Ce petit livre est d'une grande richesse.
L'auteure aime arpenter la Terre, où tout lui parle. A travers des chapitres courts, chacun sur un thème donné, elle nous livre ses ressentis, émotions, plus précisément son immense amour, presque mystique par moments, pour tout ce qui vit, tout ce qui constitue notre environnement naturel. Sous sa plume empreinte de poésie, le moindre brin d'herbe comme le plus vaste paysage prennent vie. Ses connaissances nombreuses et variées (histoire de la Terre, botanique, oiseaux, insectes, littérature, apports scientifiques) complètent ses descriptions, et enrichissent le propos. Un plaidoyer pour la préservation de la nature, plein de poésie, très agréable à lire.
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Par quel bout prendre ces quatre textes, émaillés de citations, accompagnés d'une bibliographie riche et tentatrice, ornés de dessins évocateurs et subtils de l'auteure ?
Ces 169 pages hérissées de marque-pages, fertiles en réflexions , où puiser des informations sur la nature mais aussi de quoi étayer une vie quand le doute s'installe, quand la laideur semble l'emporter et que la destruction approche à grands pas ?
Pas de naïveté de la part d'Anne le Maître, mais une écriture à la fois poétique et argumentée qui fait la part belle à la vie sous toutes ses formes : "Alors: la fleur qui pousse plutôt que l'arbre qui tombe. L'églantine plutôt que le lisier. Il est toujours bon de se préparer aux épreuves. il n'est pas interdit de regarder le ciel."
Si l'auteure célèbre la marche, elle nous la fait partager avec générosité et ,mine de rien, on se glisse avec elle sur les chemins la nuit pour frémir au brame du cerf, voire dans la neige pour mieux contempler le ciel.
D'aucuns pourront dire que la volonté de célébrer l'instant présent n'est pas une nouveauté, certes, mais c'est l'écriture et la voix d'Anne le maître qui font toute la différence. Alors , vite glissez ce viatique dans votre poche ou votre havresac et partez en compagnie d'un texte lumineux.
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
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Page 63 :
Rencontre, encore. Un jour, sur un de ces chemins de l'heureux pays mâconnais, piqué d'églises romanes et de pâtures, que j'aime à parcourir une fois l'an comme on parcourt ses terres, j'ai rencontré la Joie.
Il était tôt encore, la rosée matinale n'avait pas fini de mouiller mes chaussures. Je revenais de la forêt où j'étais allée rendre hommage à l'un des seigneurs du lieu, un châtaignier vénérable dont les fruits nourrissaient sans doute déjà bêtes et gens au temps de Louis XVI. Comme je débouchais à la lisière du bois, mon regard fut attiré par un corbeau. Juché, noir, sur un piquet de clôture, il fixait le pré sur ma gauche d'un oeil brillant. C'est l'intérêt dont il faisait preuve qui m'a intriguée : clairement, il y avait là quelque chose à voir.
De fait. Parmi les herbes hautes et détrempées, pelage roux, ventre beige sur des pattes sombres, un jeune renard dansait dans le soleil. Il s'élançait, faisait des bonds et des sauts de carpe, tournait follement sur lui-même.
Longtemps le corbeau et moi-même sommes restés à le regarder. Tout à sa joie, il ne nous a pas vus.
Page 139
De la cour à la ruelle, du jardin au sentier il n'y a qu'un pas : il suffit de pousser la porte, de passer le mur. Comme le trèfle et comme l'ortie, ces aventuriers sans foi ni loi, faisons fi des barrières et prenons le maquis.
Page 20 :
Aussi est-ce à la seule aune de mon corps que je m'en vais mesurer le monde - du haut de mon mètre soixante-sept je le contemple, petite mammifère dressée sur mes pattes de derrière. Deux jambes, le dos droit, la nuque souple : quelque part entre le hêtre et le brin de muguet, j'ai la hauteur d'un églantier ou d'une rose trémière, d'un roseau pas trop grand, d'un lilas poussé à l'ombre.
Début octobre, les feuilles des marronniers envahissent les trottoirs et au réveil, quand j’ouvre mes volets, les petits matins sentent la mousse et le brouillard. C’est le temps des premières flambées et des dernières confitures, gelées de pomme et de coing couleur de cuivre qu’on aligne avec soins dans l’ombre des placards.
Calendrier des récoltes : en Bourgogne on ne va plus aux jonquilles ni aux mûres mais aux cornouilles et aux cèpes, dont le fumet boisé se combine à celui des pommes sures pour composer la senteur de l’automne.
Présentation de l'entretien d'Anne Le Maître avec le journaliste Philippe Chauveau sur WebTvCulture en décembre 2023.