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EAN : 9781030406895
80 pages
Allia (24/08/2017)
2.92/5   6 notes
Résumé :
"Poésie" : quel genre d'art a pour présupposé le dégoût de son public et quel genre d'artiste se range du côté de ce dégoût, voire l'encourage ? Un art détesté du dehors comme du dedans. Quel genre d'art pose comme condition de son existence un mépris total ?"

En classe d'anglais, le collégien Ben Lerner doit apprendre par coeur une poésie de son choix pour la réciter en cours. Pour sa brièveté, il jette son dévolu sur Poésie de Marianne Moore. C'étai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« La Haine de la Poésie » de Ben Lerner, traduit de « The Hatred of Poetry » par Violaine Huisman (2017, Allia, 80 p.). Petit livre dans lequel Ben Lerner pose les questions qui l'obsèdent. Comment être poète ? Qu'est-ce que la poésie ? Un véritable sac de contradictions enveloppe encore cette discipline. Ben Lerner avoue qu'il est le premier à en faire les frais. « Par exemple, chez le dentiste, quand il s'agit de répondre la bouche grande ouverte, à la question qui tue : "Que faites-vous dans la vie ?" » Ce à quoi Ben Lerner répond « Je suis poète », ce qui fait grimacer le dentiste. « On se fait des soucis pour un poète — ne pourriez-vous pas trouver un vrai travail et laisser vos manies d'enfant de côté ?
Pourquoi parler de Ben Lerner, de ses romans et de poèmes. Pour moi, ce sont les années du « Clavier Cannibale » de Christophe Claro qui m'ont fait connaitre cet auteur américain, récompensé également par « The Believer Book Award » en 2012 pour son « Leaving the Atocha Station ». La revue « The Believer » fondée en 1998 par Dave Eggers, et publiée par McSweeney's, a été le flambeau de la presse indépendante. Elle a connu une éphémère traduction en français, a été une source importante et fiable de titres et d'auteurs américains.
Ben Lerner s'est fait connaitre avec « The Lichtenberg Figures » un recueil de poèmes (2004, Copper Canyon Press, 96 p.). A la sortie du livre, Ben Lerner, 25 ans, est le plus jeune poète primé, a recevoir le « Hayden Carruth Award ». Ce prix est au nom du poète (1921-2008) qui a écrit plus de 30 ouvrages de poésie américaine, lorsqu'il enseignait à Syracuse University, pas très loin du lac Ontario dans l'Etat de New York. le recueil a été nommé l'un des douze meilleurs livres de poésie de l'année. Depuis, il a publié d'autres recueils de poèmes « Angle of Yaw » (2006) et « Mean Free Path » (2010). La traduction allemande « Die Lichtenbergfiguren » par Steffen Popp en 2010, a reçu le « Preis der Stadt Münster für internationale Poesie » en 2011, ce qui en fait le premier Américain à recevoir cet honneur.
Ben Lerner est certainement plus connu par ses romans, dont « Au Départ d'Atocha » (2011) traduit par Jakuta Alikavazovic. (2014, Editions De l'Olivier, 205 p.), « 10:04 »(2014) traduit Jakuta Alikavazovic. (2016, Editions De l'Olivier, 270 p.) et « L'Ecole de Topeka » (2019) traduit par Jakuta Alikavazovic (2022, Christian Bourgois, 409 p.) sur sa jeunesse dans cette ville du Kansas.
Pourquoi ce mépris dans « La Haine de la Poésie », maintenant qu'il est devenu un poète reconnu et récompensé, voire même « écrivain charismatique » comme cela a été écrit dans le « New York Times ». Il reste cependant tétanisé, et il l'avoue une quinzaine d'années après, devant « Poetry » de Marianne Moore (1887-1972) extrait de « Poèmes Complets » (1994, Penguin Classics, 320 p.) Ce poème, qu'il avait lui-même choisi pour le réciter au collège, est tiré de « Poésie Complète » traduit par Thierry Gillyboeuf (2004, José Corti, 336 p.). Il avoue qu'il l'a bredouillé à trois reprises. Mais il n'est pas si rancunier que cela puisque le titre même de son ouvrage « The Hatred of Poetry » reprend le premiers vers du poème « I too, dislike it: there are things that are important beyond all this fiddle » (Moi aussi, je n'aime pas ça : il y a des choses qui sont importantes au-delà de tout ce bidouillage). Heureusement, il y a des passages brillants parmi des réflexions plus ternes. « Pour l'avant-garde, le poème est une bombe imaginaire avec de vrais éclats d'obus ». C'est la version proposée par Ben Lerner des vers du poème de Marianne Moore « The bat, / holding on upside down or in quest of something to // eat, elephants pushing, a wild horse taking a roll, a tireless wolf under / a tree, the immovable critic twinkling his skin like a horse that feels a flea ». (La chauve-souris, / tenant sa tête en bas ou en quête de quelque chose à // manger, des éléphants qui poussent, un cheval sauvage qui roule, un loup infatigable sous / un arbre, l'immuable critique faisant scintiller sa peau comme un cheval qui sent une puce ). Dans son pamphlet, Ben Lerner en profite pour tirer à boulets rouges sur certains des poètes contemporains. Contre eux, il défend sa vision d'une poésie comme étant une quête d'universalité et d'authenticité.
« On nous a appris très tôt que nous sommes tous poètes simplement en étant humains. Notre capacité à écrire des poèmes est donc à la mesure de notre humanité ». Soit, dit autrement. Tout humain est poète. Ben Lerner est humain. Ben Lerner est donc poète. On pourrait retourner le syllogisme en. Tout poète est humain. Ben Lerner est poète. Ben Lerner n'est donc pas un produit de l'intelligence artificielle type ChatGPT. Et il poursuit son analyse, quelquefois de façon bizarre. « La poésie est l'expression la plus pure (à la façon d'un jus d'orange ?) de ce domaine [à l'intérieur de nous ] ». Lorsque l'on sait ce que l'on met dans un jus d'orange de grande surface, on peut comprendre les contradictions qui l'assaillent. Retour explicite chez le dentiste et son embarras à justifier sa profession., surtout la bouche béante, avec le docteur X « cognant le petit miroir contre mes molaires » et méprisant « l'idée qu'une véritable poésie pût sortir d'une telle ouverture ».
Selon Ben Lerner, « la poésie dénote une exigence impossible », ce qui fait qu'elle est « souvent accueillie avec mépris plutôt qu'avec une simple indifférence et pourquoi elle est périodiquement dénoncée plutôt que simplement rejetée ». le couplet de l'incompréhension est lâché. le poète est un incompris au mot, sans jeu de mots. Ce qui aurait été plus drôle. Suit aussitôt la question de la diffusion de ces oeuvres : « Un poète publié ? ». Comme si le fait d'être édité valait reconnaissance. Il faut dire que le traité date de 2016. Date à laquelle le « open source » n'existait pas encore de façon commerciale. Il y avait bien les tirages à compte d'auteur, mais la diffusion en restait très limitée, quitte à priver le public d'un génie méconnu. C'est un peu le paradoxe du chanteur-compositeur de cabaret et de la vedette de music-hall. Est-ce que la diffusion induit et favorise le talent ?
Le recours à l'empathie créée par l'émotion, comme il le suggère à propos de « poètes en fin de vie » ou « poètes non libres » ne change rien à la présence ou non du travail ou talent. Et d'embrayer sur les « récentes jérémiades très médiatisées ». Et de sortir la machine à gifles. Heureusement c'est destiné essentiellement à des américains. Cla va de de Platon à John Keats, de Walt Whitman à Emily Dickinson
Il examine aussi les poètes de l'Histoire à la recherche d'attitudes différentes envers la poésie. C'est ainsi qu'il présente Platon et sa caverne comme le premier ennemi de la poésie de l'histoire. Platon considère les poètes comme de dangereux menteurs parce que « les poètes sont des rhéteurs qui font passer les projections imaginatives pour la vérité et risquent de corrompre les citoyens de la ville juste ». Ou encore « Platon est un poète qui reste au plus près de la poésie car il refuse tout poème réel ».
Socrate ne vaut pas mieux, qui « essaie de défendre le langage comme média de la philosophie contre la déraison des poètes qui ne font qu'inventer des artefacts au lieu de découvrir des vérités authentiques ». « Socrate (« Celui qui n'écrit pas », comme disait Nietzsche ». En voilà deux rhabillés pour l'hiver rude hors Méditerranée.
Il nous emmène à travers la Révolution française et le déclin de la poésie au XIXe siècle alors que le roman devient l'étoile montante de la scène littéraire. « Même les défenses romantiques les plus passionnées de la poésie réinscrivent le sens de l'insuffisance des poèmes ». Même les poètes qu'il admire n'échappent pas à son ire. Leurs poèmes invoquent explicitement les limites du poème réel. « faisant de leur échec une partie intégrante des thèmes et de la prosodie mêmes de leurs poèmes ».
Lerner écrit encore : La poésie n'est pas difficile, c'est impossible ». Avec comme argument que la poésie n'est parfaite que lorsqu'elle n'est pas réalisée. « La poésie naît du désir d'aller au-delà du fini et de l'historique et d'atteindre le transcendant ou le divin ».

Résultat « Notre mépris pour un poème particulier doit être parfait, être total, parce que seule une lecture impitoyable qui nous permet de mesurer l'écart entre le réel et le irtuel nous permettra d'expérimenter, sinon un poème authentique […] du moins une poésie à la fois intellectuelle, déclarative, autoréflexive ».
« Je voulais rejeter tout dogmatisme en théorie et toute sclérose en organisation». Vaste programme.


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Vidéo de Ben Lerner
Le 19.11.18, chronique du ?Cavalier polonais? de Ben Lerner dans l'émission ?Des poches sous les yeux? (Radio Béton).
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