Vous connaissez Seraing ? Si vous êtes cinéphile, bien sûr que oui, puisque cette ville belge sert de cadre à l'action de plusieurs films des frères Dardenne. Seraing se trouve dans la province de Liège, dans le sud-est de la Belgique. Au XIXe siècle, elle devient un important centre industriel avec, entre autres, la Société anonyme John Cockerill, une société sidérurgique et charbonnière. Après la Seconde Guerre Mondiale, l'Etat belge permet à des ouvriers italiens de venir travailler dans les mines (en échange de tonnes de charbon livrées à l'Italie). La plupart de ces émigrés viennent du sud du pays, de Naples, de Calabre ou des Pouilles, voire de Sicile. Bientôt, ces travailleurs s'installent, fondent des familles, créent des lieux « culturels », continuent à parler l'Italien (en même temps que le wallon et le français), à manger les plats de leurs régions, etc. Leurs enfants, ceux des Golden Sixties, vont soit suivre les traces de leurs parents, soit tenter de grimper à l'échelle sociale. C'est le cas des deux fils Baldini : Salvatore est un ouvrier ; Francesco (pardon, François) est devenu un avocat d'affaires, spécialisé dans la défense des évadés fiscaux. Il est perçu, par son père communiste, comme un vendu au capitalisme … Mais, un jour, après plusieurs années d'absence, il revient et renoue avec son passé de fils d'ouvrier.
Seraing est devenu zone sinistrée (surtout après l'épisode ArcelorMittal). Elle n'est plus que l'ombre de sa splendeur passée. Ses habitants, chômeurs ou retraités, nostalgiques de l'âge d'or, ponctuent leurs conversations d'anecdotes, de souvenirs ou de considérations politiques. Trouver un responsable ? Les banques, les patrons, les politiciens, les étrangers … car, ayant obtenu la nationalité belge, certains de ces ouvriers deviennent plus patriotes que les Belges, oubliant leurs origines, oubliant l'accueil qu'ils ont reçu, oubliant les chansons qui les ridiculisaient.
Pourtant, aujourd'hui, plusieurs belges mondialement connus sont d'origine italienne et sont issus de cette vague d'émigration vers le bassin Sambre-et-Meuse. Citons Enzo Scifo, Adamo,
Frédéric François, Sandra Kim,
Franco Dragone,
Anne Morelli et, évidemment,
Elio di Rupo.
Cet opuscule est une sorte d'hommage à cette classe laborieuse qui a largement contribué à la grandeur de la Belgique.