J'ai découvert la pièce de
Tony Kushner,
Angels in America, grâce à un podcast de
France Culture dans une adaptation pour la radio de Pierre Laville et
Guillaume Poix d'après la version intégrale publiée à L'avant-scène dans la collection des Quatre-vents.
J'ai écouté cette longue pièce en deux parties sans rien connaître de l'auteur, sans savoir que c'est un grand texte du théâtre américain à la renommée internationale et j'ai été littéralement happée par un contexte, celui du SIDA, par une polyphonie de point de vue, ceux des personnages et leurs histoires à la fois très personnelles et imbriquées et par une ambiance paradoxale, ancrée dans les réalités des années 1980 et onirique, voire fantastique.
Un tourbillon d'émotions… Des héros attachants aux destins tragiques…
Harper et Joe forme un couple à la fois uni et mal accordé, troublé par une sexualité incertaine et mal vécue, des non-dits et des croyances religieuses mormones pesantes.
Prior et Louis s'aiment, mais la peur de la maladie va les séparer… Louis cèdera à une forme de lâcheté et abandonnera son amant malade et condamné.
J'ai particulièrement apprécié le personnage de l'infirmier noir, homosexuel, au chevet des malade du SIDA…
L'évolution de la mère de Joe est exemplaire. Foncièrement homophobe, elle est admirable auprès de sa belle-fille, contaminée par son mari.
J'ai eu un peu de mal à m'intéresser à Roy M. Cohn, un riche avocat d'affaires, impliqué dans les scandales financiers et politiques du parti de Reagan ou du maccarthysme antérieur. Son cynisme et son assurance le rendent particulièrement antipathique. Ce n'est qu'à l'approche de la mort qu'il m'est devenu accessible, dans ses échanges avec son infirmier, notamment, particulièrement décalés et savoureux.
Des destins entrecroisés…
Ainsi, par exemple, Joe est dans l'entourage proche de Roy M. Cohn, tiraillé entre sa véritable nature et une forme de devoir. Quand Roy parvient à se procurer, à prix d'or, un nouveau médicament, l'infirmier noir met tout en oeuvre pour en obtenir aussi pour son ami Piotr, à l'agonie.
Une ambiance onirique et fantastique…
Le fantôme d'Ethel Rosenberg hante les délires de Roy M. Cohn ; il faut dire qu'il a contribué à la faire condamner à la chaise électrique…
Un ange déchu visite Prior et le désigne comme nouveau prophète d'un Occident mal portant et décadent, avant de rejoindre ses congénères dans un paradis aride et déserté par Dieu.
Une pièce dense et complexe…
Il m'a fallu deux écoutes pour vraiment me l'approprier, aller au-delà du côté Philadelphia en pire. C'est le genre de texte dont chaque nouvelle lecture révèle des détails à peine entrevus et un grand univers référentiel.
Entre l'intimité mise à nu, l'homophobie récurrente, la stigmatisation d'une forme de sexualité, l'ensemble est dérangeant et laisse une impression de profond malaise. L'autodérision, l'humour, la métaphorisation aide à faire passer un message que chacun(e) prendra à sa mesure.
J'ai eu du mal à comprendre les sous-titres des deux parties « le Millénaire Approche » et « Perestroika »… Il faut se replacer dans le contexte d'écriture de la pièce, juste après la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide. Cette pièce va au-delà des années SIDA et des années Reagan ; personnellement, je n'ai pas toutes les clés pour l'appréhender dans sa globalité.
Un monument, en effet.
Un moment fort…
Une écoute qui laisse des traces.
Lien vers "
Angels in America" de
Tony Kushner sur
France Culture
https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-theatre-et-cie/angels-america-de-tony-kushner
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