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sur 3787 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pourquoi j'ai mangé mon père, c'est l'histoire de l'évolution du point de vue d'un évolutionniste. Mais pas n'importe lequel ! Un homme de terrain. Ou, plutôt, un subhomme de terrain. En effet, cette fiction décalée, intelligente et délirante, suit une horde d'homo erectus à l'époque où, à peine "erectus", péniblement "homo", l'homme en a tout juste fini d'être un singe. Et tout le monde n'est pas raccord sur la route à prendre.

-Back to the trees ! s'écrit régulièrement le vieil oncle Vania, le réac de service que toutes les nouveautés consternent. Marcher, soit. Manger de la viande, enfin ! Son estomac fragile se révolte contre cette nouvelle mode contre-nature : il digérait mieux les fruits et les baies, et passer son temps à mastiquer, merci bien. Quant au feu ! D'ici à ce qu'on crame toute la forêt, il n'y a qu'un pas. Il grogne et tempête comme le pépé bougon qu'il est, venant tout de même se réchauffer les patounes autour du foyer familial.

C'est Edouard, le chef de horde, père du narrateur Ernest, et inventeur de génie, qui mène avec enthousiasme son petit monde vers un futur étincelant. Progrès technique, progrès social, progrès intellectuel ! Son programme est vaste, ses exigences lourdes, et la horde traine souvent des pieds — bien qu'elle s'habitue avec une facilité déconcertante aux conforts du quotidien que lui apportent les inventions d'Edouard…

Un roman drôle et étonnant : la narration est celle de scientifiques d'aujourd'hui, et nos hommes et femmes des cavernes sont très bien informés sur ce qui précède et suit leur bref passage sur cette terre ; ainsi Edouard, un pithécanthrope vivant au pléistocène moyen (ses mots) est-il dévasté lorsqu'il découvre qu'il existe encore des hypparions : il pensait qu'on en était plus avancé dans l'évolution.

Une lecture légère et instructive, pleine de second-degré ; on rit pas mal.

Anachroniquement vôtre,
Bonne lecture.
Lien : http://allezvousfairelire.co..
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Soudain, surgissant des ténèbres où campent les fauves affamés, un homme et un tison brûlant viennent porter secours à une humble tribu et, plus encore, à toute l'humanité. Voilà la scène dans laquelle apparaît au lecteur, dans toute sa dimension créatrice, le Prométhée pléistocénien, voleur du feu non pas aux dieux mais aux volcans, le dénommé Édouard. Homo erectus de son état, Édouard dirige sa vie comme sa vaste famille, guidé par la seule nécessité de la survie, survie qui concerne l'ensemble des pithécanthropes présents et à venir. Inventeur de toutes choses et de tous concepts, Édouard est la personnification du génie humain, apte en tout et dont l'intellect représente l'arme ultime, celle qui va conduire, bien que ce ne soit pas inexorable, à la domination absolue de l'espèce humaine sur tous les autres espèces animales de ce vaste monde. Pourquoi j'ai mangé mon père est, de prime abord, le court mais grand roman des débuts de l'histoire humaine. Mais, gagnant le droit de régir le monde, les espèces qui le peuplent et les ressources qui y abondent, l'homme paraît se détacher de la nature ; se pose donc la question de la place de l'homme dans celle-ci, question à laquelle les hommes du Pléistocène, pas plus que nous, n'ont de réponse définitive.

Pourquoi j'ai mangé mon père est d'abord un formidable roman didactique pour comprendre, et se rendre compte de l'incroyable destinée de l'humanité. Évidemment, on ne saurait reprocher au roman de Roy Lewis l'accélération du temps ou encore la simplification des grandes lignes de l'évolution des hominidés, voire la certitude avec laquelle l'auteur traite tel ou tel thème et pour chacun desquels les paléoanthropologues émettent encore prudemment leurs hypothèses. Tout se déroule au sein d'une même famille, et sur la temporalité d'une vie humaine ; là encore, on ne saurait considérer sérieusement la proposition d'une succession d'événements uniques, marqués et identifiables dans le temps, qui auraient conditionné l'histoire humaine. Cependant conviendrons-nous du dynamisme de cette proposition et de sa commodité narrative. Là, d'ailleurs, n'est pas le sujet. le sujet est bien l'illustration, accélérée, contemporanéisée et donc didactique des débuts de l'histoire de l'humanité, ou la personnification de progrès qui mirent des centaines voire des milliers d'année à se concrétiser, et qui donnèrent à l'homme sa place dominante dans le monde. Ainsi les débuts du roman dépeignent l'homme comme un cousin du singe, bipède certes, mais guère armé physiquement pour faire face aux fauves ou aux grands mammifères, auxquels il doit bien, régulièrement, concéder quelques pertes. Fils et filles, frères et soeurs sont ainsi dévorés, encornés, écrasés par les forces vives de la savane, tandis que le reste de la tribu trouve refuge dans les branches des arbres. Back to the trees, clame Vania, le frère d'Édouard, auquel il oppose un conservatisme aux allures, parfois, de sagesse. Mais c'est bien en constatant l'effroi que provoque la foudre, et le feu qu'elle fait naître, sur tous les animaux, y compris les grands prédateurs, qu'Édouard comprend que la maîtrise du feu signifiera la sécurité pour son espèce. Roy Lewis fait de ce personnage une sorte de génie préhistorique dont le cerveau imagine sans cesse de nouveau axes de développement pour les pithécanthropes, n'oubliant jamais de philosopher sur, par exemple, la spécification des espèces - et l'incidence de celle-ci sur leur survie - ou de sa propre situation dans le temps long de la préhistoire.

La maîtrise du feu est un évènement fondateur : il garantit la sécurité aux hominidés, favorise la solidité de leurs outils de chasse, réchauffe les cavernes dont les hommes ont chassé les ours, permet la cuisson des aliments, laquelle dégage pour la création artistique et la réflexion intellectuelle le temps passé autrefois à l'unique mastication. Page après page, sautant en quelques lignes des milliers d'année d'évolution, le lecteur voit défiler les avancées technologiques, les sauts intellectuels (ainsi de l'ombre dessinée d'Alexandre, qui annonce, comme les peintures d'animaux qu'il a faites, le pouvoir magique conféré à l'art). le progrès permet non seulement de sauvegarder les vies - combien de soeurs et de frères capturés par les fauves ? -, mais aussi de détacher l'homme de ses fonctions purement liées à la survie : l'homme ne s'élève plus seulement en groupant dans les arbres pour sauver sa vie, mais il s'élève intellectuellement pour la rendre plus douce. Et, ouvrant ainsi une porte, sa vivacité intellectuelle s'alliant à une habileté manuelle et à de la curiosité, l'homme entrevoit pléthore de territoires physiques et savants à découvrir. Ainsi de la sociologie, lorsque Édouard, au désespoir de voir son espèce stagner - cela signifiant la mort -, force ses fils à une exogamie devant laquelle ils protestent, voyant désormais de supposés insurmontables murs s'opposer à leur reproduction sexuée. Sans faire oeuvre de paléoanthropologue, Roy Lewis pose toutefois, chez son lecteur, les jalons dune curiosité intellectuelle pour cette période si vaste et si pleine de progrès que nous nommons indistinctement préhistoire. Plus encore, il évoque, par la bouche de son infatigable Édouard, les questionnements de ces hommes - et les nôtres, de la même façon - desquels nous descendons. Par exemple, lorsque Édouard pressent le caractère magique de la peinture, qui fera bientôt de l'homme le principal récipiendaire du message de Dieu, l'homme pouvant, par des usages, des rites, communiquer avec des forces invisibles et surnaturelles. Ou encore lorsque Édouard, interrogeant son frère revenu d'un voyage réellement planétaire, s'inquiète de ces autres espèces hominidées - l'homme de Pékin, l'homme de Neandertal - vouées, toutes, à laisser leur place à Sapiens Sapiens, dont quelques représentants tiennent le roman ou lisent cette critique.

S'élevant donc au-dessus de la mêlée animale, Édouard et ses fils commencent à éprouver la question existentielle qui taraudera et taraude encore bon nombre de leurs descendants : quelle place l'homme détient-il en ce monde ? Y a-t-il pour cette espèce aux origines simiesques une destinée manifeste à gouverner ce qui se trouve en ce bas monde ? Ou encore : l'homme est-il destiné à rester homme, ou peut-il devenir dieu ? le lion a ses griffes, l'hippopotame sa masse écrasante, la hyène sa rapacité ; l'homme a son cerveau. Avec cet outil, et le langage qui permet à l'homme de communiquer mais aussi d'appréhender son environnement, l'homme se détacher des autres espèces animales, jusqu'à posséder, potentiellement, un pouvoir sur le devenir du monde. C'est cette évolution, extra naturelle dirons-nous, qui inquiète Vania, le frère d'Édouard. le monde se plie à la volonté humaine dès lors que l'homme en maîtrise les lois. Légitimé par la survie, le progrès, par essence, ne peut être arrêté. C'est cette dimension réflexive qui parle d'ailleurs le plus au lecteur contemporain. Que ce soit les contemporains de la publication du livre, dans les années 1960, avec le danger atomique, ou nous autres dans un vingt-et-unième siècle avancé de deux décennies et inquiet de l'influence de l'homme sur le changement climatique, la question est la même : l'homme saura-t-il s'arrêter de lui-même avant que le monde ne s'effondre sous le poids du sacro-saint progrès ? L'optimisme d'Édouard, explicable par la satisfaction d'une perpétuation de l'espèce hominidée quasi assuré rappelle celui, plus béat, de certains de nos contemporains, assurés que le progrès nous sauvera à nouveau. On aimerait les croire. A défaut d'en être sûrs, du moins pouvons relire Pourquoi j'ai mangé mon père pour mesurer le chemin parcouru et se dire que, avec un peu de sagesse et d'intelligence, nous pourrions y parvenir.
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Contemporain de la célèbre série d'Hanna Barbera "les Flinstones "( ou plutôt chez nous " les Pierrafeu" au début des années 1960, ce sympathique roman qui joue à fond sur le décalage anachronique entre la lointaine Préhistoire et l'époque contemporaine devrait bien plaire à ceux qui adorent la série de Jul "Silex in the city" parce que les ressorts humoristiques sont vraiment les mêmes.
En nous présentant une famille traditionnelle de l'âge de pierre, Roy Lewis nous amuse en créant des personnages qui illustrent des problématiques intemporelles , telles le désir d'améliorer sa condition grâce à la technologie (Edouard le père), le refus du progrès (Vania l'oncle), l'envie de découvrir le monde (L'oncle Ian), mais aussi la relation amoureuse, l'introduction de l'art dans la vie quotidienne, la domestication des animaux...et j'en passe.
Tout ceci est raconté par Ernest l'un des fils qui nous relate son quotidien dans un langage particulièrement châtié et savoureux.
Ce roman est d'autant plus drôle qu'il est le premier à avoir exploité ce filon et qu'il a réussi le tour de force de transmettre en même temps des informations exactes sur la vie de nos lointains ancêtres ( je crois sur ce point sur parole Théodore Monod qui en dit "c'est le livre le plus drôle de toutes ces années, mais ce n'en est pas moins l'ouvrage le plus documenté sur l'homme à ses origines ")
Voici donc une lecture originale, distrayante qui amène cependant une réflexion salutaire sur la condition humaine et les défis qu'elle doit relever de tous temps.
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Ernest, le narrateur, fait partie d'une horde, composée d'Edouard, son père et chef de la tribu, de Mathilde, sa mère, de ses frères, Oswald spécialiste de la chasse, Tobbie chercheur scientifique et Alexandre artiste, et de nombreuses tantes et soeurs. Edouard n'a qu'un mot d'ordre pour cette tribu : le progrès. Il pousse donc tous les membres du clan à donner le meilleur d'eux-même pour améliorer leurs conditions de vie en faisant de nouvelles découvertes. Seul l'oncle Vania, vivant dans un arbre, s'oppose à lui et à ses idées tout en en profitant.

Dans un format court et dans un style original, Roy Lewis propose une réflexion sur l'évolution de l'homme pendant la préhistoire et ses conséquences. Ecrit dans le but d'être un livre grand public, sa lecture est facile et son ton humoristique.

Pour ma part, j'ai été assez déroutée par le vocabulaire de notre époque utilisé dans les dialogues comme dans la narration. Il en résulte de nombreux anachronismes qui augmentent l'effet humoristique du texte mais lui fait perdre sa crédibilité historique. Finalement on a l'impression que c'est une critique de notre société actuelle que propose l'auteur en opposant le progrès à tout prix symbolisé par Edouard et l'écologie représentée par l'oncle Vania. Il illustre comment l'intérêt du groupe et l'adhésion générale prévaut sur des considérations plus idéologiques.

Une lecture sympathique et divertissante qui permet de passer un agréable moment et incite à quelques réflexions mais ne pousse pas suffisamment loin les possibilités narratives à mon goût.
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Encore un roman que j'ai lu durant mon adolescence et qui m'a vraiment marquée.
Déjà parce que de part le sujet, il se démarquait vraiment de mes lectures de l'époque mais aussi par le style.
Je dois écrire la critique sur un souvenir (puisque l'ayant emprunté à une de mes tantes, je n'ai pas pu le relire depuis) et donc me baser uniquement sur mon ressenti à propos de ma lecture.
Je me souviens de ma réticence au vu du titre à ouvrir ces pages. J'ai même failli ne pas le lire ce qui m'aurait privée d'un excellent moment de lecture puisqu'au final je l'ai englouti en deux petits jours si je me souviens bien.
Il fait donc partie de ces romans qui m'ont littéralement absorbé et qui ont changé ma vision (très étriquée à l'époque) de la lecture. J'ai beaucoup ri et me suis passionnée pour l'intrigue et les personnages.
Je me souviens avoir trouvé le style d'écriture très original mais aussi très plaisant.
A relire à l'occasion.
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Un livre fameux qui nous montre que les modernités et les sociétés se ressemble.... Tragique et comique à la fois, il nous met face à qui nous sommes, et à ce que nous devenons....
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Edouard veut évoluer, c'est-à-dire descendre de l'arbre du haut duquel son père entend tout régenter. Fini les arbres et les légumes. Vive les grottes, l'eau courante, le feu et la viande. Au grand dam d'une certaine partie de sa famille, Edouard bouleverse le système vital de sa horde. Décidé à acquérir de nouvelles compétences grâce à de nouvelles expériences, il apprend entre autres choses que le feu n'est pas toujours un bon ami. Edouard a très à coeur de partager ses découvertes, au risque de se faire de nombreux ennemis.

Relu avec délices, ce livre est un récit initiatique à sa manière, et pourquoi pas un récit freudien, puisque le fils tue symboliquement le père. Avec de l'humour à chaque mot, les pages se dévorent à toute vitesse. Inutile de chercher des éléments véridiques ou de quelconques indices de la vie des hommes préhistoriques. Tout n'est que bouffonerie et absurdité sur fond de conte philosophique.
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Souvent entendu parlé, mais j'hésitai à lire à cause du titre.
Et quelle surprise ! J'ai aimé l'humour déjanté, mais assez fin parfois.
Des anachronismes amusants.
Cela m'a vaguement fait penser à "La Famille Pierrafeu".
L'on remarque ce livre a été écrit par un économiste, puis il y a une morale, un débat, peut-on dire sur le progrès et ce qu'il peut amener..
Oncle Vania et Edouard en débattent bien.
Je conseille, en plus ce livre a été au programme scolaire.
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Nous sommes à la préhistoire mais la réflexion et le parlé des personnages sont tout de même développés, sinon je me demande bien ce que ça pourrait donner. Une livre drôle et critique du comportement humain. Il m'a fallut un temps pour entrer dans l'histoire mais ensuite je l'ai dévorée
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Qui a dit que nos ancêtres étaient des êtres primitifs et ignorants? Ce roman explosif et plein d'humour vous montrera qu'il n'en est rien... Transposant aux temps préhistoriques des querelles modernes, Lewis dresse avec une extrême habileté un portrait satirique de notre société. Un retour aux origines tout à fait réjouissant!
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