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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Milan Kundera a le talent de dépeindre nos sensations intimes et, la plupart du temps, inexprimables par le verbe. Tout le roman est bâti sur les différents ressentis des personnages, principalement deux couples.

Le personnage central, pivot de l'histoire où gravitent les autres est Tomas, chirurgien tchèque brillant, sceptique, désillusionné à propos du communisme et franchement hostile à partir de l'invasion russe de 1968, coureur de jupons invétéré. Tereza, sa femme photographe, qui elle est fidèle, et s'accroche à lui après avoir fuit sa mère et tout un pan de sa vie passée. Sabina, maîtresse en chef de Tomas, artiste peintre, hostile à toute forme d'ingérence dans la pensée et, a fortiori dans les actes comme le furent les chars russes et enfin, Franz, amant de Sabina, archétype de l'homme droit et fiable dont la relation adultère le torture, rappelant un peu le personnage de la modification de Butor.

Tous voient leur vie basculer au moment de l'invasion russe en Tchécoslovaquie en 1968 et dans les années de délation qui suivirent. Cet ouvrage rappelle la facture de la Plaisanterie, mais avec une tournure à la fois plus politique, un peu moins déprimante et probablement une dimension psychologique un peu plus prononcée.

Dans la première partie, l'auteur dresse avec une économie de mots mais un luxe de justesse et d'efficacité cet indescriptible état de « qui perd, perd » où l'on se sent mal seul et mal à deux, oscillant toujours d'une attente vers l'autre sans jamais réellement éprouver de mieux dans l'une ou l'autre situation. Cette première partie est aussi l'endroit d'une médaille à double face constituée par le couple Tomas-Tereza. Ainsi nous représente-t-il une certaine vision, une certaine perception d'événements au travers du prisme que constitue Tomas.

Vous avez compris que la seconde partie sera l'envers de cette médaille, au travers du prisme de Tereza, toujours avec subtilité, toujours dans le ressenti difficilement exprimable. C'est un procédé que Kundera utilise tout au long du roman, si bien que certains lecteurs sont un peu désappointés par cette non avancée de l'action, puisque les événements nous sont déjà connus, seulement ils nous sont racontés aux travers d'autres yeux et c'est à mon sens le grand intérêt du roman.

Avec Tomas, l'auteur nous interroge sur la dualité entre la légèreté et la pesanteur, en nous faisant percevoir qu'il est bien difficile de se prononcer sur la valeur positive ou négative de cette opposition. Avec Tereza, qui passe des heures devant le miroir à essayer de voir son âme derrière son apparence corporelle, il examine la dualité entre le corps et l'âme. Les nécessités du corps et les hasards de l'âme, pourtant forcés de cohabiter au sein de l'être, non sans entraîner quelques discordes.

À partir de la troisième partie, Milan Kundera évoque plus précisément la politique, à savoir l'oppression communiste en Tchécoslovaquie. le thème pourrait en être l'incommunicabilité : celle des réfugiés politiques avec les étrangers, celle des opposants déclarés et des opposants intimes, celle des réfugiés avec les personnes restées au pays. Kundera ne dénonce pas nécessairement un régime, mais met le doigt sur le fait qu'un régime n'est rien d'autre qu'une somme de complaisances et de connivences qui font que des milliers, millions peut-être, d'hommes et de femmes contribuent à faire fonctionner un système liberticide.

Enfin, je m'autorise une petite spéculation car vous savez que Milan Kundera est un grand connaisseur de la littérature classique et qu'il a même abondamment écrit dessus. Je pense que le clin d'oeil qu'il nous fait dans son livre avec le nom du chien (Karénine) est en fait une reconnaissance de filiation entre lui et Tolstoï. En effet, le projet littéraire de "La Guerre et la Paix" pourrait très succinctement se résumer en "l'insoutenable légèreté des destinées individuelles prises dans le flot de l'histoire".

Tolstoï aborde cette réflexion sous l'angle de l'événement historique de la campagne de Russie sous Napoléon, Kundera, sous celui de la révolution avortée en Tchécoslovaquie en 1968, mais dans les deux cas, les conclusions semblent les mêmes. le rouleau compresseur de l'histoire avance mais ne se soucie pas des individus, qui ont l'illusion de croire qu'ils font des choix alors que leurs choix ne sont rien, ne changent rien, auraient pu être tout autre sans modification sensible des résultats observés. le projet littéraire de Kundera est sûrement quelque peu différent, mais je pense qu'il peut être intéressant de le comparer au monument de Tolstoï.

Quoi qu'il en soit, L'insoutenable Légèreté de L'Être est, à n'en pas douter, l'un des plus grands romans mondiaux du XXème siècle finissant. Il est encore un peu tôt pour en juger, mais je gage que ce livre restera marquant pour des siècles. du moins c'est mon avis, insoutenablement léger.
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Qu'est-ce à dire ? Un être en souffrance dont l'agir est léger. Je prends un risque si je signe la pétition car je me dévoile et m'expose à des représailles, alors, je démissionne. J'ordonne moi-même la sentence, passant d'un statut de médecin renommé à celui de laveur de vitres.
Soit ! Je décide ainsi de préserver mon intégrité. Puis, tout à coup et contre toute attente, je suis heureux ! Heureux de vivre sans responsabilités. Je découvre qu'il m'est offert un temps précieux. Une liberté où mon esprit se repose. Je dors mieux, je respire. Je ne suis plus inquiet du sort de mes patients dont le devenir ne m'incombe plus, en tout cas, pas directement. Mais que faire de ce temps donné si ce n'est ‘accentuer' encore mon allant vers l'autre. Les autres, toutes ces femmes qui m'attirent. N'est-ce pas ce moment précis du « séduire » qui m'emplit sans cesse d'un pouvoir dont j'abuse. Quand j'ordonne d'un ton présomptueux : « déshabille-toi !». Et, si toutefois, c'est un autre qui l'intime, cet ordre qui me déstabilise, un rôle inversé qui me destitue, je me reprends alors et me virilise un peu plus. J'accentue ma force et d'un mouvement brusque, je retourne mon adversaire pour le mettre à terre, à ma merci, femme offerte, elle capitule sur la moquette où à mon tour je me tapis. Une légèreté qui m'insupporte et me transporte à la fois, qui fait partie de mon être et qui me vole à toi.
Aucune femme n'épouse ma couche sauf toi, toi que j'aime, la seule à me coexister comme cette force intérieure qui pourtant m'expatrie vers une autre, vers les autres. Ces corps nus, ces blancs dévoilés et nacrés où je recherche le détail qui diffère, mais dont aucun ne se rappelle à toi.
La légèreté est celle qui me culpabilise en m'éloignant de mon amour et la profondeur celle qui m'y relie, vers ce quotidien que pourtant j'exècre, toute cette gestuelle édictée de nos habitudes. Cette intimité prévisible qui dessert le mystère du geste amoureux.
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Il y a aussi ces signes qui conduisent l'instinct à condition de les percevoir, en dehors de toute prémonition, comme autant de liens explicites et avertisseurs.
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Quand l'antre de Térésa s'imprègne de mon infidélité, elle se fait violence et me quitte, mais je reviens vers elle puisqu'elle fait partie de mon être. Elle souffre de se sentir coupable, de ne pas réussir à m'attacher auprès d'elle et pour me combattre, elle aussi se fait infidèle. Cédant à l'ingénieur qui la presse, Térésa s'arrache à la prédiction de sa mère qui lui dénie tout avenir de femme et l'avilit pour la garder auprès d'elle. Térésa découvre alors son pouvoir de séduction et cette part d'elle, qui en dehors de l'amour, se défend puis se donne et s'adonne au plaisir ; un plaisir insoupçonné qui la révèle à elle-même et quand le ‘séduire' lui suffirait peut-être, elle découvre la jouissance que lui apporte, le ‘défendu', l'acte d'infidélité tandis que je me réjouis, moi, de l'après séduction d'une autre qu'elle et de tous les états de reddition qui l'accompagne.
Pourtant, loin d'elle, je n'ai pas de pulsion, je n'existe plus. Il me faut sa reconnaissance à elle pour exister tandis que nous nous rejoignons tous les deux en cet antre, tels des oisillons recouvrant leur nid douillet.

Il y a aussi ce poids de signer où pas le document que me tendent, cette fois-ci, le journaliste contestataire et mon fils, proches ils me sont, mais aussi de par mes idées politiques. Cependant, si j'ai déjà perdu mon poste de chirurgien à l'hôpital, je choisis de préserver ce qui pèse encore à mon coeur, c'est-à-dire Térésa, par crainte des conséquences que cette signature implique et ne manquera pas de suggérer aux leaders communistes qui sévissent envers mes semblables, des intellectuels qualifiés d'indésirables.
S'élève alors sous un ciel brumeux un langage à double sens entre des êtres qui se meuvent en quête de vérité. Il y a là un enjeu historique, celui de faire des choix à travers les aléas de la vie, dont émane l'insoutenable légèreté de l'être.
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Tout commence avec Parménide. Au 6e siècle avant Jésus-Christ, le philosophe établit une classification d'éléments contraires dont chaque membre est lié soit au positif, soit au négatif. Dans cette vision manichéenne qui se reconnaît ouvertement simplificatrice, le chaud est considéré comme positif et le froid comme négatif ; la lumière est positive lorsque l'obscurité est négative ; l'être est positif tandis que le non-être est négatif. Milan Kundera intervient quelques siècles plus tard et pose une colle à Parménide : dans le couple légèreté-pesanteur, quel est le membre positif ? quel est le membre négatif ? C'est la définition de la légèreté qu'il faut revoir : frivolité ou grâce ? et quid de la pesanteur : profondeur ou balourdise ? Rien de tel, pour le savoir, que de vivre l'expérience de ces deux états. Milan Kundera met en place des intrigues et des personnages dont les existences s'entrecroisent et se répondent, de l'Europe de l'est jusqu'à la Suisse des années communistes, à cette époque où la politique prend encore une place prégnante dans la vie privée. Il se permet des intrusions et des digressions fréquentes dans lesquelles il exprime, à la première personne du singulier, son point de vue d'homme et de romancier. Ses personnages semblent exister comme prototypes d'une expérience qui lui permettrait de résoudre la question de la dualité du couple légèreté-pesanteur.


L'art du romancier lui donne également la possibilité de concrétiser le concept de l'éternel retour pour mieux le dépasser. Toujours lié à cette question de la légèreté et de la pesanteur, cette fois appliquée aux actes, Milan Kundera se pose la question de la responsabilité de chacun devant la trajectoire donnée à son existence. Peut-on condamner quiconque lorsqu'il n'est donné à personne la possibilité de connaître les univers parallèles liés à la diversité des choix qui se sont offerts à lui à un moment donné de son existence ? Et qui peut s'arroger le droit de juger d'un regard neutre, lorsque même l'époque dominée par Hitler se teinte de la douce mélancolie des années qui ne reviendront plus ?


« Cette réconciliation avec Hitler trahit la profonde perversion morale inhérente à un monde fondé essentiellement sur l'inexistence du retour, car dans ce monde-là tout est d'avance pardonné et tout y est donc cyniquement permis. »


L'idéal serait de disposer de plusieurs mondes sur lesquels on renaîtrait, riche à chaque fois de l'expérience et des connaissances accumulées au cours de l'existence sur les mondes précédents. L'homme s'améliorerait-il à mesure qu'il renaîtrait ? ou resterait-il aussi insouciant et inconscient de ses actes, faisant preuve d'une faillibilité sans failles ? le roman permet à Milan Kundera d'expérimenter virtuellement des trajectoires différentes. Comme il l'avoue, chacun de ses personnages représente une part de ses potentialités. La représentation morcelée, fragmentaire, évoluant en monades séparées qui se rejoignent parfois dans des confrontations plus ou moins heureuses, offre une réflexion étayée qui se montre bien plus pertinente que la construction d'un système basé sur la seule écriture philosophique. Mais elle présente également un danger… Ce danger se nomme « kitsch » :


« […] le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde ; au sens littéral comme au sens figuré ; le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l'existence humaine a d'essentiellement inacceptable. »


Le kitsch comme négatif n'apparaît qu'une fois qu'a été surmontée la vision du kitsch comme positif, comme élément fédérateur des hommes entre eux, s'unissant et se laissant aller au plaisir des émotions simples dans une illusion de cohésion sociale durable. le kitsch est un danger qui, derrière des abords sympathiques, joue au service d'un totalitarisme des opinions intransigeant. En réduisant l'Être à l'être (comme le fait remarquer François Ricard dans son essai sur l'Idylle), il réduit l'individu au néant et nie tous les aspects dérangeants de son existence.


« A l'instant où le kitsch est reconnu comme mensonge, il se situe dans le contexte du non-kitsch. Ayant perdu son pouvoir autoritaire, il est émouvant comme n'importe quelle faiblesse humaine. »


Et c'est fort de cette reconnaissance que Milan Kundera fait vivre ses personnages en-dehors de tout carcan. Cherchant à échapper aux normes pour mieux laisser s'épanouir ce qu'ils croient être leurs désirs véritables, ils évitent les stéréotypes ; et lorsqu'ils commencent à ressentir la réduction de leur être au type, ils se demandent quelle est la valeur véritable de leur existence passée, et quelle quantité d'honnêteté a pu être la leur jusqu'alors. Dans le contexte de la domination communiste des pays de l'Est, ces questions prennent une ampleur considérable. Personne ne peut rester indifférent : il faut se révolter, il faut coopérer, il faut consentir ou il faut se résigner. Quelle part de soi peut-on accepter de mettre de côté dans ces conditions ? Au bout de cette voie se trouve peut-être la réponse à cette question de la légèreté de l'être comme membre positif ou négatif du couple légèreté-pesanteur. La politique n'est toutefois pas le seul domaine dans lequel il est exigé de se positionner de manière durable (ceci inclut également toute capacité de trahison et donc de versatilité) : le rapport amoureux, le rapport familial, le rapport à l'animal et le domaine professionnel sont tout aussi éloquents.


L'insoutenable légèreté de l'être suit un mouvement en tous points semblables à celui de ses personnages. Commençant avec un aplomb et une gravité qui font reculer le moment où entrent en scène les personnages du roman, l'intrigue se poursuit en amenant sans cesse au premier plan des réflexions qui guident leur parcours et transforment la lecture en expérimentation d'un univers où plusieurs mondes et différents niveaux de connaissances se superposent. Ceci faisant, les personnages finissent bientôt par être livrés uniquement à eux-mêmes dans le final du livre, au moment même où le renoncement à une partie de leurs idéaux (légèreté = lâcheté ?) leur permet de vivre dans une apparence d'harmonie (conformité = kitsch ?) qui n'est, en réalité, que l'échec de l'être à se confronter au néant sur lequel aboutit toute existence. C'est peut-être à ce point ultime que se rejoignent légèreté et pesanteur, le premier étant l'angoisse profonde tandis que le deuxième ne serait que le comportement névrotique de surface. Mais ceci n'est qu'une hypothèse parmi tant d'autres, à laquelle nous soumet majestueusement Milan Kundera.
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Pour moi Kundera est une valeur sûre ; un écrivain que je lis à chaque fois avec le même plaisir. C'est peut-être car la première lecture ou rencontre était réussie : c'était L'insoutenable légèreté de l'être.

Le titre déjà surprend par sa tournure plutôt philosophique. D'ailleurs même les titres des chapitres prêtent à confusion. En outre, le roman s'ouvre sur une argumentation digne d'un essai, ce qui augmente encore la surprise. Il s'agit d'un élément essentiel dans la philosophe de Nietzsche ; celui de l'éternel retour. Or, Kundera voit que la vie est plutôt une unique tentative où il n'y a point de brouillon, on ne peut faire des coups d'essai avant d'opter pour le bon choix. Par ailleurs, il mentionne aussi un philosophe grec ; Parménide, pour souligner la complexité de cette contradiction léger-lourd qui sera traitée tout au long du livre. Cependant, en plus de cette page de philosophie, Kundera a choisi un cadre historique pour son roman : le fameux Printemps de Prague et ses conséquences sur les tchèques. Mais dans cette pesanteur de l'Histoire et de la philosophie, on retrouve une histoire d'amour et de légèreté entre Tomas et Tereza.

Kundera est un disciple de ce qu'il appelle lui-même les grands romanciers de l'Europe Centrale. Il mêle réflexions profondes sur la vie, L Histoire, la politique et l'art avec le romanesque dans une harmonie presque musicale. Il explique les actions de ses personnages en psychanalyste. Il analyse même leurs rêves. On remarque que Kundera essaie à chaque fois de nous éloigner de son intrigue principale à travers des digressions, comme si l'histoire de ses personnages n'était qu'un simple prétexte pour retrouver les thèmes qu'il aborde, mais selon, toujours, le point de vue de ses quatre personnages Tomas, Tereza, Sabina et Franz.

Ces personnages qui, à la fin n'auraient pas participé glorieusement à la trame Historique, et qui ont mené une vie banale et légère compatissant avec la mort de leur chienne Karenine (clin d'oeil à l'un de ses maîtres : Tolstoï) et finissant d'une manière accidentelle, même s'ils ont essayé tant bien que mal. Mais c'est, après tout, cela la vie ; avec ses erreurs et ses bonheurs ; une vie unique sur terre sans expérience pour vérifier le degré de réussite de ses actes.

Mais, à vrai dire, ce roman est d'une telle profondeur et d'une telle densité qu'on ne pourrait cerner toute sa valeur en si peu de mots. Par contre, Kundera lui-même a déjà expliqué certains points essentiels de son roman dans son livre "L'art du roman".
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La sagesse de l'incertitude.
Cette définition du roman selon Kundera se retrouve dans toute son oeuvre et dès l'ouverture de ce monument de la littérature du 20 ème siècle. L'homme n'a qu'une vie et la pesanteur de ses choix n'a d'égale que la légèreté de son existence. Impossible de rembobiner sa vie et de savoir quel aurait été le cours de son histoire si d'autres chemins avaient été empruntés. Pour supporter cette impasse et ne pas se fouetter d'éternels regrets, autant prendre la vie comme elle vient.
L'histoire est connue mais autant la radoter, car elle est belle. Tomas est un brillant chirurgien qui vit à Prague en 1968. Il est plus intéressé par ses conquêtes féminines que par l'agitation politique. Il épouse Teresa, jeune femme tourmentée, jalouse et ivre d'idéaux politiques et amoureux. Etouffé, Tomas multiplie les infidélités, notamment avec une amie, Sabina, photographe, individualiste et éprise de liberté.
Lors du printemps de Prague, Tomas et Teresa s'enfuient en Suisse mais la jeune femme ne peut se résoudre à vivre loin de chez elle et elle rentre seule. Tomas doit alors choisir entre une vie helvète légère où il peut s'épanouir dans son métier et étancher sa soif amoureuse ou rejoindre Teresa, perdre son travail et s'exposer à la répression communiste. Il rentre à Prague, devient laveur de carreaux et le couple part vivre à la campagne avec leur chien, Karenine.
Comme tous les palais romanesques, l'accès à ce livre impressionne. Rien que le titre nécessite la prise de Paracétamol. J'ai mis les patins pour glisser à pas feutrés sur cette prose cirée. Dès la première phrase, Nietzsche est cité. Il faut s'accrocher ODP. J'ai parfois été obligé de relire certains paragraphes car j'avais eu la maladresse de cligner de l'oeil entre deux phrases. Il faut dire que chaque décision d'un personnage est suivie d'un commentaire philosophique. Penser à ne jamais inviter Milan Kundera à un diner. du coup, il est difficile de s'attacher au récit car les digressions laissent le lecteur spectateur de l'histoire. En fait, j'ai eu l'impression que l'auteur ne cherchait pas à retenir mon attention et d'assister à une conférence. Il m'a fallu un bon moment (je ne suis qu'un homme) pour comprendre que cette prise de recul avait pour ambition d'inviter à la réflexion sur le sens unique de la vie. Je suis content d'avoir attendu d'être à maturité pour m'engager dans cette lecture. Plus vert, la pesanteur aurait eu raison de ma légèreté.
Il ne s'agit donc pas seulement d'une belle histoire d'amour au milieu des chars russes. Ce n'est pas davantage le roman d'un intellectuel exilé contre le régime communiste et ses mythologies. Ses personnages sont autant victimes de l'histoire que de leurs choix personnels. Il s'agit plutôt selon moi d'une méditation sur la liberté individuelle et sur les forces contraires qui secouent nos existences.
Chaque lecteur de ce roman garde un souvenir de ce voyage littéraire. Pour moi, ce sera la fin de vie du chien Karénine. L'attachement de Tomas et Teresa à cette bête témoigne de plus d'humanité que tous les états d'âmes qui tourmentèrent leur passion amoureuse.
Pas étonnant qu'un auteur mythique entre dans la Pléiade de son vivant.



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L'insoutenable légèreté de l'être est un titre qui attire. le titre oxymorique prend toute son importance au fil du roman.
Comment parler d'un livre qui a été un coup de coeur, tout en essayant de rester objective ? Je crois que c'est une chose impossible.

Ce livre m'est tombé dans les mains au moment ou j'en avais le plus besoin, il fut pour moi comme une thérapie, il m'a aidé a mettre un mot sur ce que je ressentais et a comprendre ce qu'était l'amour dans certains cas.
Je suis rentrée dans l'histoire des les premières pages pour ne jamais en sortir , seulement quand il le fallait. Jamais des personnages ne m'ont semblé si vrai, si crédible, si profond. Kundera donne sa propre définition de l'amour tout en essayant d'argumenter ses propos par des exemples, en citant des philosophes ( notamment Nietzsche des les début ) et c'est incroyable parce qu'il arrive a mettre des mots sur nos sensations vécues ou pas. Certains passages m'ont beaucoup émus, je ne compte plus les pages cornés pour en retenir les passages. Je me suis senti très proche des personnages et quelque part, je me suis peut être un peu identifiée a Tereza.
L'insoutenable légèreté de l'être est-il simplement un livre d'amour ?
Non bien que l'amour y prenne une grande place, il y a de la politique notamment avec les passage assez puissant qui définissent le Kitsh, le contexte spatio-temporelle est aussi bien choisit : la période du communisme et de L'URSS, Kundera en profite pour attaquer le communisme et la censure qu'il suggérait.
Ce livre est bourré de réflexion sur la vie et quand on en capte l'essence, cette histoire peut marquer le lecteur au point d'y laisser une trace dans sa vie, je pense que c'est mon cas.

L'histoire d'amour de Tomas et Tereza est la plus bouleversante et la plus belle que j'ai lu jusque la. Elle nous apprend qu'il ne suffit pas d'aimer quelqu'un pour être heureux, au contraire, on peut souffrir d'aimer une personne et on peut la faire souffrir sans le vouloir, parce qu'au fond, bien qu'on aime la personne, on ne change jamais vraiment. Tel est le cas de Tomas qui ne cessera de faire souffrir Tereza avec son infidélité, sa nature libertine qui veut posséder les femmes mais qui n'en aime qu'une. Tereza de son côté, est esclave de sa passion.
Kundera sépare l'amour physique et l'amour de l'âme qui est aussi au coeur de cette histoire.
Aussi il y a l'idée de totale et immuable incompréhension entre deux personnes qui s'aiment, qui peut a la longue, être le frein a toute relation ( voir le petit lexique des mots incompris ) représenté par Franz et Sabina.
Dans chaque vie on trouve la légèreté et l'apesanteur, mais qu'est-ce que la légèreté ? Qu'est-ce que la pesanteur ? Qu'est-ce qui est négatif et qu'est-ce qui est positif ?

Un livre puissant dont les phrases ont en quelques sortes marquées ma mémoire de lectrice à jamais, je remercie la personne qui m'a conseillé. J'aimerais dire que c'est un chef d'oeuvre et une magnifique première lecture de Kundera, de qui j'aimerais lire d'autres livres.
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« Je ne connais pas d'oeuvre littéraire qui aille plus loin, qui pousse plus avant l'art de la désillusion et qui dévoile à ce point la tromperie essentielle dont se nourrissent nos vies et nos pensées. C'est une de ses constantes que de mettre à nu, à travers l'existence et les réflexions de ses personnages, l'insignifiance et la parfaite bouffonnerie du monde. » (Extrait de la post-face de François Ricard).

Je crois que François Ricard a parfaitement résumé ce que je ressens après la lecture de ce roman.
Je l'avais déjà lu dans les années 80 avec ses autres romans, mais beaucoup de choses m'avaient alors échappées. Il y aurait tellement de réflexions à en tirer que je ne sais pas par où commencer. J'en resterai à mon émotion première : celle de l'incompréhension entre les êtres. Au sein du couple, d'abord. Nous nous méprenons complètement sur ce que pense l'autre.Il est donc impossible de se comprendre et de mener une vie harmonieuse. Alors, si on extrapole sur nos relations sociales, on s'aperçoit qu'elles sont tout autant basées sur des malentendus, des quiproquos qui nous empêcherons toujours l'accès à l'épanouissement dans nos relations avec les autres. Je passe sur les thèmes du communisme, de la liberté individuelle, du libre arbitre, de Dieu, de l'art… Kundera nous offre ici une oeuvre pleine, qu'on pourrait décortiquer à l'infini.
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L'insoutenable légèreté de l'être est un livre que j'ai lu il y a très longtemps, je devais avoir un peu plus de vingt ans. C'était donc une lecture de jeunesse.
J'avais totalement laissé de côté pendant plusieurs années l'écrivain et son oeuvre. Plus tard j'ai dû lire un ou deux autres livres de Milan Kundera et je ne m'en souviens plus. Par contre, L'insoutenable légèreté de l'être est un roman qui est resté gravé dans ma mémoire.
Et puis un voyage à Prague au printemps dernier m'a donné l'occasion de remettre mes pas vers ce récit. Je me souviens d'ailleurs d'une petite librairie très charmante dans un vieux quartier de Prague qui invitait à emprunter un escalier étroit vers un sous-sol mal éclairé où l'on pouvait alors découvrir notamment toutes les éditions traduites en différentes langues de ce très grand livre.
C'est ce voyage qui m'a donné envie de revenir à ce roman, cette fois dans sa version audio, un texte lu par Raphaël Enthoven, philosophe passionné par cet ouvrage.
Le titre étonne, détonne, provoque déjà un peu, avouons-le. J'aime cette idée romantique de la légèreté, cette idée d'apesanteur et des événements de la vie qui provoquent cette légèreté.
Dans ce texte lu, j'ai retrouvé de manière intacte toute l'émotion que le texte initial m'avait procurée et aussi son côté atypique. Son atmosphère, son aspect kitsch certainement, le plaisir mêlé à la violence, l'attachement aux personnages, le fil du destin qui les tire vers nous.
Je me suis mélangé très rapidement à l'histoire de Tomas et de Tereza, de Franz et de Sabina, d'un chien qui s'appelle Karénine, petit clin d'oeil à ce cher Tolstoï en passant...
Ce n'est pas qu'une histoire d'amour ou de chassé-croisé amoureux en fond de dictature. Ce serait trop facile de résumer ainsi cette oeuvre prodigieuse. C'est un livre où l'on ouvre plein de tiroirs lorsqu'on parvient à y entrer. Nous voyons les personnages prendre ou ne pas prendre de décisions qui peuvent avoir une influence totalement fondamentale sur leur vie et celle des leurs.
Le paradoxe, en effet, amène à penser que si la légèreté devient insoutenable, elle devient grave, non pas lourde, mais grave oui, tout simplement grave...
Sans doute ce paradoxe enrichit la narration du récit, au-delà des états d'âme et des relations entre les personnages, par-delà l'histoire qui se construit et qui avance avec ses élans et ses désillusions derrière le paysage du livre. Nous sommes en 1968. C'est le communisme et l'invasion des chars soviétiques dans Prague.
Dès le début du récit, nous voyons ces quatre personnages vivre et s'animer dans ce théâtre d'ombres et de lumières. Il y a tout d'abord Tomas, un chirurgien brillant, séducteur invétéré, qui doute dans le communisme, il a par ailleurs une vie amoureuse totalement dissolue et qui « collectionne » les maîtresses. Arrive Tereza qui débarque dans sa vie, ayant fui sa mère ainsi que son passé, elle devient sa femme, elle est photographe, elle veut lui être fidèle, et s'accroche à lui à toutes forces. Il y a aussi Sabina, maîtresse de Tomas, artiste peintre, totalement libre dans sa pensée et ses actes et enfin, Franz, amant de Sabina, homme qui est droit et qui souffre dans la relation d'adultère qu'il vit.
Tous les quatre voient leur vie basculer au moment de l'invasion russe en Tchécoslovaquie en 1968 et dans les années de délation qui suivirent.
Le roman permet avec beaucoup de justesse, et sur un jeu habile de regards et de sentiments croisés, de poser des mots et des émotions sur ce qui se passe dans le Prague et plus largement la Tchécoslovaquie de 1968 et des années qui vont suivre.
Dans cette grande Histoire qui sera violente pour le peuple tchèque, ici se dessine les destins de celles et ceux qui veulent y prendre part ou s'en échapper. L'infidélité de certains personnages est une forme de transgression jetée comme une provocation à l'ordre établi, qui va trembler, qui va résister tant bien que mal, s'en sortir grâce à des chars russes.
Les chars avancent, nous savons que ces images ont marqué l'histoire et son peuple, il a fallu attendre plus tard pour que celui-ci réaffirme son désir de liberté, son destin, son indépendance totale...
Le clin d'oeil à Tolstoï ne me semble pas anodin. Milan Kundera admire cet auteur qui était très proche du peuple russe.
Ici, ce qu'il faut retenir de cette œuvre ample, c'est que tous les personnages avancent en quête de vérité. Ils ont besoin de s'animer autour de cette quête pour exister, prennent des risques, s'aiment et s'aimer ici devient un acte militant.
L'insoutenable légèreté de l'âme est exprimée, certes, mais que dire des corps qui vont et viennent dans ce roman choral ? Sont-ils légers ou lourds ? Il y a comme une frénésie qui donne envie de faire l'amour dans le chaos d'un monde qui bouge et qui change ?
Derrière la magie d'un titre de livre très beau, je ne sais pas reconnaître quelle est la portée philosophique du message, je retiens une histoire avec des personnages légers, incandescents et d'autres moins légers qui s'imprègnent dans ce paysage d'une histoire forte et douloureuse, l'amour est parfois une manière militante de se tenir debout dans une dictature face à des chars qui avancent dans un boulevard. Je voudrais simplement croire à cette très belle idée, il y a peut-être tant d'amour à distiller sur cette planète pour déboulonner les statuts en fonte et faire déraper les chars dans leurs trajectoires rectilignes.
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Le vertige. C'est le mal dont tu pourrais souffrir en lisant cet ouvrage. Le vertige, cet appel d'en-bas, celui de la pesanteur de ton corps, quand ton âme, elle, voudrait te tirer vers le haut.

Ton corps est affecté de pesanteur, c'est pourtant celui qui t'incite à la légèreté, quand ton âme, immatérielle, est celle qui pondère tes ardeurs. Surprenante et sempiternelle dichotomie – le mot revient plusieurs fois dans l'ouvrage de Milan Kundera : L'insoutenable légèreté de l'être.

La vie est un éternel tiraillement entre tout et son contraire. Le haut et le bas, le bonheur et le malheur, la damnation et le privilège. Mais la vie n'est jamais qu'un roman dont les chapitres se construisent sur des hasards.

Celui-ci de Milan Kundera est une errance dans la vie de couples qui se font et se défont dans le contexte du régime tyrannique de la Tchécoslovaquie des années soixante-dix, alors que les chars du grand frère soviétique imposent sa loi dans les rues de Prague.

N'as-tu jamais rêvé d'observer ton corps depuis l'extérieur, comme une enveloppe charnelle que tu quitterais ainsi qu'un vêtement ? C'est un autre voyage auquel t'invite Milan Kundera. Mais attention tu pourrais être soumis au vertige et y perdre ton âme alors que ton corps te précipice dans l'abîme de ses bas instincts.

Et pourtant, de vie, tu n'en n'as qu'une. Tu n'as pas de coup d'essai. Tu ne pourras pas corriger tes erreurs.

Toi, le lecteur que l'auteur interpelle, c'est donc moi. Je suis sorti de mon corps et m'observe maintenant avec cet ouvrage dans les mains, subjugué et dubitatif à la fois.

C'est ce que je comprends dans le premier ouvrage que je lis de Milan Kundera. Je l'ai adoré. Mais avec la légèreté qui me caractérise, j'ai bien conscience de ne pas en avoir évalué tout le poids.

Oui, j'ai aimé lire ce livre. J'ai aimé l'ancrage de ses inspirations philosophiques dans le trivial de la vie animale de l'homme. Grand écart entre la lourdeur du vulgaire, parfois obscène, et la majesté du transcendant, toujours éminent.

L'Homme est fait comme ça. Je suis fait comme ça. Perpétuellement écartelé entre l'abjecte et le sublime, entre le dedans et le dehors de moi-même.

Il faudra que je revienne vers cet ouvrage, me replonger dedans, corps et âme, pour tenter d'en approfondir la compréhension. Tenter d'apprécier le poids que peuvent avoir des réflexions qui n'ont pas de matérialité. Pas de poids justement.


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Il est bien difficile de faire la critique d'un tel roman. Tout d'abord, je salue le travail de François Kérel qui a traduit le texte du tchèque en français. Compte-tenu de la complexité de l'ouvrage la tâche a certainement été très ardue. Ce livre, je l'ai beaucoup aimé et j'ai lu avec avidité les 455 pages qui le compose. Mais dans quelle catégorie le classer? J'ai pensé que la postface de François Ricard pourrait m'aider. Mais elle ne fait que m'embrouiller. Ce roman aborde plusieurs sujets : l'amour, mais aussi la politique et tout s'entrelace. L'amour est présent, mais il n'est pas linéaire et s'il est incontestable il s'agit quand même d'un amour où l'adultère est très présent, le héros Tomas étant un très grand coureur de jupons. La politique, Milan Kundéra dénonce le communisme et l'occupation de la Tchékoslovaquie par les troupes de l'Union Soviétique, les purges et brimades dont sont victimes les intellectuels; mais il évoque aussi le sort bien peu enviable des cambodgiens.
Ce roman, ou plutôt ce monument de la littérature offre aussi de longues études psychologiques et d'importantes références littéraires et philosophiques. Un roman complexe mais magnifique.
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