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sur 9355 notes
Il y a des livres indispensables. Celui-ci en est un et il n'est pas trop tard pour prendre connaissance de ce témoignage aussi essentiel qu'implacable. Alors que s'achèvent les cérémonies du souvenir à l'occasion des soixante-dix ans de la libération des camps d'Auschwitz, le récit de Primo Levi est là pour rappeler ce qu'il ne faudrait jamais oublier.

"Si c'est un homme" est le journal de captivité de l'auteur, déporté en tant que résistant en février 1944. le récit des onze mois passés dans l'un des camps de travail d'Auschwitz, dans des conditions que l'on n'ose même pas imaginer. Publié en 1947, ce n'est que bien plus tard qu'il suscitera l'intérêt et la considération qu'il mérite.

Si ce témoignage est tellement essentiel c'est qu'il est l'un des rares à avoir été livré si tôt, quand de nombreux survivants ont mis des années avant de pouvoir ne serait-ce que parler de leur captivité. L'auteur explique qu'il avait commencé à tenir ce journal "là-bas", écrivant et brûlant aussitôt les quelques phrases rédigées en cachette. Il dit aussi s'être efforcé de le livrer sans passion, en adoptant la position du témoin plutôt que celle de la victime.

C'est cette position qui donne sa force au texte, exposant les faits, racontant la lente marche du temps, observant l'humanité déserter peu à peu les êtres privés de leurs attributs humains. Primo Levi raconte onze mois de vie ou plutôt de survie, le système d'guidé par l'instinct de survie, la nécessité de comprendre l'organisation du camp pour tenter de préserver la moindre étincelle, non pas d'espoir mais de "moins pire". Il observe les comportements d'êtres traités moins bien que des bêtes, niés dans leur identité et dont la seule préoccupation est d'arriver à tenir debout malgré le froid, la faim, les épidémies favorisées par des conditions d'hygiène atroces. Et d'échapper aux "sélections", synonymes de disparition par l'énorme conduit de cheminée que l'on aperçoit de loin.

"La conviction que la vie a un but est profondément ancrée dans chaque fibre de l'homme, elle tient à la nature humaine. Les hommes libres donnent à ce but des noms bien différents, et s'interrogent inlassablement sur sa définition : mais pour nous la question est plus simple. Ici et maintenant, notre but, c'est d'arriver au printemps."

Par cette expérience, Primo Levi a eu accès à l'observation de la nature humaine dans ce qu'elle a de plus extrême, de plus instinctif. Il n'a quasiment pas rencontré de SS dans le camp car le système était conçu pour "tourner" avec une hiérarchie établie parmi les différentes catégories de prisonniers. Mais il a pu "apprécier" toute l'efficacité de cette terrible machinerie ; par des échanges de regards, de mots, de coups. Des comportements définitivement ancrés dans sa mémoire et qu'il nous livre de façon presque chirurgicale.

Un témoignage fort, un constat terrible sur ce que l'homme est capable de faire à d'autres hommes. A lire absolument.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Un livre au témoignage poignant sur les camps d'extermination, il faut juste le lire et ressentir toute la force de Primo Levi et ainsi se prosterner devant sa rage de survivre face à la « barbarie à visage humain ».
Un récit autobiographique aux paroles objectives et dépassionnées, sans rancoeur ni haine, qui force l'admiration devant l'absence de jugement de Primo Levi pour ces criminels nazis.

Un livre témoin qui rend hommage aux victimes,
Un livre témoin qui dénonce les bourreaux,
Un livre témoin qui réveille les mémoires,
Un livre nécessaire pour ne jamais oublier...

« Laisser parler les faits et surtout les morts ; survivant dont unique raison de vivre est de témoigner pour tous les morts ».
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Comme un grand nombre de lecteurs qui se rendent sur Babélio, je vais donner mon avis sur ce livre, avis qui ne va pas différer de la très grande majorité des critiques parues jusqu'alors, et certainement de celles qui vont suivre:
Ce livre est un chef-d'oeuvre de finesse, et pourtant le sujet qu'il traite n'est pas des plus romantiques. La vie dans un "Lager". Primo Levi nous raconte sa vie de Hâftling, que lui-même qualifie parfois d'expérience enrichissante dans ce milieu ou la mort rode à n'importe quel coin de baraquement. Et il le fait bien, très bien. Ce récit est poignant, dans tous ses chapitres, et si bien écrit, sans jamais tirer sur l'énemi, sur le nazi, et sur quelques prisonniers privilégiés.
Ce livre serait à faire lire à tous aujourd'hui, devrait être obligatoire dans les collèges ou lycées, parce que dans ce livre, Primo Levi nous démontre la valeur des choses, du simple morceau de tissu au quignon de pain, valeur des choses, qui, aujourd'hui, à l'heure du jetable et du gaspillage en tous genres n'est plus reconnue.
Quelle force de caractère pour écrire tout cela, après avoir autant souffert, en n'en garder presqu'aucune rancune.
Moment d'émotion intense, joie de lire, si c'était un homme est un grand livre, un très grand livre.
Dans l'édition que j'ai entre les mains (Laffont), il y a quelques suppléments intéressants, notamment l'appendice, qui regroupe les questions les plus souvent posées à l'auteur, et bien sur, les réponses. C'est tout aussi captivant que le récit lui-même.
M. Levi, vous n'êtes plus de ce monde, mais vous étiez un grand homme.

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Je sais qu'il va m'être difficile de mettre des mots sur cette lecture. Ce n'est pas de la fiction et je me vois mal commenter ou juger quoi que ce soit sur le témoignage d'un homme ayant vécu ce que je ne pourrai jamais comprendre.

Je voulais lire cet ouvrage depuis… mille ans, j'ai l'impression. En vérité, cela ne fait pas tant de temps que ça ; seulement depuis cette année scolaire, il me semble, car ce livre a été plusieurs cité durant mes cours. (particulièrement en HLP)
Mais voilà. C'est un des premiers témoignages de la Shoah (paru en 1947), devenu une oeuvre majeure. Un titre qui m'est si évocateur à présent… Je voulais le lire. Qui plus est, étant donné que je fais mon grand oral d'HGGSP sur le tourisme de masse à Auschwitz, disons que c'est un peu dans le thème, on va dire.

Je me suis rendu compte durant ma lecture que j'avais toujours un peu de mal à lire des témoignages, biographies ou récits issus de faits réels, dans le sens où cela me perturbe car je suis sans cesse en train de me répéter intérieurement que ce que je lis n'est pas de la fiction. J'ai tendance à l'oublier pendant de courts instants mais qui surviennent souvent. J'ai toujours cette habitude, évidemment, de lire beaucoup de fiction… ce qui fait que cela me heurte à chaque fois que de me rappeler la réalité de ce que je lis. de me répéter que le narrateur et chaque personne citée dans le texte ont bel et bien existé. Je ne saurais pas trop expliquer… c'est un sentiment un peu perturbant. ^^'

Toujours est-il que… que dire de cette oeuvre ?
Personne ignore aujourd'hui l'enfer de la Seconde Guerre Mondiale et de la Shoah. On en a tous.tes été informés à l'école, par les livres, les films, les documentaires… Cela dit, cet ouvrage ne peut laisser personne indifférent.
J'avais pris quelques notes durant ma lecture, mais finalement je ne vais pas les remettre ici ; je n'ai pas envie de m'attarder sur le contenu. (Juste rapide note sur l'appendice datant de 1976 : cette partie regroupe des questions qu'on lui a souvent posées avec ses réponses. J'ai beaucoup aimé cette section ajoutée au texte originel. Et ses derniers mots ont profondément résonné en moi de manière indescriptible.)

Tout ce que je tiens à dire, c'est que cet ouvrage est aujourd'hui devenu un Classique. Et il mérite de le rester encore et encore pour les générations à venir.
Sa plume, sa façon de décrire les choses, les évènements, de parler de l'indicible… peut-on vraiment s'autoriser à critiquer quoi que ce soit là-dessus ?

Il m'a été compliqué de noter cette lecture. Comment noter un témoignage d'un rescapé de la Shoah, hein ?… Comment un texte pareil peut-il se noter ? J'ai mis 5/5 pour Babelio, oui. Mais de mon point de vue, cet ouvrage n'est pas à noter. Je sais bien que sur Babelio, la note est seulement subjective, représentative de l'expérience que j'ai eue avec cette lecture. Mais je ne peux noter cette lecture sans noter cette oeuvre, et cette oeuvre… comment pourrais-je avoir un avis dessus, moi qui lisais et tournais les pages en étant confortablement installée dans mon lit le soir sous ma couette ? Si j'avais pu, je ne l'aurais pas noté. J'ai d'ailleurs vu quelqu'un sur Babelio qui ne l'a pas fait, tout en ayant quand même écrit une critique. J'aurais peut-être dû faire la même chose. Ce genre de lecture ne peut pas réellement se noter, après tout.

Ce témoignage est bouleversant, marquant. Nécessaire, aussi, bien sûr.

Bref. J'ai lu des chroniques incroyables sur cette oeuvre. Je ne peux pas les égaler.
Les mots me manquent.

On dit que Primo Levi s'est suicidé en 1987. Malgré le fait que ce soit l'opinion partagée par le plus grand nombre, j'aime croire à l'hypothèse de l'accident. En lisant Si c'est un homme, je n'arrive pas à croire à la théorie du suicide… Sans jamais l'avoir connu personnellement, je ne sais pas… Je n'arrive pas à me dire qu'il ait pu se suicider. Cela me semble… ‘faux'. J'aime penser au fait que cela ait été plutôt accidentel.
Ceci dit, on ne le saura jamais.
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« Si c'est un homme », le témoignage concentrationnaire de Primo Levi, tout le monde le connaît ou en a entendu parler au moins une fois.
Depuis longtemps, ce petit livre m'attendait dans ma bibliothèque. Monument de la littérature de la Shoah, j'ai toujours éprouvé une sorte de retenue respectueuse vis à vis de cet ouvrage. Et puis voilà, je me suis lancée, presque 72 ans jour pour jour après la libération des camps. A l'échelle de l'Histoire, c'était hier...

Son nom est 174 517 . Un « Stück » parmi d'autres, puis un Häftling au Lager de Monowitz, un des nombreux camps de concentration d'Auschwitz.
Arrêté en janvier 1944 par la milice, Primo Levi est déporté à l'âge de 24 ans à Auschwitz III, un camp de travail où sont regroupés les prisonniers travaillant pour la Buna, une usine de caoutchouc dirigée par les civils de la tristement célèbre IG Farben. Affamés, battus, munis d'outils rudimentaires et minimalistes, la plupart des prisonniers y mourait d'épuisement ou d'inanition suite aux mauvais traitements. Ces prisonniers étaient dans la grande majorité des Juifs mais on y trouvait également des détenus politiques et de droit commun. Mélange des origines, des langues et des niveaux sociaux.

Primo Levi sera détenu au Lager de février 1944 à janvier 1945, date de la libération du camp par les Russes. Il raconte, dans l'appendice du livre, qu'il a commencé à rédiger son récit alors même qu'il se trouvait encore détenu, lors de son travail au laboratoire de chimie. C'est donc un besoin urgent et nécessaire de raconter qui a fait de ce livre un témoignage brûlant, édité pour la toute première fois en 1947.

Ce récit est exceptionnel pour de maintes raisons évidentes. Pour ma part, ce qui m' a frappée est le langage sobre et dépassionné de l'auteur. Tout comme au Lager les émotions disparaissaient, Primo Levi a retranscrit son expérience de la même façon. Il revendique bien sûr le souci d'objectivité mais je ne peux que penser à lui, alors détenu, qui ne pouvait plus ressentir joie ou peine, espoir ou peur. Primo Levi écrit comme il a vécu au Lager.
Le Lager, monstre déshumanisant. Les SS sont à peine visibles, seuls apparaissent toutes ces formes fantomatiques : silhouettes décharnées, guenilles à rayures, sabots de bois pleins de boue, calots usés. Des formes qui portent, qui poussent, qui creusent, qui hissent, avec des épaules où saillent les os. Squelettes recouverts d'une fine peau, grise ou jaune. On n'a plus d'âge au Lager : les vieux sont jeunes et les jeunes sont vieux. On ne ressent plus rien au Lager car deux choses obsèdent les esprits et le corps : la Faim et le Froid. Une faim dévorante, un froid tétanisant. Pour survivre à ces deux fléaux, il faut avant tout penser à soi, comprendre le fonctionnement du Lager et développer son sens de la débrouillardise.

Au Lager, on ne pose pas de question, chaque jour est pris comme il est. Mais se contenter d'obéir, c'est la mort assurée dans les 3 mois. S'économiser, voler, négocier, trouver un protecteur, voilà peut-être une chance de durer un peu plus longtemps. La chance justement. Ceux qui ont survécu aux camps ont dû forcément en avoir un peu car la seule volonté ne suffisait pas. Primo Levi, alité à l'infirmerie au moment de l'évacuation, a réchappé aux marches de la mort. La mort l'a pourtant frôlé dans ces quelques jours où livrés à eux-mêmes, les quelques survivants vivaient au milieu des infections et des cadavres. Mais le jeune chimiste a survécu, s'est souvenu pour toujours et a transmis ce que fut le Lager.
Et étrangement, au milieu de ce récit de mort et de déshumanisation, ce'st l'Homme qui ressort. En lisant ce livre, je n'ai vu que lui et toute sa capacité d'être humain qui persiste, malgré tout.

Car « Si c'est un homme », comme Alberto, comme Lorenzo, comme Charles. Dans la nuit, dans le froid, dans la boue. Dans la souillure, dans la maladie, dans la souffrance. Il en est resté pour se redresser et se rappeler au souvenir d'homme. Il en est resté pour réciter sur le chemin de la soupe, maladroitement, des vers de Dante à un ami. Si c'est un homme, comme Primo. Lisez-le.
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Voilà un livre classique, enseigné même certaines années dans les écoles, et qu'il faut lire dans un juste état d'esprit. Il serait dommage que 70 ans après, on aborde cet ouvrage avec le respect religieux qu'on doit aux sanctuaires , ou aux grandes souffrances, car on voit bien aujourd'hui que ce respect religieux peut se changer facilement en haine ou en indifférence. Il n'est pas sûr que notre version française rende bien justice au raffinement de l'italien de l'auteur.

L'auteur fait face aux souvenirs pénibles de sa déportation avec la foi absolue dans le caractère salvateur de la raison, de l'ordre du récit, de la capacité humaine à surmonter les épreuves grâce à l'intelligence. Ce qui lui arrive, à lui et au peuple dont il fait partie malgré lui, ne perturbe pas une foi religieuse qu'il n'a pas, ni ne remet en cause un ordre cosmique et providentiel en lequel il ne croit pas. Il ne croit pas non plus dans le destin particulier du peuple juif, qu'il découvre seulement au moment de partager sa déportation et son extermination. Il affronte l'épreuve du souvenir en humaniste, et cet humanisme lui permet d'écrire cette expérience humaine en projetant sur elle les lumières de la raison, mais pas de la conscience juive élaborée au cours de l'histoire. C'est ce qui explique la proximité de ce récit avec l'essai, l'analyse intellectuelle, plus qu'avec l'autobiographie. L'émotion y est maîtrisée, les sensations décrites avec précision, le "nous" du collectif l'emporte sur le "je" du moi souffrant. Le sommet du livre est atteint, je crois, dans les chapitres sur Dante et Ulysse reprenant la mer : c'est là ce que l'auteur pourra exprimer de plus personnel, mais ce sera toujours de cette même façon pudique et indirecte.

Donc, l'aspect métaphysique de cet événement que fut l'extermination du peuple juif n'est pas à chercher dans le livre de Primo Levi, qui se situe toujours à hauteur d'homme, d'homme au sens étroit que lui donne l'humanisme athée occidental. C'est sa grandeur et sa limite.
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Peut-être le plus connu des romans de survivant de la shoah, du moins un des meilleurs, des plus littéraires. Pourtant, Primo Lévi ne cherche pas à construire un récit complexe, on assiste, chronologiquement, à son arrivée à Auschwitz,à sa survie au jour le jour puis à la fin et à la libération.
C'est surtout les petits détails, les humeurs, le temps auxquels il s'attache, avec son sentiment sur le moment et après, quand il voudra raconter.
On s'attache, comme lui, à ceux qui vont mourir, à l'art ou à la poésie qui survivent eux aussi en enfer, aux regards, mais on souffre aussi des coups, du ciel bas, de l'odeur du crématorium. le texte est brut, il se veut un témoignage, comme l'explique l'excellente préface et comme lui, on se dit qu'il faut raconter cette histoire pour ne jamais oublier.
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"L'homme est un loup pour l'homme."

Bien sûr, je savais dans quoi je me lançais.
Des livres traitant de la Shoah, j'en ai lu... beaucoup. Différents angles, différentes approches, différents points de vue...
"Les bienveillantes" de Jonathan Littell est sans doute un de ceux qui m'a marqué le plus.

Cependant, les témoignages de survivants des camps ne sont pas si nombreux. (Du moins, c'est ce que je pensais jusqu'à ce que karmax211 a gentiment commenté mon billet en me proposant une liste dont quelques noms auraient dû me revenir, pardon.) Je pense bien évidemment à "La Nuit" d'Élie Wiesel et ce témoignage de Primo Levi.
Difficile, voire impossible pour moi de rédiger une critique sur ce témoignage. Aucun intérêt à parler de style d'écriture puisque le sujet n'est pas là. C'est juste un livre à lire une fois dans sa vie. Pas trop jeune, il faut attendre un certain âge, je pense. Avoir un peu de vécu. Il y a un âge pour lire Anne Frank (tout aussi indispensable) et un peu plus tard, Primo Levi.
J'espérais naïvement trouver au fil des pages un peu d'entraide et de solidarité mais, non. Arrivé à un tel degré de déshumanisation, il n'y a plus de place pour ça non plus.
Description absolument folle du dernier pendu (pages que je n'oublierai pas de sitôt.) "Camarades, je suis le dernier."

Au fil de la lecture, je revoyais mentalement l'image d'une synagogue en feu, générique de la série télévisée de la fin des années 70, "Holocauste", inspiré du livre de Gerald Green. Je revoyais Karl, campé magistralement par James Woods, l'artiste, a la recherche de papier et de morceaux de charbon pour faire ses croquis et laisser lui aussi, son témoignage.
Se souvenir, ne jamais oublier... Pour éviter que ça ne recommence? L'histoire récente, ici ou ailleurs nous montre que c'est beaucoup plus compliqué.
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Il y a des livres dont on sait qu'il nous faut les lire. Celui-ci était sur mes étagères depuis très très longtemps mais il faut choisir le moment pour le lire car on sait qu'on ne ressortira pas indemne, même si l'on connaît les faits, qu'on a déjà lu des témoignages entre autre celui de Simone Veil, que c'est une plaie qui ne se refermera jamais.

Au moment où je rédige cette chronique je ne peux m'empêcher de songer qu'il y a des coïncidences (et ce n'est qu'une coïncidence) troublantes. En rentrant hier soir d'un comité de lecture, j'apprenais que Marceline Loridan-Ivens, autre voix-témoin des atrocités des camps de déportation, nous quittait. Comme Simone Veil, Primo Levi et elle (et d'autres anonymes ou non) oeuvraient inlassablement pour que l'on n'oublie pas, jamais.

J'ai refermé ce livre avec un profond sentiment d'indignation vis-à-vis des bassesses humaines. Jusqu'où peut aller la folie humaine, les atrocités perpétrées par certains qui au-delà des souffrances physiques vont jusqu'à s'attaquer à l'âme de l'homme, le ramener plus bas que terre, n'être plus rien, transparent, ignoré, n'être plus qu'un numéro 174 517 tatoué sur la peau qui, même pour les survivants, restera la trace de leur passé.

Ils nous enlèveront jusqu'à notre nom : et si nous voulons le conserver, nous devrons trouver en nous la force nécessaire pour que derrière ce nom, quelque chose de nous, de ce que nous étions, subsiste. (p34)

Marquer des êtres humains comme on marque un troupeau et encore ceux-là avaient une petite chance de survie d'un jour, quelques jours..... Les courts numéros étaient peu nombreux à son arrivée. Tenir un jour de plus relevait de l'exploit, de petite magouilles, d'entraide et parfois de haine et Primo Levi narre de façon presque urgente, comme si ce genre de souvenirs pouvaient s'oublier (Si c'est un homme a été publié 2 ans après sa sortie du camp).

La redoutable sélection, ceux qui vont rester, ceux qui vont disparaître,  les exécutions, la potence, les travaux inhumains dans le froid qui finissent de détruire les corps qui n'ont déjà plus l'apparence d'êtres humains, la Faim omniprésente, trouver un peu plus que l'ordinaire pour tenir, pour ne pas faire partie des faibles qui disparaîtront à la prochaine sélection, les rivalités, les kapos et puis l'attente insoutenable des libérateurs, sans pratiquement aucune ressource. le compte à rebours est lancé : qui les verra, qui vivra ce jour tant attendu et après......

Primo Levi veut rendre hommage à tous ceux qui n'en sortiront jamais et à ceux qui une fois sortis, n'ont pas survécu parce que le passé encore trop présent, parce que le passé a laissé trop de traces, trop de douleurs, parce que même pour l'auteur survivre a été un combat à l'époque mais aussi après (il s'est suicidé en 1987).

Le récit se divise en deux parties : son arrestation, le voyage vers l'enfer, l'arrivée, la découverte et la vie dans le camp. le processus d'annihilation totale des êtres humains est extrêmement bien restituée, disséquée : la méthode, la dureté des traitements, la lucidité du narrateur sur son environnement.

Les loques ne se révoltent pas. (p288)

Primo Levi a ensuite jugé intéressant de partager dans un appendice à la fin du livre les principales questions qui lui étaient posées lors de conférences ou de rencontres afin de témoigner, d'expliquer inlassablement, ce dont il avait été témoin afin d'espérer qu'un jour cela ne puisse pas se reproduire.... Il explique parfaitement pourquoi et comment les nazis pensèrent et mirent en oeuvre l'anéantissement des juifs, les peuples connaissaient-ils l'existence de ces camps, a-t-il retrouvé des survivants qui partageaient son bloc.

J'ai trouvé intéressant sa réponse à la question :

On ne trouve pas trace de haine à l'égard des Allemands (...) ni même de désir de vengeance. Leur avez-vous pardonné ?
La haine est assez étrangère à mon tempérament. Elle me paraît un sentiment bestial et grossier, et dans la mesure du possible, je préfère que mes pensées et mes actes soient inspirés par la raison ; c'est pourquoi je n'ai jamais, pour ma part, cultivé la haine comme désir primaire de revanche, de souffrance infligée à un ennemi véritable ou supposé, de vengeance particulière. (p277)

On ressent à la fois l'implacabilité des faits, l'absurdité (parfois avec une pointe d'humour) de certaines consignes, certains réglements, l'humiliation permanente, la faim, le froid, la promiscuité,  ne nous faisant part uniquement de ce qu'il a vécu, vu, entendu, se jugeant privilégié car ayant survécu grâce à sa formation de chimiste qui lui a permis les derniers mois d'avoir un poste "enviable" dans le camp, de tenir mais aussi la douleur, un sentiment de culpabilité qui l'envahissent petit à petit, car au-delà du quotidien du camp c'est aussi un regard sur notre humanité, ce que l'homme peut devenir : bourreau, victime.

Ce livre est un témoignage écrit dans l'urgence de faire connaître au monde l'horreur, il n'y a pas une recherche d'écriture, la construction du récit est chronologique, dans la restitution d'un vécu, comme un journal des 9 mois vécus à Auschwitz et comme il le dit lui-même dans sa préface :

J'ai eu la chance de n'être déporté à Auschwitz qu'en 1944, alors que le gouvernement allemand, en raison de la pénurie croissante de main-doeuvre, avait déjà décidé d'allonger la moyenne de vie des prisonniers à éliminer, améliorant sensiblement leurs conditions de vie et suspendant provisoirement les exécutions arbitraires individuelles (...) Il me semble inutile d'ajouter qu'aucun des faits n'y est inventé. (p7-8)
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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Primo Levi s'installe à Milan en 1942 après des études de chimie. Engagé dans la résistance, il est arrêté puis déporté en février 1944 à Auschwitz. Dans le camp d'extermination, il subira des violences qui ne doivent pas être oubliées et c'est pour cette raison qu'il nous raconte son expérience dans Si c'est un homme.

Ce livre est un message fort à destination du lecteur, car Primo Levi ne confond pas la fonction de témoin et de juge. Il reste toujours extrêmement neutre dans son analyse "Je pensais que mes paroles seraient d'autant plus crédibles qu'elles apparaîtraient plus objectives et dépassionnées ; c'est dans ces conditions seulement qu'un témoin appelé à déposer en justice remplit sa mission, qui est de préparer le terrain aux juges. Et les juges, c'est vous." Ainsi, le récit de Primo Levi est plus touchant, car le lecteur se forge sa propre opinion, sans que l'auteur ne lui mette son avis en tête.

J'ai trouvé intéressante l'approche de Primo Levi de son expérience à Auschwitz : il met l'accent sur la notion d'humanité. À de multiples reprises, il nous prouve que le camp avait déshumanisé tous ses prisonniers. "Celui qui tue est un homme, celui qui commet ou subit une injustice est un homme. Mais celui qui se laisse aller au point de partager son lit avec un cadavre, celui-là n'est pas un homme. Celui qui a attendu que son voisin finisse de mourir pour lui prendre un quart de pain, est, même s'il n'est pas fautif, plus éloigné du modèle de l'homme que le plus fruste des Pygmées et le plus abominable des sadiques." Pour survivre au camp, les détenus devaient sans cesse essayer de voler les rations des autres ou effectuer d'autres actions immorales, impensables dans la vraie vie, mais c'était pour eux le seul moyen de survivre.

Tout cela fait que Si c'est un homme est un livre à lire. Contrairement à d'autres témoignages de survivants de la Shoah, on ne retrouve aucune haine dans le texte ou de désir de vengeance. de plus, Primo Levi analyse de manière remarquable les comportements des prisonniers des camps et c'est ainsi que j'ai pu mieux comprendre la terrible histoire de l'Holocauste. C'est pourquoi je vous recommande vivement de lire Si c'est un homme, si vous aussi souhaitez en savoir plus sur les camps d'extermination.
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