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EAN : 9782848050232
157 pages
Sabine Wespieser (13/05/2004)
3.29/5   7 notes
Résumé :
Un certain Felloni. Ferrare, 1943. Alors qu'il se rend à bicyclette à son poste de travail, Felloni est pris dans une embuscade fasciste. Sans rien comprendre à ce qui lui arrive, le jeune homme se retrouve peu après couché dans la neige, blessé, parmi d'autres agonisants. Dans ce temps suspendu qui s'ouvre entre la vie et la mort, les souvenirs affluent : la tendresse de sa mère, le gâteau aux châtaignes, l'odeur du tabac de son père, la pêche aux anguilles dans le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"Il flotte. Il divague dans ce beau mystère des âmes en sursis, cette fragile passerelle entre la vie et la mort."


"Il", c'est Andrea Felloni , il est couché dans la neige, sur un trottoir de Ferrare, le long d'un parapet.
Andrea Felloni, c'est un Dormeur du Val à sa manière, une autre symbolique de l'innocence assassinée quand il faut justifier les règlements de compte entre fascistes, quand il faut fusiller pour l'exemple alors que la folie est seul maître de la donne ...
Aux côtés des autres hommes arrachés comme lui à un quotidien fait d'habitudes, de trajets maintes fois répétés, de peurs maintes fois réprimées, surpris à l'aube d'une nouvelle journée de labeur, il s'éteint, doucement, et l'on voudrait espérer que le souffle de vie soit plus tenace, qu'il résiste encore un peu, que les ténèbres reculent, qu'ils s'éloignent, mais cet espoir est vain...



Alors Andrea Felloni se souvient, ou plutôt les souvenirs submergent l'esprit de celui dont l'âme s'envole, ses pensées tourbillonnent, ses sensations s'exacerbent.

Son enfance, les joies simples du petit garçon qu'il a été, les douceurs et l'amour incommensurable de sa mère, les caresses de la main qui protège et les saveurs des gourmandises dégustées. Les parfums des pâtisseries préférées et le son de la voix adorée comme autant de stations dans des souvenirs qui se bousculent.
C'est la vie, plus tard, sans celle qui l'a embellie, c'est l'absence avec laquelle il a dû composer.

C'est la tendresse rude des hommes, de son père, des amis, de ceux qui travaillent durement, qui réclament, se révoltent pour vivre et travailler plus décemment, mais c'était le temps d'avant, avant que cette houle de terreur ne déferle sur le pays...

Ce sont les moments apaisés des parties de pêche avec le père, c'est la contemplation du héron, cet oiseau majestueux et si digne dont il voulait se faire un ami… le héron, ce messager ignoré… l'oiseau en symbiose, comme le miroir de la vie qui murmure déjà pour se taire...

C'est la douceur de Sandra, sa belle, ses rires fusant quand il la promène sur le cadre de sa bicyclette, les projets, les rêves, l'avenir qu'ils tissent… et pourtant, Sandra lui a dit à sa dernière visite qu'elle ne viendrait plus...un peu comme une prémonition, un peu comme s'éloignent ceux qui devinent la souffrance qui se profile et qui la fuient sans en avoir conscience… Mais elle reviendra, Andrea en est persuadé, sinon le soleil perdrait tout son éclat.

Et entachant tout cela, c'est l'ombre de la haine qui recouvre le pays, qui fait se dresser les hommes les uns contre les autres, qui fait dire à certains qu'ils sont les élus quand d'autres doivent être effacés. Ce sont les bruits de bottes qui remplacent, depuis de longues années déjà, les murmures du vent, qui font taire les pépiements des oiseaux.


Ce sont les heures qui s'écoulent avant qu'un camion ne vienne pour emporter les corps. Ce sont les battements de vie – mais n'est-ce pas plutôt une demi-mort ?- de cette petite ville qui balbutie devant l'horreur. Quand tous espèrent que l'un des leurs n'est pas allongé là, quand tous essayent de continuer à avancer dans les méandres égoïstes de leurs vies, quand les yeux qui se posent sur le trottoir - et les formes qui le jonchent – se dessilent et font décider d'un avenir plus responsable, plus digne, plus engagé…



De quelques lignes d'un récit de Giorgio Bassani, Michèle Lesbre écrit un texte qui fait vivre ces lieux d'Italie, Ferrare et forcément, d'autres personnages se faufilent dans les pages, comme autant de visions d'une époque si troublée… Micòl, surgie du roman "Le Jardin des Finzi-Contini", comme Andrea, part vers les ténèbres, Micòl comme Andrea contemple une dernière fois les paysages, les arbres et la nature et regarde virevolter ces flocons de neige aussi légers que les âmes qu'ils vont bientôt accompagner.

Comme toujours, la plume de cette écrivaine est talentueuse, acérée pour ce qu'elle dit, poétique même quand elle parle de la folie des hommes, surchargée d'émotion pour hurler ces vies sacrifiées dont L Histoire oublie si vite les noms.
Les innocents, toujours, se taisent, ce sont leurs bourreaux qui les entendent crier et détournent les yeux des regards qui deviennent le miroir de leur culpabilité niée.


Un très beau livre, bouleversant, qui résonne des notes de "Bella Ciao" pour se souvenir, toujours….
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Felloni se rend sur son lieu de travail dans le froid humide de Ferrare, lorsqu'il est brutalement arraché de sa bicyclette, collé contre un mur avec d'autres hommes et "ils ont tiré". On est en 1943 et un chef fasciste vient d'être tué.
Scène de vie ordinaire en temps de guerre, on appelait cela représailles. Felloni passait là par hasard. Son corps est dans la neige, ce sera une longue nuit pour lui qui se remémore ses souvenirs - on pourrait croire qu'il est vivant....on aimerait croire qu'il est vivant, c'est juste une longue agonie. "Mais ce n'est pas un jeu, c'est un crime, les corps couchés dans la neige ne se relèveraient pas".
C'est son enfance qui défile, le visage de ses parents, son amour pour Anna. Et la montée de ce totalitarisme impitoyable, la peur, le malheur, les larmes...Celui qui a tiré c'était un camarade d'école. Les souvenirs se mêlent sans vraiment de chronologie. La terreur provoquée par les chemise brunes qu'il rencontrait enfant lorsqu'ils envahissaient la ville. La mère qui leur faisait une vie heureuse, les parties de pêches avec son père, l'institutrice courageuse qui distribuait des tracts. C'est une longue déambulation immobile "Il flotte. Il divague dans ce beau mystère des âmes en sursis, cette fragile passerelle entre la vie et la mort."
Ferrare, sur le delta du Pô, est aussi un personnage de cette histoire. Mais cette nuit de 43, la barbarie est dans la ville. L'histoire en raccourci, la guerre dans les yeux d'un "presque" enfant qui se meurt, anonyme parmi les autres. L'auteur s'est servi d'un nom pour inventer une vie, elle nous dit dans sa postface sa visite à Ferrare, comment elle s'est imprégnée des lieux laissant en elles des traces pour l'écriture de ce roman.
Ces mots sont complétés par des dessins très épurés de Gianni Burattoni tonalité de gris, reprenant cette ambiance de mort qui hante ce récit. Cinéma et peinture se croisent aussi dans ce roman, Giorgio de Chirico avec sa vision prémonitoire de Ferrare . "les muses attendent. Elles attendent que le monde absurde et capable de tout sème la tempête" nous dit l'auteur pour qui ces corps dans la neige, que l'on n'enlève pas tout de suite, sont la douleur de la guerre, de toutes les guerres.

Un livre difficile d'accès, je me suis un peu perdue au début dans ce roman, n'arrivant pas relier les personnages entre eux. Pas facile de se mettre dans la tête de Felloni. Que faisait ce pharmacien à sa fenêtre? Peu à peu on entre dans l'histoire, et aussi dans L Histoire même si on des notions de cette époque, le rappel de la montée du totalitarisme n'est pas inutile. Un livre à relire après l'avoir terminé pour être au plus près de cet homme et de la tragédie. L'écriture est superbe. L'émotion à fleur de peau.

"C'était l'histoire des gens comme eux, des gens qui n'ont rien ou pas grand-chose et auxquels les fascistes voulaient faire croire que l'avenir était dans leur camp"

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
C'est aussi parce que le jour va se lever, comme le matin où Micòl était la dernière à sortir de la demeure pour cette destination sans retour, et que la neige éblouissait son regard éteint. "Je déteste les gens qui n'aiment pas les arbres" avait-elle dit un jour, pensant peut-être que rien de pire ne pouvait germer dans l'esprit des hommes que l'irrespect des arbres pour lesquels elle éprouvait une véritable passion.
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Alors Felloni pense à Sandra, il croit reconnaître sa façon de marcher, un sautillement d'oiseau, un bruit de feuille, un murmure.
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Corso Roma, quelque chose l'arrête. Elle se fige. Ce qu'elle voit de loin est impossible. Ils n'ont pas pu faire cela, ils n'ont pas tués ces hommes, ils ne les ont pas assassinés et laissés ainsi dans la neige comme des chiens crevés, des riens du tout. Dieu n'aurait pas permis une chose pareille. On ne comprend pas toutes ces volontés mais il y a des limites.
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Il n'y a bientôt plus qu'elle, un peu cachée derrière la statue de Savonarole, droite et figée dans le froid, soutenant le regard de la milice qui se méfie, pressentant que le désespoir allait surgir d'un coup, que le ville entière résonnerait de sa clameur...
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Il a pensé qu'on arrêtait encore des juifs. on pouvait lire sur presque tous les murs qu'ils étaient des étrangers, qi'ils devaient être traités comme tels, à cause d'eux les italiens mouraient sur le front.
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Vidéo de Michèle Lesbre
https://www.librairiedialogues.fr/livre/10978327-chere-brigande-lettre-a-marion-du-faouet-michele-lesbre-sabine-wespieser 5 questions posées à Michèle Lesbre qui nous parle de son livre "Chère brigande, lettre à Marion du Faouët" paru aux éditions Sabine Wespieser. Questions posées par Morgane Ollivier. Réalisation : Ronan Loup.
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