte de taches noires, avait gardé ses couleurs rouge et vert assombries, atténuées, qui semblaient avoir grandi en elles, en même temps que les branches nues et noires qui les entouraient, les renforçaient. Quand on les voyait se détacher sur la forêt incolore, elles chatoyaient littéralement. En revanche, quand on les voyait sur fond de cabanons rouges, leurs teintes s'estompaient, se voyaient à peine ».

Knausgaard touche également d'un doigt délicat les aspects métaphysiques de l'existence. C'est moins un nihilisme qui anime l'auteur qu'une croyance absolue aux éléments naturels dont les cycles se déroulent au-delà de nous.
« Les étoiles clignotent au-dessus de nos rêves, le soleil brille, l'herbe croît et la terre, oui, la terre, elle engloutit toute vie en effaçant la moindre trace et elle recrache de la vie toute neuve en une cascade de membres et d'yeux, de feuilles et d'ongles, de paille et de queues, de peau, de fourrure, d'écorce et d'entrailles, pour les engloutir de nouveau. Et ce que nous ne comprenons jamais vraiment ou ne voulons pas comprendre, c'est que ça se passe au-delà de nous, que nous ne sommes pas partie prenante, que nous sommes seulement ce qui vit et meurt, aussi aveuglément que les vagues de l'océan ».

Le livre ne manque cependant pas d'humour, j'ai parfois explosé de rire en imaginant la tête de Karl ove lors du cours de rythmique postnatale secouer des maracas, en l'imaginant animateur contraint d'une crèche parentale une semaine durant, ou en poussant son landau dans les rues de Stockholm, rongeant son frein, comme atteint dans sa virilité.
Son regard de Norvégien sur la Suède est également savoureux. le côté réactionnaire, lisse, froid et distant de ce pays est décrit de façon réjouissante. Je n'aurais pas cru qu'il y avait tant de différences culturelles entre la Norvège et la Suède, ces deux pays scandinaves. On sent à quel point il ne trouve pas sa place dans ce pays, sorte de grain de sable bien rustre, brut de décoffrage, personnage plein de crevasses et d'aspérités dans cette société bien huilée. Et, surtout, monter des meubles Ikea le rend littéralement fou.


Ce qui est étonnant et troublant c'est d'imaginer l'auteur, de le voir comme si nous étions avec lui et qu'il nous parlait. J'avais vraiment le sentiment d'être à ses côtés, de l'écouter en prenant un verre avec lui. Sans doute que sa plume au style direct, franc, spontané, sans fioritures ni circonvolutions, sans compromis, sans idéalisme participe à cette proximité. Son visage charismatique aussi, son regard profond, assez médiatisé depuis l'obtention de plusieurs prix, notamment le prix Brage qui met à l'honneur chaque année la nouvelle littérature norvégienne, sans oublier en 2017, le tome "Aux confins du monde" sacré meilleur livre de l'année par le magazine Lire. L'auteur a également obtenu le Prix Médicis essai 2020 pour "Fin de combat". Et comme pour le premier tome, cette proximité participe au fait de ne pouvoir lâcher le livre, totalement immergée dans l'intimité de l'écrivain. Certes l'auteur ne parle que de lui, il y a indéniablement un côté narcissique que certains lecteurs ont pu trouver gênants, voire malsains, ce d'autant plus qu'il nomme précisément absolument toutes les personnes, n'embellit pas, n'enveloppe jamais son récit d'aucune fiction, mais j'ai eu le même sentiment que pour le premier tome, le fait que de cette histoire très intime il parvient à effleurer l'indicible et à faire émerger l'universel.

Je finis donc sous le charme alors que j'avais commencé ma lecture avec la crainte d'être déçue après le coup de coeur éprouvé pour le tome précédent, souvent perçu comme le meilleur de l'hexalogie. Ce livre m'a donné des clés sur ma vision d'être avec les autres, moi qui suis également assez solitaire, voire sauvage par moment, il m'a fait sourire, m'a troublée par moment tant je comprenais ce que ressentait l'auteur, m'a choquée à d'autres tant il frise la misanthropie et la mauvaise foi. Il m'a donné envie de découvrir plus en détail certains auteurs et certains peintres, il m'a invité imperceptiblement à plonger en moi-même, à reconsidérer mon quotidien, mes désirs, mes aspirations, ma propre liberté. Un livre somme, un livre monde. Un livre profondément humain.

« C'était la vie rêvée. Se lever à six heures, prendre une tartine au petit-déjeuner, une cigarette et un café sur le pas de la porte que le soleil commençait à chauffer et d'où on voyait le pré et la lisière de la forêt, aller à bicyclette à la gare avec dans mon sac à dos les sandwichs qu'Ingrid m'avait préparés, lire dans le train, monter au bureau et écrire, rentrer vers six heures en traversant la forêt comme saturée de couleurs sous le soleil, et reprendre la bicyclette à travers champs jusqu'à la petite maison où ils m'attendaient pour le dîner, et le soir peut-être faire un plongeon dans l'eau avec Linda, rester dehors à lire un peu et se coucher de bonne heure ».

Oui, voilà…Tout simplement…vibrations de connivence d'une lectrice amoureuse d'un auteur « brut de décoffrage » à la sincérité désarmante placé dans une lutte, perpétuelle, entre ce qu'il aimerait être dans l'idéal et celui qu'il est...


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Alors que j'avais été emballé par le premier tome de « Mon combat », le deuxième m'a moins plu. Je n'ai pas détesté « Un homme amoureux », mais … le style de Karl Ove Knausgaard a peu changé. Toujours, ses descriptions minutieuses – trop, peut-être ? – et ses sauts dans le temps. L'histoire commence alors qu'il doit s'occuper de sa fille et concilier écriture et vie de famille. Puis, on recule de quelques années alors qu'il quitte sa Norvège. Ses débuts à Stockholm m'ont intéressé : il se cherche un travail et un appartment, il fait la fête avec les amis et il rencontre Linda, sa future épouse. On assiste à la naissance d'un grand amour. Va-et-vient entre le passé et le présent (et plusieurs entre-les-deux), à son envie d'écriture, aux conférences auxquelles il a participé, aux filles qu'il y a rencontrées, aux échanges intéressants qu'il a eus, etc. Puis, on a droit à une narration détaillée de la naissance de sa première fille. Bref, mêmes si l'auteur revient toujours à ses thèmes principaux, ses circonlocutions m'ont agacé.

Bien sur, la paternité et l'amour sont des thèmes aussi universels que la relation père-fils, quelque chose dans son développement manquait. En fait, je crois que c'est l'importance que Knausgaard apportait à tous les détails de la vie quotidienne qui dérangeait. C'est comme si l'essentiel y avait été noyé. C'est exactement cela : tout le long, je me disais qu'il manquait quelque chose à ce roman mais c'était tout le contraire : il y avait quelque chose en trop. Je me suis rappelé que certaines critiques comparaient le roman à un long inventaire ennuyeux et, si je trouve que c'est un peu exagéré, ce n'est pas non plus trop loin de la vérité. Subir une description détaillée des déambulements de Karl Ove avec le landau de sa fille dans les rues de Stockholm, pas nécessaire. Est-ce que tout le monde était supposé être intéressé par ça ? Idem pour les chicanes de couple pendant les vacances. Était-il nécessaire de parler des problèmes dépressifs de Linda ? N'eût-il pas été mieux laisser ça dans la sphère du privé ? Mais bon, je suppose que l'auteur ne voulait pas faire les choses à moitié. de toutes façons, ses détracteurs l'auraient accusé d'embellir sa vie, de n'en montrer que le positif…

Ce que j'ai beaucoup aimé, mais que peut-être certains ont détesté, c'est les soirées où Knausgaard et ses amis discutaient philosophie et poésie et littérature. Surtout littérature. Évidemment, c'est le genre de truc qui me passionne. Je ne suis pas écrivain mais je suis grandement intéressé par ce processus et par tout ce qui l'entoure. Et, dans un « petit pays » comme la Suède, il est beaucoup plus facile de frayer avec l'élite intellectuelle. Tous ces échanges dans les cafés à parler aussi bien de Tchekov, de la poétesse Inger Christensen, des films de Bergman que de l'époque des Lumières. Mais bon, c'est un type de son temps, alors les pages suivantes font référence à IKEA ou au groupe de musique The Cardigans. Ces paradoxes me font rire. Au final, je n'ai pas détesté et je lirai certainement la suite.
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Je vous laisse deviner quel mot m'a échappé des lèvres lorsque, en tournant la première page d'Un homme amoureux, je me suis aperçue qu'il s'agissait d'un tome 2 … Mais heureusement, il se lit très bien sans le tome 1.
Alors que le premier volet était donc consacré à la mort du père de Karl Ove et à son deuil, le deuxième tome, lui, s'attache à ses amours, sa vie de famille et son travail d'écrivain.

Le récit offre le regard d'un homme qui se sent prisonnier d'un quotidien qui l'étouffe, d'un homme tiraillé entre son souci de bien faire, de respecter les exigences sociales bien qu'il ait le conformisme en horreur et son envie d'écrire. L'écriture est, pour lui, au même titre que boire, manger et respirer, un besoin vital, un besoin que les obligations de la vie quotidienne viennent contrecarrer. Une vie quotidienne subie plus que vécue d'où ne ressortent que l'ennui, la frustration et l'insatisfaction :

« La vie quotidienne, avec son lot de devoirs et d'habitudes, je l'endurais. Mais elle ne me réjouissais pas, je n'y voyais aucun intérêt et elle ne me rendait pas heureux. Ce n'était pas le manque d'envie de laver par terre ou de changer les couches mais quelque chose de plus profond que j'avais toujours ressenti : l'impossibilité d'y voir une quelconque valeur doublée d'une profonde aspiration à autre chose. Si bien que la vie que je menais n'était pas la mienne. J'essayais de la faire mienne, c'était mon combat, je le voulais vraiment, mais en vain, car mon envie d'autre chose vidait tout ce que je faisais de son contenu. »

De longs passages sont consacrés à son introspection, à la recherche des raisons qui pourraient expliquer son incapacité à trouver l'épanouissement . Il explore plusieurs pistes : nostalgie d'un temps révolu, responsabilité d'une époque dont les valeurs se perdent. C'est l'occasion de quelques mots loin des propos consensuels qu'on entend partout sur le sentiment d'émasculation des hommes dans une société de plus en plus féminisée :

« Je n'ai pas été assez prévoyant et j'ai dû suivre les règles du jeu en vigueur. Et dans le milieu socio-culturel auquel nous appartenions, ça signifiait qu'on assumait tous les deux le même rôle, celui autrefois attribué aux femmes. J'étais lié à lui comme Ulysse à son mât : je pouvais certes m'en délivrer mais pas sans perdre tout ce que j'avais. Et je déambulais, moderne et féminisé, dans les rues de Stockholm, alors qu'en moi bouillait l'homme du dix-neuvième siècle. »

Auteur emblématique du nihilisme, ce n'est pas pour rien si, au cours du récit, on retrouve Karl Ove en pleine lecture de Dostoïevski ou si le nom de l'auteur revient à plusieurs reprises.
Dans une existence qui lui semble vide de sens et dans laquelle toute relation sociale semble forcée et artificielle, Karl Ove voit le conformisme comme seul moyen de faire vivre ensemble des personnes qui n'y aspirent pas par nature.

« Et pourquoi crois-tu que la normalité soit si enviable, si ce n'est pour cette raison ? C'est le seul terrain sur lequel on est sûr de pouvoir se rencontrer. Mais même là, on ne se rencontre pas forcément. »

De là, sa tendance à se plier aux normes sociales tout en les rejetant et les critiquant et tout en cherchant désespérément un bonheur qu'il croit interdit ou impossible à atteindre. Karl Ove est un homme à fleur de peau en manque d'estime de soi et qui cherche à se rassurer au point qu'il en devient contradictoire entre ce qu'il pense et ce qu'il fait. Il est par exemple très soucieux de l'image qu'il renvoie dans les médias tout en essayant de s'en distancier et de ne pas y accorder d'importance. Ses relations avec les journalistes et sa façon de gérer ses obligations d'écrivain sont révélatrices de cet état.

Karl Ove va très loin dans l'introspection et la réflexion. Son souci de la justesse et de la précision s'exprime jusque dans les moindres détails, le moindre geste même le plus banal comme se servir un café, le moindre regard, la moindre pensée sont retranscrits. Certains pourront trouver le tout lourd et ennuyeux. Moi j'ai trouvé ça incroyable. Etre complètement immergée dans la vie de Karl Ove, l'accompagner de si près. Bien que je n'ai pas toujours été d'accord avec certaines de ses idées que j'ai jugées trop rétrogrades, je me suis sentie très proche de cet homme touchant dans son honnêteté. Pour un homme qui semble avoir autant de mal à se confier, il aura trouver dans l'écriture de ce cycle un moyen de se livrer complètement, à nu, au regard des autres. C'est troublant au point qu'une fois le livre achevé, on a l'impression de se séparer d'un ami de longue date.

Certains événements de la vie de Karl Ove l'ont beaucoup marqué, il en ressort des scènes « coup de poing » exprimant de manière poignante la souffrance lorsque Linda le rejette la première fois, ou encore l'impuissance lorsqu'elle accouche ( passage magnifique) où l'on ressent bien le besoin de l'auteur de créer un effet libérateur et cathartique. Sa façon de parler de sa relation avec Linda, le passage d'un état passionnel destructeur au mépris le plus profond est brillamment décrit.

Le style est celui d'un écrivain qui ne cherche pas à faire beau. Il ne veut rien d'artificiel. Karl Ove écrit sans fioriture, pour lui la littérature se sublime dans la liberté de ton, dans l'écriture spontanée et s'inscrit surtout dans la réalité. Karl Ove ne veut rien inventer :

« Je ne pouvais pas écrire de cette façon, ce n'était pas possible, à chaque phrase je me disais : tu ne fais qu'inventer. Ça n'a aucune valeur. Ce qui est inventé n'a aucune valeur[…] La seule forme qui eût encore de la valeur à mes yeux, qui eût du sens, c'était les journaux personnels et les essais, autrement dit ce qui dans la littérature ne produisait pas des histoires, ne racontait rien et se contentait d'être une voix, la voix de la personnalité propre, une vie, un visage, un regard que l'on peut croiser. Qu'est-ce qu'une oeuvre d'art sinon le regard d'un autre être humain ? […]
Arrivé là, j'étais au pied du mur. Si la fiction était sans valeur alors le monde l'était aussi car c'était au travers de la fiction qu'on le voyait aujourd'hui. »

Ce qui ne l'empêche pas de construire son récit de manière cyclique baladant son lecteur dans son passé et ses souvenirs. Mais le texte est fait d'un seul bloc, sans chapitres, dans un seul souffle. Ce texte, c'est la vie dans toute sa complexité, des sentiments qu'on ne contrôle et ne s'explique pas, des événements subis, des réflexions, interrogations existentielles.

J'aurais encore tant à dire tellement ce livre est dense, profond, intense. Je ne crois pas exagéré en affirmant qu'il doit être un des plus beaux écrits qui existent sur notre époque. Je lirai assurément le tome 1 et les autres qui, j'espère, ne tarderont pas trop à être publiés.

Un très grand merci à Dana et aux éditions Denoël pour cette merveilleuse découverte.

Lien : http://cherrylivres.blogspot..
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Une claque .
Il m'arrive rarement de terminer un livre ou de voir un film , en me disant que je suis différent apres cette expérience , c'est le cas içi.
Je ne suis point trop adepte des autobiographies en general , ce sont souvent des produits mercantiles a l'intérêt littéraire proche du néant , tel le livre sur Ibrahimovich ou celui de Patrick Sebastien .
J'ai abordé celui ci suite à une émission sur France Culture , où il etait questiôn du traitement de la vie privée dans la litterature .
Car oui , içi le lecteur est en présence d'une oeuvre clairement ancrée dans la litterature .
Tout d'abord , je voudrais dire un mot sur le principe de cette oeuvre .
En effet , l'auteur propose içi de le suivre dans sa vie de tout les jours , d'être le témoin privilégié des évolutions de sa vie , de celle de sa famille , au quotidien ...
Vous me direz , quel manque de pudeur , et je vous réponds qu'il faut le lire avant de dire cela .
Knausgaard détruit tout les préjugés hâtifs , car au fond , c'est notre vie qu'il expose , la vie lambda qu'il décris avec une abscence de pathos plus qu appréciable .
On peut se demander si sa démarche n'est pas au fond une prise de conscience de la complexité de l'existence quotidienne , qu'il interroge avec un souci de réalisme constant .
On trouve içi beaucoup de philosophie , qu'il tire de ces expériences , de ces rapports avec ceux qui constituent son univers , ainsi on peut retirer de ces expériences un enseignement personnel conséquent .
Ce livre , cette oeuvre , est unique , pour ma part je n'ai jamais lu de textes de ce type , même si Herzog de Bellow s'en rapproche quelque peu , etant quand même traite de maniere romanesque .
L'expérience qui est celle du lecteur devant cet opus est riche d'enseignements , on y apprends entre autre qu'il ne faut pas forcément une intrigue avec des morts violentes , du sang , des psychopathes , pour parvenir à un texte tout simplement captivant , addictif...
Le style est d'une beauté à tomber par terre ...
J'aime les textes riches sur le plan lexical , qui questionnent le lecteur , qui demandent parfois au lecteur de reprendre à deux reprises la lecture d'une page , afin de ne point laisser une idée cachée ...
Et la , la , c'est le bonheur ...
Depuis Arden je n'avais pas eu un texte aussi profond , riche , intelligent , c'est une jubilation , une extase cérébrale ...
On finis exsangue , comble de satisfaction cérébrale ...
Il y a des livres à ne pas manquer dans une vie , celui ci occupe une place essentielle dans mon cheminement intellectuel , et je le conseil absolument !!!
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Je me demande bien pourquoi ce texte exerce une telle fascination sur moi !
Le moins que je puisse dire c'est que l'auteur a du talent pour raconter sa vie aussi banale que monotone.
Karl Ove Knausgaart tombe amoureux, se marie, fait des enfants, les élève tout en essayant de terminer et de faire publier son premier roman.
Homme au foyer, il nous décrit ses journée avec minutie, aucun détail ne nous est épargné, ni les goûters d'enfant, ni les dîners entre amis pas même les relations avec le voisinage ou sa belle-famille.

Il ne se passe rien d'original. Sous la plume de n'importe quel autre écrivain, j'aurais depuis longtemps jeté le livre à travers les murs.
Mais l'écriture de KOK où plutôt celle du traducteur m'enveloppe d'une sorte de calme et de sérénité.
Impossible cependant de lire ce livre d'une traite, je le prends en lis une cinquantaine de pages, l'abandonne quelques jours pour mieux y revenir, comme aimantée par cette drôle d'histoire.
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critiques presse (3)
LaPresse
02 février 2015
Knausgaard a l'air d'écrire tout ce qui lui passe par la tête, mais ce n'est jamais décousu. Dans un passage dont le souffle devient plus évident à la relecture, il décrit le calme plat et la désorientation qui suit l'achèvement d'un roman.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Lexpress
24 novembre 2014
A partir de la vie de tous les jours, on peut atteindre l'universel et toucher à la grande littérature : la preuve avec Un homme amoureux, dont l'écriture faussement banale laisse soudain surgir des envolées d'une rare puissance.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Liberation
03 novembre 2014
Son étalage d’authenticité autocritique et revendiquée, un genre littéraire à la mode, n’est dépourvu ni d’onanisme, ni de vanité, ni de perversité. Knausgaard est le chevalier aux miroirs et l’homme aux semelles de plomb, une sorte d’inspecteur Wallander égocentrique, mal dans sa peau et volontiers solitaire.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
En Suède, obtenir un bail est très difficile car il dure toute la vie et pour en avoir un comme le nôtre, en plein centre-ville, il fallait soit rester sur une liste d’attente une bonne partie de sa vie, soit en acheter un sous le manteau pour près d’un million. Linda l’avait hérité de sa mère et le perdre aurait signifié perdre le peu que nous possédions. Il ne nous restait donc plus qu’à être très attentifs, à tout faire correctement. Les Suédois, eux, ont ça dans le sang, ils paient tous leurs factures en temps et en heure, sinon ils sont inscrits sur une liste et peu importe le montant dû, la banque ne leur accordera pas de prêt, ils ne pourront pas prendre d’abonnement de portable ou louer une voiture. C’était évidemment incompatible avec moi qui ne faisais pas très attention à ce genre de choses et qui étais habitué à quelques petites affaires de recouvrement par an. J’en compris l’importance quelques années plus tard, lorsque j’eus besoin d’un prêt et qu’on me le refusa tout net. Moi, un prêt ! Mais les Suédois, eux, serrent les dents et vivent méticuleusement tout en méprisant ceux qui n’en font pas autant. Oh comme je détestais ce petit pays de merde. Et de surcroît tellement suffisant. Ils considéraient ce qui se faisait chez eux comme normal, et comme anormal ce qui était autrement. Et tout ça en se targuant de chérir la diversité culturelle et les minorités ? Je plains tous les Ghanéens et Éthiopiens de Suède qui s’inscrivent deux semaines à l’avance pour faire leur lessive dans les buanderies et s’en prennent plein la gueule quand ils oublient une chaussette dans le séchoir ou qui ouvrent leur porte à une personne apparemment bienveillante chargée d’un de ces maudits sacs IKEA et venue demander si par hasard ce ne serait pas le leur ? La Suède n’a pas subi la guerre sur son propre territoire depuis le dix-septième siècle et combien de fois ne me suis-je pas dit qu’il faudrait l’envahir, bombarder ses monuments, appauvrir sa terre, fusiller ses hommes, violer ses femmes et puis laisser un pays lointain quelconque, comme le Chili ou la Bolivie, accueillir gentiment les réfugiés suédois en leur disant qu’ils aiment la culture scandinave et en les mettant dans des ghettos, à la périphérie des villes, juste pour voir ce qu’ils diraient.
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Je réfléchissais à tout ça, envahi de tristesse et d'impuissance, et je me tournai en pensée vers les seizième et dix-septième siècles, leurs vastes forêts et leurs grands voiliers, leurs moulins et leurs châteaux, leurs bourgs et leurs monastères, leurs peintres, leurs penseurs, leurs navigateurs, leurs inventeurs, leurs prêtres et leurs alchimistes. Comme c'eût été bon de vivre dans un monde où tout était fait à la force du poignet, du vent ou de l'eau. Comme c'eût été bon de vivre dans un monde où les Indiens d'Amérique vivaient encore en paix. O la vie représentait une véritable possibilité. Où l'Afrique n'était pas conquise. Où l'obscurité venait avec le coucher du soleil et la lumière avec son lever. Où les êtres humains étaient trop peu nombreux et leurs outils trop simples pour influer sur les populations animales, et encore moins pour les exterminer. Où on ne pouvait aller d'un endroit à l'autre sans efforts et où le confort était réservé aux riches, où la mer regorgeait de baleines, les forêts de loups et d'ours, et où il y avait encore des endroits si inconnus qu'aucun monte ne les avait imaginés, comme la Chine qu'on atteignait qu'au péril de sa vie, au bout de plusieurs mois d'un voyage dont seule une infime minorité de marins et de négociants pouvaient s'enorgueillir. Certes, ce monde-là était grossier et assez indigent, il était sale, infesté de maladie, alcoolique, ignorant et pétri de souffrances, l'espérance de vie y était courte et les superstitions nombreuses, mais il donna naissance à Shakespeare, le plus grand des écrivains, à Rembrandt, le plus grand des peintres, et à Newton, le plus grand des scientifiques, tous restés inégalés dans leur domaine respectif. Comment se fait-il que cette époque-là ait atteint une telle plénitude? Était-ce que, la mort étant plus proche, la vie était plus intense?
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Le spectacle changeait sans cesse. D’un instant à l’autre, on passait d’un amas de nuages flottant mystérieusement dans le bleu du ciel, pareil à une montagne avec ses gouffres et ses pentes raides, ses vallées et ses grottes, à un front pluvieux qui avançait depuis l’horizon tel un énorme édredon gris foncé, et, si c’était l’été, on pourrait voir quelques heures plus tard les éclairs les plus spectaculaires strier le ciel sombre à quelques secondes d’intervalle et on entendrait le tonnerre rouler sur les toits. Mais j’aimais aussi les ciels les plus ordinaires, y compris les plus uniformes, les plus gris et pluvieux, quand les couleurs dans les cours en contrebas éclataient en se découpant nettement sur cet arrière-plan massif. Le vert-de-gris des toits ! Le rouge orangé des briques ! Et le jaune métallique de la grue ! Comme ça brillait dans toute cette grisaille claire ! Ou encore les ciels bleu intense des jours d’été quand le soleil cognait, où les rares nuages qui passaient étaient si vaporeux qu’on distinguait à peine leurs contours, faisant chatoyer la masse des bâtiments qui s’étendait devant moi. Et quand le soir venait, on voyait d’abord l’horizon rougeoyer, comme s’il embrasait la terre, puis une pénombre douce et bienfaisante s’étaler sur la ville comme pour l’apaiser, après une journée entière passée au soleil, harassante mais heureuse. Au firmament, les étoiles brillaient, les satellites passaient et les avions décollaient et atterrissaient à Kastrup et Sturup.
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Ces interminables nuits d’été, claires et ouvertes, où nous passions d’un bar à l’autre, d’un café à l’autre, d’un quartier à l’autre dans des taxis noirs, seuls ou avec d’autres, où l’ivresse n’était pas menaçante, pas destructrice, seulement comme une vague qui nous élevait toujours plus haut, ces nuits-là commençaient lentement et imperceptiblement à s’assombrir, comme si on avait accroché le ciel à la terre, comme si la légèreté et la fugacité perdaient leur marge de manœuvre, plombées par quelque chose qui les maintenait en place jusqu’à ce qu’enfin la nuit s’immobilise, tel un mur d’obscurité qui descendait le soir et remontait le matin, et soudain, on n’arrivait même plus à imaginer la nuit d’été vaporeuse et changeante, tel un rêve qu’on essaie en vain de récapituler au réveil.
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La littérature n’est pas seulement des mots, c’est aussi ce que les mots évoquent chez le lecteur. C’est ce dépassement-là qui justifie la littérature et non les dépassements de formes comme beaucoup le croient (...) C’était pour la même raison que les peintures, et en partie aussi les photographies, avaient autant d’importance pour moi. Il n’y avait pas de mots en elles, pas d’idées, et c’était l’expérience que j’en faisais en les regardant qui les rendait remarquables, même sans idées.
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